Externalisation: quelle place pour les acteurs civils dans une stratégie de défense globale?

flamme.pngLe comité d’éthique de la défense s'est penché récemment sur la place des acteurs civils dans une stratégie de défense globale. "La question du rôle des civils dans les opérations militaires et comme acteurs dans une stratégie de défense globale se pose du fait de la profonde transformation du contexte géopolitique", estime le comité, sans mentionner l'impact des sous-capacités chroniques des institutions militaires et sécuritaires sur le processus d'externalisation.

Il a donc abordé la question de l'externalisation d'un certain nombre de prestations à des acteurs privés et il a tenté de préciser le rôle qui pourrait être confié aux ESSD (entreprises de services de sécurité et de défense). 

Dans un document daté du 31 mai 2024, il a émis un avis basé sur 8 principes (voir principes 4 et 5 sur la question du recours au monde civil en matière de défense et de sécurité) et formulé 14 recommandations (voir les recommandations 5, 6 et 7) sur les ESSD.

Il recommande:
-de privilégier "une approche en termes de complémentarité, de soutien et d’influence et en excluant toute logique de substitution ou de délégation",
- d'interdire "toute banalisation de l'état militaire",
- et de faire "obstacle à une délégation de la force des armes à des personnes non assujetties à l'état militaire."

S'il rejette toute "privatisation de la guerre" et tout "recours à des entrepreneurs de guerre" (entrepreneurs dont l'avis du comité ne précise en rien les activités), le comité considère néanmoins que "le transport et la logistique, la formation de militaires étrangers, la protection d’emprises, le déminage de zone, la sécurité des certains intérêts français à l’étranger, voire le renseignement général (spatial, aérien ou sous-marin) semblent des secteurs d’intérêt où la complémentarité trouverait le mieux à s’exercer, dès lors que les actionnaires et le personnel de ces entreprises présenteraient toutes les garanties de fiabilité et de compétence."

On reste confondu devant tant de sagacité et de clairvoyance! Le comité d'éthique n'a visiblement aucune idée de ce qui se pratique déjà (et depuis longtemps) au sein des institutions militaires et sécuritaires françaises. Il n'a assurément pas mesuré les recours nombreux aux entreprises privées qui fournissent des prestations dans les domaines de la formation, de la logistique, de la sécurité, du renseignement, tant sur le territoire national qu'à l'étranger. Il a ignoré toute une littérature contemporaine pertinente (livres, études, articles) qui témoigne des pratiques d'externalisation déjà en cours suscitées par les sous-capacités temporaires ou durables des forces armées et des forces de sécurité. Il a surtout affiché une méconnaissance du milieu des prestataires de service français dont l'expertise est notoire mais les moyens souvent réduits par le manque de reconnaissance étatique, la faiblesse de la commande publique et le manque de soutien des organismes financiers. 

Le comité d’éthique de la défense a été installé le 10 janvier 2020 par la ministre des armées. Il est chargé d’éclairer par ses avis et recommandations les autorités politiques et militaires sur les questions éthiques soulevées par les évolutions de la fonction militaire, les mutations de la conflictualité et les innovations scientifiques et technologiques dans le domaine de la défense. Il est composé de 18 personnalités qualifiées nommées par le ministre des armées. Leur mandat est de 3 ans, renouvelable une fois.

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Publication : lundi 10 juin 2024