Capitaineconan 805 Posted August 2, 2020 (edited) Une meilleure traduction /expression eut été « une analyse marxienne de la société « le côté binaire de la pensée de Marx , le patronat vs proletariat, propriétaire vs locataire , les patriciens vs la plèbe etc , une simplification de l’analyse de la société sans tenir compte de sa complexité et sa diversité Edited August 2, 2020 by Capitaineconan Précision 1 Quote Share this post Link to post Share on other sites
fraisedesbois 378 Posted August 2, 2020 Il y a 8 heures, Boule75 a dit : Un ton mesuré : bon texte. Par contre j'y la partie graissée, qui me sidère, y compris s'il ne s'agit que des enfants "noirs" * : Ce chiffre-là est-il réaliste, ou est-ce une exagération, une confusion... Je pense que c'est un problème de traduction (omission de l'adjectif noirs). Quote Share this post Link to post Share on other sites
Wallaby 9,069 Posted August 2, 2020 Il y a 9 heures, Boule75 a dit : Un ton mesuré : bon texte. Par contre j'y la partie graissée, qui me sidère, y compris s'il ne s'agit que des enfants "noirs" * : Ce chiffre-là est-il réaliste, ou est-ce une exagération, une confusion avec les naissances hors-mariage, les non-reconnaissances ou autres situation où, malgré tout, l'enfant peut parfaitement connaître son père voir être élecvé par lui hors du cadre classique du mariage stable et dûment enregistré ? Si c'est aussi net que ça : quel malheur ! * les guillemets c'est par détestation du modèle de classification par la couleur, mais ce sont les USA, donc on va causer dans le même cadre. Matthew Stewart ne se base pas sur la "race" mais sur le niveau scolaire - et cela laisse aussi en suspens la question du distinguo entre la notion large de famille monoparentale et la notion étroite de "ne pas connaître son père" : Le 15/06/2018 à 15:58, Wallaby a dit : https://www.theatlantic.com/magazine/archive/2018/06/the-birth-of-a-new-american-aristocracy/559130/ (juin 2018) La famille biparentale elle-même devient un produit de luxe : Il y a 60 ans, seulement 20 % des enfants nés de parents ayant fait des études secondaires ou moins vivaient dans un ménage monoparental ; aujourd'hui, ce chiffre est de près de 70 %. Parmi les ménages ayant fait des études supérieures, par contre, le taux de monoparentalité demeure inférieur à 10 %. Depuis les années 1970, le taux de divorce a diminué considérablement chez les couples ayant fait des études supérieures, alors qu'il a augmenté de façon spectaculaire chez les couples n'ayant fait que des études secondaires. Le taux de monoparentalité est ainsi le prédicteur le plus significatif de l'immobilité sociale. 1 3 2 Quote Share this post Link to post Share on other sites
Wallaby 9,069 Posted August 2, 2020 Il y a 7 heures, Shorr kan a dit : Marxiste est aussi une injure dans la bouche d'un américain a fortiori d'un conservateur. Sauf que dans le cas de Rod Dreher, il est prêt à embrasser une grille d'analyse marxiste quand ça l'arrange : Un marxiste pourrait dire - à juste titre, je pense - que les grandes entreprises embrassent la gauche culturelle comme un moyen de préserver leurs privilèges économiques. (Le Figaro, article cité plus haut) Quote Share this post Link to post Share on other sites
Snapcoke 1,337 Posted August 2, 2020 il y a 1 minute, Wallaby a dit : Sauf que dans le cas de Rod Dreher, il est prêt à embrasser une grille d'analyse marxiste quand ça l'arrange : Un marxiste pourrait dire - à juste titre, je pense - que les grandes entreprises embrassent la gauche culturelle comme un moyen de préserver leurs privilèges économiques. (Le Figaro, article cité plus haut) Il faut lire Begaudeau, l'histoire de ta bêtise. Le bourgeois de gauche, est un bourgeois, mais il ce sens cool, car il est culturellement de gauche, peu importe qu'il soit banquier, trader, ou qu'il travaille dans un milieu complètement bourgeois et élitiste, puisqu'il vous certifie qu'il est de gauche.... Alors certes il domine socialement et la seule mixité sociale qu'il connait c'est Mamadou le livreur Uber, mais puisqu'il vous dit qu'il est de gauche, il fait ''peuple'' Certaines entreprises font exactement pareils. 4 2 Quote Share this post Link to post Share on other sites
Shorr kan 7,628 Posted August 2, 2020 il y a 37 minutes, Wallaby a dit : Sauf que dans le cas de Rod Dreher, il est prêt à embrasser une grille d'analyse marxiste quand ça l'arrange : Un marxiste pourrait dire - à juste titre, je pense - que les grandes entreprises embrassent la gauche culturelle comme un moyen de préserver leurs privilèges économiques. (Le Figaro, article cité plus haut) Je ne connais pas ce monsieur. Peut être le fait-il de bonne foi et de façon limité. Le fait est que la grille de lecture marxiste est très valable sur nombre de sujets. ça se gâte quand on cherche à le faire de façon systématique partout et pour tout. Là ça devient de l'idéologie. Et le pire est d'en faire un outil normatif capable de prescrire des réformes pour changer la société qui finissent en catastrophes. Quote Share this post Link to post Share on other sites
Wallaby 9,069 Posted August 2, 2020 il y a 47 minutes, Shorr kan a dit : Je ne connais pas ce monsieur. Peut être le fait-il de bonne foi et de façon limité. Le fait est que la grille de lecture marxiste est très valable sur nombre de sujets. ça se gâte quand on cherche à le faire de façon systématique partout et pour tout. Là ça devient de l'idéologie. Et le pire est d'en faire un outil normatif capable de prescrire des réformes pour changer la société qui finissent en catastrophes. C'est une simple nuance. Cela ne falsifie pas le constat que tu faisais que "Marxiste est aussi une injure dans la bouche d'un américain a fortiori d'un conservateur". Rob Dreher doit être dans une forme de "en même temps" macronien. Dans une forme de pensée... complexe. Lorsqu'il dit à propos de Black Live Matters "au moins deux des fondateurs sont marxistes", ce n'est pas un compliment. C'est une des preuves que pour lui "Ce mouvement est aujourd’hui bien plus radical que ce que les gens peuvent penser". Là c'est tout à fait le conservateur pour qui "marxiste" est une injure. Une autre façon de voir cela serait de dire que Dreher est mi-conservateur, mi-populiste (voir l'emploi élogieux qu'il fait de ce terme dans le texte). 1 1 Quote Share this post Link to post Share on other sites
Shorr kan 7,628 Posted August 2, 2020 il y a 18 minutes, Wallaby a dit : C'est une simple nuance. Cela ne falsifie pas le constat que tu faisais que "Marxiste est aussi une injure dans la bouche d'un américain a fortiori d'un conservateur". Rob Dreher doit être dans une forme de "en même temps" macronien. Dans une forme de pensée... complexe. Lorsqu'il dit à propos de Black Live Matters "au moins deux des fondateurs sont marxistes", ce n'est pas un compliment. C'est une des preuves que pour lui "Ce mouvement est aujourd’hui bien plus radical que ce que les gens peuvent penser". Là c'est tout à fait le conservateur pour qui "marxiste" est une injure. Une autre façon de voir cela serait de dire que Dreher est mi-conservateur, mi-populiste (voir l'emploi élogieux qu'il fait de ce terme dans le texte). Je pense que c'est un conservateur qui a une connaissance intime de son ennemi idéologique, mais qu'il n’hésite pas à faire des emprunts quand un concept lui semble valable. On peut être ennemi avec quelqu'un et lui reconnaître du mérite. 3 2 Quote Share this post Link to post Share on other sites
Boule75 9,192 Posted August 2, 2020 Il y a 3 heures, Snapcoke a dit : Il faut lire Begaudeau, l'histoire de ta bêtise. Le bourgeois de gauche, est un bourgeois, mais il ce sens cool, car il est culturellement de gauche, peu importe qu'il soit banquier, trader, ou qu'il travaille dans un milieu complètement bourgeois et élitiste, puisqu'il vous certifie qu'il est de gauche.... Alors certes il domine socialement et la seule mixité sociale qu'il connait c'est Mamadou le livreur Uber, mais puisqu'il vous dit qu'il est de gauche, il fait ''peuple'' Certaines entreprises font exactement pareils. C'te caricature... Ils existent, certes, les déconnectés d'la plèbe que tu décris, mais ils sont très minoritaires. Quote Share this post Link to post Share on other sites
Tancrède 11,318 Posted August 2, 2020 13 hours ago, Boule75 said: Un ton mesuré : bon texte. Par contre j'y la partie graissée, qui me sidère, y compris s'il ne s'agit que des enfants "noirs" * : Ce chiffre-là est-il réaliste, ou est-ce une exagération, une confusion avec les naissances hors-mariage, les non-reconnaissances ou autres situation où, malgré tout, l'enfant peut parfaitement connaître son père voir être élecvé par lui hors du cadre classique du mariage stable et dûment enregistré ? Si c'est aussi net que ça : quel malheur ! * les guillemets c'est par détestation du modèle de classification par la couleur, mais ce sont les USA, donc on va causer dans le même cadre. Oui, la statistique est vraie pour les enfants noirs. A noter que pour les blancs, c'est environs 25-30% (mais un taux sans doute très comparable aux noirs en-deçà d'un certain niveau de revenus), soit le taux "d'illégitimité" (comme ils l'appellent là-bas) observé dans la population noire aux débuts de la "great society" de Lyndon Johnson, qui avait suscité à l'époque un cri d'alarme via un texte désormais célèbre aux USA, "The negro Family: The case for national action" par un politicien et académique pourtant très progressiste, Daniel Patrick Moynihan. Il s'était pris une volée de bois vert par les factions désormais habituelles (et aujourd'hui très structurées et avec pignon sur rue, énormes financements et un droit absolu de faire taire toute contradiction) à l'université, sans doute coupable d'avoir commencé à pointer un vrai problème du doigt. A noter que les enfants nés de couples non mariés mais restant plus ou moins en couple présentent, à un degré moyen inférieur, mais pas nécessairement si éloigné, les mêmes pathologies, problèmes et obstacles que ceux nés et grandissant dans un foyer monoparental, ces unions tendant à être moins stables, moins "institutionalisées", et renvoyant souvent à un moindre investissement dans la relation, en plus de problèmes collatéraux sous jacents (moindres ressources....). 11 hours ago, Shorr kan said: Les marxistes pensent en terme de rapports/dynamiques de pouvoirs et de structure de pouvoirs. Il n'y a structurellement que des oppresseurs et des opprimés dans cette vision du monde à travers laquelle ils interprètent tout. à la base ça n'était qu'au prisme de l'économie, mais depuis que c'est has been, ça a été recyclé pour d'autres causes plus sociétales. Marxiste est aussi une injure dans la bouche d'un américain a fortiori d'un conservateur. C'est du marxisme aux amphètes, couplé à une déformation importante, et devenue absolue, de l'université américaine: un duo d'essentialisme et de déterminisme qui imprègne au plus haut degré toutes les Humanités et sciences sociales. Le niveau de racialisation/gender-isation de la pensée est hallucinant (et s'est invité chez nous de façon aggressive), et d'autant plus quand les "conclusions" de ces cursus complètement corrompus (via la "critical theory" qui domine tous ces champs d'études) sont instrumentalisées pour devenir des outils rhétoriques simplistes (accompagnés de stratégies de militantismes et de tactiques de discours très rôdées et aggressives), voire des slogans crus et faciles, mais qui "parlent" fort et sont hyper efficaces. Du coup, là où les militants marxistes d'avant avaient leurs discours manichéens divisant la société en "patrons"/"bourgeois" et "travailleurs", la version 2.0 qui instrumentalise ce mode d'analyse fondamental de la société comme un simple rapport de force entre groupes essentialisés et abstraits, ont simplement changé les catégories. L'intersectionnalité permet une gradation plus fine (et changeante... Et débile) des gens en catégories hiérachisées (un vrai système de castes), mais quand il s'agit d'aller dans la rue ou de parasiter le débat au profit de cette affirmation religieuse revendiquant l'exclusivité du magistère moral face à toute désaccord ou critique (ou, Dieu nous en garde, une autre opinion, un autre point de vue), on revient vite au noir vs blanc (littéralement). "Those who can make you believe absurdities, can make you commit atrocities" 33 minutes ago, Boule75 said: C'te caricature... Ils existent, certes, les déconnectés d'la plèbe que tu décris, mais ils sont très minoritaires. Faut toujours se rappeler qu'aux USA, la ségrégation ethno-géographique est une réalité bien plus puissante que chez nous, même au sein des populations favorisées. C'est un état de fait plus présent. La caricature évoquée par Shorrky est souvent moins une caricature aux USA. Et on peut voir les réflexes chez ces bobos activistes blancs aux USA: les maires et élus des villes qui ont souvent laissé faire, voire aidé, les émeutes (sciemment niées ou minimisées par l'essentiel de la presse) depuis 2 mois, n'étaient pas trop dérangés quand ça démolissait les quartiers populaires (et surtout les commerces et bâtiments collectifs), mais ont soudain eu un retour répressif quand ça a approché de leur porte (cas iconique de la maire de Seattle, mais aussi de bien d'autres... Et pas que des élus: diverses célébrités ont eu le même réflexe). 2 hours ago, Wallaby said: Une autre façon de voir cela serait de dire que Dreher est mi-conservateur, mi-populiste (voir l'emploi élogieux qu'il fait de ce terme dans le texte). Oui, le terme "populiste" ne veut pas dire du tout la même chose aux USA en général, que par chez nous où il est devenu presque indistinct de celui de "démago". Un peu comme "nationaliste", qui n'a pas le même contenu associé aux USA, ou dans le monde anglo-saxon, que sur le continent européen (où on tend plus à comprendre le terme comme un excès de patriotisme devenu idéologique et haineux): un peu comme si un ricain tendait plus à entendre "priorité à la souveraineté", là où un Français entendrait "haine des autres peuples". Ces mêmes mots qui n'ont pas la même valeur psychologique associée... 1 3 3 Quote Share this post Link to post Share on other sites
Tancrède 11,318 Posted August 2, 2020 Pour ce qui concerne le "grand tournant" des années 60-70 pour la population noire, période à partir de laquelle beaucoup des progrès qui étaient en cours sur le plan matériel (émergence et affirmation d'une importante classe moyenne noire et d'une solide "classe ouvrière aisée", autour desquelles se sont formées des communautés très structurées et soudées, soit un tissu social solide) ont pris des coups et engagé les tendances dont on voit aujourd'hui l'aboutissement, j'ai récemment lu un article intéressant par un des auteurs et activistes (noir) que je suis régulièrement. Il s'est spécialisé dans les analyses fines de l'évolution socio-économique et culturelle de la population noire sur cette période et, s'il ne minimise pas l'impact souvent néfaste de bien des changements depuis le Civil Rights Act en matière d'aide sociale et de déstructuration de la famille (loin de là: ex-candidat, il a fait campagne là-dessus en Californie), il ajoute un phénomène intéressant, qui est rarement mentionné, ou alors minimisé, à savoir ce qui suit la période de troubles violents de la fin des années 60, et l'impact subséquent sur les communautés urbaines noires: les années 60-70, ce sont aussi les années des choc pétroliers, de l'automatisation massive des usines et d'autres métiers, y compris de "petites" classes moyennes (tertiaires: secrétaires, comptables.... Commencent aussi à être remplacés par des machines), d'une plus grande ouverture commerciale qui favorise importations et outsourcing, du travail des femmes (main d'oeuvre explose en taille relativement au marché du travail, en effectifs comme en valeur partagée) et d'une immigration désormais grande ouverte. Ajoutons le début de la déconcentration industrielle des USA pour la bonne mesure: désormais plus contrainte par la technique qui facilitait sa localisation dans la "rust belt" (qui devait son nom à la météo et aux conditions locales, qui permettaient une climatisation naturelle des usines) en raison d'innovations comme la clim, l'industrie fuit les surcoûts et la puissance des syndicats pour aller ailleurs (Etats moins contraignants, ou outre-mer). L'impact sur les populations noires (et autres) du nord et du nord est industriels fut dévastateur. A cela s'ajoutent les événements des années 60 (violences, manifestations massives et émeutes, paralysie des villes....), les politiques (bien intentionnées peut-être, souvent très corrompues, très chères et contraignantes) et les changements culturels survenus dans l'élite (surtout de gauche) et la classe moyenne (surtout supérieure). Detroit est un exemple parfait, tant il est caricatural (la ville la plus riche du monde par tête qui devient en 2 décennies l'une des plus pourries des USA): mairie corrompue, achats massifs de vote par législations et concessions aux grandes organisations sociales (= endettement massif), ainsi que politiques plus généreuses que ce que la région pouvait offrir... S'ajoutent à l'insécurité croissante (culminant avec les émeutes raciales de 69) pour favoriser ce qui a été appelé le "white flight" et la banlieue-isation de la société. Ce "white flight" qui est reproché par la gauche aujourd'hui aux "blancs" en général, mais avec une gauche qui accuse les mêmes de "gentrifier" des quartiers de minorités quand ils y viennent (et où apparemment ils se font traiter de "mayonnaise"). Cet exode urbain des années 60-70 aurait privé les villes d'une forte portion de leur assise fiscale et de groupes qui aidaient à structurer la vie et l'économie de la cité (comme si, apparemment, ces choses étaient dues par essence à des mairies corrompues). Ce que l'auteur souligne, c'est que ce désormais traditionnel gourdin rhétorique souvent utilisé pour culpabiliser, cache un problème plus concret et précis pour les populations noires: il ne s'est pas seulement agi d'un "white flight". Il s'est même plutôt agi d'un "middle and upper class flight". Il a largement inclu les élites et classes moyennes noires, la partie la plus éduquée de la population noire, qui est allée dans des banlieues et villes petites/moyennes à portée, mais séparées, des grandes villes (soit "intégrées", cad mixtes racialement, soit exclusivement noires), ou dans des quartiers chics de grandes villes moins touchées par ces violences. En bref, beaucoup de communautés noires historiques se sont retrouvées dans un nouvel univers où les jobs traditionnels commençaient à disparaître vite (et sans remplacement équivalent), surtout pour les ouvriers et employés, et gens en général moins/pas qualifiés (pareil pour tout le monde), où les villes voyaient des vagues de crimes et de violence croître alors même que leurs moyens se réduisaient et leur endettement s'accumulait (menaçant aussi les budgets et plans faramineux de pensions/retraites qui avaient été trop facilement promis), et où, socialement et culturellement, les élites s'étaient barrées. Hors, ces élites noires des années 60, c'étaient aussi les leaders du mouvement des droits civiques, toute une hiérarchie de gens qui avaient organisé la population noire depuis le niveau du sol, et lui avaient fourni non seulement une structuration permanente qu'ils animaient, mais aussi des modèles à suivre, des aides locales et nationales organisées en réseaux denses et faits de relations personnelles directes. Du jour au lendemain, pour ainsi dire, cela a en grande partie disparu. Et les leaders locaux qui restaient étaient souvent insuffisants en nombre, moins éduqués, et dans un contexte appauvri, moins solidaire, avec des horizons économiques et fiscaux en berne. Les autres "leaders" qui restaient, c'étaient les criminels et "l'underclass" noire qui avaient leur contre culture (notamment via des mouvements comme la Nation of Islam, pour la partie la plus "chic", mais aussi tout un tas de groupes, y compris criminels, se définissant en opposition plus ou moins complète au pays, et aussi au mouvement des droits civiques)... Et cette contre culture est essentiellement ce qui a pris le dessus dans une bonne partie de la population noire, celle abandonnée par les élites des années 50-60 (dont les descendants forment l'essentiel de la classe moyenne sup ou de l'upper class noire actuelle). L'inversion des valeurs jusqu'alors dominantes dans la population noire (famille, travail, éducation, solidarité...) date aussi de cette période pivot, et n'a fait que se développer depuis, se joignant aux changements survenus dans les universités (théorie critique et ses succédanés) qui ont formé une "élite" pensante (façon de parler) dont les thèses se marient plus ou moins heureusement sur certains points avec la contre culture (mais ça se mélange pas socialement, attention). Mais c'est là tout le point de l'article: s'il est souvent (et ça semble en partie abusif) mentionné que la population noire américaine a souffert historiquement d'une coupure culturelle via l'esclavage, qui a pour longtemps déstructuré et privé de référence son organisation interne (jusqu'au niveau familial), la coupure ainsi survenue dans les années 60-70 me semble nettement plus impactante et réelle (vu que la famille noire avant cette période semble avoir été incroyablement forte pour la grande majorité), et s'est jointe aux grands changements (choisis et subis) économiques des années 70 (mondiaux, ceux-là, mais déterminants pour l'occident industriel) pour produire un effet dévastateur, une blessure qui s'est infectée. 2 3 Quote Share this post Link to post Share on other sites
nemo 2,509 Posted August 2, 2020 Plus "impactante" que le fait de rien pouvoir posséder dans un système ou tout dépends de la propriété? Les obstacles à la propriété ne commence vraiment à se lever pour les noirs qu'à partir des années 70 c'est à dire au moment ou d'autre type de problèmes vont commencer à se poser sur la population la plus fragile de la société. Quote Share this post Link to post Share on other sites
Tancrède 11,318 Posted August 3, 2020 53 minutes ago, nemo said: Plus "impactante" que le fait de rien pouvoir posséder dans un système ou tout dépends de la propriété? Les obstacles à la propriété ne commence vraiment à se lever pour les noirs qu'à partir des années 70 c'est à dire au moment ou d'autre type de problèmes vont commencer à se poser sur la population la plus fragile de la société. Non: les obstacles tels que, iconiquement, le redlining (le zonage raciste plus ou moins informel des zones d'habitation) ou le blockbusting (des promoteurs qui "importent" quelques familles noires dans un quartier blanc pour provoquer un exode par la certitude d'une baisse de valeur foncière.... Et faire baisser la valeur foncière de la zone, ensuite rachetée à vil prix) n'empêchent pas une classe moyenne noire (et une portion certaine de classe ouvrière aisée) de se former et d'accumuler un capital qui monte en valeur avant les années 70: ce sont plus des instruments de ségrégation/séparation des groupes, avec pour conséquences parallèle moins d'opportunités de faire augmenter le dit capital en restreignant l'accès aux coins les plus chers... Mais la chose est très inégale sur le territoire: les pratiques varient selon les Etats (la Californie, notamment, et l'ouest en général, ont moins vu ce genre de choses). Mais ce n'étaient pas des blocages à la propriété, d'autant plus que nombre de banques noires se sont ouvertes et développées au point d'atteindre des tailles critiques dès l'entre-deux guerres, permettant de bypasser le racisme ordinaire pratiqué dans les grandes banques et certaines banques locales (typiquement celles du vieux sud), qui limitait ou bloquait l'accès au crédit. A noter que ce dernier phénomène était beaucoup plus limité qu'on n'a voulu le présenter, étant donné qu'il a été observé après que les dites banques noires ne prêtaient pas beaucoup à certains pans de la population noire: il s'avère que, comme les "blanches", elles ne prêtent qu'aux gens aisés ou à très fort potentiel. Ecce banco. Mais la période charnière des années 70 révèle aussi sur ce point le divorce au sein de la population noire, entre une portion qui avait déjà décollé avant la fin des 30 glorieuses, et une qui commençait à peine (avec retard de 15-20 ans sur la population blanche en termes de proportions, mais sur la même trajectoire), ou restait au fond du trou. le déclin des industries traditionnelles et de l'économie type post-45 a donc frappé à ce stade, avec un impact très similaire à ce qu'on voit dans les populations blanches des zones désindustralisées, celles de la grande périphérie urbaine, ou des zones rurales, à ceci près que la population blanche étant plus vaste (donc plus diverse sociologiquement/économiquement) et plus riche en moyenne, ces couches défavorisées blanches sont plus masquées par les statistiques génériques des populations vues sous l'angle de la race . Tout comme les couches moyennes/aisées noires, sont majoritaires, mais "invisibles" dans le discours qui tend au misérabilisme en ramenant tout aux 20% de noirs pauvres des "inner cities": blancs pauvres/en difficulté et noirs aisés sont ainsi également oubliés par des discours tribalistes ramenant tout au symbolique et à une trame narrative pré-établie et calibrée pour la revendication idéologique. 1 1 2 Quote Share this post Link to post Share on other sites
nemo 2,509 Posted August 3, 2020 Non tu manques le point je réagissais à ta façon de faire de l'esclavage un problème secondaire alors que la situation dans les années 60 à tout à voir avec l'esclavage et quand justement la population noire commence à sortir des conséquences en question viennent les problèmes que tu cites. Autrement dit les problèmes en question vont faire des ravages parce que la population en question est fragile, fragilité du à l'esclavage suivit par des décennies d'apartheid. Penser l'un sans l'autre n'a aucun sens. Quote Share this post Link to post Share on other sites
Shorr kan 7,628 Posted August 3, 2020 Il y a 17 heures, nemo a dit : Non tu manques le point je réagissais à ta façon de faire de l'esclavage un problème secondaire alors que la situation dans les années 60 à tout à voir avec l'esclavage et quand justement la population noire commence à sortir des conséquences en question viennent les problèmes que tu cites. Autrement dit les problèmes en question vont faire des ravages parce que la population en question est fragile, fragilité du à l'esclavage suivit par des décennies d'apartheid. Penser l'un sans l'autre n'a aucun sens. Et il est bon de le rappeler. Il suffit de très peu pour refaire basculer du coté obscur de larges pans d'un groupe qui a beaucoup moins de réflexe d’auto-préservation que le reste de la population, et pas de bol pour eux, les périodes de prospérité relatives n'ont pas été assez longues pour réellement résorber les difficultés structurelles que vivent les afro-américains dans ce pays et leur laisser le temps de se consolider. On rappellera aussi que les noirs ont une très longue histoire de tentatives pour s'organiser en communautés pour se voir couper les ailes en plein vol par des lois, règlements et politique scélérates ; dans le Sud, mais aussi très largement dans le gentil nord abolitionniste. Bref, ça ne vient pas de nul part. 1 Quote Share this post Link to post Share on other sites
Patrick 10,156 Posted August 4, 2020 (edited) Le 02/08/2020 à 01:09, Boule75 a dit : Un ton mesuré : bon texte. Par contre j'y la partie graissée, qui me sidère, y compris s'il ne s'agit que des enfants "noirs" * : Ce chiffre-là est-il réaliste, ou est-ce une exagération, une confusion avec les naissances hors-mariage, les non-reconnaissances ou autres situation où, malgré tout, l'enfant peut parfaitement connaître son père voir être élecvé par lui hors du cadre classique du mariage stable et dûment enregistré ? Si c'est aussi net que ça : quel malheur ! * les guillemets c'est par détestation du modèle de classification par la couleur, mais ce sont les USA, donc on va causer dans le même cadre. Non non c'est bien ça. En 1970 c'était 25% et c'était déjà considéré comme élevé. Aujourd'hui la figure paternelle c'est soit personne, soit le grand-frère, soit le caïd de quartier, soit pour ceux qui ont de la chance le professeur, le militaire ou policier, ou le coach sportif, qui apprend discipline, maîtrise de soi, et offre un tremplin dans la vie. Pour le reste à la maison ce sont les mamans qui sont en première ligne. Je considère d'ailleurs les parents afro-américains souhaitant élever dignement leurs enfants comme les plus courageux d'Amérique, de très loin. Ils ont tellement d'obstacles devant eux. La "culture noire" désormais limitée au gangsta-rap, leur propre communauté très malade socialement, le racisme toujours ancré et venant de toutes parts, le dénigrement rampant à l'égard des chrétiens noirs, etc... Il faut plus que de l'abnégation. Le 02/08/2020 à 02:52, Shorr kan a dit : Les marxistes pensent en terme de rapports/dynamiques de pouvoirs et de structure de pouvoirs. Il n'y a structurellement que des oppresseurs et des opprimés dans cette vision du monde à travers laquelle ils interprètent tout. à la base ça n'était qu'au prisme de l'économie, mais depuis que c'est has been, ça a été recyclé pour d'autres causes plus sociétales. Et pourtant certains t'expliqueront qu'ils ne voient pas de soucis à ce que des gens qui ne voient le monde que sous un rapport "dominant-dominé" puissent parler d'égalité et de justice. Mais bon, le camouflage n'est-il pas la meilleure arme des prédateurs? Edited August 4, 2020 by Patrick 3 Quote Share this post Link to post Share on other sites
pascal 10,507 Posted August 4, 2020 Dès lors que l'on décorrèle le marxisme (théorie économique, analyse des rapports sociaux et philosophie) de la notion de gouvernements se réclamant du marxisme (léninisme) en clair depuis la fin de l'URSS; la lecture marxiste des rapports économiques et sociaux (qui sont liés de manière incontournable) dans nos pays dits occidentaux/capitalistes/démocratique redevient d'une actualité et d'une acuité toutes particulières me semble-t-il ... Le dévoiement de l'analyse marxiste par des régimes qui en ont fait un paravent pour un modèle de domination politique nous a longtemps empêché à mon sens d'utiliser le marxisme comme il devrait l'être: une grille d'analyse des rapports sociaux aux seins de nos pays dits d'économie de marché où les dérives sont devenues aujourd'hui réellement criantes et contribuent largement à entraîner une véritable défiance envers les élites. 3 Quote Share this post Link to post Share on other sites
Skw 5,916 Posted August 4, 2020 il y a 48 minutes, pascal a dit : Dès lors que l'on décorrèle le marxisme (théorie économique, analyse des rapports sociaux et philosophie) de la notion de gouvernements se réclamant du marxisme (léninisme) en clair depuis la fin de l'URSS; la lecture marxiste des rapports économiques et sociaux (qui sont liés de manière incontournable) dans nos pays dits occidentaux/capitalistes/démocratique redevient d'une actualité et d'une acuité toutes particulières me semble-t-il ... Le dévoiement de l'analyse marxiste par des régimes qui en ont fait un paravent pour un modèle de domination politique nous a longtemps empêché à mon sens d'utiliser le marxisme comme il devrait l'être: une grille d'analyse des rapports sociaux aux seins de nos pays dits d'économie de marché où les dérives sont devenues aujourd'hui réellement criantes et contribuent largement à entraîner une véritable défiance envers les élites. Disons que la lecture marxiste offre une contribution pertinente. En faire l'alpha et l'oméga de l'analyse des rapports sociaux pose en revanche problème. Car les analyses marxistes ont tendance à n'interpréter les rapports sociaux qu'au prisme des seuls mécanismes économiques. S'ils sont importants, ils ne peuvent expliquer l'intégralité des problématiques sociales et organisations politiques. Par exemple, les interprétations marxistes de l'apartheid sud-africain, en vogue par exemple dans les années 1980, se sont avérées limitées et incapables de saisir l'intégralité des mécanismes. 3 3 Quote Share this post Link to post Share on other sites
nemo 2,509 Posted August 4, 2020 Il y a 4 heures, Skw a dit : Disons que la lecture marxiste offre une contribution pertinente. En faire l'alpha et l'oméga de l'analyse des rapports sociaux pose en revanche problème. Car les analyses marxistes ont tendance à n'interpréter les rapports sociaux qu'au prisme des seuls mécanismes économiques. S'ils sont importants, ils ne peuvent expliquer l'intégralité des problématiques sociales et organisations politiques. Par exemple, les interprétations marxistes de l'apartheid sud-africain, en vogue par exemple dans les années 1980, se sont avérées limitées et incapables de saisir l'intégralité des mécanismes. Des philosophes comme Castoriadis ont bien montrè les limites des analyses marxistes et son coté sur-simplificateur : rapports sociaux conséquences des rapports de production conséquences des progrès techniques . Le marxisme "dégrossit" les questions, cela permet une compréhension rapide mais cela ne dit pas le tout du fonctionnement social et notamment le rôle de ce que Castoriadis appelle "imaginaire". Quote Share this post Link to post Share on other sites
Wallaby 9,069 Posted August 4, 2020 il y a 15 minutes, nemo a dit : Des philosophes comme Castoriadis ont bien montrè les limites des analyses marxistes et son coté sur-simplificateur : rapports sociaux conséquences des rapports de production conséquences des progrès techniques . Le marxisme "dégrossit" les questions, cela permet une compréhension rapide mais cela ne dit pas le tout du fonctionnement social et notamment le rôle de ce que Castoriadis appelle "imaginaire". Je ne connais pas Castoriadis, mais cela semble pouvoir se rapprocher de la théorie de l'hégémonie culturelle, "d'abord formulée par Antonio Gramsci pour expliquer pourquoi les révolutions communistes prédites par Marx dans les pays industrialisés ne s'étaient pas produites" (Wikipedia). Quote Share this post Link to post Share on other sites
nemo 2,509 Posted August 4, 2020 (edited) il y a 6 minutes, Wallaby a dit : Je ne connais pas Castoriadis, mais cela semble pouvoir se rapprocher de la théorie de l'hégémonie culturelle, "d'abord formulée par Antonio Gramsci pour expliquer pourquoi les révolutions communistes prédites par Marx dans les pays industrialisés ne s'étaient pas produites" (Wikipedia). Castoriadis est pas le seul et il s'inspire de Gramsci même si "l'institution imaginaire de la société" de Castoriadis est assez différent de la notion "d'hégémonie culturelle". C'est plutôt l'équivalent de ce que l'anthorpologue Maurice Godelier appelle le "politico-religieux au cœur des sociétés". Edited August 4, 2020 by nemo 1 Quote Share this post Link to post Share on other sites
kalligator 2,954 Posted August 4, 2020 On 7/31/2020 at 8:32 AM, Snapcoke said: Attend... Quand les allemands avaient du courage, c'était eux les méchants !!!! C'est vrai...j'avais oublié que la différence était aussi mince entre le courage et la méchanceté, donc 3 onces de courage mais aucune de méchanceté 1 Quote Share this post Link to post Share on other sites
Phacochère 1,849 Posted August 7, 2020 La procureure de New York veut dissoudre la puissante NRA, le lobby des armes https://www.lemonde.fr/international/article/2020/08/07/lobby-des-armes-la-procureure-de-new-york-veut-dissoudre-la-nra_6048327_3210.html "Les dirigeants de l’organisation américaine qui défend le port d’arme sont notamment accusés de s’être enrichis illicitement, nageant dans les conflits d’intérêts." Faut aimer vivre dangereusement... 1 5 3 1 Quote Share this post Link to post Share on other sites
jojo (lo savoyârd) 3,328 Posted August 8, 2020 Citation Avec ses portraits de migrants, George W. Bush envoie un message à Donald Trump et aux Républicains L'ancien président, qui ne prendra pas parti dans la campagne électorale, va publier Out Of Many, One, un nouveau plaidoyer pour l'immigration qui ne peut que déplaire à son successeur ... https://www.lefigaro.fr/culture/avec-ses-portraits-de-migrants-george-w-bush-envoie-un-message-donald-trump-et-aux-republicains-20200807 1 1 Quote Share this post Link to post Share on other sites
rendbo 7,465 Posted August 10, 2020 (edited) C'est dommage que ça ait trop déconné sur le fil criaillerie... Donc prenons l'info sous un angle sérieux : que faut il (légalement) pour laisser sa trogne sur le mont Rushmore ? Est ce que ce truc est classé et dans ce cas c'est niet pour y toucher, où est ce que n'importe quel megalo peut y etre à partir de l'instant où il y a consensus ? Citation Le président américain (Trump) nourrit depuis plusieurs années un vieux rêve, celui de rejoindre George Washington, Thomas Jefferson, Theodore Roosevelt et Abraham Lincoln sur le célèbre monument du Dakota du Sud. Edited August 10, 2020 by rendbo Quote Share this post Link to post Share on other sites