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Casse gueule garanti: qu'est-ce que "l'art opérationnel"?


Tancrède
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Les armées de la 2ème moitié du XIXème siècle sont bien plus grandes

hum j'ai du mal avec ce concept

si Iéna ou Austerlitz sont effectivement des "petits" engagement, Leipzig par exemple engage pret de 520-530 000 hommes, Borodino c'est environ 250 000 hommes

quand on compare à Solférino (320 000 hommes), Sedan (320 000 hommes) y'a pas de différences si majeures que cela

alors certes y'a des monstres de batailles (Sadowa : + de 420 000  hommes les 2 camps cumulés) mais y'a aussi des batailles à echelle plus faible (Langelsaza, San Fermo, Magenta)

et je ne parle pas des engagements de la guerre de Sécession ou les troupes cumulées des 2 camps ne dépassent pas 180 000 pour la plus grosse bataille comme Gettysburg

après si tu parles de l'organisation administrative des armées en tant que corps permanents je suis d'accord

mais sur le terrain on a encore pléthore de "petits engagements" qui auraient pu faire ressortir des chefs de corps (regiments/brigades voir corps d'armée)

or cela n'a pas été le cas

peut etre qu'il manquait aussi des génies comme le Corse, Soult  Berthier ou Davout

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C'est pas des communications par radios ou satellites, ni même des procédures standardisées d'éducation des officiers, mais en un certains sens, c'est bien plus efficace que ça, surtout chez un Napoléon qui répétait à l'envi que la guerre reposait aux 3/4 sur els équipes de travail et les relations interpersonnelles, et pour un quart seulement sur les effectifs et le matériel.

C'est particulièrement vrai, c'est une phrase qu'on devrait retrouver dans tous les livres d'histoire militaire plutot que tel ou tel matos.

Le grand drame de 1870 (qui commence à apparaitre dans les grandes batailles napoléoniennes de 1813) est la dispersion et la taille accrue des armées qui rend un tel contrôle direct impossible. Le commandement décentralisé fonctionnant par directives vagues est devenu indispensable, ce qui était très problématique dans une armée massive et anonyme où il n'y a ni relations personnelles ni habitudes de travail communes qui permettent à un subordonné de savoir comment pense son supérieur et qu'est ce qu'il attend réellement de lui derrière un ordre.

Je vais encore digresser en espérant que personne ne fuira  :lol: et prendre l'exemple du cas allemand entre 1870 et 1914 pour donner une approche.

Une approche pour résoudre ce problème a été la création du GeneralStab, un corps d'officiers partageant la même doctrine resserrée de telle sorte que si deux officiers du corps ne se connaissent pas personnellement, ils agiraient de la même manière dans la même situation.

Ce corps était très réduit en nombre (seulement 2% de membres permanents par rapport à tous les officiers d'active) et destiné à occuper des positions clés un peu partout dans l'armée de façon à imposer la même doctrine partout:

- Un pour chaque division, qui était en fait le bras droit du commandant de la division ou son "junior partner" et partageait la responsabilité entière de toutes les décisions à égalité avec le commandant (qui tranchait au final). Par ailleurs, même si son rang était inférieur, il n'était pas subordonné au commandant et ce dernier ne pouvait pas nuire à sa carrière (il ne dépendait que du generalstab).

- Trois par QG de corps.

Ajoutons que les officiers du "generalstab" étaient promus plus rapidement et avaient beaucoup plus de chances d'occuper un rang élevé dans l'armée à la fin de leur carrière (y compris pour des postes non spécifiquement "generalstab").

Tous passaient par l'académie de guerre pour entrer dans ce corps (après un sélection très difficile) et ont une formation qui met beaucoup l'accent sur l'art opérationnel et la tactique, sans entrer dans le travail de staff ou dans des sujets académiques généraux, la logistique et l'administration étant des voies de garage pour ceux qui échouent à entrer au GeneralStab à la fin de leur formation. Le défaut de cette formation est que les difficultés logistiques étaient largement ignorées par les officiers du General Stab qui trustaient les postes de commandement suprême.

C'est notamment le reproche fait au plan schliffen, qui à force se concentrer sur la réalisation opérationnelle de la bataille de Cannes version extra-large, a complètement ignoré les conséquences diplomatiques de l'invasion de la belgique et les difficultés logistiques (certains commentateurs affirment que même la bataille de la marne gagnée, l'offensive allemande se serait arrêtée par épuisement logistique).

(source "command or control?[...]" sammuels)

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Leipzig par exemple engage pret de 520-530 000 hommes

En effet et cela a posé problème à napoleon, au sud il remporte personnellement quelques succès les premiers jours, mais ailleurs la bataille tourne à un assaut frontal (les alliés ne pouvaient espérer une meilleure coordination) contre une défense en ligne qui entraine une boucherie pour les deux camps.

Etant donné son infériorité numérique, cette bataille d'attrition ne pouvait pas tourner à son avantage malgré ses quelques succès.

Le problème de la coordination impossible est le aussi la cause de l'échec des deux offensives sur Berlin, ce qui rend l'empereur furieux n'est pas la bataille perdue à grossberen que la décision de retraiter qui s'ensuit, alors que l'empereur attendait qu'oudinot insiste. De la difficulté d'interprétation...  =)

, Borodino c'est environ 250 000 hommes

Là encore on est dans la bataille d'attrition par assaut frontal, loin du schéma des grandes victoires de napoleon.

quand on compare à Solférino (320 000 hommes), Sedan (320 000 hommes) y'a pas de différences si majeures que cela

alors certes y'a des monstres de batailles (Sadowa : + de 420 000  hommes les 2 camps cumulés) mais y'a aussi des batailles à echelle plus faible (Langelsaza, San Fermo, Magenta)

Pendant la guerre d'unification italienne les batailles resteront très napoléoniennes (et meutrières), du fait d'un commandement très médiocre des deux cotés.

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hum j'ai du mal avec ce concept

si Iéna ou Austerlitz sont effectivement des "petits" engagement, Leipzig par exemple engage pret de 520-530 000 hommes, Borodino c'est environ 250 000 hommes

quand on compare à Solférino (320 000 hommes), Sedan (320 000 hommes) y'a pas de différences si majeures que cela

alors certes y'a des monstres de batailles (Sadowa : + de 420 000  hommes les 2 camps cumulés) mais y'a aussi des batailles à echelle plus faible (Langelsaza, San Fermo, Magenta)

Déjà une différence: les agencements d'unité, eu égard aux portées de tir, sont accrues, et pas que d'un peu: les armées du XIXème doivent plus se dilater quand elles se déploient en bataille. La coordination des corps sous Napoléon était surtout là pour pouvoir avoir un "dispositif de campagne", à une époque où beaucoup d'armées raisonnaient encore en "ordre de marche" et "ordre de bataille" pour une armée mise en campagne; Napoléon conçoit à un nettement plus haut degré que la vraie bataille.... C'est la campagne. Même si évidemment, il recherche, LA bataille dans une campagne, celle qui impactera en une fois très lourdement la principale concentration adverse, de fait il réfléchit à l'échelle de la campagne: les autres le font aussi, mais vraiment pas au même degré ni avec la même efficacité, ce qui se traduit par l'absence d'une culture d'EM central et d'EM subordonnés qui sont encore largement des improvisations de dernière minute, en sous-effectifs et sous-qualifications, où beaucoup de postes et places sont attribués au relationnel entre élites. La culture du commandement est aussi fortement dépendante du régime politique. En 1870, c'est l'inverse: le népotisme et l'incompétence "recherchée" (mépris pour la logistique et la planification, confusion opérationnel-administratif....) des EM sont côté français :-[.

Ensuite, il faut plus "ventiler" la répartition et l'usage des effectifs, surtout au regard du temps et des distances, et relativiser le tout spécifiquement au regard de la tare culturelle des généraux du XIXème siècle: ils essaient d'avoir de tels dispositifs en main précisément comme ils le lisent dans les bouquins, voire l'ont vécu eux-mêmes vu la durée de vie des vétérans de la période napoléonienne qui infectent tous les EM jusqu'à la guerre de 1870. Quand la question "à quoi DOIT ressembler une bataille aujourd'hui", ils répondent "une bataille, ça ressemblait à ça et ça y ressemblera toujours": ils ordonnancent donc volontairement leurs dispositifs comme ils l'ont toujours vyu faire, alors même que tout le reste a changé, à commencer par la puissance de l'artillerie et des fusils. Et la culture de la confiance et de la délégation n'existent pas. Résultat, dès qu'il faut manoeuvrer, ça refait des alignements napoléoniens compacts et serrés.

A Borodino ou Leipzig, les 2 immenses batailles de l'empire (exceptions plutôt que règles), qu'y a t-il? 2 batailles assez "statiques" où précisément personne ne peut réellement contrôler en grand ce qui se passe et se contente d'aligner et d'étirer des troupes. Leipzig, c'est même plutôt 3 batailles au sens géographique. Napoléon lui-même a du mal à "contrôler" plus de 80-100 000h. S'il est un maître pour "manier" plusieurs corps d'armée sur l'échiquier d'une carte, et s'il est aussi un grand capitaine pour commander une bataille, la taille atteinte par les armées de la 2ème période de l'empire fait que la bataille elle-même est soit un gigantesque bordel où il y a de fait plusieurs batailles, soit un affrontement plus ordonné et mobile, mais où une forte part de l'effectif.... Reste en réserve.

Quand 2 armées sont à 1 jour l'une de l'autre, c'est sans doute là que commence à se perdre le moyen de contrôle effectif des forces, déjà sous Napoléon: les sous-unités se flairent, s'accrochent.... Et y'a toujours un point où un accrochage un peu sérieux est progressivement renforcé au point que le dispositif de bataille, entier ou partiel, est progressivement amené pour que la fête commence en grand. Il n'est pas si fréquent de pouvoir étaler proprement son dispositif de part et d'autres avant de donner le signal du départ.

Et la chose est d'autant plus un problème au XIXème que, contrairement à la période napoléonienne, les armes sont infiniment plus mortelles (puissance, portée, précision, quantité, surtout de canons): une erreur est meurtrière beaucoup plus rapidement, un flanc entier peut être annihilé/dispersé/mis hors de combat en quelques instants là où, sous Napoléon, les unités avec mousquets tirent péniblement 3 coups par minute (pour les bonnes) des balles rondes faiblement pénétrantes qui portent difficilement de manière efficace à plus de 100m, avec une précision aléatoire au mieux.

Ce manque de contrôle en bataille sur des masses de plus de 80-100 000h, et la concentration des troupes, sont grandements relativisés en tant que vulnérabilités par la failesse relative du feu.

En 1870, ça ne pardonne pas: Moltke subit le même décalage que Napoléon entre l'ordre de campagne (en corps) où il est le maître et en amont duquel il est le grand planificateur génial, et l'ordre d'approche et de bataille où il contrôle encore moins que Napoléon (et ni lui ni ses subordonnés directs ne sont des grands "capitaines" avec le "coup d'oeil" du tondu), seulement cet écart est infiniment plus grand que sous Napoléon. Là est le grand décalage, entre cet "art opératif" de la campagne, et la tactique: la tactique en bataille a loupé une étape (et en fait ne se mettra à niveau que péniblement entre 1915 et 1917) là où l'art opératif, en tout cas prussien, a suivi son temps, de même que la stratégie. Comme si Moltke et les prussiens avaient trouvé le bon échelon et la bonne approche pour mener la guerre et la campagne, mais étaient restés sous Napoléon pour mener combats et batailles.

La chance des Prussiens en 1870 est que les officiers français aient été incompétents et pusillanimes à tous les niveaux: au niveau "opératif" (inexistants), au niveau "grande tactique" (armées en approche) et au niveau de la "petite tactique" (échelons brigades et en-dessous, où un chef contrôle effectivement et "voit" ses unités)où ils n'ont même pas été foutus de profiter des faiblesses prussiennes en attaque équivalentes aux leurs en défense, en faisant des contre attaques systématiques vu que les Prussiens s'exposaient sans arrêt. Ca, Napoléon ne l'aurait pas laissé passer.

Mais au global quand même, Moltke commande 3 armées dont 2 tournant autour de 120-130 000h pour la campagne de 1870 (avec des réserves en plus), là où Napoléon n'avait à contrôler "que" 4 à 6 corps de 20-30 000h plus une réserve. Quand il a fallu faire plus (front russe de 1812, front allemand de 1813), il était à la ramasse, comme tout le monde, et en bataille avec ces énormes forces (rare), le contrôle est inexistant, ne se fait pas en temps voulu, mais surtout n'implique pas la même exigence de rapidité eu égard aux armes bien moins mortelles qu'en 1870.

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d'accord vous m'avez à peu prêt convaincu

cela signifie t il que (et même de nos jours vu le tempo imposé par la mécanisation à outrance des unités et le fog of war même en presénce de moyens de reco/communication modernes  qui eux mêmes sont en théorie dégradés par la guerre electronique, la confusion du champ de bataille ou la lenteur de l'interprétation) qu'on doit rester à l'organisation théorique de 1 pour 3/4

(en gros un chef de CA pour 3/4 corps, 1 général pour une division/brigade à 3/4 régiments, 1 CdC pour 3/4 compagnies etc)

atteint on des limites physiques-intellectuelles et mentales au dela ? (je signale que ce n'est pas complétèment HS comme question puisque ca impacte directement sur l'art opérationnel)

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d'accord vous m'avez à peu prêt convaincu

cela signifie t il que (et même de nos jours vu le tempo imposé par la mécanisation à outrance des unités et le fog of war même en presénce de moyens de reco/communication modernes  qui eux mêmes sont en théorie dégradés par la guerre electronique, la confusion du champ de bataille ou la lenteur de l'interprétation) qu'on doit rester à l'organisation théorique de 1 pour 3/4

(en gros un chef de CA pour 3/4 corps, 1 général pour une division/brigade à 3/4 régiments, 1 CdC pour 3/4 compagnies etc)

atteint on des limites physiques-intellectuelles et mentales au dela ? (je signale que ce n'est pas complétèment HS comme question puisque ca impacte directement sur l'art opérationnel)

Le dimensionnement des divisions blindées est aujourd'hui grosso modo le même que celui de la fin de la seconde guerre mondiale, malgré la technologie (qui jusqu'ici n'a pas fait ses preuves).

Le problème de la guerre "network-centred" est que les décisions à prendre doivent pas tant être bonnes que par dessus tout rapides afin d'avoir une boucle OODA allant plus vite que celle de l'adversaire (cas d'école 1940). En ce sens les ordinateurs et communications sophistiquées sont une gêne car ils introduisent une "paralysie de l'analyse", aggravée par les gros QG, et en plus renforcent la tendance naturelle d'un supérieur à vouloir tout controler en détail chez ses subordonnés.

Si révolution il y'a, ce n'est pas de là que ca viendra, sans même parler des possibilités de guerre électronique.

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(en gros un chef de CA pour 3/4 corps, 1 général pour une division/brigade à 3/4 régiments, 1 CdC pour 3/4 compagnies etc)

atteint on des limites physiques-intellectuelles et mentales au dela ? (je signale que ce n'est pas complétèment HS comme question puisque ca impacte directement sur l'art opérationnel)

a priori oui ; au-delà de 3/4 unités c'est dur de commander.

Sinon, j'ai relu tout le fil en diagonal, il ne me semble pas avoir vu que l'art opérationnel est intimement lié au théatre d'opérations... c'est pourtant un aspect essentiel de sa définition.

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atteint on des limites physiques-intellectuelles et mentales au dela ? (je signale que ce n'est pas complétèment HS comme question puisque ca impacte directement sur l'art opérationnel)

C'est un peu le trip: au fond, le nombre maxi d'éléments de manoeuvre qu'il est humainement possible de BIEN commander/coordonner dans le même temps, a toujours tourné autour de 3-4, plus une réserve.... donc 4 + 1 réserve au grand maxi; c'est un peu comme le nombre de membres :-X :lol:. Mais c'est une des rares constantes de l'Histoire militaire, particulièrement de la guerre de manoeuvre/mouvement: à tous niveaux, du général au sergent/caporal, il est difficile de commander correctement plus de 3/4 entités relativement autonomes/pensantes, surtout quand le principe de toute guerre du mouvement implique l'autonomisation maximale de ces entités subordonnées.

Tu trouveras dans l'histoire des formations militaires avec nettement plus d'unités de manoeuvre subordonnées: soit il s'agit d'unités sur le pied de paix, auquel cas la raison est administrative/économique, soit et surtout il s'agit de sous-unités dans des formations en ligne, plus faites pour un affrontement statique, une discipline extrême, un faible niveau d'autonomie, dans l'absolu ou juste pour un dispositif de bataille particulier.

Ainsi, par exemple, sous l'Ancien Régime, des Guerres d'Italie à la Révolution et l'Empire (et au XIXème siècle pendant un bout de temps), chaque bataillon des régiments de ligne alignait les compagnies par paquets de 8 à 12 voire plus (les compagnies faisaient plus souvent entre 50 et 80h): ils n'étaient pas faits pour la manoeuvre en petit, mais un combat de plus en plus encadré pour ce qui deviendra progressivement la ligne de feu fixe qui, un peu, comme les canons dans la batterie d'un vaisseau de ligne, doit se répartir en "sections de tir" (gun divisions chez les Anglais) pour mieux ordonnancer le feu. Mais le régiment dans la ligne n'est pas une unité de manoeuvre.

La répartition en bataillons à partir du XVIIème siècle a correspondu déjà à une volonté de pouvoir donner une marge d'autonomie terriblement réduite mais nécessaire pour l'ordre de marche et une conversion plus rapide et articulée à l'ordre de bataille, et une capacité éventuelle à former une unité pour attaquer en un point précis.

Le développement de l'attaque ordonnancée pour contrer la ligne adverse est le mouvement du XVIIIème siècle, et il implique que les dispositifs alourdis doivent retrouver de la souplesse: vu la puissance de feu et les effectifs, c'est pas encore le bataillon l'unité pensante, donc l'unité manoeuvrante qui s'affirme lentement à partir de la guerre de 7 ans, c'est la division qui, elle, a besoin de retrouver ces fondamentaux d'un nombre d'éléments de manoeuvre un peu autonomes limité à 3-4 maxi (avec en plus ses appuis propres et son soutien), lui conférant une capacité de manoeuvre aussi bien sur le plan opératif (campagne, en ordre de marche) que dans le dispositif de bataille. La retraite victorieuse de Prague par cet ordre improvisé par le maréchal de Broglie est à cet égard un petit chef d'oeuvre opératif méconnu.

L'explosion des effectifs, la promotion de nouvelles élites et le changement de mentalité pendant les guerres de la Révolution amènent à la synthèse napoléonienne qui relègue cet échelon divisionnaire à un niveau d'autonomie moindre, promouvant plutôt l'échelon supérieur, le corps d'armée, comme pion essentiel du niveau opératif. Mais jongler avec 6 à 7 corps d'armée évoluant à rythme rapide sur des milliers de kilomètres carrés depuis un EM général sans échelon intermédiaire (et avec les communications de l'époque), y'a que Napoléon qui pouvait réussir ça. Quand il a eu moins d'éléments autonomes à commander sur un théâtre d'opérations, ça a donné les campagnes d'Allemagne, d'Italie et de France: il pensait et anticipait 4 fois plus vite que tous ses adversaires et faisait attention à garder un pion central de réserve en retrait (division de grenadiers, Gardes et réserves de cavalerie et d'artillerie) et 4 corps qui constituaient ses éléments de manoeuvre avancés, les unités proprement manoeuvrantes.

Globalement, plus le tempo est rapide, plus l'unité est censée être manoeuvrante, moins il y aura de sous-unités (c'est valable du plus petit groupement au plus haut échelon de grande unité, de la plus petite tactique à la manoeuvre opérative): toujours pour l'Ancien Régime, il est intéressant de noter qu'avant que des troupes légères, par essence manoeuvrantes, ne deviennent permanentes (XVIIIème siècle), leurs tâches étaient soit confiées à des groupements de semi réguliers, soit à des détachements temporaires des éléments les plus aguerris des unités de ligne, avec les chefs les plus autonomes. Et quand il s'agissait, comme dans la manoeuvre de Turcheim par Turenne, d'opérer un mouvement de nature opérative/stratégique (mouvement pendant l'hiver par la montagne), l'organisation de ligne était jetée aux oubliettes.

D'ailleurs, un contraste notoire existe à cette grande époque des unités de ligne: l'infanterie est organisée en régiments massifs aux compagnies très nombreuses, avec tout au plus des bataillons pour pouvoir accélérer le tempo non de la manoeuvre en général, mais juste de la manoeuvre sur le champ de bataille, essentiellement pour optimiser la mise en place de la ligne de bataille et, au besoin, opérer un mouvement d'avance. Les brigades ont été un premier essai, chez les Suédois et les Hollandais, pour concevoir des groupements de manoeuvre faits pour changer le tempo et le déroulement d'une bataille. Dans les 2 cas ils ont vécu peu longtemps (exigence d'entraînement extrême, de forte motivation, d'officiers très compétents en grand nombre et de soldats de haute qualité).

Cette infanterie massive, au final faite pour le statique, contraste avec la cavalerie, par essence mobile, où la répartition en régiments/escadrons/compagnies est infiniment moins lourde: un escadron a 2 compagnies, et un régiment (hors temps de paix) destiné à pouvoir opérer au moins au niveau opératif mais aussi en bataille, a 2 ou 3 escadrons, pas plus.

Les unités légères, dès qu'elles se structurent, obéissent à la même exigence de rapidité et sont souvent d'ailleurs mixtes cavalerie/infanterie. Elles copieront plus leur structure sur la cavalerie, même quand il y aura séparation entre les cavaleries et infanteries légères.

Et c'est pendant la 1ère Guerre Mondiale que ce contraste disaparaîtra, avec l'infanterie de ligne et ses compagnies nombreuses dont le but était surtout de plus contrôler les composantes d'un dispositif compact, où l'encadrement servait surtout à tenir ensemble le bloc et à le faire tenir, ainsi qu'à faciliter l'ordonnancement des lignes. Dès lors que toute l'infanterie doit apprendre à bouger, l'autonomisation, tant pour le commandement que pour les moyens (soutien et appuis propres), implique ce maximum/plafon de 3/4 sous groupement de manoeuvre maxi à tous les échelons. C'est le tempo qui impose cela.

Les légions romains sont un exemple amusant, étant donné que leur modèle polyvalent/universel permet les 2, et qu'elles peuvent s'articuler via la structure souple du commandement romain:

- une légion "classique" est un réservoir fixe de 10 cohortes (dont 1 double)

- ce réservoir est capable d'un ordre de marche et d'une mise en dispositif de bataille rangée (duplex ou triplex acies) complexe, lourd et lent, mais solide

- la cohorte est cependant le pion essentiel pouvant permettre de former des détachements temporaires pour la manoeuvre, tant en bataille (attaque de flanc, réserve, renfort) qu'en campagne: une cohorte seule, une cohorte accompagnée d'auxiliaires spécialisés (cavalerie,a rcherie....) ou un groupement de cohorte. Et elle remplit toujours efficacement son rôle.

- si la cohorte est commandée à demeure par l'aîné des centurions de ses manipules, un détachement autonome d'une ou plusieurs cohortes, avec ou sans auxiliaires, sera confié à un tribun ou préfet, soit un officier issu de l'élite et sans atribution permanente d'unité, mais qui est aussu un officier d'EM et un membre de classe dirigeante qui saisit parfaitement le contexte politique/stratégique d'un mouvement en campagne (en bataille, c'est juste une occasion de se distinguer), partageant avec le centurion (ou lui délégant) le commandement purement pratique. De ce fait, la simple cohorte peut devenir un pion opératif/stratégique

- dès lors qu'il est question de mouvement et de tempo, les romains obéissent à la même loi éternelle: ils ne font pas ça avec la légion à 10 cohortes, mais avec la cohorte à 4 manipules, ou le groupement de 2 à 4 cohortes au maximum. A partir de la fin du Haut Empire, des cohortes de manoeuvre (infanterie, cavalerie ou mixtes) deviennent même la norme, la Légion devenant une unité quasiment sédentaire, faite pour la garnison, l'entraînement et le recrutement.

Bref, le 3/4 (+ réserve enteuellement) éléments de manoeuvres, plus ou moins autonomisés par des appuis et soutiens propres, reste une norme incontournable.

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cela dit je peux me tromper mais maintenant que l'on en parle y'a eu quelques cas d'organisation plus élargie et pas forcement plus mauvais

je pense notamment à l'organisation décimale mongole avec un Gengis Khan capable de commander jusqu'a 8-10 Toumans soit 80 à 100 000 hommes  (notamment lors des campagnes en Chine du Nord et Xiaxia)

le tout en gardant une capacité de reco et de communication sans commune mesure à l'époque (estafettes, reco en profondeur et système de communication par fanions)

comme quoi c'est faisable sous certaines conditions (discipline extreme, relais de communication efficace et loyauté indéfectible des subordonnés confinant au culte de la personnalité pour le leader)

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Je sépare ce post pour revenir en fait au plus "général" du sujet: mon point initial était que "l'art opératif" ne pouvait se résumer à une simple question d'échelon de définition d'une organisation et d'un commandement pour un dispositif militaire. "Les circonstances, les circonstances, toujours les circonstances": à chaque guerre, à chaque front (voire même encore moins que le front) son approche, son organisation et son art opératif propre. "Vérité en-deçà des Pyrénées, mensonge au-delà", et s'il est un domaine où il est littéralement vital de bien se rendre compte qu'il n'existe pas d'approche universelle de la guerre dès lors qu'on en vient à l'application propre à un théâtre d'opérations, à un front, c'est bien celui de la guerre. Chaque théâtre a sa réalité du moment.

En bref, pour un théâtre d'opération (en amont, il faut définir les théâtres d'opération: il peut y en avoir plusieurs sur un même front), il faut une approche, et pour cette approche, il faut une organisation, une pensée et une structure de commandement adaptées: plus facile à l'époque des guerres frontalières en Europe, jusqu'à la fin de la Guerre Froide, c'est devenu plus délicat après, sans adversaire désigné. L'atavisme humain, les traditions, la facilité, les budgets restreints, les habitudes.... Font que les structures armées actuelles sont au fond les mêmes qu'avant, à la fois par défaut d'adversaire désigné et par conservatisme.

Néanmoins, même la permanence de la guerre en Europe pendant des siècles a supposé quasiment une pensée de la guerre en grand à chaque conflit, même quand les conflits étaient proches dans le temps et pas trop éloignés dans les circonstances. Et "l'art opératif" est donc bien un art, car il est quasiment impossible de prévoir le déroulement PRATIQUE d'un conflit, même un qui n'a qu'un seul front même pas gigantesque: il s'agit trop d'un empirisme nécessaire dépendant d'un vaste ensemble de circonstances très spécifiques (politiques, géographiques, climatiques, culturelles/humaines, technologiques, économiques, budgétaires, militaires/organisationelles -tant soi que l'adversaire-....) pour pouvoir définir une recette quelconque.

Un "art opératif" ne peut au fond correspondre qu'à une armée à un moment donné sur un théâtre donné face à un adversaire donné: et aujourd'hui, sans adversaire ou théâtre d'opération désigné, comment s'adapter? Préserver, optimiser et développer uniquement les savoirs-faires existants au niveau des unités de combat essentielles ne suffit pas étant donné que si l'histoire de la guerre enseigne une chose, c'est bien avant tout qu'un conflit se pense et s'organise, et qu'il faut donc des "grandes unités" pour l'organisation et la manoeuvre "opérative" (entendez "concrète", "pratique").

Ne reste en l'état que la polyvalence, l'excellence, l'adaptabilité et la CONFIANCE (qui permet autonomie et délégation, mais ne s'octroie pas sans justification de compétence, de loyauté....): et bien avant la troupe, c'est au niveau des officiers ET des politiques que cela doit arriver. L'absence de pensée et de volonté stratégique claire et durable dans les élites politiques, et la déconnexeion des officiers d'avec ce niveau pour une approche de spécialisation purement technicienne du COMBAT/des opérations (pas de la guerre) est un danger clair et immédiat pour la notion même d'articulation militaire de la stratégie et de l'efficacité. Formation, sélection, capacité, remise en cause.... Tout manque. L'organisation "in abstracto" alignée sur les modèles anciesn n'est pas grave à petite échelle (compagnie/escadron/batterie), mais au niveau des structurations de grandes unités en charge de tout et partie d'un théâtre d'opération, ça devient problématique.

Mais au niveau des unités élémentaires de combat et de leurs capacités (hommes, matériels, organisation, entraînements), ça pêche quand même aussi. L'emmerde, c'est que s'il y a eu dans l'histoire une seule armée/organisation sachant s'adapter à toutes les situations, y compris certaines totalement inconnues à la base, c'est bien l'armée romaine "grande époque": seulement, la sélection, la motivation et l'entraînement des hommes, les modes d'organisation hiérarchiques et l'implication des élites (ainsi que leur place dans ce dispositif) étaient infiniment meilleures qu'aujourd'hui.

L'art opératif, bien avant d'impliquer une adaptation technique, n'est-ce pas avant tout une réalité intellectuelle et humaine assez fluctuante qui résiste donc à une définition exacte et fixe? Ou alors, au seul niveau des moyens armés (mais aussi de "l'articulation de la volonté politique" qui implique donc.... Les politiques eux-mêmes), il s'agirait de l'équilibre nécessaire à trouver entre empirisme et organisation/structuration, et qui correspond à chaque période. La plus grande adaptabilité suppose d'accroître au maximum le niveau de confiance/autonomie/délégation/empirisme des décisionnaires "de terrain" au plus bas échelon possible, avec des chances raisonnables de succès dans des circonstances très différentes.

je pense notamment à l'organisation décimale mongole avec un Gengis Khan capable de commander jusqu'a 8-10 Toumans soit 80 à 100 000 hommes  (notamment lors des campagnes en Chine du Nord et Xiaxia) le tout en gardant une capacité de reco et de communication sans commune mesure à l'époque (estafettes, reco en profondeur et système de communication par fanions)

Comme le tondu: circonstances exceptionnelles et "équipe de travail" (le Khan et ses officiers) soudées à un degré inimaginable (fidélité, sélection, durée....).

Le niveau de délégation/décentrage du commandement est énorme, et autorisé par un niveau de confiance (permanence des entraînements en grand, confiance/relatios personnelles, crainte absolue, aura de gengis Khan) que les successeurs de gengis Khan n'auront pas.

et encore, l'organisation décimale n'est pas nouvelle: elle est celle, ancestrale, de tous les peuples cavaliers depuis les Scythes, les Perses/Iraniens et l'ensemble des peuples turco-mongols (Huns compris). Mais surtout, les steppes d'Asie Centrale ne sont pas un échiquier densément peuplé où un "art opératif" complexe implique d'anticiper au jour le jour les mouvements d'adversaires équivalents: le Khan délègue pour reconcentrer, après de longues distances, sur l'adversaire sédentaire. Ca semble plutôt passer directement de la stratégie à la bataille en passant par un art opératif qui se limite avant tout à l'efficacité de vastes mouvements sans opposition sur d'immenses distances sans avoir de bases à protéger (sauf temporaires pour les relais logistiques), ce qui est le propre des peuples nomades. Et les batailles elles-mêmes impliquent elles 8-10 tumans A LA FOIS? Coordonne ça, malgré l'importance des effectifs d'estafettes et le drill permanent des manoeuvres et du système de signaux visuels semble problématique, surtout avec une armée cavalière où un même nombre d'hommes doit s'étaler au minimum sur 3 fois plus de surface qu'une armée surtout faite de fantassins.

Keegan a écrit The face of battle, traduisant l'intérêt anglo-saxon pour le "warfare" concret à petite échelle, celle du champ de bataille. Ne faudrait-il pas, entre les manuels de stratégie, les études de campagnes ponctuelles et les traités sur le "warfare" et la tactique, un champ d'investigation de cette approche de théâtre, pour voir s'il y a moyen d'en systématiser quelques aspects?

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Mais au niveau des unités élémentaires de combat et de leurs capacités (hommes, matériels, organisation, entraînements), ça pêche quand même aussi. L'emmerde, c'est que s'il y a eu dans l'histoire une seule armée/organisation sachant s'adapter à toutes les situations, y compris certaines totalement inconnues à la base, c'est bien l'armée romaine "grande époque": seulement, la sélection, la motivation et l'entraînement des hommes, les modes d'organisation hiérarchiques et l'implication des élites (ainsi que leur place dans ce dispositif) étaient infiniment meilleures qu'aujourd'hui.

Je sors encore un peu du sujet (désolé).

La situation romaine est un peu particulière puisqu'il s'agit de menaces permanentes, très sérieuses et réelles sur une échelle de temps longue: où retrouve on cela ailleurs?

Pendant la révolution.

Dans le cas prussien 1813-1945, avec un succès mitigé (et une évolution rapide du warfare) mais bien meilleur que tous les autres.

Autre cas?

Aujourd'hui on peut se prendre tous les désastres qu'on veut et s'en foutre quand même, preuve en est que les mêmes vices reviennent régulièrement malgré les échecs sur le terrain. Rien de valeur ne s'acquiert sans effort, or personne ne consentira à un vrai effort sans une très bonne raison.

Peut on attendre une évolution aujourd'hui?

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Exemples et question: pendant la Guerre de Cent Ans, jusqu'aux lendemains de la Campagne de la Loire (donc jusqu'à la mort de Jeanne d'Arc pour situer), les armées confrontées n'ont pas changée en nature. Ce n'est qu'après que l'armée française change radicalement, cessant d'appeler l'ost féodal pour constituer une armée permanente professionnelle où la chevalerie (concept politique, social, intellectuel, culturel, tactique et seule composante fondamentale de la force armée), en fait, n'était plus que de la cavalerie lourde dans un dispositif plus vaste et complexe.

Mais avant cela, pourtant, les échecs face aux Anglais ont été suivis de 2 approches pour un redressement d'ampleur stratégique (à l'échelle du conflit impliquant Français, Anglais, Bourguignons, Espagnols et Navarrais, mais aussi la complexité de l'échiquier féodo-vassalique en France) et tactique. Est-il possible de parler "d'art opérationnel" dans les approches choisies, approches qui, à moyens inchangés en nature, ont amené succès rentissants et échecs lamentables selon les circonstances?

Côté anglais, le ralliement de féodaux français combiné au mode opératoire des "grandes chevauchées" (raids) au travers de la "France du roi de France" (par opposition aux portions où les Grands dominent plus, Angleterre en tête) a été une constante. Ravager sans conquérir, entretenir l'insécurité (atteignant la crédibilité du roi de France), assiéger ou appuyer pour rallier des barons dans les terres environnant le domaine Plantagenêt, ne pas rechercher les prisonniers nobles (but de guerre du seigneur féodal), emporter une armée à 80-90% faite de pros roturiers et non de féodaux.... Voilà le mode "opératif" rosbif.

Côté français, il n'y eut, pour les défaites, qu'une attitude traditionnelle de réaction mécanique recherchant la bataille décisive en utilisant l'Ost féodal comme dominante de l'armée (donc exit la tactique au passage): le roi de France doit subir le rythme adverse en se mettant en défensive et en cherchant à poursuivre l'adversaire qui se balade sur des territoires aux loyautés changeantes, se condamnant à ne pouvoir reprendre l'initiative qu'en cas de rencontre et de victoire (rendue presque impossible par la nature féodale et idéologique de l'armée qui n'en est pas une). Les seules approches "pensées" furent celles de Charles V et Du Guesclin d'abord (1ère reconquête dans les années 1360-1380), et celle de la campagne de la Loire:

- Du Guesclin reconquiert (après sa période de grandes batailles dont le but était surtout de se débarrasser des grandes compagnies de mercenaires qui ravageaient le pays) en renonçant à la bataille: sièges (ou surtout assauts surprises de places fortes), embuscades, "action spéciale", raids sur les lignes de ravitaillement anglais, entretien de l'insécurité chez les alliés des Anglais.... Le tout cordonné à grande échelle en accord avec un Charles V qui est avant tout une grande tête politique (et qui mène une action d'isolement des Anglais)

- La campagne de la Loire est le moment politique qui suit la levée du siège d'Orléans: le "momentum" est utilisé pour foncer sur Rheims et faire sacrer le dauphin (objectif et résultat stratégique). Pour ce faire, il faut parvenir à Rheims, territoire sous contrôle anglo-bourguignon. La campagne qui va d'Orléans à Rheims voit une adaptation tactique des mêmes forces qui se sont faites allumer à répétition en bataille rangée par le dispositif défensif de l'archerie anglaise, en même temps que cette adaptation concourt de la contrainte extrême de temps (il faut aller vite: le momentum ne dure jamais, et les Anglais et Bourguignons se remettent vite du choc d'Orléans). Quelques accrochages, quelques sièges rapidement menés, et c'est Patay, où une simple avant garde de chevaliers réussit contre le même adversaire qui avait démoli un ost 10 fois supérieur à la dite avant-garde. Même dans la bataille, les chevaliers ne poursuivent pas les hommes d'armes anglais en fuite ou leur faible effectifs de chevalerie (pourtant occasion de rançons juteuses) et se consacrent à l'anéantissement total de l'effectif d'archers, difficilement remplaçable.

Opératif? Tactique?

La situation romaine est un peu particulière puisqu'il s'agit de menaces permanentes, très sérieuses et réelles sur une échelle de temps longue: où retrouve on cela ailleurs?

Honnêtement? Dans toute l'histoire européenne, jusqu'à 1945 au moins, et d'une certaine façon jusqu'à la fin de la guerre froide (menace monolithique).

Peut on attendre une évolution aujourd'hui?

Oui, je crois qu'on peut beaucoup l'attendre  :lol:..... Sans rire, les contraintes qui peuvent s'exercer malgré l'état des sociétés européennes:

- la contrainte budgétaire permanente, surtout confrontée à l'absence de résultats sur les conflits en cours

- la croissance des acteurs et menaces non étatiques sur la scène mondiale (et l'instabilité concomittante de vastes zones où la notion d'Etat s'affaiblit bien plus qu'ailleurs), et les problèmes qu'ils posent et poseront toujours plus sur les intérêts des Etats développés (extension du strict intérêt de l'intégrité territoriale) qui ont/auront un impact mesurable sur les économies et nombre de pays partenaires, mais aussi sur les sociétés développées (extrêmisme religieux, trafics internationaux, surtout de drogue....)

- la concurrence pour certaines ressources et les problèmes liés au développement

- des circonstances fondamentales qui changent et créent de l'instabilité: migrations climatiques....

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je suis désolé de revenir sur les mongols mais ne serait ce pas eux qui auraient instauré une forme "d'art opérationnel"  avant l'heure avec ce mélange d'art manoeuvrier stratégique et tactique, la maitrise psychologique du champ de bataille, la maitrise politique du terrain de conquete (par alliance, coercition ou terreur) et la maitrise des a cotés (reco et com en profondeur) ??

si c'est le cas, l'art opératif n'est il pas defini uniquement à partir du moment ou une armée est assez rapide et manoeuvrière sur le terrain stratégique et tactique pour imposer son tempo avec un déséquilibre flagrant vis à vis de l'adversaire ?

ainsi Tancrède a parlé d'art opérationnel pour Alexandre le Grand

Or si on y regarde d'un peu plus pret, cela c'est cependant reduit à 2 blocs d'armées qui cherchaient a se rencontrer et le savaient

pas de manoeuvres de diversions, de reserves, de faux semblants, d'exploitation des flancs

on a du frontal brutal

par opposition Genis Khan, Napoléon, Guderian ou Joukov (quoique moins pour ce dernier et cela depend des fronts concernés) essaient d'eviter le frontal mais jouent sur la manoeuvre à l'echelle de demi continent aussi bien qu'a l'echelle du champ de bataille et dans les coursives politiques des chancelleries

en fait l'art opératif ne serait pas simplement pour prendre une image un boxeur mobile cherchant l'ouverture face à un monstre lent et incapable de se deplacer à vitesse adéquate

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je suis désolé de revenir sur les mongols mais ne serait ce pas eux qui auraient instauré une forme "d'art opérationnel"  avant l'heure avec ce mélange d'art manoeuvrier stratégique et tactique, la maitrise psychologique du champ de bataille, la maitrise politique du terrain de conquete (par alliance, coercition ou terreur) et la maitrise des a cotés (reco et com en profondeur) ??

Je connais trop mal le détail des campagnes de Gengis Khan pour vraiment évaluer  :-X; il me semblait juste que, s'attaquant à des ennemis sédentaires, la partie manoeuvrière d'une campagne (pas de la bataille) se résumait à la longueur et à la rapidité des raids massifs/mouvement de la horde, avec il est vrai la reconnaissance et l'organisation (donc la sécurisation) d'étapes/bases logistiques de différentes échelles (celles pour les unités de l'armée en marche, celles de niveau 2 :lol: pour les appros en munitions aux abords des zones de batailles). L'action psychologique, la déception sur les axes d'attaques.... Sont présents.... Donc au global, oui, c'est une pensée "opérative" au sens où il s'agit de l'application d'une approche stratégique adaptée à l'armée, à l'adversaire et au contexte. Juste qu'il me semblait que question "jeu d'échecs mobile" à grande échelle (guerre de manoeuvre sur tout le théâtre), ça semblait plus limité que chez le tondu. Mais ça n'enlève rien, l'important est d'être adapté.

En revanche, Tamerlan contre les Turcs, peuple alors encore très cavalier, a du jouer à ça.

Or si on y regarde d'un peu plus pret, cela c'est cependant reduit à 2 blocs d'armées qui cherchaient a se rencontrer et le savaient

En fait, même correctif qu'avec les Mongols pour ma façon initiale de voir: derrière l'apparente simplicité, faut fouiller un peu.... Entre l'entrée en Anatolie d'Alexandre et l'affrontement final à Gaugamèles puis l'entrée à Babylone, il se passe près de 3 ans! Et il faut voir ce que fait Alexandre: j'avais déjà un peu élagué plus haut son mode d'action, mais même le fait de se faire reconnaître incarnation de Zeus-Amon en Egypte concourt de l'implémentation de sa stratégie. Les ravages causés à telle ville/région et pas à d'autres, le fait de soulever certaines satrapie, d'en renverser d'autres, de lever des contingents alliés ou des tributs, de laisser quelques garnisons (vu son effectif faiblard).... Alex n'agissait pas au hasard. Surtout vu la complexité et la lenteur de son ravitaillement et des ses lignes de communication pour recevoir un flot constant de renforts (pas par paquets énormes) tout en sachant qu'à domicile, la Grèce des Cités, soumise, n'est pas son fan club n°1, il est quand même utile de pointer que ce qui se termine par une bataille conne et frontale ne signifie pas que tout ce qui la précède est du même acabit. Surtout que les batailles, surtout Gaugamèles, ne sont pas si connes.

La bataille, quel qu'en soit la manière, et même la bataille décisive, c'est de la tactique, c'est le point final de l'application concrète d'une stratégie mise en oeuvre au travers d'un art opératif (tel que je le comprends): arrivé à ce moment, c'est juste de la tactique. Même Austerlitz, passé les finesses du jeu psychologique de mise en place des conditions de la bataille, une fois que le signal du départ est lancé, c'est du frontal bête et méchant avec le centre qui y va au forceps, l'aile gauche qui fait dans la grande charge, et l'aile droite qui tient aux tripes, renforcée par petits paquets par un Davout qui a marché avec ses hommes 48h à un rythme terrible pour juste pouvoir faire une action de stoppage crédible.

Il y a ce moment entre la définition de la stratégie initiale (évaluation des objectifs, priorisation, choix d'axes d'action....) et la bataille finale (mais il peut justement y avoir le choix de n'en pas faire et de jouer la montre et l'attrition par de multiples combats: Turenne aimait ce "hit and run" à grande échelle où il cherchait le harcèlement constant en économisant ses forces), dans une campagne: c'est l'application dans les faits de l'ensemble de ce que la stratégie implique. La bataille n'en est que le plus évident, mais même elle suppose un art particulier du chef d'armées pour choisir le lieu et l'heure et arriver à imposer son choix à l'adversaire plutôt que l'inverse, pour arriver çà y mettre au mieux son dispositif et créer dans l'ensemble les meilleures conditions pour obtenir la décision.

Pour symboliser: un sniper (avec un binôme généralement) en mouvement (bref, pour des missions autres que juste se poster en surveillance) sur un théâtre d'opération est-il juste un mec (ou une nana ;)) qui sait tirer juste? Ou tirer juste, quoiqu'essentiel et nécessitant une somme d'entraînement énorme, n'est-il pas que l'acte final et bêtement mécanique d'une manoeuvre longue qui a pu lui prendre des jours pour s'inflitrer discrètement dans une zone, évaluer la situation, reconaître ses cibles, comparer réalité et plan initial (et s'adapter éventuellement), prévoir ses axes de retraite, se positionner, attendre.... Viser juste et appuyer sur la gâchette, c'est plus grand chose à ce stade.

n fait l'art opératif ne serait pas simplement pour prendre une image un boxeur mobile cherchant l'ouverture face à un monstre lent et incapable de se deplacer à vitesse adéquate

Ce serait déjà, tel que je pige la chose, limiter l'approche à la seule guerre mobile: le boxeur lourd et lent, s'il est pas amputé du cerveau, adaptera aussi son approche pour s'adapter au fait d'un adversaire rapide qui peut obtenir par cent petit coups ce que lui cherche à obtenir en 10 maousses. Il adaptera donc son rythme et sa posture, renforcera sa capacité à encaisser, voire apprendra à simuler la fatigue pour inciter le rapide à trop s'avancer et masquer une contre-attaque brutale. C'est "son" art opératif, adapté à ses forces à lui et à celles de son adversaire: seul un abruti croit qu'il va l'emporter parce qu'il a la pêche la plus dévastatrices et que ça marche dans tous les cas. Adaptation aux réalités du terrain, il essaiera si possible de faire en sorte que son faux effondrement ait lieu pas trop loin d'un coin où il pourrait essayer d'acculer "Mr Fast" :lol:.

"Mr Fast" peut aussi anticiper ce comportement chez "Mr Strong", et ainsi de suite: au final, le match tel qu'il se déroulera impliquera ce "fog of war" où aucun des 2 n'est parti du principe que l'autre était un abruti, où chacun a choisi une stratégie.... La réalité du déroulement limitera bien sûr et invalidera en partie ces choix, et celui qui saura le mieux d'adapter, durer, tromper, qui aura quelques coups de bol et "lucky shots", l'emportera.

En fait, "art opératif" = stratégie appliquée (avec les limites de la réalité concrète et des adaptations nécessaires en raison de la même attitude de l'adversaire). Il peut y avoir plus de confusion dans des cas comme ceux de Gengis Khan ou Napoléon, Alexandre.... Car le chef d'Etat et d'armées sont le même, donc le centre d'analyse et de décision stratégique et celui de décision opérative/tactique sont réunis en un seul et même personnage (pas de temps de transition ni de différence d'appréciation: pas de relation Louis XIV-Turenne/Condé, pas Staline-Jukov....).

De ce fait, il est loisible de se demander si le "niveau" opératif existe quand le décisionnaire politique/stratégique dirige les opérations: il n'y a pas de rupture, ni dans le temps, ni dans l'espace, ni dans la décision ou l'organisation. Tandis que si ces tâches sont déléguées ce niveau doit acquérir une existence, ayant sa marge d'autonomie et de friction avec le politique d'une part, et avec le tactique d'autre part: plus une organisation militaire doit s'aggrandir (donc imposer de nouveaux échelons intermédiaires), plus cette séparation existe, mais aussi, plus les ralentaissements, conflits d'autorité, confusions, phénomènes administratifs de rétention d'information, circulation de l'info en général dans les 2 sens, intrigues de pouvoirs, clientélismes.... Existeront et parasiteront les choix, le tempo, la décision, et constitueront aussi autant de cibles pour l'adversaire que de tentatives par les niveaux de commandement de trouver/créer des voies, des organismes temporaires ou des processus pour shunter l'échelon au-dessus. Mais le distinguo se crée aussi si, à taille égale, l'armée doit couvrir plus de fronts/plus de surface, donc se répartir autrement.

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Personne pour m'aider ? Heeeelp  :'(

Dans son ouvrage Berlin, les offensives géantes de l'Armée Rouge (12 janvier - 9 mai 1945), Jean Lopez se livre à l'analyse des grandes offensives de l'Armée Rouge qui aboutirent à la reddition de Berlin, le 2 mai 1945. Longtemps obscurcie par la propagande issue de la guerre froide, la pensée militaire de l'armée russe est ici enfin révélée. On découvre ainsi que les soviétiques furent les inventeurs de l'art opératif, véritable révolution stratégique que l'ouest mettra plus d'un demi-siècle à adopter !

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Ce serait déjà, tel que je pige la chose, limiter l'approche à la seule guerre mobile: le boxeur lourd et lent, s'il est pas amputé du cerveau, adaptera aussi son approche pour s'adapter au fait d'un adversaire rapide qui peut obtenir par cent petit coups ce que lui cherche à obtenir en 10 maousses. Il adaptera donc son rythme et sa posture, renforcera sa capacité à encaisser, voire apprendra à simuler la fatigue pour inciter le rapide à trop s'avancer et masquer une contre-attaque brutale. C'est "son" art opératif, adapté à ses forces à lui et à celles de son adversaire: seul un abruti croit qu'il va l'emporter parce qu'il a la pêche la plus dévastatrices et que ça marche dans tous les cas. Adaptation aux réalités du terrain, il essaiera si possible de faire en sorte que son faux effondrement ait lieu pas trop loin d'un coin où il pourrait essayer d'acculer "Mr Fast" cheesy.

"Mr Fast" peut aussi anticiper ce comportement chez "Mr Strong", et ainsi de suite: au final, le match tel qu'il se déroulera impliquera ce "fog of war" où aucun des 2 n'est parti du principe que l'autre était un abruti, où chacun a choisi une stratégie.... La réalité du déroulement limitera bien sûr et invalidera en partie ces choix, et celui qui saura le mieux d'adapter, durer, tromper, qui aura quelques coups de bol et "lucky shots", l'emportera.

c'est bien la le problème du perimètre de la reflexion et de la definition

la guerre mobile est celle qui laisse, à mon sens, le plus de latitude sur lse choix tactiques-stratégiques-opérationnels

la guerre immobile confine à la stagnation tant du corps de troupe que de la pensée

on est d'accord que Mr Big fera de "l'art opératif" selon ses moyens

mais ses moyens sont limités par son coté statique et dans 99% des fois cela confine soit à renforcer son point fort en hommes, mun, bouffes en attendant que l'autre s'y empetre

soit à preparer de sa position forte un glissement vers une guerre mobile ce qui le fait entrer dans la seconde catégorie

en fait j'ai du mal à concevoir un art opératif à partir du moment ou une armée, un corps d'armée sont par definition statiques (+ ou - je ne parle pas de rester planter dans le même champ de trefles à 200m prets pendant 4 ans) mais globalement statiques dans l'attitude cad attentistes voire "attritionnistes"

et dès que l'on quitte ce coté statique on entre dans la guerre de mouvement donc autre chose

En fait, "art opératif" = stratégie appliquée (avec les limites de la réalité concrète et des adaptations nécessaires en raison de la même attitude de l'adversaire). Il peut y avoir plus de confusion dans des cas comme ceux de Gengis Khan ou Napoléon, Alexandre.... Car le chef d'Etat et d'armées sont le même, donc le centre d'analyse et de décision stratégique et celui de décision opérative/tactique sont réunis en un seul et même personnage (pas de temps de transition ni de différence d'appréciation: pas de relation Louis XIV-Turenne/Condé, pas Staline-Jukov....).

on est d'accord que ce mélange centre de decision politique ET militaire concentré en une personne entraine une confusion

c'est d'ailleurs peut etre pour cela que l'art opératif n'a été théorisé qu'au moment ou il y a eu une séparation complète des roles

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D'autant plus qu'il faut voir ce qu'il y avait AVANT, du moins en Europe à la période précédente: comme sous Rome, d'une certaine façon, la plupart des généraux ayant la responsabilité d'un front entier pendant une guerre, ou d'un théâtre d'opération -mais dans les faits bien concrets, ceux qui se voyaient octroyer une armée- étaient quasiment tout le temps des membres de la haute aristocratie, ou, graduellement mais pas de façon majoritaire, des généraux de plus basse extraction employés ainsi pour leur compétence mais aussi pour leur manque d'appuis politiques, ce qui les rendait nettement plus "militaires" et obéissants aux ordres directs du chef d'Etat.

Dans le cas d'un "Grand", c'est un peu spécifique en ce que même s'il ne s'agit plus d'un grand seigneur féodal se considérant quasiment comme un chef d'Etat (et ayant latitude et moyens propres qui le justifient un peu), même après la Fronde, un Grand reste une partie prenante au débat politique, un chef de faction politique avec des appuis, une clientèle.... Qui connaît le plus haut niveau des débats et intérêts stratégiques, participe à leur définition, mais aussi connaît ses adversaires de façon intime, ou à tout le moins "culturelle". Et il n'est pas réellement sanctionnable, du moins pas gravement. En terme de latitude d'action, de possibilité de s'affranchir plus ou moins de directives trop pressantes.... C'est le jour et la nuit.

Turenne a beaucoup agi de sa propre initiative, souvent peu en accord avec Mazarin, mais surtout en désaccord fréquent avec Louvois. Quand le chef d'une armée est un prince (royal ou non, comme Turenne lui-même), la donne est encore différente. Au XIXème, cette logique disparaît avec la professionalisation des armées, et même le Kronprinz ne se permettrait pas de ne pas suivre les ordres du Grand EM. A noter cependant les indisciplines fréquentes de chefs d'armées, comme Von Steinmetz en 1870 (ce qui coûtera des pertes énormes aux Allemands) et évidemment Von Kluck en 1914.

Mais un général peut aussi émaner d'une faction politique sous la monarchie, obtenant le grade comme une pure faveur, auquel cas son obéissance peut être problématique, comme sa compétence à l'occasion. Parce que les factions et coteries politiques sous la monarchie, ce sont les partis et tendances politiques. Et elles ont aussi leur manière de voir une guerre en cours.

La campagne d'Espagne de Wellington obéit encore à ce type de logique: il passe sans doute plus de temps à rester renseigné sur ce qui se passe au Parlement, sur les aléas des combinaisons politiques.... Qu'à diriger son armée. Parce que de son action et de la façon dont elle est appréciée au fil des nouvelles, mais aussi du jeu politique, dépendent sa position politique et celle de sa faction, le maintien de son armée, son renforcement ou son affaiblissement, le fait qu'il ait la bride sur le cou ou des ordres contraignants et les moyens qui vont avec (assez ou pas assez d'appros, assez ou pas assez de fric et de fournitures pour "acheter" le soutien espagnol localement ou nationalement....). Avant lui, Marlborough a du mener campagne aussi dans les mêmes conditions, avec la politique, quasiment au jour le jour, comme contrainte et comme logique (parce que lui, comme Wellington, mène campagne pour l'avancement de sa carrière et de son "clan"): Malplaquet fut son tombeau politique.

Mais le fait est que ce mode de commandement opérationnel, qui n'est pas sans équivalence avec les temps romains, fait que le chef d'armée aristo est au fait de la décision stratégique/politique et peut, bien plus qu'un "professionnel", faire valoir sa propre opinion/vision dans la conduite de la guerre par bien plus que de simples recommandations. Avantage de latitude d'action et de meilleure connaissance et estimation des objectifs et des moyens de les atteindre. inconvénient de mêler d'autres facteurs contraignants.

en fait j'ai du mal à concevoir un art opératif à partir du moment ou une armée, un corps d'armée sont par definition statiques (+ ou - je ne parle pas de rester planter dans le même champ de trefles à 200m prets pendant 4 ans) mais globalement statiques dans l'attitude cad attentistes voire "attritionnistes"

Là on entre dans les appréciations: celui qui a une armée faite pour la défensive, celui qui a une armée faite pour aller porter le conflit chez l'autre.... Le concept d'armée est fonction de la stratégie et de la posture, mais "lourd et lent" veut tout et rien dire: une armée défensive n'est pas forcément statique, une armée offensive n'est pas forcément rapide vu qu'entre la mobilité tactique et la mobilité stratégique (ou opérative), la nuance peut être fondamentale et plus qu'une distinction d'orfèvre suivant la nature du conflit.

C'est d'ailleurs un questionnement pour la partie terrestre des guerres à venir: la traîne logistique des armées les plus modernes atteint de telles dimensions (voire les appros nécessaires aux ricains en carbu, eau, munitions, pièces de rechange....) qu'elle peut impacter le choix même de mener une campagne, de faire une opération (apparemment, ils ont du renoncer à l'idée de pouvoir déposer des forces importantes par la voie aérienne vu l'alourdissement des véhicules, leur consommation, le prix des navions et hélicos et de l'heure de vol, les déceptions sur les capacités d'engins comme l'Osprey....). Et cette traîne logistique devient ZE cible à atteindre pour l'adversaire, la vulnérabilité qui fait que même le train doit se blinder et devenir combattant, mobiliser plus de forces de combat pour sa protection, donc impacter les possibilités de déploiement, présenter plus le flanc aux attaques....

Autre facteur concomittant: l'urbanisation au niveau mondial. Concentration des populations dans les villes = extension gigantesque des villes ET désertification des campagnes. Les campagnes deviennent peu contrôlables parce qu'il faut s'étaler sur de vastes surfaces pour exercer un contrôle réduit sur peu de monde, et les villes deviennent des mondes difficilement maîtrisables à moins d'avoir BEAUCOUP de piouious et de moyens. Polyorcétique du XXIème siècle? Le fait est qu'on retombe là dans des logiques d'Ancien Régime, où il faut tenir des agglomérations pour être en position de force, et que beaucoup de moyens doivent y être dévolus: il ne s'agit plus de mener un siège de l'extérieur, mais d'arriver à maîtriser la jungle urbaine de villes de plus en plus tentaculaires, ce qui nécessite d'adapter en partie l'appareil militaire à e qui est devenu l'un des champs de bataille principaux POUR OBTENIR DU RESULTAT POLITIQUE. Avec en parallèle le fait que déployer des armées en campagne coûte plus cher, mobilise plus de moyens et implique donc d'y repenser à 2 fois avant d'envisager une campagne de mobilité (si tant est qu'il y ait un adversaire possible/probable qui veuille et peuve jouer à ça).

Comme les armées du Moyen Age, et c'est un sujet qui a déjà été évoqué par des analystes aimant présenter des options "extrêmes" :lol:, les armées pourraient évoluer vers un schéma dual, avec des unités de manoeuvres plus élitistes, faites de dispositifs capital intensive avec forces mécas, infanterie légère très pro et forces spéciales, et des unités "d'occupation" pouvant refaire appel à une participation plus grande de pros moins formés (et/ou d'autres plus âgés/expérimentés qui ne suivent plus le rythme des unités "de pointe") encadrant des conscrits ou volontaires type Gardes Nationaux et des unités de "locaux", avec un appoint de "cadres" contractors, mais aussi un panel de spécialités moins proprement "militaires" (policiers/gendarmes et enquêteurs, sécurité civile, action civilo-militaire....).

Quelle que soit la forme, le but est de voir comment obtenir du résultat politique en gardant à l'esprit que le combat n'est qu'un des moyens d'action d'une force armée: le propre du militaire, ou de la force militaire, depuis toujours, est de faire un large panel de choses dont beaucoup n'appartiennent pas à la sphère proprement guerrière, mais de pouvoir les faire dans un environnement potentiellement très hostile. Le combat armé est leur savoir-faire fondamental, mais "un militaire qui n'est qu'un militaire est un inutile" selon Lyautey.

C'est pourquoi limiter l'art opératif à la vision de la guerre mobile méanisée est pour moi nier la façon dont je le comprends: plus que juste la façon de "mener campagne" au sens de manier les grandes unités de combat à disposition sur un théâtre d'opération (lui défini par le niveau stratégique), il s'agit encore d'obtenir du résultat politique, donc d'embrasser l'intégralité de la problématique de le Guerre au sens large dans la mesure où elle est pertinente sur le dit théâtre d'opération, et de convertir cette analyse en approche, méthode et plans, et donc en un dispositif pratique et concret (et essayer d'avoir les moyens supplémentaires pour obtenir le résultat politique.

Au final, c'est quand même le niveau où le chef ne peut pas n'être qu'un exécutant armé cherchant des résultats simples et facilement mesurables (quantité de bombes larguées, d'ennemis tués, de véhicules tapés, surface contrôlée....): c'est le niveau où le résultat d'importance et d'intérêt stratégique (il peut évidemment inclure une dimension quantitative plus ou moins importante selon les cas: face à un affrontement symétrique, le nombre de formations de pointe adverses détruites compte) ne peut être obéré par le chef opérationnel. C'est rappeler que le GENERAL, voire moins qu'un général, n'est pas juste un technicien du combat comme la culture militaire occidentale sous influence ricaine tend à le promouvoir. Cet aspect combat doit même être la moindre de ses qualités, pour caricaturer un peu, surtout quand les élites politiques sont devenues totalement étrangères aux problématiques internationales en général et stratégiques/guerrières en particulier.

L'art opératif soviétique en 43-45 a été remis au goût du jour de force forcée mais avait été mis sous silence pendant les grandes purges en partie parce que Staline vivait mal le fait d'avoir des chefs militaires qui pensent et qui, surtout, via les besoins de cette doctrine, seraient amenés à disposer d'une large autonomie de facto et d'une grande latitude de moyens, loin de l'omniprésence du chef d'Etat, et pas à la merci des Zampolits stratégiquement et tactiquement ineptes. Ce niveau opératif est de facto une marge d'autonomie de décision de nature et de portée stratégique, donc politique, qui échappe au chef d'Etat à moins qu'il ne soit lui-même à la tête du théâtre d'opération.

C'est la nature politique et purement circonstancielle (le théâtre d'opérations est par essence unique) qui rend cet "art opérationnel" peu définissable en termes d'approche purement militaire, quantitative et technique: le colonel à la tête d'un unique GTIA plus quelques moyens interarmées dans un déploiement limité dans une Côte d'Ivoire déchirée aura de facto la même problématique fondamentale que Jukov sur le front allemand ou Petraeus en Afghanistan: il ne peut pas être juste un chef d'unités de manoeuvre cherchant à taper des groupes, bataillons, brigades et divisions adverses: son rôle est politique, ses contraintes ne sont pas que techniques, et il ne peut pas n'être qu'un exécutant des stratèges de cabinet de la capitale, loin des réalités du terrain, avec au mieux un rôle de "consultant terrain" vis à vis de ses leaders politiques. Suivant la nature du conflit, l'importance de la dimension strictement combattante varie: l'essentiel du taf concret de Jukov était quand même de taper du soldat allemand, mais il devait pour ce faire avoir une compréhension poussée du dispositif aderse dans sa profondeur et son organisation (y compris politique), anticiper l'impact de telle opération sur telle cible pour prioriser au mieux son action, ce qui impliquait un niveau d'autonomie de décision important, loin du contrôle du chef suprême, une certaine latitude pour parler au dit chef, pour obtenir des myens.... Peut-être pas si énorme au regard des normes occidentales d'autonomie, mais pour le système stalinien, c'était quasiment l'anarchie :lol:.

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La proposition du général J'oublie-toujours-son-nom, dans les années 70-80, d'utiliser les forces d'infanterie de l'OTAN dans du Hit and Run de très grande échelle le long des axes de progression de l'armée rouge, avec une dotation plus que massive en missiles antichar, c'en est un.

Plus prosaïquement, la posture allemande entre la fin de la bataille de Verdun et les grandes offensives du printemps 1918, c'en est un autre: défense en profondeur = art opérationnel. C'est juste la mise en oeuvre pratique d'un choix stratégique au service des objectifs assignés. Dans ce dernier cas, le but est de minimiser les pertes et tenir en attendant de récupérer une capacité, Ludendorff le croit, de percer le front adverse.

Mais ce peut être aussi l'art et la stratégie même de pays en posture défensive, qui n'ont pas d'autre choix: la Finlande fae à l'armée rouge, la Suède, ou encore la Suisse, ont adopté de telles stratégies.

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La mise en oeuvre d'une stratégie d'attrition de l'adversaire, via le harcèlement (hit and run sur les forces de pointe et/ou attaques sur les arrières), le piégeage des itinéraires, éventuellement la terre brûlée.... C'est quoi sinon l'art opérationnel d'une stratégie/posture défensive? Soit parce que l'Etat en défense applique la stratégie du faible au fort, soit parce qu'il a de l'espace à revendre pour reculer, et qu'il juge que c'est plus "rentable".

Napoléon terre brulée toussa ca rentre dans ce cadre

A noter là qu'il y a eu confrontation entre Koutouzov, quasiment tout seul, et les autres généraux russes, Bagration en tête, qui prônaient la recherche de la bataille, avec l'appui du Tsar: il a fallu les premiers affrontements et surtout Borodino pour que Koutouzov puisse imposer son point de vue. Bref, de fait, c'est vraiment un chef de théâtre d'opération qui a fini par obtenir du chef stratégique la validation de sa stratégie qu'il mettait par ailleurs en application à la moindre occasion en attendant (ordres de destruction ou emport des réserves de vivres, directives de ne pas s'accrocher inutilement en bataille....) avec plus ou moins de succès avant Borodino. Lui ne voulait que garder une armée apte à combattre et laisser s'épuiser l'adversaire.

Autre exemple, moins purement défensif dans le principe, mais bien dans la pratique: la stratégie d'Arminius/Hermann face aux Romains. Sachant qu'il n'avait pas de chances en bataille rangée, il organise la lutte comme une embuscade à grande échelle sur un axe de pénétration très profond. Toute son action a consisté à attirer les Romains le plus possible au coeur de la forêt germanique pour pouvoir appliquer, au final, une tactique d'embuscade, de piégeage et de harcèlement. Le but n'est pas l'attrition, mais bien une "campagne d'anéantissement", soit un objectif plus que seulement défensif, mais la posture, "l'outil" (organisation, troupes, équipement, préparation du terrain) et la tactique sont eux pleinement défensifs.

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la defense en profondeur (theorisée par les allemands pendant la Ie gM, remise au gout du jour pendant la IIe GM) et la tactique des hérissons

dans le premier cas on a un front brisé par des obstacles pour ralentir l'offensive adverse et séparer les éléments rapides (d'exploitation) des éléments lents

ainsi pendant la IIe GM surtout sur le front de l'Est les unités allemandes s'appuyaient sur une technique de defense en profondeur organisée en 3 ou 4 lignes de defense : une première ligne eparse de reco/identification de l'ennemi  (avec observateurs potentiellement enterrés), une seconde ligne de defense pure (avec entre la ligne 1 et 2 des tranchées, fosses antichars et mines battues par les mitrailleuses et canons AC et SRL de la ligne II), une troisième ligne avec l'appui d'artillerie sur coordonnées pré existantes ou en tir direct pour certaines grosses pièces et une quatrième ligne de reserves de contre attaque

dans la doctrine du hérisson c'est la même chose àl' echelle d'un village/ville/hameau mais en s'appuyant sur des reserves mobiles ou un appui d'artillerie intermediaire situés entre 2 villages en hérissons

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Je m'en vais de la question à deux balles mais connaissez vous un art opératif defensif?

la defense en profondeur (theorisée par les allemands pendant la Ie gM, remise au gout du jour pendant la IIe GM) et la tactique des hérissons

L'embuscade géante imaginée par Séré de Rivières et sa fortification en profondeur ne répondent-ils pas également à cette notion (et partant plus ancienne que la WWI) ?

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Je m'en vais de la question à deux balles mais connaissez vous un art opératif defensif?

Recemment lu l'ouvrage de Zabecki sur les offensives allemandes de 1918 : dans les chapites introductifs du sujet, il considère que l'attitude allemande de la fin de verdun au début des offensives de 1918 correspond à une campagne opérative défensive réussie de Ludendorff avec une défensive stricte sur le front ouest et des offensives limitées en Russie, roumanie et Italie. ( je rejoint donc Tancréde ici )

De même  tu as la trés célébre 3iè bataille de karkhov en février/mars 1943 qui représente une campagne défensive trés réussie

Moins réussie, la campagne du Dniepr de Manstein en 1943/1944 ou celle en Ukraine orientale durant l'été 1943   

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