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Questionnement sur la guerre


Suchet
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Deux question me préoccupent au sujet de la guerre :

- Pourquoi dit-ont qu'à la guerre il y a des règles et quel est leur but?

- Pourquoi parle-t-on de crime de guerre alors que la guerre peut être en elle même l'une des activités les plus criminelles qui soient (exception faite de la résistance ou de la défense de son peuple )

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Hénaurme sujet :lol:! Mais à mon sens, il faut l'envisager au travers de plusieurs grilles de lecture qui se rejoignent dans leurs effets:

- les univers culturels: comme l'exemple de la chrétienté peut le montrer, il existe des zones de culture commune qui, souvent sans même le dire, imposent des règles de comportement tacites (pas forcément respectées scrupuleusement, sinon jamais) marquant une façon d'être entre voisins, non tant parce qu'on se force à agir ainsi (quoique ça ne soit pas absent) que parce qu'on est comme ça, du moins entre nous. Qui n'est pas membre de cet univers culturel ne bénéficie pas des mêmes traitement et attitudes souvent plus instinctives encore que volontaires/imposées par un code de fait. La chevalerie fonctionnait, la Grèce antique fonctionnait ainsi (par opposition à l'attitude vis à vis des non grecs), l'Europe chrétienne fonctionnait ainsi.... A noter que l'existence de codes garantit au mieux un minimum de règles, ça ne veut pas dire DU TOUT de la tendresse, et le seuil "d'inhumanité" peut être franchi dans bien des cas

- une vision de soi-même peut exister en la matière: Saladin en fut un bon exemple (avec Beaudoin IV en digne adversaire et équivalent), mais les limites de comportement induites par la démocratie telle qu'elle est en occident en sont un meilleur exemple encore.

- le fait de traiter l'adversaire avec quelques gardes-fous correspond aussi souvent à un intérêt bien senti: on s'accorde tacitement et mutuellement pour ne pas trop s'en prendre aux populations civiles et infrastructures (cela renvoie souvent au point précédent), ou plus encore, on ne le fait pas parce qu'on essaie de les conquérir, donc de les avoir pour soi. La chevalerie en est arrivée à une extrême codification par similarité sociale et appât du gain, ce qui induisait une faible mortalité au combat des chevaliers qui préféraient tirer rançon d'un prisonnier que le tuer (les rançons leur étaient souvent financièrement vitales), ce qui a induit graduellement des modes de combat particuliers (le fait de s'avouer vaincu dans certaines circonstances plutôt que de continuer à outrance). Plus largement, les codes existent, du moins dans un univers culturel et géopolitique donné, précisément parce qu'il y a eu des guerres totales avant et que ces codes existent pour ne pas retourner à l'état de dévastation qu'elles impliquaient pour tous les belligérants. La Grèce antique pré-guerre du Péloponèse voyait des combats ritualisés (mais mortels) entre phalanges de soldats citoyens opérant sans tactique sur un lieu de bataille convenu à l'avance pour régler un litige dans les formes: il s'agissait de duels de collectifs uniquement réglés par les "ayant droit" (les citoyens en armes).

- des pays et entités opérant dans un espace géopolitique donné sont habitués à opérer les uns contre les autres et le font dans une optique longue, sachant qu'ils se refoutront sur la gueule tôt ou tard et resteront de toute façon voisins: mieux vaut avoir des limites tacites pour ne pas creuser trop de fossés de haine, de rancoeurs et d'iontérêts trop ouvertement floués. C'est ainsi que naissent les "systèmes" internationaux. L'aboutissement en est l'empire, si un des belligérants parvient à un stade de puissance si supérieur qu'il a de facto une sphère de contrôle (Riome, USA) au sein de laquelle il a un ordre à faire respecter, et limite donc son comportement pour garder sa prééminence et les autres pays (non intégrés à son territoire) dans son orbite, sans chercher à les froisser pour éviter de les voir tous râler les armes à la main en même temps. Ne pas oublier que toute puissance recherche avant tout la paix (la plupart du temps) parce que la guerre coûte cher (financièrement et en politique intérieure), et que maintenir un appareil sécuritaire énorme sur le pied de guerre en permanence est hors des moyens de quiconque, sous peine de condamner le régime (voir l'URSS). 

- les périodes et types de guerre: ces "systèmes internationaux", aussi nécessaires soient-ils, n'ont qu'un temps parce qu'ils sont imparfaits (bancals même), qu'ils nécessitent un compromis d'intérêts suffisant à long terme, de modérer ses appétits, et souvent un ou quelques puissances suffisamment fortes pour maintenir ces règles et le voulant suffisamment longtemps. Or, le jeu des intérêts, l'entropie de tout système pour de multiples raisons, la polarisation des richesses dans un système donné sur une certaine période, les problèmes internes à chaque pays, les rivalités croissantes, l'éloignement des guerres totales précédentes, l'apparition de nouveaux facteurs rendant la coexistence plus difficile (religion, nouveaux intérêts économiques, nouveaux équilibres politiques....).... Sont des facteurs éternels, et on tire toujours sur la corde jusqu'à ce qu'elle craque, notamment dans le domaine militaire où on finit par se "désinhiber" graduellement pour en revenir au pragmatisme le plus total et inhumain pour des raisons opérationnelles (souvent en réponse à la nécessité) et "briser les règles" dont on se rendait bien peu compte qu'elles existaient et encore moins qu'elles servaient des enjeux vitaux. C'est pourquoi l'histoire est ponctuée de guerres totales qui viennent après des périodes plus ou moins longues de guerres plus "encadrées" (qui peuvent n'être pas beaucoup moins sanglantes), et dont le principal effet est d'essayer de mettre quelques gardes-fous pour qu'il n'y ait "plus jamais ça", ne serait-ce que parce qu'il y a besoin d'ordre pour un temps. La Guerre du Péloponèse (et l'épisode alexandrien qui seul permet de rétablir un nouveau système), la Guerre Civile Romaine et la grande crise du IIIème siècle, la Guerre de Cent Ans, les guerres d'Italie, la guerre de Trente Ans, les guerres de la Révolution et de l'empire, les guerres mondiales sont les exempes principaux pour l'occident.

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J'ai une vision assez utilitariste-darwinienne du pourquoi du droit de la guerre:

Le vainqueur, le plus puissant sur le moment, ne commet pas certains actes afin de ne pas les subir si/quand sa fortune tourne. Dans une logique de conquete suivie d'une occupation de longue duree voir d'une assimilation de la population conquise, le conquerant a interet a ne pas franchir des limites pendant la phase de conquete s'il veut faciliter les phases d'occupation et d'assimilation.

Il y a aussi une empathie instinctive quand l'adversaire est "des notres", quand il fait partie du meme univers culturel, d'une part la deshumanisation est moins evidente et d'autre part, on sait que la proximite culturelle fera que l'adversaire respectera lui aussi les regles auquels "moi" je suis astreint.

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Le vainqueur, le plus puissant sur le moment, ne commet pas certains actes afin de ne pas les subir si/quand sa fortune tourne. Dans une logique de conquete suivie d'une occupation de longue duree voir d'une assimilation de la population conquise, le conquerant a interet a ne pas franchir des limites pendant la phase de conquete s'il veut faciliter les phases d'occupation et d'assimilation.

S'il visait l'assimilation systématiquement, oui, mais ça ne vaut généralement que pour de petites régions, des aggrandissements de territoire par petits morceaux, le grignotage (et encore), ce qui place à mon sens la chose dans les systèmes que j'évoque plus haut. Quand tu prends des nations ou identités assez vastes déjà formées, ça marche rarement, ou trop peu. Pendant longtemps, y aller comme une ordure puis prélever tribut a pu marcher, même si pour très peu de temps et en devant constamment avoir d'immenses forces capables d'intervenir partout pour réprimer les constants soulèvements: ce fut le cas pour les Mongols qui ont conquis un empire pour l'essentiel hors de leur sphère culturelle (géographique mais aussi plus profondément civilisationnelle: nomades vs sédentaires) mais restaient un peuple cavalier où chaque homme était un soldat. Mais l'empire obtenu ne pouvait pas faire grand-chose à part se préserver tant bien que mal. Il a fallu la conquête de la Chine, un pays développé et administré, pour autoriser quelques capacité extérieure (et intérêt) à la paix et à certaines règles, mais même là, ça n'a pas tenu tant le gap était grand. Le conquérant est absorbé par sa conquête ou fait du conquis un autre lui-même, et aucun compromis entre les deux n'est durable car la règle ne peut être double pour plus que quelques temps.

Ceci dit je ne suis pas d'accord sur le fait que le conquérant se limiterait pour ne pas prendre le même type de comportements en retour: se restreindre en attaque n'oblige en rien le défenseur/le conquis insurgé à se comporter avec des limites, bien au contraire: ça peut valoir dans le cas de rapports d'Etat à Etat, où tant que les deux entités subsistent, les règles peuvent être maintenues (avec revanche le coup d'après: c'est ça les "systèmes" décrits plus haut) avant tout parce qu'elles admettent la nécessité de cette pérennité des Etats. En des temps où l'Etat était moins développé, les dirigeants avaient nettement plus conscience de sa nécessité pour organiser les espaces où ils étaient et maintenir les activités commerciales et la stabilité aux frontières, comparé à une situation où un conquérant devrait "tenir" trop d'espace hostile, gaspillant ses moyens et se privant de réserve d'action, où l'instabilité chronique règnerait plus ou moins partout (y compris dans l'Etat conquérant dont les troupes sont disséminées et sa capacité à assurer l'ordre affaiblie, en même temps que ses finances sont asséchées) avec des irrédentismes et ambitions de tous types qui s'élèvent contre les centres étatiques.

Mais si les Etats vaincus sont dépecés/détruits ou délégitimés, aucune règle ne subsiste: les guérillas, soulèvements populaires, irrédentismes régionaux.... Ont tendance à respecter moins de règle en raison des nécessités de la situation: pas ou peu de moyens font recourir à la terreur, à la cruauté absolue, organisées ou non (des nécessités quand on ne peut pas graduer) et à l'absence de capacité d'encadrement/limitation (n'importe qui combat "pour la cause" et y'a pas de moyen d'être regardant parce qu'il faut du nombre, et les groupes/bandes sont pires encore que les individus, avec en plus beaucoup de rancunes et de haines accumulées), tant des troupes que des populations puisque l'Etat n'existe plus ou presque plus. Là-dessus peuvent se greffer des fanatismes et jusqu'au-boutismes en tous genres, correspondant à la propagande, aux dégâts réellement subis, à des difficultés matérielles, à des idéologies/religions éventuelles, un sentiment (travaillé ou non) de "libre ou mourir".... 

Pendant la guerre d'Espagne, il y avait des régions qu'aucun maréchal n'aurait pu tenir parce qu'elles avaient perdu trop de leur organisation et/ou que celle-ci (surtout religieuse) était fanatisée à trop haut degré, que la géographie en faisait des zones peu densément peuplées, avec beaucoup d'espaces, de caches....

Que vous en semble?

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Possible, enfin, vu que c'est vous qui le dites , Tancrède, c'est que ça doit être vrai. Mais il me semble que Suchet fût nommé Maréchal, d'abord parce que c'est un excellent officier, et puis parce qu'il a su administré son secteur. D'ailleurs, n'est-il pas surnommé le Maréchal de la guerre d'Espagne ?

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Attention, je ne remets pas en question l'action de Suchet là où il a opéré, surtout par rapport à celle d'autres maréchaux; juste que tous les secteurs ne pouvaient pas être gérés de la même façon, certains pouvant même être carrément ingérables. Aujourd'hui, en Afghanistan, pour comparer, le grand Kandahar, quelle que soit la qualité de ceux placés à sa tête et quels que soient les moyens, se semble pas prédisposé à être "pacifiable" comme Kaboul ou des régions du nord du pays.

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