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La cavalerie


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Bonsoir,

J'aimerais faire appel aux membres les plus éclairés et les plus versés dans la chose. Je ne comprends pas l'organisation des régiments de cavalerie du XVIIIième et du XIXième siècle (en fait je comprends pas tout court).

Si les découpages en sous unité au sein des régiments d'infanterie son compréhensible pour moi (section, compagnie, bataillon), je suis totalement largué dès qu'on aborde la cavalerie et les effectifs qu'une escadron ou qu'une compagnie peuvent bien représenter ni même combien d'hommes un régiment peut chapeauter et combien sont effectivement des cavaliers...

Quelqu'un pourrait-il éclairer ma lanterne ?

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Le problème vient surtout que la France n'avait pas la culture du cheval de selle, par exemple Louis XI a eu de nombreuse difficulté pour ne réunir qu'une centaine de chevaux. De fait, la monarchie c'est toujours débrouillé d'importer des chevaux du Danemark ou d'Espagne. En plus de cela la fourniture des chevaux aux unités de cavalerie était à la charge des chefs propriétaires des bandes. (Vieil Héritage de "l'ost" du moyen âge)

Pour voir une amélioration dans ce domaine, il faut attendre Louis XIV qui a continué les efforts de réorganisation des troupes de cavalerie et inciter à produire des chevaux de selle en France. Cependant le système étant ce qui l'est, ces bons chevaux avaient peu de chances de rejoindre l'armée du roi car leur propriétaire faisant en sortent de faire des économie de bout de chandelle.(sans parler des détournements) Seul la Maison du Roi peut se vanter d'avoir des troupes de chevaux aux complet,  celle-ci étaient des troupes permanentes "réglées" sur le budget dit de "l'ordinaire de la guerre".

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Le problème vient surtout que la France n'avait pas la culture du cheval de selle, par exemple Louis XI a eu de nombreuse difficulté pour ne réunir qu'une centaine de chevaux. De fait, la monarchie c'est toujours débrouillé d'importer des chevaux du Danemark ou d'Espagne. En plus de cela la fourniture des chevaux aux unités de cavalerie était à la charge des chefs propriétaires des bandes. (Vieil Héritage de "l'ost" du moyen âge)

Je sais pas où tu as pu voir des difficultés à fournir des effectifs de chevaux suffisants de façon structurelle: il y a toujours eu des manques ponctuels, et sous des souverains comme Louis XI qui ont beaucoup accru les troupes, surtout permanentes, il y a eu aussi des difficultés ponctuelles à suivre la demande, mais la France a toujours eu de quoi fournir la grande majorité de sa cavalerie par elle-même, sauf dans les périodes de guerres prolongées, le cheval étant une commodité militaire hautement périssable en campagne, et lentement remplaçable. L'explosion de l'élevage de chevaux date surtout de Louis XIV qui a du beaucoup de fournir à l'étranger malgré tout, avant tout en raison d'un accroissement militaire absolument sans précédent et de besoins élevés sur de longues périodes, que l'offre nationale ne pouvait pas suivre, et pas assez anticiper.

Par ailleurs, les "bandes" ne datent pas du Moyen Age, mais de Louis XI, et le terme ne concerne que l'infanterie. C'est le terme "compagnie" qui est plus ancien et réfère indifféremment à des troupes à pied, à cheval ou mixtes (ou de l'artillerie, ou des sapeurs et mineurs, d'ailleurs).

Si les découpages en sous unité au sein des régiments d'infanterie son compréhensible pour moi (section, compagnie, bataillon), je suis totalement largué dès qu'on aborde la cavalerie et les effectifs qu'une escadron ou qu'une compagnie peuvent bien représenter ni même combien d'hommes un régiment peut chapeauter et combien sont effectivement des cavaliers...

La section est une chose très récente, pour la note.

La cavalerie utilise le terme de "compagnie" depuis ses débuts en tant qu'unités permanentes, avec les ordonnances de Charles VII (les compagnies dites d'ordonnance, qui furent les premières troupes permanentes de l'Etat hors de la maison du roi), "professionalisant" en somme un usage de dénomination de toute unité armée, à pied ou à cheval, pendant la guerre de Cent Ans (le vocable militaire, surtout pour les troupes féodales de l'époque de la chevalerie, était différent: on avait des "échelles" de cavalerie, par exemple). Le terme renvoyant à un "compagnonnage" militaire est aussi ancien que l'art militaire en occident (le grade puis titre de "comte" vient du terme latin pour "compagnon").

La compagnie de cavalerie est donc l'unité essentielle du XVème au XVIIème siècle, avec en dessous la lance, qui devient en fait plus rapidement une unité de compte qu'une structure opérationnelle, surtout avec l'usage militaire de la charge telle qu'elle se pratique au XVIème siècle. La compagnie de cavaliers a essentiellement tourné autour de 50h, et l'évolution militaire du XVIème siècle à la guerre de Trente Ans, avec en plus l'abandon de la cavalerie lourdement cuirassée et chargeant à la lance et en haie (formation d'une compagnie sur un rang, plusieurs pouvant s'étager à espacements réguliers) au profit de groupements (en carrés) plus denses et manoeuvrants (cavaliers et chevaux plus légers) cherchant le choc (de front face à d'autres cavaliers, de flanc ou de front contre l'infanterie) et la manoeuvre (feintes, détourner le feu, user l'adversaire....) ainsi que des tactiques particulières pour l'usage d'armes à feu (la "caracole" notamment).

Ces nouveaux usages réclament des effectifs importants (surtout avec une mortalité accrue et une puissance de choc amoindrie par l'évolution tactique), la compagnie devient insuffisante alors qu'elle forme encore l'unité structurelle de base, difficilement changeable politiquement dans des armées en grande partie vénales (les capitaines sont propriétaires de leurs compagnies et il s'agit d'un jeu politique important à la cour de les acquérir et les garder). Sur le terrain, les compagnies sont donc envoyées de plus en plus systématiquement "escadronner" en groupes (2, 3 ou plus): l'escadron, comme le bataillon "petite bataille", la "bataille" étant une subdivision d'une armée de campagne du Moyen Age), est donc né comme task force temporaire sur le terrain, qui sanctifiait l'usage d'une cavalerie manoeuvrant en carrés profonds.

Par la suite, avec l'explosion des effectifs au XVIIème siècle et les évolutions tactiques, l'escadron devient permanent à l'usage, avec un commandement fixe (avant, il tournait entre les capitaines des compagnies le composant) puis un dédié (un officier chargé uniquement de l'escadron), en même temps que les compagnies cessaient d'être indépendantes pour intégrer des régiments permanents de cavalerie.

Aux XVIIème-XVIIIème siècles, le système est ainsi plus ou moins fixé: un régiment de cavalerie a généralement 2 à 4 escadrons, chaque escadron a 2 à 3 compagnies (parfois une seule), en même temps que le volume de chaque sous-unité a une tendance générale à la baisse par rapport aux formations massives qu'étaient les escadrons jusqu'à la guerre de trente ans (cela correspond avec la baisse de l'usage de l'arme à feu par la cavalerie, avec l'accélération des cadences de feu, la spécialisation accrue entraînée par l'évolution doctrinale....). Une autre tendance générale est la croissance de l'encadrement des sous-unités, corollaire de leur diminution en effectifs et de leur permanence accrue, le professionalisme poussant au besoin de toujours accroître le "command and control" et d'avoir plus d'unités opérationnelles manoeuvrantes. Le capitaine d'une compagnie a donc aussi un lieutenant (sorte de "vice capitaine") et un "cornette" (censé porter l'enseigne de l'unité qui, dans la cavalerie, sera appelée cornette jusqu'au début XVIIème, et moins souvent "compagnie"). Par la suite, le "cornette" deviendra "sous lieutenant" étant donné qu'il portait bien rarement l'enseigne (c'est pas un boulot de noble), tâche qui sera confiée à un homme du rang.

Au XVIIIème siècle, l'escadron tourne généralement autour de 100 et quelques hommes, avec en moyenne 2 compagnies d'une cinquantaine d'hommes, organisées sur 2 rangs en bataille: l'escadron est l'unité tactique de base (on n'emploie pas vraiment des régiments en tant qu'unités de manoeuvre), et il est déjà bien difficile pour un capitaine de pouvoir contrôler ses 2 éléments de manoeuvre que sont les compagnies.

C'est à la 2ème restauration en 1815 qu'escadron et compagnie sont fusionnés en ne gardant que l'appellation du premier.

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Je sais pas où tu as pu voir des difficultés à fournir des effectifs de chevaux suffisants de façon structurelle

Mes sources me viennent du livre de Jacques Mulliez, "Les chevaux du royaume - Histoire de l'élevage du cheval et de la création des haras", ainsi que "L'identité de la France" de Fernand Braudel. Ce dernier a dit même que "Or le cheval est demandé sans fin (sous l'ancien régime et après...) par l'armée française, mais cette demande insistante, qui vise une bête de qualité, se tourne vers l'étranger".D'ailleurs comme vous connaissez très bien l'époque, Guillaume de Bellay signale aussi dans son ouvrage posthume "Discipline militaire" que l'élevage du cheval de selle fut toujours déficitaire en notre pays, et préconisait que "l'Etat", devait toujours intervenir pour l'assister.

C'est sous Louis XIV que la chose commence à s'améliorer, ainsi débute une vrai volonté d'élevage et aussi de croisement entre les espèces (méthode copié chez les anglais). Mais bon cela ne règle pas non plus le problème du budget, qui entraînait des variations d'effectifs. On levait et on licenciait les régiments, au gré des situations et moyens.

Par ailleurs, les "bandes" ne datent pas du Moyen Age, mais de Louis XI, et le terme ne concerne que l'infanterie. C'est le terme "compagnie" qui est plus ancien et réfère indifféremment à des troupes à pied, à cheval ou mixtes (ou de l'artillerie, ou des sapeurs et mineurs, d'ailleurs).

Vous m'avez mal compris ... ce que je voulais dire c'est que les bandes sont l'héritage de l'ost du Moyen-Age.

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Sous l'empire la structure variait légèrement selon les subdivisions (hussards, cuirassiers, etc ...) mais tournait autour d'un modèle commun : 4 escadrons (exceptionnellement 5) qui comptaient chacun deux compagnies (soit 8 compagnies par régiment).

Les effectifs théoriques étaient d'environ 120 hommes par compagnie soit un millier d'hommes pour le régiment.

Les effectifs réalisés (surtout en fin de campagne) étaient souvent bien inférieurs (de 50% souvent). Mais Napoléon demandait que la compagnie d'élite (la 1ère du 1er escadron) soit toujours à l'effectif théorique.

La valeur combative d'un escadron était regardée comme équivalente à un bataillon d'infanterie (6 à 8 compagnies de 140 hommes en théorie).

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Vous m'avez mal compris ... ce que je voulais dire c'est que les bandes sont l'héritage de l'ost du Moyen-Age.

Et ce que je précisais, justement, c'est qu'elles ne le sont pas: elles sont une création quasiment ex nihilo de Louis XI en 1479-1480 en réaction aux insuffisances (réelles et exagérément "politisées") des francs-archers, eux-mêmes une création de Charles VII dans les grandes ordonnances des années 1430 et qui se substituent aux derniers faux semblants de l'host/ost féodal qui avait dans les faits cessé d'exister définitivement après Azincourt (dans l'intermède des années 1410 à 1430, il y a une troupe "de transition" faite de volontaires professionnels, en grande partie plus ou moins "mercenaires").

Théoriquement, le roi conserve le droit d'appeler le ban et l'arrière ban (base de l'ost), et le fera encore de façon limitée et surtout symbolique, mais l'ost féodal disparaît pour l'essentiel. L'armée qui émerge de la guerre de Cent Ans (fondée essentiellement sur les compagnies d'ordonnance, les francs archers, les compagnies ou bandes d'artillerie et les mortes payes, puis plus tard les bandes d'infanterie) n'est en rien son "héritière", tant dans sa nature (non féodale) que dans sa composition (on ne "prend" pas des éléments féodaux pour en faire des troupes réglées permanentes, ce qui serait par ailleurs impossible) et ses principes (même la milice des francs archers n'a aucun rapport avec les milices communales préexistantes et contributaires du ban). La base du recrutement initial des bandes (pour le premier "batch") vient du prélèvement des coutiliers et d'archers (des combattants à pieds mais montés et intégrés formellement aux compagnies d'ordonnance) de chaque lance des compagnies d'ordonnance, avec en plus un recrutement volontaire, et des éléments mercenaires.

De même, l'apparition de la cavalerie légère régulières (il y en avait aussi une mercenaire, issue des Balkans, les Estradiots) émerge aussi des compagnies d'ordonnance: les archers montés des lances, ainsi que les moins fortunés des cavaliers lourds, sont de plus en plus consacrés à des rôles légers et équipés (et montés) en conséquence, à partir des années 1490 et des débuts des guerres d'Italie. Les premières compagnies de chevau-légers sont ainsi nées et vont s'affirmer au fur et à mesure du changement radical de la cavalerie au XVIème siècle et de son impact sur la tactique et l'organisation militaire de l'arme (et donc sur l'équipement et l'élevage).

L'organisation des unités en France vient essentiellement de la matrice initiale de la compagnie d'ordonnance et de sa subdivision en "lances fournies", son évolution ayant été rapide au XVIème siècle. Henri II consacre en fait le changement définitif en réorganisant, après plusieurs évolutions mineures et constats de dysfonctionnements (et de décalage croissant entre organisation formelle et emploi opérationnel), les compagnies: elles passent d'une structure de lances identiques agglomérées en compagnies (aux effectifs allant jusqu'à 600h voire plus) et dont le commandement se fait selon un processus "d'aînesse" sociale et militaire, à un groupement de sous-unités (encore appelées lances pour un temps) articulées autour d'une structure de commandement fixe (on utilise encore alors le terme médiéval "d'hôtel", équivalent d'un Etat Major de compagnie), avec un effectif plus limité (autour de 110-115h) mais réuni en permanence (au lieu d'être éclaté par lances en garnisons). L'organisation en régiments ne commence que sous Louis XIII.

Les noms restent en place quasiment jusqu'à la Révolution: le cavalier de base est un "archer" (alors que dès la fin du XVème siècle, les cavaliers n'ont plus d'arcs ou d'arbalètes même s'il reste des archers montés, essentiellement des fantassins montés qui soit s'orienteront vers l'infanterie, soit seront à la base des futurs dragons), le cavalier vétéran (voire sous-officier au niveau des petits groupes de base) un "maître".

Autre vocabulaire commun avec l'infanterie: le groupe de base de cavalerie dans une compagnie (en opérations, soit après séparation des fantassins et cavaliers dans une lance) est une "escadre" (dans l'infanterie, l'équivalent d'un sergent actuel est alors le "cap d'escadre", terme qui évoluera vers notre "caporal"), d'où viendra le terme "escadronner" à la base du futur "escadron".

Mes sources me viennent du livre de Jacques Mulliez, "Les chevaux du royaume - Histoire de l'élevage du cheval et de la création des haras", ainsi que "L'identité de la France" de Fernand Braudel. Ce dernier a dit même que "Or le cheval est demandé sans fin (sous l'ancien régime et après...) par l'armée française, mais cette demande insistante, qui vise une bête de qualité, se tourne vers l'étranger".D'ailleurs comme vous connaissez très bien l'époque, Guillaume de Bellay signale aussi dans son ouvrage posthume "Discipline militaire" que l'élevage du cheval de selle fut toujours déficitaire en notre pays, et préconisait que "l'Etat", devait toujours intervenir pour l'assister.

C'est sous Louis XIV que la chose commence à s'améliorer, ainsi débute une vrai volonté d'élevage et aussi de croisement entre les espèces (méthode copié chez les anglais). Mais bon cela ne règle pas non plus le problème du budget, qui entraînait des variations d'effectifs. On levait et on licenciait les régiments, au gré des situations et moyens.

Ma critique était succincte, désolé: tes posts ont été trop catégorique, présentant une histoire univoque d'une insuffisance structurelle et chronique impliquant un recours massif et constant à l'importation, ce qui est faux (ou si ce n'est pas ce que tu as voulu dire, c'est en tout cas ce que j'ai lu). L'élevage de chevaux en France a été extrêmement florissant pendant le Haut Moyen Age (et à l'époque gallo romaine d'ailleurs) tant en qualité qu'en quantité, et le système carolingien, fondement de la première féodalité, consacra ceci en un fonctionnement plutôt satisfaisant au regard des besoins: l'armée carolingienne, le premier vrai Ost, était fondée sur une infanterie régionale de type milice/conscription des hommes libres avec un noyau équestre de féodaux directs et leur suite, et une armée "centrale/royale" essentiellement montée -avant tout des fantassins montés et une cavalerie lourde plus réduite- et donc mobile, faite pour soutenir localement en s'augmentant de l'ost local.

Par la suite, l'éclatement post carolingien consacre une "délocalisation" du système, reproduit par chaque grand féodal dans ses terres, ce qui eut l'avantage, avec le développement de la chevalerie (en tant qu'institution socio-économico-militaro-culturelle), de créer de nombreux "centres" d'élevage avec une demande disproportionnée en raison de l'explosion de l'institution chevaleresque (bien au-delà d'un réel besoin militaire rationnellement pensé). Le phénomène fut boosté par les croisades et l'apport de nouvelles races (d'Europe, du Moyen Orient, d'Espagne et du nord de l'Afrique via l'Espagne), mais aussi par la polarisation économiques et l'expansion du phénomène nobiliaire qui étendit les besoins en chevaux (pour la monte, la chasse, "l'art de vivre", le standing) en même temps que l'évolution de l'art militaire équestre exigeait une spécialisation accrue des montures de guerres (destriers et palefrois, qui requéraient une "R&D" de plus en plus poussée).

Les problèmes de l'offre de chevaux en France se font jour une première fois avec la Guerre de Cent Ans: accroissement rapide des besoins (mortalité accrue des chevaux, levées plus fréquentes de l'ost et d'une plus grande proportion de la chevalerie -l'ost n'étant pas souvent levé en totalité-, grandes défaites, conflictualité locale accrue....) après une période d'accalmie amenée par la centralisation naissante de l'Etat sous les derniers capétiens directs (limitation puis interdiction des guerres privées, affirmation d'un pôle royal plus fort, y compris militairement....). L'importation est un recours de court terme, mais prolongé pendant une bonne partie de la période de la guerre de cent ans (les périodes "chaudes") étant donné la croissance des besoins et les ravages de la guerre en France qui n'épargnent pas les élevages de chevaux (manques de subsistances, commerce réduit, voire interrompu, ravages directs, maladies, pillages/confiscations -par les Anglais, Navarrais, mercenaires licenciés, féodaux opportunistes mais aussi par le roi de France- qui endommagent voire détruisent un élevage).

La situation se redresse rapidement dès qu'une accalmie apparaît, et l'anecdote sur Louis XI renvoie moins à une situation structurelle qu'à des problèmes ponctuels, notamment la période de la Ligue dite du Bien Public et les guerres de Bourgogne qui virent le roi avoir des moments de grands troubles (vu qu'il fut même à un moment otage de fait de Charles le Téméraire). En tirer des conclusions générales sur l'élevage en France au Moyen Age est un contresens. Il y a eu globalement un redressement spectaculaire sous Charles VII et Louis XI, notamment via la demande croissante exigée par les compagnies d'ordonnance, corollaire d'une conflictualité plus limitée.

Le XVIème siècle est une autre période à problèmes étant donné la rapidité de la "consommation" de chevaux: d'abord dans les guerres d'Italie, puis, sans transition, avec les guerres de religion qui portèrent un coup massif à la situation pendant un demi siècle, et ce à une époque où le besoin était croissant (conjoncturellement -conflictualité- et structurellement -évolution de l'art militaire et de la taille des armées). Henri IV entame l'effort de redressement et de réorganisation qui sera parachevé par Louis XIV, à une époque où la taille des armées permanentes et la létalité des guerres (longueur des campagnes et des guerres, croissance du rôle de l'arme à feu) consacrent un besoin désormais énorme.

Ce que Louis XIV apporte, c'est une stratégie globale (pas exempte d'erreurs majeures) organisant un premier effort conjoint (et pensé comme tel) des sites d'élevage.

Mais globalement, ce qu'on peut signaler comme des manques correspond en fait plutôt à des périodes de transition trop rapides où l'offre peut avoir ponctuellement des manques à s'adapter à la demande: un conflit peut faire mal à l'élevage de bien des façons (ravages, confiscations, maladies, saignées anormales du cheptel, manques alimentaires, disruption du commerce -ce qui fait qu'il peut y avoir des régions excédentaires qui ne peuvent acheminer leurs surplus vers les zones de besoin, ou que les producteurs sont plus prudents) ou tout simplement exiger plus de chevaux que l'élevage ne peut en fournir à un instant T, moins parce que le dit élevage est insuffisant que parce que la demande est anormalement importante, ou anormalement croissante, plus que ce qu'une économie médiévale/classique peut fournir, ou en tout cas fournir assez rapidement. L'élasticité d'un tel marché est réduite (il faut du temps pour "créer" un cheval de guerre comme produit fini, et pour ce faire avoir une visibilité du besoin à plusieurs années, ce qui n'est pas un fait réllement à la portée des économies anciennes), surtout dans les conditions du Moyen Age et de l'époque moderne (pas vraiment un temps de communications rapides et de statistiques poussées), et évidemment encore moins dans un pays comme la France, beaucoup plus grand que la plupart des pays d'Europe, avec des besoins, notamment militaires, plus imposants (et aucun système "militaro industriel" réellement développé): plus l'échelle du besoin croît, plus la complexité de la tâche augmente, et il n'y a alors pas moyen de faire du toyotisme (zéro stocks, just on time....). L'ajustement de l'offre à la demande avec des délais courts devient donc tout de suite un tantinet problématique, ce qui crée des anecdotes comme celle de Louis XI que tu cites, ou celles qu'on retrouve dans divers règnes ou sous l'Empire, et qui peuvent sembler contradictoires avec les chiffres absolus de "production" de chevaux, qui peuvent sembler grosso modo faire plus que couvrir les besoins.

Il faut juste comprendre à quel point des pays sous administrés (selon nos critères) comme ceux du Moyen Age ou de l'époque moderne fonctionnent, et surtout dans quels délais ils fonctionnent: la France du temps du cheval et d'un faible nombre de routes (donc avant le XVIIIème siècle) est 30 à 50 fois plus grande que la France actuelle, et encore plus si on essaie de raisonner en temps économique ou selon un temps de transmission effective d'une information fiable. Et toute l'infrastructure, toute l'économie du pays se fonde sur ce fait. Pour le "marché" du cheval militaire, c'est ça qu'il faut prendre en compte avant tout. Parce qu'en terme de "capacité de production" fondamentale (nombre "d'unités" produites), il n'y a jamais réellement eu de problèmes sinon celui de l'ajustement de très court terme, sauf à quelques moments cruciaux, généralement quand un conflit dure, et/ou quand le besoin militaire s'accroît anormalement dans une période de temps très courte: la réorganisation massive sous Louis XIV s'impose tout connement parce que la France passe d'une armée permanente de moins de 20-30 000h en temps de paix (plus des éléments de garnisons) à une armée permanente qui passe la barre des 60 000 avec un système complexe d'unités à divers degrés de préparation (dont un volant opérationnel à tout moment) qui inclue de quoi faire monter en puissance très vite une bonne partie d'entre elles (donc un volant de réserve de chevaux préparés important), le tout essentiellement sur la décennie 1661-1672 (avec en plus la préparation de la guerre de Hollande pour cette dernière année, qui voit l'organisation d'une armée de campagne du nord concentrant à elle seule 120 000h).

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A toutes fins utiles un rapport présenté au conseil d'Etat le 27 avril 1806 (sous Napoléon donc) :

"Plus on examine les causes de la décadence des races de chevaux, plus on voit que la première, et presque la seule, vient de la division des propriétés.

Bien avant la révolution, on se plaignait du dépérissement des races ; le nombre des beaux chevaux allait depuis long-temps toujours en diminuant. Colbert avait déjà eu à s'occuper de restaurer les haras ; et avant lui, Sully exprimait des regrets sur la négligence de l'administration passée à cet égard.

Il paraît bien certain que l'anéantissement ou le décroissement progressif des grands propriétaires féodaux, avait amené cette décadence des haras. Tant que les grands seigneurs avaient eu à défendre ou à accroître leur puissance, tant qu'ils avaient été à-la-fois et des propriétaires et des souverains, les haras avaient eu toute leur sollicitude. Ils en avaient besoin pour équiper leurs vassaux et leurs hommes d'armes. Ces vassaux eux-mêmes avaient des propriétés où ils nourrissaient des chevaux pour s'en servir dans les batailles. On voit tout de suite qu'un tel ensemble de circonstances était tout ce qu'on peut concevoir de plus favorable à la conservation et à l'amélioration des races de chevaux : en outre, il y avait en ces temps peu de luxe dans les cités, encore moins dans les campagnes, et la vanité des gentilshommes se portait sur la beauté de leurs chevaux.

On ne peut plus retrouver dans notre organisation actuelle, de telles sources de prospérité, et il faut aviser à les remplacer. Ce qui, dans l'état présent de la société, doit remplacer l'amour de la puissance et de la force, c'est l'amour du gain.

Les anciens gentilshommes nourrissaient et élevaient des chevaux pour monter leurs soldats ; nos grands propriétaires en éleveront pour accroître leur revenu.

C'est dans ce sens qu'il faut travailler à la restauration des haras ; c'est par cette voie que l'Angleterre a tiré parti de cette branche d'industrie.

Mais, par malheur, nous n'avons plus en ce moment, non-seulement de grands vassaux, mais même de grands propriétaires et de riches capitalistes.

Peu à peu cette classe pourra devenir nombreuse ; et elle pourra, parmi les spéculations agricoles qu'elle entreprendra, s'occuper des haras.

Mais le Gouvernement ne doit pas attendre ce moment, peut-être encore éloigné ; il est dans ses intentions bienfaisantes de le prévenir et de le hâter. Si les races de chevaux s'abâtardissaient encore pendant quelques années, le mal serait bien plus difficile à réparer ; et s'il existe déjà une grande difficulté à trouver des propriétaires assez riches pour spéculer sur la restauration de la race des chevaux, on en trouverait encore moins quand cette restauration serait devenue comme impossible."

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