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Plan XVII : attaquer ... jusqu'où ?


aigle
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Bonjour à tous et bonne année 2011 !

Nous commémorerons le centenaire de l'enterrement du (raisonnable) plan XVI et de la révocation de son concepteur, le (trop) prudent général Michel (trop prudent pour les ministres radicaux-socialistes). Ceci me conduit à poser aux spécialistes de la guerre de 1914 les questions suivantes relatives au plan français suivant (le fameux plan XVII de Joffre).

Si nous considérons que ses auteurs n'étaient pas fous mais avaient simplement surestimé le "rouleau compresseur russe" et l'appui anglais et sous-estimé la force allemande (notamment l'efficacité des réserves et de l'artillerie lourde) et l'audace de son état-major (qui viole la neutralité belge), nous devons penser qu'au-delà d'une simple offensive "à outrance" en Lorraine dont on parle partout (y compris sur wikipedia), ils devaient avoir des élaboré des objectifs stratégiques précis et réalistes (de leurs point de vue et en connaissant leurs fausses évaluations des potentiels et priorités des uns et des autres). Quels étaient ils ?

S'agissait il pour la France de simplement libérer l'Alsace-Lorraine et d'ensuite négocier en position de force ?

S'agissait il d'occuper la rive gauche du Rhin en laissant les Russe avancer jusqu'à Berlin ?

S'agissait il de franchir le Rhin et d'avancer jusqu'en Allemagne centrale (par exemple de rencontrer les Russes sur l'Elbe ?) ?

S'agissait il d'aller jusqu'à Berlin ? et Vienne ?

Je ne trouve guère de précisions là-dessus sur le net ni dans ma bibliothèque et vous remercie par avance de vos éclaircissements.

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Il est normal que tu trouves peu de précisions là dessus dans ta bibliographie: il n'y en a pas.    :lol:

Le plan XVII contrairement au plan schlieffen est uniquement un plan de mobilisation et de concentration des forces, il n'y a rien de prévu ensuite et aucun plan général pour gagner la guerre.

Ce n'était pas plus mal dans la mesure où ca a laissé une flexibilité suffisante pour redéployer les forces pour la bataille de la marne et où la France n'est pas allée s'embourber dans une offensive en lorraine ou en alsace qui lui aurait fait perdre la guerre.

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  • 2 years later...

Comme biblio, un lien vers un article de Doughty (aussi auteur de Pyrrhic Victory: French Strategy and Operations in the Great War):

http://www.southalabama.edu/history/faculty/rogers/345/articles/doughty.pdf

 

 

Résumé de ce qu'il y'a à retenir (de mon point de vue):

 

- En 1914 Joffre a toute la marge de manoeuvre "politique" nécéssaire pour établir la stratégie militaire. Le politique n'intervient pas dans son domaine (et lui dans le domaine du politique) et il n'a pas de "rival" interne à l'armée une fois les opérations commencées (contrairement par exemple à la rivalité Foch-Pétain en 1918 ou Gamelin-Georges en 1940).

Le plan XVII de déploiement (et pas d'opérations) est l'oeuvre du seul Joffre, qui garde secrètes ses intentions opérationnelles qui sont dépendantes d'accords diplomatiques secrets avec les russes et britanniques. Les commandants d'armées n'ont pas leur mot à dire (comme Lanrezac opposé au plan XVII) et ne font qu'appliquer les ordres de Joffre.

 

- L'alliance avec la Russie est fondée sur une attaque simultanée contre l'Allemagne (désignée comme adversaire principal) avec le maximum de moyens disponibles par les deux alliés, afin d'obtenir un rapport de forces numérique favorable. Plus l'Allemagne doit laisser de forces à l'Est, moins elle aura de forces disponibles à l'Ouest et inversement. En soulageant le front qui sera le plus menacé, cela.permet aux franco-russes de s'adapter à l'incertitude sur le plan opérationnel allemand. Le plan XVII doit donc dans tous les cas permettre l'offensive si nécéssaire. D'où le rejet du plan XVI de Michel (Joffre fera son propre plan XVI,  proche du plan XVII) beaucoup trop défensif (et qui de plus demandait de mettre les réservistes en première ligne à la frontière pour pouvoir couvrir tout le front de la suisse à la mer du nord).

 

- L'amélioration des voies ferrées dans l'Eiffel et les kriegspiels du GQG allemand indiquent à Joffre que l'axe d'attaque principal sera la France. Une passage via la Belgique est probable (et pris en compte par Joffre) mais pas certain.

 

- Joffre préfèrerait entrer en Belgique en premier pour faciliter l'offensive française en contournant les fortifications en Lorraine. Poincaré rejette la proposition de Joffre afin de préserver l'alliance avec la Grande-Bretagne qui y a mis un veto explicite. En cas d'invasion allemande de la Belgique, l'aide anglaise est attendue au bout de trois semaines avec l'arrivée en renfort d'une armée britannique sur le flanc gauche, mais les français doivent attendre que les allemands entrent (éventuellement) les premiers en Belgique.

 

- A noter que le passage allemand en Suisse par la région de Bâle est une éventualité peu probable mais reste possible.

 

- Joffre ne s'attend pas à ce que les allemands utilisent leurs divisions de réserve en première ligne. Donc il prévoit que l'armée allemande n'aura pas les effectifs suffisants pour à la fois entrer profondément en Belgique, défendre le centre allemand en Ardenne belge et protéger l'Alsace-Lorraine.

 

- L'armée francaise est centrée autour du point central du front français (vers Verdun) afin de pouvoir s'adapter aux choix allemands (entrée ou non en Belgique, entrée ou non en Suisse, recherche de la supériorité numérique face à la Russie ou face à la France). La posture française peut être soit offensive soit défensive, l'offensive française principale peut se faire soit en Alsace-Lorraine soit en Belgique via l'Ardenne.

 

- Les forces francaises comportement 5 armées de l'est à l'ouest: la Ière armée a comme objectif le nord de Baccarat vers Sarreguimes, la IInde armée le nord-est de Nancy vers Saarbrucken, la IIIème armée fait le lien face à Metz-Thionville, la Vème armée fait face au luxembourg et à la Belgique, la IVème armée est en réserve derrière les IIème et IIIème armée, plus une réserve du GQG de quatre corps d'armée (un à la droit de la Ième armée deux derrière les IIème et IIIème armée, un à la gauche de la Vème armée).

 

- Une fois la guerre déclarée, Joffre attend de voir quels sont les choix allemands avant d'agir.

 

- La prise temporaire de Mulhouse par le VIIème corps d'armée n'est rien de plus qu'un raid de large ampleur visant à fixer des forces allemandes.

 

- Une fois l'entrée allemand en Belgique connue, Joffre renforce la IVème armée avec ses réserves et prépare son offensive principale des Vème, IVème et la plupart de la IIIème armée vers le nord dans l'Ardenne, la IInde armée et la plupart de la Ière armée font une offensive de diversion en Lorraine (qui n'est pas l'axe d'attaque principal, contrairement à ce qu'on peut lire ici et là). Joffre pense que les allemands ont affaibli leur centre pour attaquer dans le nord de le Belgique et veut les surprendre par une offensive. L'entrée en belgique avant l'attaque est interdite pour préserver le secret. L'offensive démarre le 21 aout, les français s'attendent à un adversaire en infériorité numérique.

 

- L'offensive échoue car:

1) Les allemands ont utilisé leurs divisions de réserve en première ligne ce qui les mets en légère supériorité numérique dans l'Ardenne. La principale erreur de Joffre a été de sous-estimer l'utilisation des divisions de réserve.

2) Le commandement allemand est mieux informé que le commandement français sur les forces adverses, et a donc pu préparer la défense de  l'Ardenne.

3) L'offensive de diversion en Lorraine est repoussée (par infériorité numérique là aussi), les Ière et IIème armée doivent passer à la défensive pour arrêter les contre-attaques allemandes.

4) L'attaque allemande peut se poursuivre sur son flanc gauche sans être pertubée, ce qui entraine le repli vers la Marne le temps de former à Paris les deux armées de renfort de Manoury et Foch.

5)  On peut peut-être aussi reprocher à Joffre une offensive trop importante en Lorraine pour une diversion.

 

Par contre il n'y a pas de lien avec "l'offensive à outrance" qui est une conception tactique à petite échelle et non de grande tactique, n'est pas la doctrine officielle de l'armée française mais un courant d'idées, et est beacoup moins caricaturale que ce que les contemporains ont en compris vu que son auteur Grandmaison a fait une belle carrière au combat avant sa mort en février 1915 (du coup il n'était plus là pour défendre ses idées).

Modifié par aqva
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Superbe description du plan XVII.

 

Je rejouterai / préciserai plusieurs points concernant ce plan:

 

-Dans son volet purement militaire, c'est un plan de concentration de force en vu des opérations. C'est une sorte de plan de bataille N°1. Il faut bien voir que chaques troupes sont déployés, dans un ordre et un but précis.

 

-Le plan XVII est fortement inspiré du plan XVI remanié par Joffre, il est clairement offensif, contrairement au plan XVI de Michel, jugé trop "défensif" (en fait il prévoyait de parer, puis, contre-attaquer les Allemands). Suivant le plan de Joffre, toutes les troupes ont, maintenant, que des ordres offensifs (ce qui donnera la bataille des frontières) avec les stocks et dépots approvisionnés en conséquences.

 

-Ce plan prend pleinement en compte le transport, le déploiement et le ravitaillement de " l'armée W " britannique, nom provisoire donné au futur B.E.F. (bien que le plan XVI "Joffre" prévoyait, déjà, sa participation).

 

-Les français savent, depuis les années 1870/1880, que les allemands pourraient passer par la Belgique, et en 1914, ils en sont persuadés (kriegspiels, infrastrustures... mais aussi, manoeuvres diplomatiques du Kaiser pour attirer la Belgique dans le camps allemand). Seule l'ampleur du plan d'enveloppement allemands demeurre incertaine.

 

-Joffre (en plein accord avec Poincaré) n'a jamais voulu entrer en Belgique en premier mais: "porter la bataille" en Belgique (ce qui est différent). En effet, si les français entraient en Belgique avant les allemands, cela renverserait immédiatement l'alliance avec les britanniques (qui ont garantie la neutralité belge contre toutes agressions). Il est donc prévu (pour la V° arméee + le corps de cavalerie + l'armée W) d'avancer en Belgique à la rencontre des allemands qui y seraient entrés en 1°.

 

-Les necessités militaire du plan XVII (+ de troupes d'actives) a fortement pesé pour repasser le service militaire à 3 ans (août 1913).

 

-Ce plan planifie, bien plus que les précédents, une véritable transformation du pays de l'état de paix en un état de guerre tant au niveau militaire, qu'industriel, économique....

 

 

L'offensive générale échoue (en plus des points cités par Aqva), aussi, par une supériorité de l'artillerie allemande, mais aussi par cette volonté d'offensives françaises en toutes circonstances, voir en dépit du bon sens, occasionnant parfois inutilement, de lourdes pertes (ce que critique Lanrezac, mais qui, isolé et à contre-courant de la pensée générale, sera rapidement écarté).

 

En effet, ce qui sera appelé, plus tard, "l"offensive à outrance", impregne déjà très fortement l'armée française aux niveaux stratégiques et tactiques, surtout depuis des années 1900. Que ce soit à l'école militaire, dans les publications d'officiers avant la guerre ou dans les conférences. Il est dit préférable de "sauter à la gorge des allemands" (et gêner ainsi leurs plans) que de rester "inactif" devant l'ennemi (et finir comme Bazaine).

 

 Cela vaut à certains généraux, comme Michel, jugé trop "timoré" ou "attentiste" (le plan XVI), d'être remplacer par un Joffre plus "combatif" et "offensif". Cet état d'esprit était même inscrit dans le réglement militaire de l'époque, ou il était (semble-t-il) écrit: "l'inaction, seule, est infamante".

 

Ainsi, quand commence les hostilités, gare aux officiers supérieurs trop prudents, pas assez offensifs ou trop contestataire (sur la stratégie générale), ceux-ci sont immédiatement relevés de leur fonctions: d'une trentaine, en août 14, on arrive à un total de 180 généraux démis (ou envoyés à la retraite), en décembre 1914....une véritable purge !.

 

Ne voulant pas voir ceux-ci se plaindre auprès du gouvernement, ces officiers supérieurs sont interdit de séjour à Paris, à Bordeaux ou à leur ancien lieu de casernement. Les premiers d'entre eux seront placés en résidence à Limoges. Dés lors, un nouveau terme va apparait dans la langue française le "limogeage".

 

Mais ce n'est pas tout, cette esprit combatif et offensif va être rapidement insufflé, de gré ou de force, jusqu'aux soldats avec (sur ordre de Joffre):

 

- l'autorisation d'abattre, sur le champs, tout soldats soupçonnés de couardise ou de desertion.

 

- les tribunaux spéciaux (avec des jugements expéditifs vers le peloton d'execution, les travaux forcés...). La majorité des fusillés de la 1°GM le seront en 1914-1915.

Modifié par Cricrisius
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En effet, ce qui sera appelé, plus tard, "l"offensive à outrance", impregne déjà très fortement l'armée française aux niveaux stratégiques et tactiques, surtout depuis des années 1900. Que ce soit à l'école militaire, dans les publications d'officiers avant la guerre ou dans les conférences. Il est dit préférable de "sauter à la gorge des allemands" (et gêner ainsi leurs plans) que de rester "inactif" devant l'ennemi (et finir comme Bazaine).

 

Pourtant Jean Claude Delhez dit dans ses livres et articles que Joffre n'est pas un fanatique de l'offensive à outrance, autant il adhérait à cette idée qu'une politique offensive contribue à la force moral de la troupe. Mais une fois que cette dernière est confronté à une supériorité manœuvrière ou une grande de puissance de feu la défensive n'est plus exclus. Le plan 17 n'est pas forcément offensif car il débute avec un replie des troupes français de 10 kilomètre de la frontière allemande. Pour ce qui concerne les offensives sur la Lorraine et Mulhouse, elle sont avant tout des revendications géopolitiques.

 

Delhez va même plus loin en affirmant que les offensives à outrance sont plus de l'initiative de généraux incompétent plus d'autre chose, car sur le plan tactique le G.Q.G n'avait pas le contrôle.

 

 

Ainsi, quand commence les hostilités, gare aux officiers supérieurs trop prudents, pas assez offensifs ou trop contestataire (sur la stratégie générale), ceux-ci sont immédiatement relevés de leur fonctions: d'une trentaine, en août 14, on arrive à un total de 180 généraux démis (ou envoyés à la retraite), en décembre 1914....une véritable purge !.

 

Il s'avère que même dans cette situation, c'est plus les rivalités et antipathies qu'avait les officiers entre eux qui est responsable de ces nombreuses purges. Ce qui n'est pas à exclure lorsque je lis la biographie de Nivelle, qui a vu sa carrière mis en retrait à cause des manœuvres de Pétain.

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Le sujet du fil est le "Plan XVII" donc je ne me suis restreint à la grande tactique, je n'ai pas abordé l'aspect petite tactique (échelle de la division maximum) donc "l'offensive à outrance" qui devrait être l'objet d'un autre fil.

L'offensive à l'échelle du front du Plan XVII n'excluait nullement une attitude tactique plus prudente et des attaques mieux préparées, plus d'attention portée à la reconnaissance, etc.

 

Superbe description du plan XVII.

 

Je rejouterai / préciserai plusieurs points concernant ce plan:

 

-Dans son volet purement militaire, c'est un plan de concentration de force en vu des opérations. C'est une sorte de plan de bataille N°1. Il faut bien voir que chaques troupes sont déployés, dans un ordre et un but précis.

 

-Le plan XVII est fortement inspiré du plan XVI remanié par Joffre, il est clairement offensif, contrairement au plan XVI de Michel, jugé trop "défensif" (en fait il prévoyait de parer, puis, contre-attaquer les Allemands). Suivant le plan de Joffre, toutes les troupes ont, maintenant, que des ordres offensifs (ce qui donnera la bataille des frontières) avec les stocks et dépots approvisionnés en conséquences.

 

-Ce plan prend pleinement en compte le transport, le déploiement et le ravitaillement de " l'armée W " britannique, nom provisoire donné au futur B.E.F. (bien que le plan XVI "Joffre" prévoyait, déjà, sa participation).

 

-Les français savent, depuis les années 1870/1880, que les allemands pourraient passer par la Belgique, et en 1914, ils en sont persuadés (kriegspiels, infrastrustures... mais aussi, manoeuvres diplomatiques du Kaiser pour attirer la Belgique dans le camps allemand). Seule l'ampleur du plan d'enveloppement allemands demeurre incertaine.

 

-Joffre (en plein accord avec Poincaré) n'a jamais voulu entrer en Belgique en premier mais: "porter la bataille" en Belgique (ce qui est différent). En effet, si les français entraient en Belgique avant les allemands, cela renverserait immédiatement l'alliance avec les britanniques (qui ont garantie la neutralité belge contre toutes agressions). Il est donc prévu (pour la V° arméee + le corps de cavalerie + l'armée W) d'avancer en Belgique à la rencontre des allemands qui y seraient entrés en 1°.

 

-Les necessités militaire du plan XVII (+ de troupes d'actives) a fortement pesé pour repasser le service militaire à 3 ans (août 1913).

 

-Ce plan planifie, bien plus que les précédents, une véritable transformation du pays de l'état de paix en un état de guerre tant au niveau militaire, qu'industriel, économique....

 

 

Ouep ca complète ou recoupe mon post.

 

Joffre et Poincaré ne sont en effet pas en désaccord (si mon texte a pu le laisser penser), la proposition de Joffre d'entrer immédiatement en Belgique servait à sonder ce qu'il avait le droit de faire ou pas et Joffre n'a jamais eu l'intention de désobéir à la consigne du gouvernement.

 

Point que j'ai oublié de mentionner dans les causes de l'échec de l'offensive de l'Ardenne(20-23 aout): la volonté de Joffre de surprendre les allemands a conduit à attaquer sans reconnaissance. L'offensive francaise s'est dirigée vers le nord par mauvaise identification des positions allemandes, pensant frapper dans le flanc une armée allemande venant de l'est, alors que l'armée allemande venait du nord-est ayant déja fait son mouvement de pivot du plan Schlieffen. Les armées allemandes étaient nettement mieux informées sur les postions françaises.

Une conséquence a été la prise en embuscade de la 3 ème DIC quasi détruite à Rossignol par deux divisions allemandes.

 

Pourtant Jean Claude Delhez dit dans ses livres et articles que Joffre n'est pas un fanatique de l'offensive à outrance, autant il adhérait à cette idée qu'une politique offensive contribue à la force moral de la troupe. Mais une fois que cette dernière est confronté à une supériorité manœuvrière ou une grande de puissance de feu la défensive n'est plus exclus.

 

Delhez va même plus loin en affirmant que les offensives à outrance sont plus de l'initiative de généraux incompétent plus d'autre chose, car sur le plan tactique le G.Q.G n'avait pas le contrôle.

 

HS ici.

Joffre s'est appuyé sur les "jeunes turcs" partisans de "l'offensive à outrance" en grande partie pour se donner des marges de manoeuvres politiques vis à vis de ses collègues. Surtout, la gestion de la petite tactique n'est pas le boulot du GQG! Joffre est trop éloigné des réalités concrètes du champ de bataille pour donner des instructions en temps réel, d'autant plus que les moyens de communication de 1914 restent très limités, et il a déja une bataille très difficile qui l'occupe à plein temps! En temps de guerre, c'est au corps des officiers de s'adapter par retour d'expérience et coopération horizontale (d'où la très nette amélioration française entre le 22 aout et le 5 septembre qui montre la capacité d'adaptation de l'armée).

Avant guerre, il n'y a jamais eu doctrine officielle française, encore moins imposée par Joffre. L'Ecole de guerre a uniquement une autorité morale, les publications dans les revues militaires et les discussions au sein des cercles d'officiers sont libres. Le contenu des manuels de campagne et les cours de l'Ecole de guerre ont trop peu de continuité dans le temps pour marquer les esprits. En pratique chaque officier mène sa bataille comme il l'entend: d'où l'influence de cercles d'officiers comme les "jeunes turcs", le style de commandement différent des officiers coloniaux ou plus simplement la persistance d'exécutants incompétents n'ayant pas fait évoluer leur conceptions tactiques depuis 1871 et se reposant sur leurs seule expérience (dans la veine anti-intellecualiste du second empire).

 

"L'offensive à outrance" vient d'idées de bas officiers s'intéressant aux débuts des sciences humaines dans la continuité du travail d'Ardant du Picq, elle est argumentée et loin d'être aussi caricaturale et simpliste que l'image qui en est restée. Par contre été d'une certaine manière victime de son succès qui a conduit à sa diffusion de masse et donc à sa simplification à l'extrême dans les esprits des éxécutants, sans que le haut commandement ne corrige la situation. Par ailleurs les "jeunes turcs" ont pêché par manque de culture scientifique et technique, de moins en moins de Polytechniciens rejoignant l'armée avant 1914 (remplacés par des Cyrards), ce qui leur a fait rater des innovations technologiques majeures.

 

 

Le plan 17 n'est pas forcément offensif car il débute avec un replie des troupes français de 10 kilomètre de la frontière allemande.

 

L'interdiction d'entrer dans les 10 kilomètres de la frontière allemande vient du gouvernement Viviani pour éviter l'escalade dans la crise, pas du Plan XVII.

 

 

Pour ce qui concerne les offensives sur la Lorraine et Mulhouse, elle sont avant tout des revendications géopolitiques.

 

Pas d'accord là dessus: comme explique plus haut ça fait partie d'un plan global pour fixer les forces allemandes, ce n'est pas une revendication sur l'Alsace-Lorraine (c'est le rôle de la diplomatie) ni une tentative de mener une guerre limitée pour reprendre l'Alsace-Lorraine: le Plan XVII recherche la victoire complète de la France et de la Russie sur l'Allemagne, il est hors de question de lacher la Russie si l'Alsace-Lorraine venait à être reprise (donc ce n'est pas un objectif prioritaire en soi).

 

 

Il s'avère que même dans cette situation, c'est plus les rivalités et antipathies qu'avait les officiers entre eux qui est responsable de ces nombreuses purges. Ce qui n'est pas à exclure lorsque je lis la biographie de Nivelle, qui a vu sa carrière mis en retrait à cause des manœuvres de Pétain.

 

Raisons politiques valables dans n'importe quelle armée, y compris en temps de guerre (la compétence y joue un role plus grand qu'en temps de paix sans être déterminante à elle seule).

Joffre présentait au moins en 1914 l'avantage d'avoir toute la marge de manoeuvre politique nécéssaire pour diriger la guerre avec le minimum de contraintes. Le contraire de Gamelin et Georges en 1940 qui sont en rivalité ouverte, s'entendent très mal (marqué par la séparation physique des QGs et même des différents bureaux), dont le champ de responsabilités respectif est mal défini et qui sont sontenus par deux camps politiques différents.

 

Sur les purges, breaucoup de généraux de temps de paix (sans doute la majorité) sont plus compétents pour faire avancer leur carrière que diriger une armée, d'où les plans sociaux massifs de généraux en début de conflit. =)

Modifié par aqva
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Pourtant Jean Claude Delhez dit dans ses livres et articles que Joffre n'est pas un fanatique de l'offensive à outrance, autant il adhérait à cette idée qu'une politique offensive contribue à la force moral de la troupe. Mais une fois que cette dernière est confronté à une supériorité manœuvrière ou une grande de puissance de feu la défensive n'est plus exclus.

 

Delhez va même plus loin en affirmant que les offensives à outrance sont plus de l'initiative de généraux incompétent plus d'autre chose, car sur le plan tactique le G.Q.G n'avait pas le contrôle.

Joffre fait parti des officiers de l'école de pensée du colonel de Grandmaison (qui, en gros, copie les allemands, dans l'offensive rapide et la volonté résolue), mais effectivement, conçoit la défense (ou le repli) en cas de force majeur, même si cela le contrarie fortement.

 

Il faut voir que Joffre ne supporte pas la contradiction et fait appliquer son plan "à la lettre" jusqu'à user du harcèlement pour son application "à tout prix". Qu'il fait rechercher immédiatement des coupables dès que le plan "déraille" un peu. De la sorte, lui et les officiers du GQG qui suivent le même dogme, font régner un climat général très tendu, surtout après les défaites aux frontières, et il ne fait pas bon paraitre "timoré" ou "contestataire" sur l'esprit et le moral "offensif" et "combatif".

 

Mais des effets pervers vont apparaitre dès le début de la guerre, beaucoup de généraux (craignant un limogeage, par carriérisme,ou plus simplement, par incompétence) vont monter des attaquer précipités et/ou inutiles, obéissant aveuglement et coûte que coûte aux ordres, et se montrer peu économe en ressources humaines... le tout pour montrer à leurs supérieurs (et à Joffre) leurs activismes et leur volontés combatives. Joffre en est bien conscient, et rappel les "bonnes manières" du commandement, mais c'est insuffisant pour enrayer ces abus, pire, il les encourages, par ses mesures punitives et son style de commandement trop "sec". Ainsi, le système militaire entre très rapidement dans la doctrine de l'offensive à outrance, sorte d'aboutissement final du culte de l'attaque rapide inconditionnel et de l'esprit combatif forcé d'avant guerre.

 

Le plan 17 n'est pas forcément offensif car il débute avec un replie des troupes français de 10 kilomètre de la frontière allemande. Pour ce qui concerne les offensives sur la Lorraine et Mulhouse, elle sont avant tout des revendications géopolitiques.

Le plan XVII prévoit un déploiement des troupes beaucoup plus proche de la frontière que tout les autres plans précédents (mais en retrait d'environ 10 Km, à l'abri de l'artillerie ennemie, et pour éviter des incident de frontières si conflit non déclaré), le but est d'être près à lancer l'offensive chez l'ennemi dès que possible (il n'y a donc aucun un repli).

 

Le plan XVI de Michel (d'ailleurs, jamais adopté), prévoyait de placer le tiers des forces à la frontière belge, (pour parer le contournement allemand), et/ou de bloquer une ou plusieurs attaquent centrales majeures (entre Verdun et Toul), toutefois, il était prévue de contre-attaquer dans un second temps (selon les possibilités).

 

Le plan XVII prévoit: pour la V° armée, de progresser en Belgique, au Luxembourg, et sur Thionville, pour rejeter, ou sinon, bloquer les allemands. La III° armée, sauf en cas d'attaque majeure allemande sur le secteur de Verdun, doit investir Metz et appuyer la progression de la II° et la V° armée. La I° armée doit agir vers le Rhin, sur Mulhouse et Colmar. La II° armée, doit avancer vers Sarrebourg. La IV° armée est placé en réserve derrière la III° armée en appui.

 

Ainsi, le plan XVII est largement plus offensif que le XVI de Michel, plus "statique".

On peut noter que l'armée d'active est plus réduite au temps de Michel (service militaire de 2 ans), et qu'une participation de l'armée W (brit) est prévue, mais pas réellement planifiée, faute de certitudes, tout cela limite les choix stratégiques de Michel.

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Mais des effets pervers vont apparaitre dès le début de la guerre, beaucoup de généraux (craignant un limogeage, par carriérisme,ou plus simplement, par incompétence) vont monter des attaquer précipités et/ou inutiles, obéissant aveuglement et coûte que coûte aux ordres, et se montrer peu économe en ressources humaines... le tout pour montrer à leurs supérieurs (et à Joffre) leurs activismes et leur volontés combatives. Joffre en est bien conscient, et rappel les "bonnes manières" du commandement, mais c'est insuffisant pour enrayer ces abus, pire, il les encourages, par ses mesures punitives et son style de commandement trop "sec". Ainsi, le système militaire entre très rapidement dans la doctrine de l'offensive à outrance, sorte d'aboutissement final du culte de l'attaque rapide inconditionnel et de l'esprit combatif forcé d'avant guerre.

 

Belle démonstration que l'emploi de mesures punitives excessives envers les généraux qui échouent n'a jamais été un style de management efficace, pas plus que l'usage de la guillotine en 1793.

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L'interdiction d'entrer dans les 10 kilomètres de la frontière allemande vient du gouvernement Viviani pour éviter l'escalade dans la crise, pas du Plan XVII.

 

C'est ce que dit aussi Jean Claude Delhez. Elle avait pour but d'éviter tout incident qui pourrait accuser la France d'agression.

 

 

Pas d'accord là dessus: comme explique plus haut ça fait partie d'un plan global pour fixer les forces allemandes, ce n'est pas une revendication sur l'Alsace-Lorraine (c'est le rôle de la diplomatie) ni une tentative de mener une guerre limitée pour reprendre l'Alsace-Lorraine: le Plan XVII recherche la victoire complète de la France et de la Russie sur l'Allemagne, il est hors de question de lacher la Russie si l'Alsace-Lorraine venait à être reprise (donc ce n'est pas un objectif prioritaire en soi).

 

Jean Claude Delhez dit bien que le plan XVII, repose avant tout sur l'action des allemands, qui dans le supposition de l'invasion de la Belgique doit fixer la guerre dans ce pays. D'ailleurs c'est ni plus ni moins ce que votre lien dit sur le plan XVII qui est avant tout un plan de couverture, mobilisation, concentration et enfin d'offensive. Elle doit répondre avant tout chose aux impératives géopolitique de l'époque et prendre en compte des paramètres comme la neutralité belge, l'attitude de l'Angleterre, et les russes etc ...

 

Pour ce qui concerne les offensive en Lorraine Jean Claude Delhez dit qu'elle est nait d'un compromis entre les russes et les français, les russes voulait avoir la certitude que la France respecte les accords conclus. D'ou la décision de lancer cette offensive qui n'était pas prévu dans le plan, dans un espace aussi réduit. Pour celle sur Mulhouse votre lien suggère aussi que cette offensive est plus dans l'ordre symbolique qu'une réellement opération de grande ampleur.

 

 

Joffre fait parti des officiers de l'école de pensée du colonel de Grandmaison (qui, en gros, copie les allemands, dans l'offensive rapide et la volonté résolue), mais effectivement, conçoit la défense (ou le repli) en cas de force majeur, même si cela le contrarie fortement.

 

Pas seulement ça ... Joffre est très conscient des risques et met beaucoup de soin pour être informer des mouvements de ennemis, d'ou la demande à la cavalerie d'informer immédiatement le GQG de la présence et manœuvre des allemands. Le GQG ne néglige pas non plus la nouvelle donne technologique et leur emplois, sur ce point de vue là les tactique française et allemands sont assez proches. Pas plus que l'autre ne sacrifie les armes d'appui au profit de l'offensive généralisée. Tout deux pour affronter l'adversaire déploie le fantassin en chaine de tirailleurs, éclairé par la cavalerie et sous la protection d'une avant-garde. Bien sur l'artillerie (ainsi que les mitrailleuses) a pour mission d'appuyer l'infanterie, dans la limite de ses capacités d'emploi, poids, encombrement, son champ de tir etc ...

 

 

Mais des effets pervers vont apparaitre dès le début de la guerre, beaucoup de généraux (craignant un limogeage, par carriérisme,ou plus simplement, par incompétence) vont monter des attaquer précipités et/ou inutiles, obéissant aveuglement et coûte que coûte aux ordres, et se montrer peu économe en ressources humaines... le tout pour montrer à leurs supérieurs (et à Joffre) leurs activismes et leur volontés combatives. Joffre en est bien conscient, et rappel les "bonnes manières" du commandement, mais c'est insuffisant pour enrayer ces abus, pire, il les encourages, par ses mesures punitives et son style de commandement trop "sec". Ainsi, le système militaire entre très rapidement dans la doctrine de l'offensive à outrance, sorte d'aboutissement final du culte de l'attaque rapide inconditionnel et de l'esprit combatif forcé d'avant guerre.

 

"Limogeage" d'avant guerre ne concernait qu'un nombre limité d'officier généraux, ou on parle plus de mise à la retraite que de réellement de limogeage. Au delà de ces cas de figure les procédures se montrait plus lourde en temps normal, avec enquête et la consultation du Conseil Supérieur de Guerre. Il ne faut donc pas exagérer la chose, ce n'est pas non plus les purges stalinienne.

 

Et puis GQG n'est pas omniscient et omnipotent, il faut savoir qu'en pleine guerre ce n'est pas Joffre qui désigne directement les victimes sauf pour les cas de Lanrezac et Ruffey. Il faut voir comment le système fonctionner à l'époque prenons : qu'un général de Corps A n'est pas satisfait de son subordonné, le général de division B. Il écrit à son supérieur, le général d'armée C. Pour mieux faire passer la pilule il propose en même temps un remplaçant. Tout cela remonte vers le GQG qui n'a franchement pas le temps de vérifier ce qui se passe dans les divisions et régiments de l'armée française.

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"Limogeage" d'avant guerre ne concernait qu'un nombre limité d'officier généraux, ou on parle plus de mise à la retraite que de réellement de limogeage. Au delà de ces cas de figure les procédures se montrait plus lourde en temps normal, avec enquête et la consultation du Conseil Supérieur de Guerre. Il ne faut donc pas exagérer la chose, ce n'est pas non plus les purges stalinienne.

 

Et puis GQG n'est pas omniscient et omnipotent, il faut savoir qu'en pleine guerre ce n'est pas Joffre qui désigne directement les victimes sauf pour les cas de Lanrezac et Ruffey.

Joffre, et le GQG, sont juges et parti, là est, en grosse partie, le "hic" des limogeages.

 

Ils ont décidés de la stratégie générale (plan XVII), et rejettent son échec sur les exécutants en les mettant au placard, sans aucune autocritique.

C'était très pratique pour masquer leur propres responsabilités (et celles des politiques): les "victimes" ont peu de recourt quant à leur "destitution", sont "isolées" et fortement encouragés à se taire (ce que beaucoup feront), ils ne doivent surtout pas faire de vagues.

Grace à la victoire de la Marne, il n'y aura, finalement, aucune de remise en cause officielle du plan XVII (et de ses décideurs, politiques et militaires) ainsi que ses conséquences pour la bataille des frontières (qui seront minimisés après coups).

 

Joffre ne désigne pas, seul, les "coupables", (sauf dans certains cas: Bonneau, Lanrezac...), c'est souvent son entourage au GQG (par ex: le 3° bureau) qui "enquête" et lui prépare un dossier à charge sur les "cibles", mais Joffre se fait souvent sa propre opinion et tranche seul, surtout pour les cas important: généraux (div, C.A.)

 

Oui, bien sûr, des erreurs tactiques ont été commises sur le terrain, mais des erreurs stratégiques aussi, et Joffre admettra beaucoup plus tard (dans ses mémoires), qu'il s'est fait surprendre, sur l'emploi des réserves allemandes(*), une façon de dire qu'il avait des lacunes à son plan.

Mais sur le moment il démet à tour de bras 180 généraux, en 1914. Pour les postes de haut-gradés, c'est un proportion (de renouvellement) proche des 4/5, et pour les commandements de corps d'armée, il y a 10 remplacements (sur 21).  Ce n'est pas une purge stalinienne (à ma connaissance, personne n'est tué ou emprisonné), mais c'est bien une purge.

 

Le déni des responsabilités, va plus loin, puisque Joffre rejette, aussi, la défaite aux frontières (conséquence du plan XVII) sur la troupe: "nos corps d'armées n'ont pas montrer, en rase campagne, les qualités offensives que nous avaient fait espérer les succès partiels du début" (compte rendu de Joffre à Viviani, président du conseil, août 1914).

 

 

(*) Il a souvent été dit que les français étaient surpris de voir les réserves allemandes en 1° ligne, ceci n'est pas tout à fait exact: en mai 1914, le 2° bureau (renseignements du GQG) s'était procuré le plan de mobilisation allemand où il était bien écrit: "les troupes de réserves seront employées comme des troupes actives". Les conseillers de Joffre n'avaient pas pris en compte cette info, car elle allait à l'encontre de leurs propres hypothèses, et il eut obligé à reconsidérer tout le plan XVII, son côté offensif, mais aussi l'ampleur du mouvement d'encerclement allemand. Le 13 juillet 1914, l'état-major avait terminé l'étude du document et estimait les forces ennemies à 30 corps + 16 divisions (réserves + cavaleries) soit 78 divisions contre les français (il y aura, en réalité, 88 divisions + 14 brigades landwehr). Le plan XVII prévoyait (en 1° ligne): 64 divisions alliés contre...57 allemandes !

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(*) Il a souvent été dit que les français étaient surpris de voir les réserves allemandes en 1° ligne, ceci n'est pas tout à fait exact: en mai 1914, le 2° bureau (renseignements du GQG) s'était procuré le plan de mobilisation allemand où il était bien écrit: "les troupes de réserves seront employées comme des troupes actives". Les conseillers de Joffre n'avaient pas pris en compte cette info, car elle allait à l'encontre de leurs propres hypothèses, et il eut obligé à reconsidérer tout le plan XVII, son côté offensif, mais aussi l'ampleur du mouvement d'encerclement allemand. Le 13 juillet 1914, l'état-major avait terminé l'étude du document et estimait les forces ennemies à 30 corps + 16 divisions (réserves + cavaleries) soit 78 divisions contre les français (il y aura, en réalité, 88 divisions + 14 brigades landwehr). Le plan XVII prévoyait (en 1° ligne): 64 divisions alliés contre...57 allemandes !

Tu peux en dire plus sur ce point? Comment ce renseignement a-t-il été collecté et par qui?

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Joffre, et le GQG, sont juges et parti, là est, en grosse partie, le "hic" des limogeages.

 

Justement pas toujours ... des officiers ont été déjà relevé de leur commandement bien avant une décision de Messimy et Joffre. ( exemples des généraux Poline et Legrand-Girarde) Autre chose, lorsque Jean Claude Delhez parle de cette affaire ce n'est pas pour disculper le comportement de Joffre dans cette histoire du limogeage (ni ses errements stratégiques). Mais cette affaire ne concerne pas seulement Joffre et son G.Q.G, mais aussi ceux qui sont à la tête des troupes.

 

 

Ils ont décidés de la stratégie générale (plan XVII), et rejettent son échec sur les exécutants en les mettant au placard, sans aucune autocritique.

C'était très pratique pour masquer leur propres responsabilités (et celles des politiques): les "victimes" ont peu de recourt quant à leur "destitution", sont "isolées" et fortement encouragés à se taire (ce que beaucoup feront), ils ne doivent surtout pas faire de vagues.

Grace à la victoire de la Marne, il n'y aura, finalement, aucune de remise en cause officielle du plan XVII (et de ses décideurs, politiques et militaires) ainsi que ses conséquences pour la bataille des frontières (qui seront minimisés après coups).

 

Qu'il décide du plan XVII est tout à fait normal, étant nommé pour remplir ce rôle. Que Joffre est voulu protéger son idée est indéniable, mais tout le monde le fait que cela soi juste ou non. Malgré tout vous lui donné trop de pouvoir qu'il n'en avait en réalité. Son autorité n'était pas incontesté et à plusieurs reprise son plan est critiqué par des généraux respecté comme Manoury, Lanrezac, Trentinian etc ... qui pour deux d'entre eux vont finir limoger après l'échec de l'offensive du 22 Août.

 

 

Oui, bien sûr, des erreurs tactiques ont été commises sur le terrain, mais des erreurs stratégiques aussi, et Joffre admettra beaucoup plus tard (dans ses mémoires), qu'il s'est fait surprendre, sur l'emploi des réserves allemandes(*), une façon de dire qu'il avait des lacunes à son plan.

Mais sur le moment il démet à tour de bras 180 généraux, en 1914. Pour les postes de haut-gradés, c'est un proportion (de renouvellement) proche des 4/5, et pour les commandements de corps d'armée, il y a 10 remplacements (sur 21).  Ce n'est pas une purge stalinienne (à ma connaissance, personne n'est tué ou emprisonné), mais c'est bien une purge.

 

Vous savez très bien qu'il n'existe pas de plan parfait, que Joffre est fait des erreurs dans ses calculs, Jean Claude Delhez ne le nie absolument pas. Il y a une différence entre coupable et responsabilité. L'auteur, du livre en deux tome "Le jour de deuil de l'armée française", synthétise bien ce qui ce passe durant ce cette période qui nous laisse un constat bien amère : l'armée Française n'a pas manqué de moyen mais bien d'efficacité sur le terrain. Inefficacité dans l'utilisation de son artillerie et de son organisation, inefficacité du feu dans la bataille et surtout inefficacité de certains généraux sur le terrain.

 

 

(*) Il a souvent été dit que les français étaient surpris de voir les réserves allemandes en 1° ligne, ceci n'est pas tout à fait exact: en mai 1914, le 2° bureau (renseignements du GQG) s'était procuré le plan de mobilisation allemand où il était bien écrit: "les troupes de réserves seront employées comme des troupes actives". Les conseillers de Joffre n'avaient pas pris en compte cette info, car elle allait à l'encontre de leurs propres hypothèses, et il eut obligé à reconsidérer tout le plan XVII, son côté offensif, mais aussi l'ampleur du mouvement d'encerclement allemand. Le 13 juillet 1914, l'état-major avait terminé l'étude du document et estimait les forces ennemies à 30 corps + 16 divisions (réserves + cavaleries) soit 78 divisions contre les français (il y aura, en réalité, 88 divisions + 14 brigades landwehr). Le plan XVII prévoyait (en 1° ligne): 64 divisions alliés contre...57 allemandes !

 

C'est bien beau d'avoir une information encore faudrait-il savoir avec la masse qu'on reçoit de prendre la bonne initiative, tout en prennent en compte le point de vue politique, militaire et matérielle. C'est d'ailleurs ce qui se passera lors de l'offensive sur les chemin des Dames. Mais pour revenir sur cette étude du Juillet 1914, il faut savoir que même chez les allemands il n'étaient pas sur de passer par la Belgique (cela jusqu'au dernier instant)! Si le renseignement français informe bien des concentrations de troupe aux cours de cette période. Il en reste pas moins qu'une action repose avant tout sur une série de déduction qui peut s'avère être fausse au bout du compte.(tout comme le plan Schlieffen)

Modifié par Rochambeau
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l'armée Française n'a pas manqué de moyen mais bien d'efficacité sur le terrain. Inefficacité dans l'utilisation de son artillerie et de son organisation, inefficacité du feu dans la bataille et surtout inefficacité de certains généraux sur le terrain.

 

Quel degré d'inefficacité de l'artillerie? Il n'y avait déjà pour ainsi dire pas d'artillerie lourde à ce moment côté français: si l'artillerie de campagne était aussi mal utilisée, comment se fait-il que les pertes n'aient pas été encore plus lourdes et l'avance allemande plus inexorable, voire apte à créer LA percée du dispositif français en recul?

 

Le problème d'efficacité sur le terrain et de la réalité concrète de la mentalité tactique et opératique de "l'offensive à outrance" se traduit quand même à un moment dans la troupe: organisation, doctrine tactique.... L'infanterie française a été entraînée d'une certaine manière, ce qui contraint par essence sa capacité d'adaptation et l'efficacité des méthodes sur lesquelles elles se retranchent une fois les méthodes d'entraînement en vigueur désavouées par la réalité. En l'occurrence, l'importance de la mentalité "offensive" liée aux délires sur les "forces morales" a eu une réalité simple: la place de l'entraînement en ordre serré et du focus mis sur la charge à la baïonnette, donc sur l'avance rapide visant le corps à corps (de bataillons plus que d'individus évidemment). On peut minimiser en disant que les cadres sur le terrain s'adaptent vite, mais quand la majeure partie de l'entraînement des unités se concentre là-dessus, la "conversion" rapide à d'autres méthodes tactiques ne peut être aussi efficace que dans une troupe qui a moins mis l'accent sur ce genre de choses.

 

C'est encore plus vrai quand le taux de mortalité des cadres de contact est aussi élevé: les unités sont plus vite désarticulées par le feu, moins résilientes, surtout les unités telles qu'elles sont en 1914, fondamentalement calibrées pour un "combat en ligne" dépassé et désormais inepte. L'armée française est à cet égard nettement désavantagée par rapport à l'armée allemande, ayant une moins bonne formation individuelle et, surtout un encadrement très inférieur en proportion (j'éviterais d'entrer sur une comparaison "qualitative" par essence difficile): pour disposer d'effectifs suffisants, l'armée française, disposant de moins de ressources, a sacrifié sur le temps de formation, et sur la formation de cadres dans des proportions similaires à son adversaire (ou à l'armée anglaise d'ailleurs). Les unités élémentaires ont, à effectif égal, nettement moins d'officiers et sous-offs (de 2 à 4 fois moins), et la qualité (ou, pour être moins "normatif", la pertinence) de leur formation semble avoir été de même moindre. En terme d'efficacité tactique, de résilience des unités et d'adaptabilité sur le terrain, ça crée un gap terrible.

 

Quand tu mentionnes l'inefficacité du feu, tu parles juste de l'artillerie, ou des feux d'infanterie aussi? J'ai lu plusieurs mentions sur la moindre létalité du feu d'infanterie français à ce moment, reproche en étant fait à une moindre insistance en France sur le tir individuel (moins d'entraînement, de munitions tirées) par rapport au "feu de ligne" collectif (encore une relique), autant par idéologie que par adaptation à un cadre de moyens plus contraints qu'en Allemagne et de choix fait du nombre sur la qualité.

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Merci Tancrede pour la précision de vos réponses.

Je reviens sur une question que j'ai posée par ailleurs : comment étaient formées les sous officiers français avant 1914 ? Et pour suivre ce que vous dites en quoi leur formation était elle moins pertinente que celles des Allemands ou des Anglais ?

Et à propos des limogeages, n'y a t il pas une autre interprétation ? Les généraux n'étaient ils pas trop vieux pour faire la guerre ? Le limogeage a t il conduit à un rajeunissement de l'encadrement supérieur des armées ? Je ne suis pas un expert et je sais que Pétain était déjà vieux en 1914 ...

Modifié par aigle
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Le terme "pertinence" peut être mal interprété (j'en ai juste pas trouvé d'autre sur le moment): j'aurais pu aussi dire "adaptation". Je mets cependant des bémols à cette affirmation (j'utilise le mot "semble") étant donné que je ne me fonde là que sur des analyses lues dans des livres sur cette guerre, pas sur des sources originales, et que je n'ai pas une expertise suffisante sur ce sujet pour être réellement catégorique. C'est cependant assez consistant avec le cadre dans lequel s'inscrit la préparation de l'armée française en 14: moins de moyens disponible pour l'entraînement (la France est un pays assez nettement moins riche que l'Allemagne ou l'Angleterre -par tête d'habitant et en général- à ce moment), obligation de faire du nombre aux dépends de la qualité (la France est plus d'un tiers moins peuplée que l'Allemagne, et le différentiel est en fait plus grand encore quand on regarde la pyramide des âges: l'Allemagne a beaucoup plus de jeunes en proportion), et l'influence de la doctrine sur l'offensive se traduit par une insistance absolument dominante sur la charge en ordre serré.

 

Cette charge est quelque chose de lourd à digérer en tant qu'entraînement: contrairement à ce qu'on peut penser, faire charger des bataillons rangés en ordre serré est un apprentissage long et dur, une réalité lourde à changer autant quand on veut réformer l'armée que quand, au niveau individuel (cadres et fantassins), on veut changer la capacité de combat. C'est un moule assez lourd. Si la réalité de 14 a vite dicté un changement de mentalité, ça veut pas dire pour autant que le fantassin de ligne et ses cadres sont devenus des tirailleurs experts en deux temps trois mouvements, surtout quand le taux de mortalité des cadres, plus élevé, a en plus décapité (ou affaibli en tout cas) les unités élémentaires, amoindrissant leur coordination, leur capacité d'adaptation (autre que "micro tactique", cad à l'échelon des groupes essentiels) et leur résilience.Et globalement, la faiblesse de proportion de cadres rend la troupe moins rapidement adaptable.

Un officier et un sous officiers de troupe "de ligne" (entendre "à l'ancienne", ceux de l'ordre serré) ne sont pas du tout les mêmes types de profils et n'ont pas du tout les mêmes capacités qu'un officier et un sous officier de troupes "légères", celles qui vont devenir la norme de l'infanterie dans cette guerre. Troupes coloniales, chasseurs et légion peuvent bien être plus aptes à cette conversion rapide, voire être déjà engagés dans le "nouveau moule", ils ne constituent pas à ce moment la plus grande part de l'armée.

 

Les Anglais s'étaient, avec la guerre des Boers, convertis avant cela à l'idée de l'infanterie légère (en tout cas leur infanterie): à petit échelon, ils s'adaptent mieux au type de combat et y sont plus efficaces en 14. C'est au-dessus de ce niveau qu'ils sont assez ineptes. C'est d'ailleurs du coup le seul "niveau" qu'encense feu John Keegan, dont le jingoisme faiblement nuancé rend toujours les troupes britanniques infaillibles et supérieures, et au coeur des événements qui changent le cours des guerres: sa description de la campagne de l'été 14 s'acharne donc sur ce niveau micro tactique (et évite de décrire le reste pour l'armée britannique) pour dire que les Anglais sont les meilleurs et ont tout fait. Juste parce que les groupes de base et sections britanniques se déployaient mieux, abordaient mieux le combat  et tiraient mieux à ce moment que les autres. Mais une campagne ne se mène pas avec des sections ou des compagnies, aussi utiles que soit leur doctrine dans certaines situations locales. Mais jusqu'à ce niveau, le mode de déploiement et de combat britannique était plus adapté, et en conséquence, leurs officiers et sous-officiers de ces échelons, étaient mieux calibrés pour la tâche du moment.

Ce n'est pas une question de "qualité" dans l'absolu, juste d'adaptation au type de combat rencontré.

 

Pour les sous-offs en particulier, on peut schématiser simplement quelques points (sans non plus faire des jugements absolus, catégoriques et définitifs de ces points):

- le temps consacré à la formation de chaque sous-off est nettement moindre en France qu'en Allemagne: c'est lié au problème de ressources et de choix stratégique fondamental évoqué plus haut

- sur la qualité de la formation (contenu, apprentissage, doctrine), je renvoie à de plus experts et ne fait que signaler ce que j'ai lu chez des auteurs (pas des sources à partir desquelles j'aurais fait une analyse personnelle). Mais la différence de temps passé a généralement aussi un impact sur la qualité du contenu de la formation

- la moindre proportion de sous-off, et la moindre permanence pour les unités de réserve (= moins de temps passé ensemble dans ces unités) impactent pas mal l'armée d'active (de 2 à 4 fois moins de cadres) et beaucoup la réserve

- un sous-off d'unité de ligne formée principalement pour l'ordre serré, c'est essentiellement un sergent "serre file" (ou "pousse au cul"), quelqu'un qui tient sous le feu et fait tenir ses gars groupés. Il est drillé pour ça, pas pour être un micro chef tactique, se coordonner avec ses collègues, mettre en pratique une directive de son officier.... Plus il est rigide, meilleur il est dans ce rôle. Sans caricaturer pour en faire un aboyeur faisant tenir ses hommes en rangs serrés à coups de bâton, il faut constater que c'est autant un moule mental qu'une formation particulière, différente de celle qu'on peut trouver dans l'infanterie légère, qui opère en ordre dispersé, en sous-groupes plus autonomes.... Et impose donc aussi bien une formation et une pratique nécessairement différentes, qu'un moule mental différent (et une relation différente aux hommes).

 

Je ne sais pas comment s'articule en 14 le corps des sous-offs;

- quelle est la proportion de ceux de carrière?

- quelle est la proportion des appelés (et plus tard réservistes) ayant une formation complémentaire, voire un temps supplémentaires sous les drapeaux?

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Quel degré d'inefficacité de l'artillerie? Il n'y avait déjà pour ainsi dire pas d'artillerie lourde à ce moment côté français: si l'artillerie de campagne était aussi mal utilisée, comment se fait-il que les pertes n'aient pas été encore plus lourdes et l'avance allemande plus inexorable, voire apte à créer LA percée du dispositif français en recul?

 

Quand Delhez suggère  que l'artillerie manque réactivité face à l'adversaire c'est plus par la maladresse (par exemple un excès d'économie en munition) des officiers qu'autre chose, ou seul l'erreur tactique ennemis et l'initiative de quelque officier ont fait que l'artillerie réussi à accomplir sa tâche. On peut supposer la même chose en lisant la biographie de Nivelle, qui s'est retrouvé à faire plus dans la retraite que la recherche du contact, et que c'est lui qui proposera l'initiative.

 

 

Quand tu mentionnes l'inefficacité du feu, tu parles juste de l'artillerie, ou des feux d'infanterie aussi?

 

Oui, d'ailleurs ce que vous dites est bien souligné par l'auteur.

 

 

L'armée française est à cet égard nettement désavantagée par rapport à l'armée allemande, ayant une moins bonne formation individuelle et, surtout un encadrement très inférieur en proportion (j'éviterais d'entrer sur une comparaison "qualitative" par essence difficile)

 

Oui l'auteur en parle aussi ... les manœuvres qui ont pour but de coordonnés les troupes ne peuvent ce faire à cause de la trop grande différence démographique avec l'Allemagne. Le fait que personne ne sachant quand va être lancer l'offensive allemande, le GQG a donc pris la décision de ne pas organiser de manœuvres, tout en sachant que cela soit préjudiciable pour la suite. On tente de colmate la situation en diffusant le mieux possible les nouveaux cahier de manœuvre qui avait pour but de développer une meilleur coordination les différentes armes.(même chose va se reproduire en 39)

 

 

Le problème d'efficacité sur le terrain et de la réalité concrète de la mentalité tactique et opératique de "l'offensive à outrance" se traduit quand même à un moment dans la troupe: organisation, doctrine tactique....

 

En fait Delhez nous donne un petit extrait d'un rapport allemands sur les début d'affrontement avec les français qui nous donne une autre image de ce qui ce passe durant le 22 Août, ou les français se montre très maladroit (mais pas stupide pour autant) ne laissant pas à l’ennemi l'occasion de le percé. A travers ses rapports, il découvre que les charge à la baïonnete n'a représenté que 2% de toute l'infanterie française engagée ce jours là. Ce qui n'empêche pas des deux camps de se canarder aux canons. Ironiquement c'est lors des échecs du 22 Août que les militaires découvre d'autre avantage aux canons de 75.

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En fait Delhez nous donne un petit extrait d'un rapport allemands sur les début d'affrontement avec les français qui nous donne une autre image de ce qui ce passe durant le 22 Août, ou les français se montre très maladroit (mais pas stupide pour autant) ne laissant pas à l’ennemi l'occasion de le percé. A travers ses rapports, il découvre que les charge à la baïonnete n'a représenté que 2% de toute l'infanterie française engagée ce jours là. Ce qui n'empêche pas des deux camps de se canarder aux canons. Ironiquement c'est lors des échecs du 22 Août que les militaires découvre d'autre avantage aux canons de 75.

 

2% des effectifs engagés? Ca c'est une info, merci. C'est juste le 22 août, ou c'est assez représentatif de cette première phase de la guerre?

 

Cependant, dans ces premiers mois, et surtout les premières semaines, j'ai du mal à me représenter, et ce encore plus tant que la guerre est encore conçue comme mobile, les unités autrement que groupées en paquets assez denses, surtout côté français où l'encadrement (donc la capacité à "éclater" les unités sans leur faire perdre en cohésion) est nettement moindre en proportion, et où la culture du commandement est nettement plus centralisatrice et moins apte à la délégation de responsabilité (fait nettement plus prégnant chez les Allemands).

Si on ajoute le fait que les chefs doivent désormais coordonner des unités énormes, des effectifs gigantesques, qui évoluent dans un "champ de bataille" nettement plus "virtuel" qu'avant (distances multipliées en largeur et profondeur, incapacité à visualiser directement même une fraction du champ de bataille, et les communications en dessous du niveau corps d'armée sont faibles, encore limitées au visuel/sonore/messagers), on ne peut qu'en déduire une contrainte pratique à garder les unités très groupées, et une tendance plus forte à ce groupement côté français, par nécessité au moins (guerre de mouvement, proportion de cadres, communications faibles, moindre responsabilisation), donc un dispositif plus dense et plus rigide.

Un certain niveau de "dilution" du dispositif n'a pu arriver qu'à bas échelon (bataillon et en-dessous), et en fait plus dans les phases de combat d'arrêt, en utilisant le terrain quand c'était possible, ce qui n'est donc qu'un fait local, ponctuel: en mouvement, en rase campagne, je vois pas une dilution des unités comme très réalisable en l'état des choses à ce moment.

 

Après, physiquement, à quoi ressemblaient les engagements entre grandes unités à ce moment? Comment faire se rencontrer des divisions et corps d'armée sur le terrain? On peut visualiser la chose à peu près pour les premiers engagement sur un terrain découpé (rivières, relief) côté frontière nord: beaucoup de combats assez petits et soutenus, d'intensité variable. Mais après?

 

Et surtout, pour ramener cet aspect sur le sujet; sait-on comment les décideurs envisageaient la réalité tactique du contact (la "friction", quoi) quand ils décrétaient que telle part d'un plan produirait tel effet, et qu'ils s'appuyaient dessus pour décider des étapes ultérieures? Les Allemands semblent avoir été nettement plus réalistes dans l'anticipation de cette "friction", de la réalité tactique des combats, et de leur impact sur les opérations et la façon de les conduire.

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Tu peux en dire plus sur ce point? Comment ce renseignement a-t-il été collecté et par qui?

 

Comme pour l'affaire du Vengeur (qui se disait membre du haut Etat-Major allemand), des officiers allemands renseignaient les français.

 

http://www.aassdn.org/xldd11284.htm

Sur un autre plan, à l'affirmation de Nicolaï(*) sur l'importance de la trahison en France, on peut répondre qu'à la veille de 1914, le S.R. français avait dans sa manche un certain nombre d'officiers allemands qui le renseignaient et, parmi eux « LE VENGEUR », officier général qui, pour se venger de ses supérieurs, en 1904, lui livra le plan SCHLIEFFEN et bien d'autres infor­mations jusqu'en 1913.

Signalons aussi le commissaire de police WAEGELE, attaché au G.Q.G. allemand et qui, pendant toute la durée de la guerre, fournit des renseignements sur les intentions du haut commandement adverse.

 

(*): chef du service d'espionnage allemand.

   

Qu'il décide du plan XVII est tout à fait normal, étant nommé pour remplir ce rôle. Que Joffre est voulu protéger son idée est indéniable, mais tout le monde le fait que cela soi juste ou non. Malgré tout vous lui donné trop de pouvoir qu'il n'en avait en réalité. Son autorité n'était pas incontesté et à plusieurs reprise son plan est critiqué par des généraux respecté comme Manoury, Lanrezac, Trentinian etc ... qui pour deux d'entre eux vont finir limoger après l'échec de l'offensive du 22 Août.

 

Vous savez très bien qu'il n'existe pas de plan parfait, que Joffre est fait des erreurs dans ses calculs, Jean Claude Delhez ne le nie absolument pas. Il y a une différence entre coupable et responsabilité.

 

C'est bien beau d'avoir une information encore faudrait-il savoir avec la masse qu'on reçoit de prendre la bonne initiative, tout en prennent en compte le point de vue politique, militaire et matérielle. C'est d'ailleurs ce qui se passera lors de l'offensive sur les chemin des Dames. Mais pour revenir sur cette étude du Juillet 1914, il faut savoir que même chez les allemands il n'étaient pas sur de passer par la Belgique (cela jusqu'au dernier instant)! Si le renseignement français informe bien des concentrations de troupe aux cours de cette période. Il en reste pas moins qu'une action repose avant tout sur une série de déduction qui peut s'avère être fausse au bout du compte.(tout comme le plan Schlieffen)

Joffre est-il couplable ou simplement responsable ?. Son plan est-il bon, mauvais ou mal éxécuté?. Vaste débat.

 

Que Joffre (et ses adjoints) protège son plan est normal et humain, qu'il y est des erreurs de calculs,  des aléas de la guerre, aussi. Je ne dit pas qu'il est mauvais stratège. Ce que je critique c'est qu'il n'a, à aucun moment, remis en question son plan XVII ou de sa tactique d'attaque "à tout prix", même quand ses généraux lui signalent un ennemi en surnombre et à des endroits où il ne devait pas être. Joffre leur reproche d'affabuler et de ne pas arriver à atteindre les objectifs prévu, il s'auto-persuade qu'ils sont "mauvais", que l'ennemi ne peut être que là où le prévoit le plan !(Nous ne sommes pas loin des Pzdiv de 1940 à Sedan). Au final, d'autres "payent" à sa place.

 

Je suis bien conscient que rien n'est "juste" en temps de guerre.

 

Personnellement, j'ai du mal à croire que tous ses généraux limogés son incompétents, d'autant plus qu'une partie d'entre-eux à été choisi par lui !. Mais quand on voit les cas de Bonneau (relevé pour avoir humilié Joffre), Lanrezac et Ruffey (incompatibilité d'humeur + critique de Joffre) ou d'autres... très très peu sont démis pour incompétence réelle, on est plus dans des "sauts d'humeurs" de Joffre.

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2% des effectifs engagés? Ca c'est une info, merci. C'est juste le 22 août, ou c'est assez représentatif de cette première phase de la guerre?

 

C'est seulement les chiffres du 22 Août, mais il affirme que les charges à la baïonnette (et dans un registre plus globale de l'offensive à outrance) vont s'avèrer être très rare et souvent du à des circonstances particulière. Comme à Bellefontaine mais ce n'était pas une charge de face, ou les positions de mitrailleuses fut attaqué à revers. A noter aussi que les mitrailleuses n'interviendront que de manière sporadique du coté allemands, car les officiers préfèrent les garder en réserve ou sur des positions défensif. Tandis que du coté français le positionnement de la mitrailleuse est beaucoup plus souple, sans parler de l'avantage que lui offre son moyen de transport : le mulet.

 

Mais la plupart du temps, la puissance et le rayon d'action des pièces d'artilleries sont assez dissuasif pour l'infanterie, d'autant que les artilleurs allemands se montrent bien plus volontaire et hargneux.(en même temps ils ont initiative rien de plus normal) Ajouter à la chance qu'en les avantages du terrain le permet d'avoir une reconnaissance aérienne. Selon Delhez c'est justement le fait que c'est une guerre de mouvement qui augmente le nombre de mort. Si la puissance de l'artillerie était déjà connu par tous les belligérants, elle surprend par la tuerie qu'elle provoque.

 

 

Après, physiquement, à quoi ressemblaient les engagements entre grandes unités à ce moment? Comment faire se rencontrer des divisions et corps d'armée sur le terrain? On peut visualiser la chose à peu près pour les premiers engagement sur un terrain découpé (rivières, relief) côté frontière nord: beaucoup de combats assez petits et soutenus, d'intensité variable. Mais après?

 

 

Oui, en général c'est plus ou moins ce qui se passe, avec des moments ou les français tentent de contre-attaquer ou tenir la position mais tout cela dans un but d'un repli généralisé. En fait ce qui à indirectement sauvé la France à ce moment c'est la non recherche de la bataille décisif.

 

Pour ce qui concerne le déplacement des troupes c'est la France se montre "innovante" dans le domaine avec la création d'un Corps groupant des autobus, la cavalerie et une escadrille d'avion qui était sous le commandement du général Sordet, lui même sous l'autorité du général Mangin. Qui va participé à de nombreuse mission de transport de troupe, comme permettre de repousser l'offensive allemande à Fumay. (ainsi qu'à la Marne) La réactivité de se Corps, qui était justement positionné aux alentours des Ardennes, a permis un redéploiement des troupes très rapide et préserver la cohérence.

 

 

Et surtout, pour ramener cet aspect sur le sujet; sait-on comment les décideurs envisageaient la réalité tactique du contact (la "friction", quoi) quand ils décrétaient que telle part d'un plan produirait tel effet, et qu'ils s'appuyaient dessus pour décider des étapes ultérieures? Les Allemands semblent avoir été nettement plus réalistes dans l'anticipation de cette "friction", de la réalité tactique des combats, et de leur impact sur les opérations et la façon de les conduire.

 

Joffre étant un général du génie, qui n'a pas fait l'école de guerre d'autant plus, n'avait qu'une vue bien trop abstrait sur la question de la tactique. Ce qui ne facilité pas la tâche des généraux qui doivent se contenter d'appliquer avec le mieux possible le plan. Tandis que le commandement allemands est lui composé par des gens qui ont fait l'école de guerre, et ils ont passé du temps sur l'étude tactique.

 

@ Cricrisus,

 

Personnellement, j'ai du mal à croire que tous ses généraux limogés son incompétents, d'autant plus qu'une partie d'entre-eux à été choisi par lui !. Mais quand on voit les cas de Bonneau (relevé pour avoir humilié Joffre), Lanrezac et Ruffey (incompatibilité d'humeur + critique de Joffre) ou d'autres... très très peu sont démis pour incompétence réelle, on est plus dans des "sauts d'humeurs" de Joffre.

 

Ah justement Delhez ne dit pas cela, mais lui il avance que les tords sont partagé ... il ne cache pas que Joffre à des responsabilités sur la situation. (Il replace seulement l'homme dans le contexte)

Modifié par Rochambeau
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Citation

 

Ah justement Delhez ne dit pas cela, mais lui il avance que les tords sont partagé ... il ne cache pas que Joffre à des responsabilités sur la situation. (Il replace seulement l'homme dans le contexte)

 

Ne ressort-il pas de cela que, plutôt que d'essayer de dire que c'est plus de la faute de Joffre et des "siens" ou plus de la faute des "autres", que la première incompétence du haut commandement français est alors d'être incapable de se mettre d'accord et de faire tourner la machine? Collection d'egos monumentaux, de penseurs rigides aux idées bien arrêtées, le haut commandement central et les commandements de grands groupements et unités de manoeuvre sont avant tout gripés par une prolongation (en version exacerbée) des divisions et incompatibilités non résolues, prédatant la guerre, signe d'un problème plus institutionnel, ou de culture, mais en tout cas certainement pas une preuve de professionalisme, d'aucun côté.

Autre cause possible: l'âge. On devient plus rigide et intransigeant, souvent. Un article du dernier DSI se consacre à l'opinion de Fuller sur le haut commandement pendant la première guerre mondiale (et en général), et apparemment, il plaçait un jugement assez catégorique sur les comportements observés dans l'histoire militaire chez les chefs ayant passé un certain âge, tant en termes de souplesse/adaptabilité, d'imagination que de capacité à créer du consensus, voire de l'adhésion.

Si ce point de vue tend à être justifié (difficile d'analyser les décideurs militaires en situation de guerre: l'échantillon statistique est réduit, et inégalement documenté), cette valse des généraux de 14 n'est-elle pas tout simplement le résultat d'une bande de vieux cons anciennement compétents (et sans doute pour beaucoup individuellement intelligents) mais incapables de travailler ensembles, de marcher sur leurs egos, de se coordonner et de produire de l'intelligence collective, ce qui revient à dire incapables de faire leur métier, malgré leurs qualités individuelles? Quel plan, quelles séquences d'opérations, quelles implémentations tactiques peuvent être produits par une telle absence de capacité à "produire" ensemble? Des compromis "politiciens" en haut, avec des probabilités d'échecs plus élevées (voire une inadaptation complète), des temps de réactions insuffisants, une mauvaise utilisation des moyens, des gaspillages.... Et à l'arrivée, des foirades, de la confusion et du défaussement sur les subordonnés; la bonne logique des structures trop hiérarchisées où le responsable, c'est toujours celui d'en dessous.... Ou alors c'est personne.... Ou encore le soldat "glandeur" ou "lâche", et son "esprit de jouissance", pour reprendre la formule.

 

En bref, la compétence technique est une chose (et on peut discuter longtemps sur la compétence moyenne des généraux en 14 et pendant la guerre), la façon d'interagir avec les autres en est une toute autre: egos, sentiments, ambitions, antipathies, jalousies.... Rendent très cons les plus malins. Les Allemands n'étaient pas plus malins (on peut aussi discuter de leur compétence, cad leur doctrine de commandement et la "mise à jour" de leur conception de la guerre à ce moment) et n'étaient pas moins en proie aux mêmes types de querelles et d'incompatibilités, mais force est de constater qu'ils ont mieux su produire de l'intelligence collective (tactique et "grande tactique", sinon stratégique). Donc y'a bien un problème, et il serait un peu facile de ne l'attribuer qu'à un Joffre tyrannique et ne se sentant plus péter.  La pression de la guerre est un grand révélateur des tensions individuelles sous jacentes.
 

Modifié par Tancrède
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@ Tancrède,

 

Intéressant, cela explique bien des chose.

Ou même au cours du conflit des généraux français vont refuser de collaborer avec certains collègues à l'exemple de Michelet et Mangin. Ou pire ouvertement désobéir à un ordre de son officier supérieur comme Foch face à Castelnau . Il y est vrai que souvent cela revient cette antagoniste entre les officiers dans les livres, aucun auteur français n'a remis en cause cette attitude. Faut croire que cela parait comme une évidence que des personnes qui ne s'entendent pas continuer les querelles même pendant une situation de crise. Le fait que la France est un pays qui cultive le gout du conflit doit avoir une certaine l'influence dans ses problèmes de commandement.

 

Le plus triste c'est que le général Georges va faire le même constat durant les années trente avec une armée bloquée par un esprit de corporation, de rivalité, de conflit théorique.

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Le fait que la France est un pays qui cultive le gout du conflit doit avoir une certaine l'influence dans ses problèmes de commandement.

 

Pas que la France: c'est vrai dans tous les pays, mais pour chacun, ce peut être plus ou moins vrai suivant les périodes. Les généraux et maréchaux de Napoléon étaient souvent des egos monumentaux et des ambitieux aux dents rayant le parquet, mais ça ne les a que rarement empêché de bosser correctement ensemble. On trouve toujours cas cas où ça a merdé (parfois à un moment très délicat, voire avec des conséquences graves), mais dans l'ensemble, ça fonctionne, la machine avance. J'utilise cette période de comparaison à dessein: en 1792-1794, on a vu une valse des généraux encore supérieure à celle des années 1914-1915, une armée se réinventer en grand (et réinventer la façon de mener les opérations) et une situation terriblement tendue face à des adversaires supérieurs sur bien des points, ayant l'initiative et fonctionnant chacun de façon ordonnée (ce sont pas des pays en plein bordel politique).

 

Mais pour revenir aux situations mentionnées, c'est le processus de prise de décision et de circulation et traitement de l'information (de haut en bas, de bas en haut et horizontalement) qu'il faut réellement examiner, avec comme point focal les individualités et leur psychologie: les décideurs ont ceci de particulier quand on veut les analyser qu'on ne regarde pas, avec eux, des masses, des agrégats réductibles à des statistiques. Ils sont trop peu nombreux pour ça. C'est donc tout dans le travail d'équipe, le fonctionnement de la prise de décision entre les "pôles" concernés, essentiellement les grands postes de commandement: le central et les commandements opérationnels. D'autres comptent aussi, mais plus dans la durée de la guerre qu'à un moment de tension précis comme une campagne de quelques semaines/mois.

La constitution de "bastions" ou "chapelles" est inévitable dans de grandes institutions, de même que les querelles d'egos et de carriérismes divers, ou encore les querelles "idéologiques" (entre les armes/chapelles, entre les services/bureaux, entre les théories et postulats des uns et des autres), parce que les ressources sont limitées: les postes de décision, l'argent (pour telle ou telle arme, pour telle ou telle priorité stratégique, pour telle ou telle doctrine d'emploi) et les honneurs, le prestige, l'attention (qui comptent beaucoup plus que ce qu'on veut penser; ils marquent la "victoire" de l'un sur les autres, la reconnaissance professionnelle, l'idée "qu'on a compté", la satisfaction de l'ego qui a patiemment attendu toute une carrière....). L'armée anglaise est à bien des égards pire encore que la française dans ces domaines, même si l'esprit de corps des officiers, ou même de caste (parce que s'y retrouve aussi une structuration sociale plus aristocratique), peut tendre à créer un réflexe de repli grégaire qui reporte la faute et l'inefficacité sur l'emploi de la troupe, avec une aptitude grandiose à éviter la prise de responsabilité (en bref, ceux qui paient sont au final souvent les soldats). Encore pendant la 2ème GM, on le voit de façon éclatante (Market Garden, pourtant à un stade où les Brits ont tout pour produire de l'efficacité, en est un exemple).

 

La question est de savoir pourquoi ça marche ou ça marche pas dans la production d'effets collectifs: qu'est-ce qui déraille dans la machine? Qu'est-ce qui fait que la somme d'intelligences individuelles produit de la connerie collective? La culture trop hiérarchique? L'âge moyen? Une sélection déficiente des officiers généraux? Un moule mental de l'institution impropre à produire des bons chefs/bonnes équipes de décision? Des règles mal définies? Une incitation particulièrement développée pour les egos (et donc leur confrontation dure)? Le fait est que la conception d'un plan devient une affaire politique bien plus que cela ne le devrait, que créer du consensus dessus (condition d'une bonne application de haut en bas) devient impossible, que les confrontations entre généraux deviennent des blocages de toute prise de décision et d'unité de fait du commandement.

 

 

On voit bien comment, au niveau individuel, un désaccord professionnel sur la conception du combat ou des opérations, ou sur les estimations du comportement de l'ennemi, peut déboucher sur une friction, et comment la tension de la guerre et de ses enjeux, surtout dans un contexte comme celui de l'été 14 (où tout le monde doit les avoir petites et bleues, donc être psychologiquement incapable de se calmer réellement et de savoir faire des compromis), peut exacerber les logiques de fonctionnement existantes. On peut y ajouter l'éloignement du combat, qui est alors la grande nouveauté radicale pour les chefs de grandes unités/entités de manoeuvre (encore en 1870, ils regardaient le champ de bataille et sentaient la mitraille): les enjeux de l'immédiat (cad ceux d'une opération, d'un combat, d'un mouvement) sont moins ressentis, les priorités pratiques de la campagne sont moins impératives que les enjeux de moyen terme (la campagne, la guerre, qui sont à ce stade plus "abstraits") et les querelles et emmerdements de court terme (les rivalités, les tactiques de bureaux, les querelles d'ambitions, les différences de points de vue) qui eux sont les préoccupations concrètes du quotidien de chefs qui vivent désormais à l'arrière, loin des combats, dans un autre univers, moins mobile et moins dangereux.

Modifié par Tancrède
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Pas que la France: c'est vrai dans tous les pays, mais pour chacun, ce peut être plus ou moins vrai suivant les périodes. Les généraux et maréchaux de Napoléon étaient souvent des egos monumentaux et des ambitieux aux dents rayant le parquet, mais ça ne les a que rarement empêché de bosser correctement ensemble. On trouve toujours cas cas où ça a merdé (parfois à un moment très délicat, voire avec des conséquences graves), mais dans l'ensemble, ça fonctionne, la machine avance. J'utilise cette période de comparaison à dessein: en 1792-1794, on a vu une valse des généraux encore supérieure à celle des années 1914-1915, une armée se réinventer en grand (et réinventer la façon de mener les opérations) et une situation terriblement tendue face à des adversaires supérieurs sur bien des points, ayant l'initiative et fonctionnant chacun de façon ordonnée (ce sont pas des pays en plein bordel politique).

 

La question est de savoir pourquoi ça marche ou ça marche pas dans la production d'effets collectifs: qu'est-ce qui déraille dans la machine? Qu'est-ce qui fait que la somme d'intelligences individuelles produit de la connerie collective? La culture trop hiérarchique? L'âge moyen? Une sélection déficiente des officiers généraux? Un moule mental de l'institution impropre à produire des bons chefs/bonnes équipes de décision? Des règles mal définies? Une incitation particulièrement développée pour les egos (et donc leur confrontation dure)? Le fait est que la conception d'un plan devient une affaire politique bien plus que cela ne le devrait, que créer du consensus dessus (condition d'une bonne application de haut en bas) devient impossible, que les confrontations entre généraux deviennent des blocages de toute prise de décision et d'unité de fait du commandement.

En dehors des défauts de toute organisation humaine, hiérarchique ou pas, des problèmes d'ego et de chapelles d'egos, de communication et de doctrine, que tu décortiques fort bien, il y a le fait que la guerre est par essence le royaume du contingent, de la friction, de la fatigue et par dessus tout de la peur. Du manque d'information et du temps qui se déroule vite, imposant des décisions rapides. Certes plus on monte dans la hiréarchie plus le temps imparti s'allonge, mais plus aussi les effets d'une décision prise mettent du temps à se concrétiser... Ces facteurs amoindrissent les facultés des exécutants, qui installés dans un bureau et au calme ne commettraient pas les mêmes fautes.

 

Les plans les mieux conçus peuvent échouer sur un hasard malheureux comme la charge de la cavalerie anglaise prenant le corps de d'Erlon au pire moment et au pire endroit sur le chemin creux à Waterloo. Une bataille que Napoléon ne devait pas perdre alors qu'à Marengo il n'aurait jamais dû la gagner... ;) La victoire française de la Marne est elle aussi un bon exemple de plan allemand très bien conçu, et se déroulant parfaitement, qui échoue finalement sur une cascade de contingences, erreur du généralissime von Moltke qui affaiblit son aile droite par manque de sang froid vis-à-vis des événements de Prusse Orientale, erreur de l'aile marchande allemande qui infléchit sa course vers l'Est etc. Mais aussi résistance morale et physique extraordinaire du fantassin français de l'époque, à qui on peut tout demander, et sang froid remarquable de Joffre dans la défaite, etc. Rien n'est jamais acquis à la guerre, même si la préparation est excellente, avec une doctrine d'emploi en phase avec l'état de l'art du moment, et un entraînement de la troupe très poussé dès le temps de paix. Cumuler tous ces facteurs positifs ne donne qu'une assurance, celle qu'au pire on limitera la casse. Mais pas celle de la victoire. Sauf bien sûr si en face c'est du mou et du mal préparé.

Modifié par Jojo67
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Rien n'est jamais acquis à la guerre, même si la préparation est excellente, avec une doctrine d'emploi en phase avec l'état de l'art du moment, et un entraînement de la troupe très poussé dès le temps de paix. Cumuler tous ces facteurs positifs ne donne qu'une assurance, celle qu'au pire on limitera la casse. Mais pas celle de la victoire.

 

c'est exactement ce qui se passe dans le Pacifique en 42

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