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Histoire et avenir des armées privées


Tancrède
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Questionnement qui rejoint celui posé dans ton dernier paragraphe : assiste t'on à un renouvellement des élites dans la société ricaine qui serait en partie cause, et solution du problème (dans tous les sens du terme, un wasteland post-apo étant une solution ... sous une certaine forme).

C'est une grosse partie des démonstrations de Le Glay, qui s'appuie notamment sur l'étude de Syme (The Roman Revolution) que tu avais cité je crois dans le topic éponyme. La République romaine perd son élite traditionnelle (la nobilitas patricienne et sénatoriale, celle qui se partage les grosses magistratures de génération en génération) au profit de la classe équestre (publicains, "capitalistes", financiers, militaires, aventuriers et "homo novus" qui font partie des municipes d'Italie et de Cisalpine). Bref tout un tas de gens qui ont un "capital symbolique", une "dignitas" moins avancée (et héritée) mais qui de par leurs affiliations, l'extrême liquidité (dût aux liquidations des proscriptions, littéralement) des places, comme tu le soulignes on meure peu dans son lit, très souvent de manière violente, bref le champ politique est très violemment concurrentiel pour les seconds et troisièmes couteaux. 

Est ce que le "marais" washingtonien, que Trump dit vouloir vider n'incarne pas quelque part cette ancienne élite, plus divisée et diverse sans doute, à travers des institutions publiques (les agences scientifiques par exemple), les médias (fake news), la sociologie traditionnelle du personnel politique (le consensus bipartisan classique). C'est à dire des élus de plus en plus occupé à lutter pour leur survie en politique, à lever des fonds sur un territoire local de plus en plus féodalisé localement et visés par des groupes d'actions coordonnés dirigés par tel ou tel milliardaire qui a envie de se tailler un fief, de l'agrandir, ou de placer un client. Est ce qu'il n'y a pas aussi culturellement un entre-soi qui disparaît pour laisser place à une rhétorique plus brutale, une culture du coup de force, de la stature ?

Je perçois clairement un tel changement coté républicain. C'est moins marqué pour les démocrates (Bernie n'a pas pu s'imposer, mais le système est à l'avantage des conservateurs) et il y a une vraie demande populaire qui pourrait se développer. 
 

Modifié par Berezech
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L'entre-soi washingtonien indifférent au parti a commencé à mourir dans les années 80, et dans les années 2000, il avait totalement disparu: aujourd'hui, les soirées et "dîners en ville" se font essentiellement selon les lignes de parti. Même les événements de collecte de fonds auprès des mêmes bailleurs s'y fond en majorité séparément. 

Mais je ne crois pas qu'il soit aisé de parler, pour Rome, d'un "renouvellement" de l'élite traditionnelle: certes, les proscriptions ont eu un impact lourd, mais il faut noter qu'elles ont rarement touché l'intégralité des grandes familles romaines, qui étaient des clans aux multiples branches. D'ailleurs, celles de Sulla, les premières, et parmi les plus importantes, n'ont pas visé beaucoup de familles sénatoriales, et se sont concentrées sur le reste de l'ordre équestre, les banquiers, publicains (qu'il détestait par-dessus tout) et barons du commerce avec l'argent desquels il a largement renfloué le Trésor. La société romaine n'a pas réellement perdu son élite traditionnelle: ce sont les mêmes noms (parfois pas les mêmes cognomen, les mêmes noms de branches....) qu'on retrouve souvent sur toute la période, et les "homines novi" restent rares, statistiquement parlant, dans les strates dirigeantes, malgré le rôle qu'a pu jouer César en promouvant pas mal de nouvelles têtes venues de rien (s'entend: "rien", veut quand même essentiellement dire la première classe, et surtout l'ordre équestre), comme Trebonius (le chef de fait des futurs assassins de César), Ventidius Bassus (le futur adjoint mal récompensé de Marc Antoine, qui infligea la première série de défaites des Parthes par Rome) ou Aulus Plautius, tout comme Pompée avait favorisé la carrière d'une floppée de Picentins mal accueillis à Rome, comme Aulus Gabinius ou Titus Labienus. Et évidemment, le cas le plus marquant reste celui de Marcus Vipsanius Agrippa, promu par Octave au sommet de la société romaine (et joint à la famille julio-claudienne: beau-père de Tibère, grand-père de Caligula, et arrière-grand-père de Néron) malgré ses origines modestes. 

Dans l'ensemble, ce sont quand même les mêmes familles qui demeurent et continuent à monopoliser l'immense majorité des hautes strates de la politique et de la société romaine. De plus, il ne faut pas voir les équestres comme une "sous-caste" des one percenters: les familles sont mêlées depuis longtemps, surtout quand on parle des plus riches et puissants publicains, commerçants et banquiers, qui sont parmi les 1800, les 18 centuries du top (celles ayant le "cheval public", cad un cheval de guerre payé par l'Etat) où se trouvent quasiment tous les sénateurs et les grands noms de l'ordre équestre. De même qu'il ne faut pas limiter les "familles sénatoriales" aux sénateurs eux-mêmes: il n'y a que 300 sièges au Sénat au début de la période, et 1000 à la fin (expansions de Sulla, puis de César), ça fait pas beaucoup de places par rapport même au seul vivier des grandes familles qui ont de multiples branches et souvent plusieurs rejetons à chaque génération. Beaucoup de familles équestres atteignent le cens sénatorial mais n'entrent pas au Sénat, beaucoup de familles sénatoriales ont plus de fils que de membres du Sénat, qu'ils aient ou non le niveau de fortune requis. Mais il ne faut pas non plus s'y tromper, côté fric: si les activités commerciales génèrent beaucoup de cash liquide, la plupart des sénateurs sont de très grands propriétaires terriens/immobiliers (la seule activité financière qui leur est autorisée, un type d'interdit éthique qu'on retrouve encore sur la noblesse dans la monarchie française jusqu'en 1789). 

Dans l'ensemble, quand on parle du haut de la 1ère classe, s'il y a un petit nombre de très très grandes familles, de très grands et vieux clans, il n'y a pas un beaucoup plus grand nombre de familles "purement" commerçantes n'ayant jamais trempé dans la politique et s'y refusant (il ne doit même pas y en avoir plus de quelques-unes): il y a surtout un vaste "marais" de familles jointes avec des fils allant vers la politique, et d'autres allant vers les activités commerciales. L'un des exemples les plus éminents est Titus Pomponius, dit Atticus (le correspondant préféré de Cicéron: c'est de leurs échanges qu'on tire le plus d'infos sur la période), un des plus puissants banquiers/commerçant/publicain du Ier siècle av JC et une des plus grandes fortunes romaines; sa famille, la gens Pomponia, est une très importante et ancienne famille sénatoriale (descendante directe du roi Numa Pompilius, longue histoire, consulaire, et tout le bastringue) aux multiples branches, et sa mère est une Caecilia Metella, donc issue d'un des plus puissants (et particulièrement nombreux) clans romains. Lui a juste choisi d'être un ploutocrate et mécène, parce que c'est ce qu'il préférait (et peut-être qu'il a jugé ce secteur d'activité moins risqué pour la santé). 

Il y a moins de grandes familles anciennes que dans les siècles précédents, mais c'est surtout parce que des branches, parfois des familles entières (surtout si elles sont peu nombreuses), finissent par s'éteindre avec le temps: ça ne veut pas dire que les lignées génétique se terminent d'ailleurs (via les femmes, ça continue souvent, mais l'ordre romain est évidemment patrilinéaire): dans l'ensemble, l'élite romaine, sénatoriale et équestre (une seule et même chose jusqu'à ce qu'Auguste instaure un "ordre sénatorial" séparé), est hautement consanguine, même souvent par le biais de l'adoption (quand les grandes familles adoptent, c'est uniquement un rejeton d'une autre famille de rang équivalent, qui a trop de fils et ne peut financer toutes leurs carrières), ce qu'illustre l'un des plus grands noms romains encore existant à cette époque, les Fabii (la lignée de Fabius Maximus Verrucosus Cunctator, celui qui a organisé la stratégie romaine face à Hannibal), dont la lignée génétique était éteinte et ne se "reproduisait" plus que par adoption depuis plusieurs générations. Les très vieux noms, les patriciens, au Ier siècle, ceux qui remontent au premier Sénat (les 100 de Romulus, ou les 300 des rois suivants), sont désormais très rares bien avant les premières proscriptions: Sergii et Julii sont les plus anciens

 

Ce qui compte pour ce vaste marigot de noms, intérêts et familles mêlés, c'est de produire des individus capables de se démarquer, de se faire un nom et un prénom (qui, si tout se passe bien, améliorera la dignitas de la famille, ou au moins de l'endommagera pas): au moins un par génération si possible. Et s'il est vrai que l'accroissement du Sénat au Ier siècle et le besoin par des personnages comme César, Pompée ou Octavien d'amener des nouveaux noms issus de strates inférieures de l'ordre équestre (ou de branches un peu déchues financièrement de grandes familles, comme les très anciens patriciens Pinarii -"devenus" équestres depuis- pour César, une de ses soeurs en ayant épousé un et produit un neveu qui a failli être son héritier), dans l'ensemble, il n'y a pas de "renouvellement": certes, plus de provinciaux qu'avant (surtout suite à la guerre sociale) se joignent à l'élite dirigeante (les élites italiennes et latines entrent dans le jeu des alliances familiales), mais c'est pour l'essentiel cela: ils s'y joignent, ils ne les remplacent pas. Il n'y a pas de bouleversement socio-économique des strates supérieures romaines, juste une proportion donnée de nouveaux entrants qui se joignent à la fête et entrent dans ce cirque de va-et-viens, de hauts-et-bas dans les limites toujours circonscrites verticalement de l'ordre équestre. 

De même, la haute société américaine bouge assez peu: on se fixe surtout sur la caricature extrême des "fortune 500" qui se renouvelle encore relativement bien, essentiellement par les nouvelles grandes fortunes, les grandes entreprises des nouveaux secteurs qui font des entrées fracassantes.... En oubliant que l'essentiel des one percenters reste dans l'ensemble assez peu mobile, et ce encore plus depuis une quarantaine d'années, avec une société américaine plus figée encore qu'elle ne l'était au temps du Gilded Age. Le "old white money" reste toujours aussi puissant et présent, même si un pourcentage important des 50,100 ou 200 premières places se renouvelle régulièrement avec de nouveaux noms, ou d'anciens noms revenant au top (mais jamais descendus très bas). 

 

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  • 3 years later...

Sur France Culture la série «  le monde des espions «  consacre sa saison 2 aux smp, les nouveaux corsaires , quelques émissions très intéressantes à écouter en podcast, histoire , présent et avenir des smp , notamment celle sur les auxiliaires privés de la DGSE ou encore celle consacrée au légendaire tim spicer 

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