Gendarmerie: un mois de formation militaire à Coëtquidan pour les élèves officiers de Melun

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Les 131 élèves officiers de la 129e promotion de l'Ecole des officiers de la Gendarmerie nationale de Melun sont actuellement en stage "chef de section" à l'Académie militaire de Saint-Cyr Coëtquidan. Ce stage s'inscrit dans le cursus militaire de leur première année de formation à Melun (photos AMSCC).

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Le général Laurent Bitouzet, commandant de l'EOGN depuis août 2021, les a accompagnés en Bretagne la semaine dernière (il est à droite sur la photo, en compagnie du général Hervé de Courrèges, commandant l'Académie).

C'était l'occasion de faire le point avec lui sur la formation des futurs officiers de Gendarmerie dans un contexte particulièrement exigeant et sur fond de guerre en Ukraine, pays où la Gendarmerie constitue la seule force militaire française déployée.

Qui formez-vous à l'EOGN?

L'EOGN regroupe quatre écoles de formation en une.
C'est une école de formation initiale au sens d'acquisition de la militarité.
C'est aussi une école de formation métiers; nous accueillons par exemple les Saint-Cyriens qui ont choisi la Gendarmerie comme école d'application et qui rejoignent pour a seconde année de la formation, les élèves qui sont entrés directement à l'EOGN.
C'est une école de formation continue où l'ensemble des officiers se forme dans leur parcours de carrière, selon leurs fonctions et leur commandement.
C'est enfin une école de formation partenariale tournée vers le monde extérieur, les entreprises et le continuum de sécurité

Comment s'incarne cette militarité?

Nous envoyons ici à l'Académie militaire de Saint-Cyr Coëtquidan les élèves qui sont rentrés à l'EOGN pour la première de leurs deux années de formation. Nous venons ici pour développer la formation au commandement.
Mais il est important de noter que nous nous inspirons de nos retex opérationnels qui, en matière de sécurité intérieure, sont quotidiens, avec une évolution des populations que nous avons à protéger et de celles qui deviennent par moment des adversaires. Ce qui veut dire que nous adaptons nos programmes de formation au regard de ces évolutions. Ces dernières années, entre des épisodes opérationnels du type Gilets Jaunes ou du type Covid, ou lors de l'expression d'une certaine opposition sur le terrain, dans la rue, il nous est apparu que les caractères de commandement, de rusticité et de résilience de nos personnels sont indispensables à travailler. Donc, c'est ce que nous venons chercher à l'Académie militaire de Saint-Cyr Coëtquidan. 

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L'officier de gendarmerie est-il seulement un militaire...?

L'officier de gendarmerie est tout d'abord un technicien juridique, technique et déontologique. Dans sa mission de sécurité intérieure, il est scruté au quotidien, lui et ses personnels, dans son action, dans ses gestes quotidiens, dans sa parole quotidienne. Il est sous l'oeil de caméras, de téléphones que tout le monde peut avoir sur lui.
Deuxièmement, c'est un acteur de la société: il est à la convergence des problématiques des administrations, des entreprises, des associations, des victimes et des auteurs, des collectivités territoriales. Dans ces deux ans de formation, il faut lui apprendre à comprendre le monde extérieur, à s'ouvrir à lui car c'est vers l'officier de Gendarmerie que se tourneront tous ces interlocuteurs.
Troisièmement, nous formons des chefs, ceux qui commandent, ceux qui auront à construire leurs décisions de commandement, ceux qui auront à décider, ceux qui auront à assumer ces décisions vis-à-vis de leurs subordonnées et des partenaires civiles que je viens de citer. Et pour ça, il faut passer par des formations pour le corps, pour l'esprit, pour forger la force de caractère qu'il faut aller puiser en se connaissant soi-même, en connaissant le groupe et en sachant comment on le mène dans des situations opérationnelles difficiles.

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Et la haute intensité? Est-ce un paramètre nouveau pour la Gendarmerie?

La haute intensité n'est pas une dimension si nouvelle. Ce qui importe surtout, au regard des temps un peu plus tendus que nous vivons, c'est le rôle essentiel du chef dans l'action quotidienne de la Gendarmerie qui protège sur le territoire. Ce chef doit savoir appréhender les situations de voisinage et de tensions, pour les gérer. On est dans un monde qui se regarde au lieu de se comprendre.  Aux gendarmes d'apporter de l'apaisement, avec un oeil médiateur et une hauteur de vue pour apporter la solution aux problématiques. 

Parlons cyber... Ces nouveaux outils et ces nouvelles menaces, comment sont-ils pris en compte?

La Gendarmerie n'est pas en retard dans ce domaine; elle continue de développer ses évolutions technologiques. C'est un enjeu essentiel; c'est la nouvelle révolution pour tous, pour les entreprises, pour la société. On en a pris conscience il y a finalement peu de temps mais cette révolution numérique, qui entraîne une révolution technologique, nous, forces de proximité au sein de la société, nous ne pouvions pas ne pas l'intégrer.
La Gendarmerie, c'est un maillage territorial, c'est plus de 3 000 brigades réparties sur le terrain. Si le gendarme, quand il agit, n'a pas un minimum d'approche technologique pour faire face aux évolutions de la société et s'il ne peut pas utiliser les nouveaux moyens qui lui permettent de mieux agir, il sera en retard. Donc on a ce développement continu qui saisit les innovations  et qui fait rentrer la Gendarmerie constamment dans une transformation pour répondre à cette révolution et aux enjeux du terrain. Un exemple: nous développons en interne le téléphone Néo 2 qui regroupe l'ensemble des dispositifs opérationnels et qui permet au gendarme d'agir en totale autonomie sur le terrain sans avoir à revenir au bureau, sans avoir à convoquer des gens; cela veut dire qu'on utilise la technologie d'aujourd'hui pour être au plus près de la population et répondre aux enjeux de sécurité. C'est possible par un développement technologique continu réalisé en autonomie ou en lien avec des entreprises.
Autre exemple: depuis deux ans, le directeur général a souhaité renforcer le recrutement d'officiers à caractère scientifique; à l'EOGN, la moitié de nos recrutements concernent désormais des diplômés d'origine scientifique. Idem pour le recrutement des sous-officiers et des officiers sur titre. Il s'agit d'alimenter les fonctions opérationnelles scientifiques, que ce soit dans la criminalistique, la chimie, la balistique, l'anthropologie, le cyber... 

Les retex d'Ukraine vous inspirent-ils des réflexions personnelles sur cette guerre?

Je fais trois constats.
Un: la Gendarmerie est la force militaire française qui est actuellement projetée en Ukraine. Depuis le début, nous menons deux missions. L'une de protection de nos emprises diplomatiques mais aussi de celles de pays européens et d'autres pays; ce sont nos gendarmes qui depuis le 24 février protègent, déplacent, déménagent les représentants de ces pays. L'autre en matière criminalistique qui témoigne d'un modèle assez abouti d'une force militaire  avec des compétences de police; le pole judiciaire de la Gendarmerie qui est projeté là-bas, sous l'autorité du procureur général d'Ukraine, pour constater, recueillir des éléments objectifs, des traces. Un laboratoire de traitement d'ADN a d'ailleurs été projeté sur des scènes de guerre.
Deux: la résilience et la résistance de la population. Cette action populaire de défense du territoire a surpris quand même tout le monde. Ce qui peut nous interroger sur le modèle de sécurité intérieure en France, sur notre conception de la défense opérationnelle du territoire. C'est l'intérêt d'une force militaire maillée sur le territoire, comme la Gendarmerie. Et c'est un vrai retour d'expérience et une vraie base de réflexion future. 
Trois: la guerre des perceptions. On est noyé par différents systèmes de communication et des médias différents, mais on est toujours dans l'attente de savoir réellement ce qui se passe sur place. Il faut toujours interroger les informations. Cette guerre des perceptions, il faut bien évidemment s'y préparer intellectuellement et se donner les outils pour y faire face.

 

 

 

 

 

 

 

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Publication : lundi 23 janvier 2023