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La baston à la romaine


Tancrède
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Il s'agit ici d'un sujet portant sur un temps long, mais sur une échelle purement tactique; le but est ici d'évoquer l'aspect concret du combat des troupes romaines, le modèle militaire dominant de l'Antiquité (en fait le seul modèle général, avec le modèle macédonien qui précède) et le moule du combat médiéval (là où des formes de combat organisé ont réellement été maintenues, cad pas en occident, sauf pour quelques formes tactiques -cavalerie lourde surtout, plus diverses exemples locaux). Même si toutes les époques de l'histoire romaine sont concernées, l'accent porte surtout sur la période qui va essentiellement des guerres puniques (légions dites "polybiennes" et leur évolution) à l'empire tardif (et plus tard l'armée byzantine), soit les modèles au professionalisme sans cesse croissant et à la permanence des troupes toujours plus affirmée. le temps long est utile en ce qu'il permet de voir les permanences, les évolutions dans leur logique (aucune rupture brutale, que de l'évolution incrémentale.... Mais permanente).

 

C'est le modèle qui a fait le plus école, et d'autres sujets traitent de l'armée romaine en général dans ses aspects divers, de la légion romaine, de l'organisation stratégique, logistique, politique, économique et opérative.... Mais on a peu vu le contact lui-même, la façon dont "fonctionne" l'armée romaine comme dispositif de bataille (et de marche dans une certaine mesure), et ses unités comme outils tactiques, face à divers types d'adversaires et de situations. Bref, ce sujet est avant tout centré sur la façon dont les Romains cognent.

Qu'est-ce qui est fondamental dans le combat romain? Qu'est-ce qui est particulier à leurs modes de combat?

Les intervalles, l'idée de réserve, l'ordonnancement des lignes et son but, le relai des combattants individuels et des unités (rationalisation de la fraîcheur des troupes), le commandement, la division du travail et le mix de forces, l'adaptation au terrain et les retex, l'évolution du rapport au combat en ligne, la "forme" des batailles, la standardisation, le paquetage et l'équipement.... Beaucoup d'aspects purement tactiques pour voir le combat romain dans ses aspects concrets.

 

Je vais attendre un peu avant d'intervenir, histoire de voir ce que ça inspire (marre de faire des pavés sans réponse :-[ ) et ce que certains pensent et/ou connaissent de la chose. Je précise que la plupart des idées qu'on a du combat romain, ou qu'on croit avoir, sont au moins en bonne partie fausses, ou très partielles: l'archéologie, l'archéologie dite "expérimentale" et l'historiographie récente ont remis en question beaucoup de savoirs qu'on croyait certains. Je souligne par ailleurs qu'il ne faut pas se mettre d'idées "faciles" en tête quand on voit les dispositifs de bataille résumés sur des cartes de magazines ou livres d'histoire (le sempiternel ensemble avec ligne au centre et cavaleries aux ailes, tellement stylisé qu'on a toujours l'impression du même dessin): il s'agit de dispositifs ultra complexes et sophistiqués (toujours plus avec le temps) que ces représentations reflètent mal, ce pourquoi il faut "descendre" au niveau des organisations tactiques et unités essentielles pour voir "the face of battle" comme dirait l'autre.

 

Qu'en savez-vous, qu'est-ce que ça vous inspire? Que déduisez-vous de ce qui semble être logique dans de telles formes de combat? On peut voir beaucoup avec du simple bon sens: endurance d'un humain normal, encombrement d'un terrain, météo, nature de l'équipement.... Si l'achéologie expérimentale (nom pompeux des groupes de reconstitution où il est question de plus que s'amuser et boire de la bière en costume) a prouvé quelque chose, c'est que beaucoup de certitudes sont renversées par la mise en situation concrète (un peu comme dans l'historiographie: le bon sens et l'expertise d'Ammien Marcellin contre la théorisation de Végèce l'érudit).

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Bon..... Je dissuade avant même que ça commence. Je me fouette et je me lance.

 

Les fondamentaux de la baston antique restent fondés essentiellement sur un nombre d'armes limité: lances et piques, javelots et javelines, arcs et frondes, , et pour le corps à corps/combat rapproché, épées, masses haches et coutelas. l'épée n'est pas très répandue comme arme du rang, en raison du coût de cette arme en général réservée du coup aux élites ou à des unités "de pointe" (on ne base que rarement, donc un combat d'infanterie, un "modèle militaire" général là-dessus avant l'antiquité tardive) ou à des peuples disposant de ressources en fer abondantes et d'un vrai savoir-faire de ferronnerie spécialisée largement diffusé (certains peuples ibères, certaines tribus celtes, notamment en Norique -l'Autriche).

On trouve plus souvent l'équivalent de grands coutelas (ou épées très courtes, comme la "machaïra" qui domine longtemps le paysage méditerranéen) faits pour le combat très rapproché et servant de ce fait plutôt d'arme secondaire, comme chez les Grecs et macédoniens. La qualité des lames, par ailleurs, n'est pas toujours au rendez-vous au regard des protections disponibles et de la rapidité avec laquelle un tranchant peut s'émousser dans une bataille (ce qui rappelle la révolution militaire que fut l'arrivée du fer par rapport au bronze, des premiers aciers carbonés par rapport au fer juste forgé....): ces seuls faits soulignent par exemple pourquoi certaines civilisations par ailleurs riches ont moins insisté sur l'épée que sur d'autres armes de corps à corps, y compris dans les hautes strates de la société (les cavaliers lourds scythes et perses avaient ainsi plus souvent des massues ou haches, plus utiles contre des adversaires cuirassés).

 

Enfin, pour que l'épée puisse être disponible en abondance, il faut des économies monétarisées et urbanisées, où une forte division du travail existe, et où des formes d'organisations militaires poussées incitent à penser un modèle durable. Rome fut en fait la civilisation qui insista le plus sur la systématisation et l'organisation à grande échelle d'un combat en ligne fondé sur l'épée (et qui en eut les moyens), à partir de la période des réformes dites "polybiennes" (Polybe était un historien grec qui a commenté la Rome de cette période; de là seulement vient ce nom qui sert de repère), soit dans le courant du IIIème siècle av JC, qui voit l'armée romaine devenue "manipulaire" au siècle précédent (période d'évolution "initiée" par Camillius) changer assez fortement son mode de combat pour amoindrir le rôle de la lance et opter pour un modèle plus offensif reposant avant tout sur un fantassin de ligne (hastati et principes, anciens types de soldats jadis différents) disposant d'une capacité de tir, d'une capacité limitée de combat à la lance (les deux étant assurées par le javelot lourd qu'est le pilum) et surtout d'une capacité de combat à l'épée, ou plutôt pratiquant une escrime combinant épée et bouclier (gladius et scutum). Le fait est que Rome a pu pousser ce genre d'évolution via sa taille, son développement, des besoins urgents, son histoire particulière (adaptation à des ennemis très différents, capacité de RETEX peut-être spécifique) et l'existence d'une "fédération militaire" italienne qu'elle a fondé, qui permettait une division du travail et une spécalisation tactique à grande échelle. Ce fait a permis à Rome de concentrer de plus en plus ses propres troupes et sa réflexion tactique sur une portion précise du combat d'infanterie, celui du combat au centre de la ligne, pour lequel elle a optimisé ses troupes, et sur la gestion de grandes armées (dont la sienne propre ne formait qu'une partie) interdépendantes.

Mais ce combat représente partiellement la "bataille" romaine: le dit fantassin est, en dernier recours, appuyé par un fantassin lourd "traditionnel" équipé d'une lance (le triaire), et par un fantassin léger lançant des javelines (plus petites que le pilum: le verutum) et pratiquant un combat mobile (avec javeline et coutelas/épée courte), le vélite. L'organisation du dispositif de bataille souligne l'interdépendance et la coordination accrues de ces formations (où la division des rôles par niveau de fortune s'efface au profit d'une division par l'expérience), de même que leur intégration dans un dispositif plus vaste avec des unités d'alliés (socii) fournissant des spécialités différentes et tout aussi nécessaires: cavalerie de mêlée (blindage, épée) et choc (lance), cavalerie de reconnaissance, manoeuvre et harcèlement (javelines, arcs), troupes de missiles (frondes et arcs), infanterie légère (équivalent des vélites) et d'accompagnement (lanciers d'arrêt et fantassins "médians" similaires aux hastati et principes, ou aux "peltastes" post guerres du Péloponèse). Une armée "type" (une armée dite "consulaire") a 2 légions de 4500 combattants et des brouettes (2400 hastatis et principes, 1200 vélites, 600 triaires, plus 300 cavaliers servant plus de messagers, de reco et d'appuis ponctuels), et un peu plus d'unités alliées (6000 fantassins de lignes, 1200 fantassins légers, 1800 cavaliers) équipées et organisées de la même façon que les légions (à l'échelon manipulaire, voire de légions proprement dites, ce qui indique au fil des guerres, une similarité de fait à tous les échelons tactiques).

 

Ce "modèle polybien" initial est LE modèle de combat à partir duquel l'armée romaine ne va cesser d'évoluer jusqu'à la fin de l'empire romain: toutes les composantes sont là, formées autour du combat du centre de "la ligne" qui repose sur un combat qu'on dirait interarme, cherchant l'optimisation dans tous les domaines de la combinaison du feu rapproché (javelines/javelots), du combat de contact (lances, javelot lourd, pique) et du corps à corps (épée).

Pour schématiser l'évolution:

- dans les 2 premières guerres puniques IIIème siècle av JC), les romains ont ainsi perfectionné un dispositif interarme de ce type dont une légion est censée optimiser le fonctionnement en palliant aussi les faiblesses inhérentes au système et à la réalité des armées de conscription (niveau élevé d'inexpérience, difficulté de coordination, qualité des troupes très inégale suivant l'expérience....).

- au IVème siècle après JC: le combat "interarme" de la légion polybienne est pratiqué à l'échelle bataillonnaire, dans des armées à haut niveau de professionalisme et d'expérience. Les grandes unités telles que la légion n'y sont plus nécessaire et l'armée romaine pratique un combat beaucoup plus mobile et rapide, fait de lignes plus courtes et profondes, de coordination plus grande. Une cohorte d'infanterie de ligne comprend tous les types de "systèmes d'armes" présents dans la légion polybienne, et travaille avec ses unités d'appui à bien plus petit échelon.

 

 

 

Je voulais ainsi présenter le cadre général. Le but ici va être de se concentrer sur les unités essentielles et sur les aspects pratiques du combat de chacune. la coordination à l'échelon de la bataille n'est pas le but, vu que ça renverrait déjà à un autre "angle de vue", plus général, qui conviendrait mieux au sujet sur l'armée romaine. Donc ici, le but est de parler de ce à quoi ressemble la baston vu d'une cohorte au maximum, d'une centurie, d'un manipule (ou d'un simple contubernium) d'infanterie, d'une alae ou d'une turmae (ou d'un cuneus) de cavalerie.

Le but aussi est de se concentrer avant tout sur les unités romaines, même si à partir d'Octave, ça veut dire tous les types d'unités vu que, comme les Macédoniens en leur temps, les Romains ont compris que la légion (déjà plus une unité tactique en soi au temps de César, mais juste une sorte de base et de corps mobile fournissant des cohortes d'infanterie) était trop spécialisée et que toutes les armes devaient être poussées au même niveau de professionalisme et de coordination dans la manoeuvre.

 

Donc voilà les angles fondamentaux dont les variations, évolutions et combinaisons courent sur toutes la période:

- les unités tactiques de base: cohortes/manipules/centuries (toutes ou certaines suivant la période), alae/turmae

- les types de troupes: fantassins de ligne (lourds, médians et légers), fantassins d'appui rapproché (combattants légers, frondeurs et javeliniers), fantassin d'appui (archers lourds et légers, arbalétriers)

- les modes opératoires: contact, corps à corps, appui rapproché, appui moyenne et longue distance

- les systèmes d'armes: niveaux de blindage, pique/lance/bouclier, épée/bouclier, coutelas/épée courte, javelines/dards/javelots, arc et fronde

- les limites humaines: degré d'entraînement individuel et collectif, niveau d'expérience, discipline, plafonds de capacités, encadrement de contact, C3I et "transmissions" de bas échelon (musique, voix, signaux, emblèmes, sons, ordres, sensations/contact, repères visuels et sensoriels, automatismes....), moral

- les distances: possibilités, limites minimum et maximum d'efficacité de telle ou telle arme, de tel ou tel mode d'engagement, de tel rythme d'attaque

- les procédures et leurs contraintes physiques: intervalles, rotations, formations, rythmes, avance ou retraite en combattant

- les contingences: types de terrain, météo, encombrement du champ de bataille (ne serait-ce que les cadavres et blessés à terre), dispositif de l'armée

 

Selon ces angles, on peut être amené à se poser beaucoup de questions concrètes sans nécessairement beaucoup d'expertise (et à y amener plus de réponses qu'on le pense).

Modifié par Tancrède
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On trouve plus souvent l'équivalent de grands coutelas (ou épées très courtes, comme la "machaïra" qui domine longtemps le paysage méditerranéen) faits pour le combat très rapproché et servant de ce fait plutôt d'arme secondaire, comme chez les Grecs et macédoniens.

 

Je sais que ce n'est pas un sujet "roulements et boulons" mais rapido (parceque j'ai pas trop le temps là)

La machaira (ou kopis) est un sabre de cavalerie, utilisé essentiellement par les troupes montées

 

L'épée courte de base c'est le Xiphos, "identique" en forme et taille au glaive ibérique qui donnera le gladius

 

La qualité des lames, par ailleurs, n'est pas toujours au rendez-vous au regard des protections disponibles et de la rapidité avec laquelle un tranchant peut s'émousser dans une bataille (ce qui rappelle la révolution militaire que fut l'arrivée du fer par rapport au bronze, des premiers aciers carbonés par rapport au fer juste forgé....): ces seuls faits soulignent par exemple pourquoi certaines civilisations par ailleurs riches ont moins insisté sur l'épée que sur d'autres armes de corps à corps, y compris dans les hautes strates de la société (les cavaliers lourds scythes et perses avaient ainsi plus souvent des massues ou haches, plus utiles contre des adversaires cuirassés).

 

Tout à fait

Les techniques de forge n'étant pas optimale, la taille des lames était par definition limitée (d'ou les gladius de 30 à 45 cm de long, pas plus)

Il faut attendre un contact avec le monde celte (plus "avancé" sur le travail du métal) pour voir des épées plus longues

Ces details ne sont pas anodins, étant donné qu'ils influenceront directement l'art du combat (compact et rapproché avec les gladius, individuel avec les lames celtiques) en combinaison avec les habitudes culturelles

 

- les modes opératoires: contact, corps à corps, appui rapproché, appui moyenne et longue distance

- les systèmes d'armes: niveaux de blindage, pique/lance/bouclier, épée/bouclier, coutelas/épée courte, javelines/dards/javelots, arc et fronde

 

Je serais plus à même de discuter la dessus

Si les romains privilégient le contact en rang serré après le reforme marienne (et la perte du tryptique hastati/triarii/princeps dont le système est un système générique "hellenistique" identique à celui qui aura existé chez Carthage ou chez certains adversaires helleniques) il me semble qu'ils ont aussi tendance à ramollir le choc initial grace à une volée double de javelines (pilum légers puis pilum lourds)

Pilums d 'ailleurs très bien pensé par le fait que la tete en métal dur est prolongée par un corps en métal mou qui vrille dans la cible (en général bouclier adverse) ce qui rend celui ci inutilisable

 

Il est alors facile de repousser cette protection de l'adversaire avec son propre bouclier pour le planter au glaive

D'ailleurs il me semble aussi que les coups étaient surtout des coups portés sur les parties basses (bas abdomen et haut des cuisses) pour faire tomber l'ennemi au sol et le laisser saigner à mort (ou laisser la seconde ligne l'achever)

La longueur de lame du gladius limitant les pénétrations immédiatement mortelle (lame rapidement très large avec une pointe en biseau qui limite l'angle et la profondeur de pénétration)

C'est efficace sur un adversaire peu cuirassé (la majorité des adversaires des romains) moins sur un ennemi portant une armure un peu elaborée (mais il ne m'en vient pas immédiatement en tete, à priori peu d'ennemis ayant l'industrie armurière romaine permettant de protéger toute la soldatesque : même les empires riches comme la Perse ont une infanterie légèrement couverte)

 

L'appui moyen lui se fait à l'arc et fronde soit de manière inconstante (tirailleurs) soit sous forme d'unités constituées

Mais souvent mercenaires (archers syriens, frondeurs des baléares)

Le volume de feu pré choc revient surtout aux pilums des fantassins romains eux même (voir au dessus) ce qui permet de délivrer vite un volume de feu conséquent (en théorie plusieurs centaines de javelots d'un coup)

A priori c'est efficace. Le seul bémol que j'y vois (et qui est le point de discussion sur lequel je voulais venir) est nécessairement le nombre de coups limités que peut porter un légionnaire limité à 2 pilums et la faiblesse de la distance d'engagement liée à l'arme elle même

Ca a bien du suffire mais comment durer dans la durée face à un adversaire nombreux ou un peu plus malin (couvrant sa ligne de charge par des tirailleurs servant à absorber le tir ou effectuant une manoeuvre d'avance/retrait pour absorber l'impact des projectiles  ?

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L'épée courte de base c'est le Xiphos, "identique" en forme et taille au glaive ibérique qui donnera le gladius

 

My bad

d'ou les gladius de 30 à 45 cm de long, pas plus)

 

Le gladius des guerres puniques (adoption du combat pilum-gladius pour l'essentiel de l'infanterie lourde) est plus long que sous le Haut Empire: 60 cm de lame semble avoir été essentiellement la norme. A l'époque Marius/César, on ne sait pas trop bien, en fait, par manque de preuves. Il se raccourcit en revanche pour le Haut Empire pour correspondre au modèle qu'on peut avoir en tête (environs 45 cm) plus court et plus large.

 

Mais il ne faut pas le voir comme l'arme seule qu'utilise le légionnaire au corps à corps: pour le combat rapproché, on néglige l'importance du pugio, ce gros couteau à la lame en biseau très large à la base, mais surtout, on néglige le fait que l'escrime du légionnaire (outre la spécificité du combat en formation "aérée" par rapport à la phalange) repose sur le duo gladius/scutum (bouclier) où le bouclier est autant une arme qu'une protection: les mouvements vont ensemble, et le bouclier donne au légionnaire une allonge importante (bordures renforcées ou métalliques) et/ou une puissance de choc (via l'umbo, le renfort métallique central très proéminent), tout en dédoublant sa maîtrise de l'espace de combat.

 

Le bouclier se tient avec l'avant bras vertical, favorisant son usage pour définir la distance de combat et frapper du tranchant (bas) du bouclier: d'environs 130/65cm pendant la période polybienne, il passe à 110x70cm sous le Haut Empire: au-delà de sa main, le légionnaire des guerres puniques au IIIème siècle a donc environs 60cm "d'extension" de sa main via le bouclier, et son successeur environs 50cm, et dans les deux cas, c'est un bord agressif qui peut frapper, parer et interdire le mouvement. C'est tout sauf un outil de défense passive constamment tenu le long du corps et censé "bloquer" le combat sur le côté gauche du légionnaire. C'est un outil inséparable du gladius qui est lui fait pour porter l'estocade, où le tranchant marche aussi bien que la pointe: la coupe derrière le genou/jarret, avec ouverture créée par le bouclier, est un "classique".

L'appui moyen lui se fait à l'arc et fronde soit de manière inconstante (tirailleurs) soit sous forme d'unités constituées

Mais souvent mercenaires (archers syriens, frondeurs des baléares)

 

Ca fait partie des choses que j'ai beaucoup revues depuis quelques mois, notamment en essayant de voir la continuité d'évolution du combat romain, sans rupture importante et au contraire passant par le changement incrémental permanent. On a une vision très partielle de ces appuis étant donné que la plupart des sources les mentionnent à peine et/ou réduisent leur rôle (et d'autres) pour des raisons culturelles (monde gréco-romain: la victoire est due au collectif, au citoyen en arme, à la "ligne", à la formation....), politiques (dans beaucoup de cas, ils sont même pas romains: les citoyens, et surtout les plus favorisés, ont priorité) et préférentielles (l'infanterie, la légion.... Sont les "stars", comme les hoplites chez les Grecs, ou les avions et FS aujourd'hui).

De plus, on constate leur disparition des écrits au milieu même de la Guerre des Gaules, suite à une mauvaise performance: César ne les mentionnera plus, et on les voit disparaître comme unité mercenaire après ça: ça ne veut pas dire qu'ils disparaissent effectivement, mais mention n'en est plus faite dans les combats, avant en fait que l'auxiliat romain permanent soit créé par Auguste et que des unités régulières d'archers existent.

 

Les archers ne servent qu'en unités constituées: l'archerie n'est utile qu'ainsi. et il faut différencier dès l'époque polybienne les archers en (au moins?) deux grands types, qu'on va, par commodité, appeler "légers" et "lourds". Les légers n'ont que leur arc, les lourds ont au moins un bouclier comme protection, voire une capacité de combat de contact (via une épée). Typiquement, à l'époque du recours aux mercenaires (cad une période courte après les guerres sociales -tout début Ier siècle av JC- et jusqu'à la réforme d'Auguste -fin Ier siècle av JC/début Ier siècle ap JC), les syriens sont les "légers", les crétois sont les "lourds". Dès Auguste, une structuration des archers selon ces catégories semble exister, et une évolution propre à chacun va être vue. Il y aura des unités d'archers, qui coexiste avec une "archerie légionnaire" (existant via la "double dotation" d'arcs de guerre dans les légions et certains auxiliats d'infanterie, et une formation spécifique) mais il est plus dur de voir les étapes de l'évolution qui amène à une archerie permanente organique aux unités d'infanterie (en plus des unités d'archerie proprement dites).

 

Le fait est que cette évolution rejoint celle de la légion et de l'infanterie de contact (donc incluant les auxiliats d'infanterie lourde), qui amène des unités "interarmes" par une différenciation des positions et métiers (spécialisation permanente) au sein même des cohortes d'infanterie, et ce dès le Ier siècle après JC.

Il y aurait donc des archers permanents organiques aux unités de contact (à partir d'un moment dans le Ier siècle après JC, évoluant d'un emploi "par alternance" où des légionnaires sont "de corvée d'archerie"), et des archers permanents en unités constituées, représentés par les socii avant le Ier siècle av JC, puis par les mercenaires avant la constitution d'unités "romaines". Cela représente t-il une "gradation" dans les appuis?

 

On aurait ainsi:

- plus bas échelon: "l'archerie légionnaire" (nom que je viens d'inventer), soit un effectif donné présent dans une cohorte (voire dans une centurie si on examine les centuries et cohortes types aux IIIème-IVème siècles, selon Végèce et Marcellin), qui sert d'appui direct, mais dont l'effectif est nécessairement plafonné (10 ou15% d'une unité de contact peut-être). On y trouve des archers légers, tenus en arrière, et des "lourds" (avec armure) devant essayer de se rapprocher au plus près de la ligne de contact, donc pratiquant plus le tir direct

- échelon d'appui rapproché: les unités spécialisées, placés juste derrière les unités de contact, de l'effectif d'une cohorte, format universel sous le Haut Empire, avec vraisemblablement, pour ces unités, pas de cohortes milliaires (cad tournant autour de 1000h, soit un effectif double d'une cohorte "normale" dite quingénaire) comme ce peut être le cas pour l'infanterie "de mêlée"

- échelon "volant": ce sont les archers montés, dont le rôle est d'appuyer la cavalerie et les mouvements sur les ailes, et évidemment de jouer, en ordre de marche, les éclaireurs. Mais en bataille, ils peuvent aller rapidement appuyer un point de la ligne, et peuvent tirer d'un point plus élevé (leur cheval).

 

Les frondeurs sont une autre chose: on les trouve dans la légion romaine jusqu'aux guerres puniques (notamment dans les plus basses classes -rorarii, accensi- qui sont fusionnées dans les vélites, avec la "légion polybienne", et changent de rôle), et leur utilité, de Polybe à Ammien Marcellin et Végèce, n'est jamais démentie. Tous les commentateurs louent l'efficacité de la fronde, surtout sur les adversaires protégés.

L'impact d'un projectile de fronde (pierre, projectiles de glaise ou de métal, selon le besoin) semble particulièrement adapté aux batailles antiques (et encore au Moyen Age en occident, même si on en parle peu à côté des chevaliers, tout comme les javelinistes). Mais si on mentionne l'utilité générale, il est plus dur de trouver plus de précisions sur l'emploi.

Sous l'empire, il ne semble pas exister d'unités de frondeurs proprement dites (ou très peu, on n'est pas sûr), ce qui implique qu'ils sont "organiques" à d'autres unités, surtout des cohortes d'infanterie de ligne, légionnaires ou auxilliaires. Dans l'armée romaine des Sévères (veille de la crise du IIIème siècle) et l'armée "tardive" (celle qui "naît" symboliquement dans le dernier quart du IIIème siècle), les frondeurs sont dans les cohortes d'infanterie, voire intégrés au niveau de la centurie, au 5ème ou 6ème rang d'une unité en ligne.

 

Si les romains privilégient le contact en rang serré après le reforme marienne (et la perte du tryptique hastati/triarii/princeps dont le système est un système générique "hellenistique" identique à celui qui aura existé chez Carthage ou chez certains adversaires helleniques) il me semble qu'ils ont aussi tendance à ramollir le choc initial grace à une volée double de javelines (pilum légers puis pilum lourds)

 

Ca, c'est LE point que j'ai du remettre (partiellement) le plus en question, ou au moins en perspective. Autant l'archéologie expérimentale que les apports récents de l'historiographie et de l'archéologie semblent indiquer qu'on ne peut résumer la chose ainsi, ce qui amène en fait plus de questions que de réponses.

L'adoption du duo pila-gladius comme mode de combat dominant de la légion (pour les hastati et principes) semble dater de quelque part entre les deux premières guerres puniques, ça c'est un fait acquis, les triari gardant encore longtemps un mode de combat "phalangiste" avec un bouclier rond, une épée longue grecque, une lance d'environs 2,5m et du blindage. Ils servent de réserve ultime et de force d'arrêt. L'autre complément dans la légion, outre ces 600 triaires (en 10 unités de 60h, chacune subdivisée en sous-unités de 30h -?- et en groupes essentiels de 6h), ce sont les 1200 vélites: ils résultent de la fusion des rorarii, accensi et leves (les 3 plus basses classes de mobilisés), sont désormais les plus jeunes recrues (et plus nécessairement les plus pauvres: la répartition par l'expérience semble devenir dominante) et adoptent le mode de combat des leves (dans la légion "camillienne" du IVème siècle, des groupes de leves étaient jumelés avec les manipules de hastati -alors des hoplites très légers). Ce mode de combat repose sur leur emploi en groupes de tirailleurs constitués (ils forment aussi des "manipules") pour affaiblir la ligne adverse, la harceler sur les flancs, frapper cavalerie/chars/éléphants, appuyer les hastati/principes (feu de javelines) et poursuivre l'ennemi retraitant. Pour ce faire, ils ont un paquet de javelines (verutum) d'environs 1m/1,1m, un gladius, un bouclier rond. On aurait tort, comme les récits historiques ont tendance à nous y inciter, de les voir comme de faible importance, comme souvent tout ce qui est appelé "auxilliaire" nous semble anecdotique à côté des "superstars" que sont les hoplites chez les grecs ou les "légionnaires" chez les romains (les vélites sont d'ailleurs, comme les triaires, aussi légionnaires que les autres), cad les fantassins de contact, sur-représentés et trop mis en valeur aux dépends des autres.

 

 

On constate un truc quand même: le modèle "Marien/Césarien" plus standardisé correspond à la période où les armées de type macédonien cessent de dominer la scène méditerranéenne, les Etats les utilisant ayant été vaincus, et ceux les utilisant encore étant désormais nettement plus petits, donc fondamentalement peu dangereux. Il n'y a plus de grandes armées phalangistes, d'où peut être cette période d'allègement et de légionnaire "multi-usage" indifférencié (et somme toute assez léger, au pire équivalent à un fantassin "médian", un peltaste grec) qui couvre essentiellement le Ier siècle av JC et est à tort considéré comme ZE référence absolue par certains historiens souvent amateurs de l'explication par la décadence et le déclin moral. Dès le Ier siècle après JC, on voit réémerger une différenciation des soldats au sein des unités d'infanterie de ligne (et d'autres), qu'il s'agisse des cohortes légionnaires ou des cohortes d'infanterie lourde auxilliaires.

 

Or, si vélites et triaires ont disparu, le besoin du rôle qu'ils remplissent est demeuré, même s'il a pu s'affaiblir momentanément au Ier siècle av JC (moins de "grands" adversaires à infanterie nombreuse et très équipée/entraînée), des légionnaires équipés de façon identique pouvant alors dédier juste une proportion de leur effectif à ces rôles, sans changer leur équipement ou requérir un entraînement de spécialité (un "généralisme avec option" suffisant). Peut-être plus faible contre le type d'adversaires que Rome rencontre en majorité au Ier siècle av JC, ce besoin se réaffirme vite au Ier siècle après JC, et on constate ainsi une différenciation croissante (donc une spécialisation) des troupes au sein des unités d'infanterie de contact. La légion n'est plus, depuis avant même Marius semble t-il, une unité de combat, mais un pion stratégique/opératique, et surtout une "base mobile" fournissant des spécialités, un cadre d'armée et des cohortes d'infanterie. C'est donc au sein de la cohorte, l'unité de combat/tactique type que le premier échelon de spécialisation se voit. Pour schématiser:

- on y voit ainsi apparaître un "appui organique" dans les cohortes: archerie et frondeurs

- on voit revenir, avec d'autres noms et d'autres organisations, vélites et triaires. Ce qui se faisait au niveau de la légion "classique" polybienne se pratique désormais de plus en plus au sein de chaque cohorte

 

Les aspects pratiques sont en fait ce qui nous aiguillera le plus.

 

Les adversaires

Certains adversaires organisés et équipés recommencent à pointer leur nez, à diverses échelles: dès le Ier siècle, on voit ainsi les Marcomans former des armées "à la romaine", dans un royaume organisé. Rome ne se fritera réellement avec eux que plus tard, mais ça se prépare avant. Mais surtout, on a le grand soulèvement illyrien au début du Ier siècle ap JC; ce sont là des populations romanisées, organisées et équipées à la romaine (c'est une zone de recrutement préférentielle pour Rome). Les combats sont parmi les plus âpres que Rome ait jamais affronté (l'une des seules fois sous l'empire où le "tumultus" -la mobilisation générale- est déclenché), et l'impact sur la façon de combattre et l'équipement a du être majeur. A cet égard, les guerres civiles avaient d'ailleurs du aussi laisser leur empreinte: on constate déjà que l'armée césarienne, malgré une similarité d'apparence et d'appellations, n'a plus tant que ça en commun avec l'armée pompéienne: cela aussi a du faire école. Les guerres civiles qui suivent la mort de Néron (fin des Julio-Claudiens, année des 4 empereurs entre 68 et 69) ont aussi du porter leurs fruits en ce sens.

Mais c'est surtout ensuite que les leçons ont du s'accélérer, notamment avec la dynastie flavienne (très "militaires", qui couvrent la période 69-96), puis avec Trajan (98-117): dans une période courte, l'armée romaine doit affronter une multitude d'adversaires différents, dont au premier chef les Daces (sous Domitien et Trajan) dont l'organisation (surtout d'infanterie) et l'armement, mais aussi les forteresses (très développées, impliquant des combats durs) et les alliés (se combinent avec la cavalerie de tribus sarmates, donc une combo archers montés/proto-cataphractaires), furent une pilule lourde à digérer.

 

Les Illyriens, les Daces et les Marcomans sont sans doute les plus gros morceaux des Ier et IIème siècles, ceux qui ont impliqué le plus d'effectifs en une courte période de temps, et amené le plus de changements tactiques. Ce sont les 3 infanteries nombreuses, développées (entraînement et équipement) et organisées que Rome a du affronter avant la crise du IIIème siècle. Les Daces en particulier semblent avoir beaucoup impacté les modes de combat légionnaires, avec un combat d'infanterie reposant sur des unités puissantes (et en bonne partie protégées) jouant d'une combinaison entre une escrime épée courbe/bouclier (appuyés par des javelinistes) et des unités "de pointe" équipées de grandes épées courbes et/ou armes d'hast comparables à des proto-hallebardes (le tout étant appelé "falx" -faucille- par les romains, qu'il s'agisse des épées de base ou des très grandes lames). C'est le moment où la lance d'arrêt semble (de façon indubitable car sourcée) devenir organique et permanente dans une partie de l'effectif des cohortes, et où une partie des légionnaires (de ce fait dédiée au premier rang) se couvre de blindage (jambières et "manica" sur le bras droit).

 

Et évidemment, il y a les Parthes, avec qui l'affrontement est de plus en plus fréquent, et qui requièrent une adaptation, notamment au niveau de la cavalerie (archers montés, cavalerie lourde de choc, effectifs plus nombreux), de l'archerie (renforcement de la puissance de feu moyenne/longue portée) et de l'infanterie de ligne (plus de blindage pour une part des effectifs -du coup placés au premier rang- et une capacité d'arrêt -donc une lance d'arrêt plus qu'un pilum pour une part de l'effectif). Les expériences de la légion "type Marius-César", sous Crassus puis Marc Antoine, avaient été mitigées, et les seuls succès enregistrés l'avaient été par utilisation du terrain au niveau opératique (Ventidius Bassus), par l'intelligence stratégique et par l'usage des fortification (Cassius). On a ensuite Corbulon, l'un des plus grands généraux de l'histoire romaine, qui utilise lourdement des alliés spécialisés (notamment des piquiers arméniens), mais surtout prépare magnifiquement ses campagnes (un grand "disciplinaire"), planifie splendidement, avance méthodiquement, utilise un terrain difficile (les confins anatoliens orientaux, la "grande Arménie", le Caucase, le nord de la Syrie....) au mieux.... Il n'a pas eu à (ou a choisi de ne pas) affronter le parthe en terrain ouvert à l'infini et loin de ses bases.

Au niveau tactique, hors de terrains très accidentés, l'armée romaine était dans l'impasse face aux armées montées des Parthes.

 

Le mode opératique

Je vais pas détailler ici (autre sujet), mais c'est grosso modo à partir de ce premier siècle qu'on voit s'opérer de plus en plus souvent une "séparation" d'emploi des légions entre les unités de "jeunes" et faiblement à moyennement expérimentés (environs 5 cohortes par légion) et les vétérans et troupes d'élite; pour aller vite, quand une guerre majeure requiert de prendre des troupes à un endroit du limes pour aller combattre à un autre, on prélève les meilleures cohortes uniquement (groupées en "vexillations" ou task forces temporaires) et on laisse les autres. Les seules unités de "jeunes" partant en campagne dans ce cas (si on les prend) sont celles qui sont sur le limes à l'endroit d'où la campagne part.

Les armées de campagne sont donc plus expérimentées, plus lourdes en cavalerie et appuis, divisées en "colonnes" (qu'on peut assi appeler corps d'armées) -usage qu'on voit notamment chez Corbulon et Trajan- et plus aptes à un combat mobile, tant au niveau opératique qu'au niveau tactique -celui qui nous intéresse ici.

Là où la légion classique et celle d'époque Marius/César (quoique César est un cas à part: pendant et après la guerre des Gaules, il opérait avec des légions en grave sous effectif, et très expérimentées, donc des unités petites, très coordonnées, donc plus aptes à la mobilité) étaient faites pour un combat en ligne assez statique, organisant au mieux un combat avec des troupes expérimentées, des "standards" et des troupes jeunes (et des rôles et positions optimisés pour chacun), la troupe impériale fait campagne avec surtout les troupes expérimentées, en proportion écrasante. Ca change le combat, et du coup la façon de le penser et de l'anciciper, de façon radicale. Les possibilités sont plus nombreuses.

 

Le combat d'infanterie dans la pratique

On va en fait surtout s'intéresser ici au combat gladius-pilum, et je vais essayer de plus lancer la réflexion que plaquer des certitudes définitives.

Le combat gladius pilum est le "système d'arme" principal de la légion polybienne (du milieu du IIIème siècle au début du Ier siècle avant JC) et il est sans doute devenu aussi celui des troupes de fantassins alliés italiens (socii) sur la même période (on sait au final que Marius n'a pas lancé de "révolution militaire", mais officiellement entériné ce qui se faisait déjà, et en fait peu innové par lui-même: tout est toujours incrémental). C'est le système quasi unique de combat de la légion au Ier siècle av JC, ce qui la "spécialise" beaucoup et la rend donc encore plus dépendante de troupes auxilliaires fournissant les spécialités manquantes. C'est encore le mode de combat principal de l'infanterie de ligne au Ier siècle ap JC, même si un nouveau vent de spécialisation commence à se recréer, à l'échelon de la cohorte cette fois, revalorisant la "fonction arrêt" (le combat à la lance d'arrêt, la "ligne blindée" lourde) et une fonction de javeliniste polyvalent aussi apte au combat en ligne à l'épée (javelines plus nombreuses et légères, aptitude à sortir du rang en petits groupes de tirailleurs, à manoeuvrer et poursuivre). Le terme de "lanciarii" apparaît pour qualifier cette dernière fonction, de même qu'on constate l'usage renouvelé du terme de "hasta" (la lance d'arrêt chez les romains) et d'autres, qui ne peuvent refléter l'emploi du pilum sous un autre nom.

 

Quelque part dans le IIème ou le IIIème siècle, le combat tactique offensif pilum-gladius(/scutum) a cessé d'être le mode de combat "de principe" de l'armée romaine. Difficile de savoir quand. C'est pas que le couple javelot lourd/escrime épée-bouclier ait disparu, c'est juste que les unités d'infanterie de contact ne s'orientent plus vers lui comme mode d'action principal/par défaut. De fait, une partie des effectifs de la cohorte d'infanterie type continue à reposer sur des légionnaires ou auxilliaires de ce type. Mais ils ne sont qu'une des composantes d'un combat d'infanterie désormais différent.

 

Quelques détails:

- le pilum type est un javelot lourd d'environs 2,1m, d'une portée pratique d'environs 15-20m à tout péter, MAIS AUSSI inefficace en-dessous d'une certaine distance: il a besoin de faire une trajectoire courbe pour profiter de la vitesse de descente, pour produire des effets significatifs. L'aptitude au tir tendu existe, mais elle doit être limitée. Son usage comme pique/lance "par défaut" est très débattu. Il a pu servir ainsi, suivant la situation, contre certains adversaires (pas forcément les plus méchants), et il est plus vraisemblable qu'un mode opératoire pratique voyait le premier rang lancer ses pilums et le deuxième (dans certains cas) "participer" au combat rapproché en ordre serré en appuyant le gars de devant (qui combat à l'épée) avec le pilum (en "piquant" des adversaires). Ce mode de combat se développera quand l'armée romaine passera au combat dit "paraphalangique" aux IIème-IIIème siècle; on peut voir ainsi, outre un combat "normal" ou les lances des premiers rangs pointent ensemble, d'autres situations où le 2ème rang a une lance plus longue que le premier pour "remplir les espaces", avec un premier rang combattant de plus près.

 

- le légionnaire a deux "pila": un lourd et un léger. Mais pour des raisons pratiques, il est douteux qu'il ait emporté les deux au combat (l'autre restant dans le paquetage). Le choix s'opérait selon la position initiale dans la bataille? Le premier rang n'a pas le temps de lancer 2 javelots, la capacité d'emport est limitée (commodité oblige), et les possibilités de lancer efficacement un javelot pendant le combat sont limitées. Après la rencontre des deux lignes adverses, les tirs des rangs arrière sont des tirs d'appui, plus limités en capacité (dépend aussi de la nature de l'adversaire): il faut une distance minimale (le tir est parabolique) et la portée maximale reste réduite (un arc de 7-15m est la zone "utile"?).

 

- les intervalles sont sans doute l'un des points les plus cruciaux de tout l'art militaire romain: chaque légionnaire, dans l'ordre dense type (pyknosis) a environs 90 cm (les 3 pieds romains, inlassablement répétés et drillés) qui le séparent de son voisin. Si on y ajoute les 70cm qu'occupe un fantassin de ligne équipé avec son bouclier (qui dépasse un peu de sa silhouette car utilisé de pleine face), ça fait environs 1,6m par soldat de front. Le légionnaire ne joint les boucliers que dans un ordre serré (synaspismos) utilisé pour certaines formations (recevoir la cavalerie, former la tortue défensive ou offensive, former une "pointe d'attaque": plus proche d'un combat phalangiste), et il existe un ordre plus "relâché" (entaxis) plus difficile à cerner. L'ordre dense type offre des couloirs de circulation permettant aux unités de "se passer au travers" pour se relayer au combat (en avançant ou retraitant), ou s'appuyer (des archers, javelinistes, frondeurs ou piquiers pouvant opérer ainsi dans les intervalles entre files d'une unité: Scipion le faisait contre Hannibal), et -c'est un point débattu- éventuellement pour voir les rangs d'une même centurie se relayer à l'avant (comme vu dans la série Rome). La faisabilité de ce dernier point est difficile à établir. Le premier rang semble avoir été légèrement décalé sur le côté par rapport au second, afin de faciliter le remplacement d'un soldat tombé ou le retrait d'un soldat de front (blessé, trop fatigué, traîné derrière) dans le couloir derrière lui, mais aussi de cacher les couloirs entre les hommes et offrir le spectacle d'une unité "dense". Les intervalles entre les rangs sont encore plus grands, dans l'ordre dense type, surtout avant le lancer de pilae: 6 pieds romains (1,80m), plus le pied qu'occupe le soldat, soient 2,1m au total pour un soldat plus l'espace derrière lui. C'est l'espace minimum pour pouvoir lancer un javelot (surtout un lourd) un peu efficacement (et sans blesser le gars derrière); on voit là que le premier rang dispose d'un espace qui rend son lancer de javelot d'une efficacité bien supérieure, mais seulement avant que les deux armées ne se rencontrent (à 15-20m).

 

- par extension, il faut considérer les emmerdements pratiques pour un combat en formation ordonnée comme le pratiquent les Romains: un champ de bataille est vite un lieu bordélique et encombré, et il est rare que le sol soit réellement plat et ferme. Cadavres, blessés, armes diverses et équipements jonchent vite le sol et sont très vite un handicap pour le combat d'infanterie. La soif arrive ensuite vite. Il y a donc, dans le combat romain, des gens qui circulent pour limiter ces inconvénients; des soldats ou valets font des corvées d'eau vers les unités en ligne? On essaie de dégager le sol autant que faire se peut via les travées existant entre les unités et les files d'hommes au combat?

 

- autre emmerdement constaté par la pratique: le combat d'infanterie pratiqué ainsi n'est pas une longue affaire continue. C'est une succession de "rush" très éprouvant physiquement. On ne peut combattre des heures en continu ainsi. En quelques minutes, on est en nage avec les bras qui pèsent 3 tonnes (le bouclier n'est pas léger, le stress bouffe, le maniement du gladius est vite fatigant), et entraînement et expérience ne peuvent pas multiplier cette capacité par un facteur énorme. Et la réalité du combat rapproché fait qu'il ne s'agit pas d'une mêlée continue, mais d'alternance de phases "offensives" et de phase de pause. Les Romains ont ainsi défini un système où on peut optimiser (plus que dans aucun autre système contemporain, et avec des troupes beaucoup plus homogènes en équipement et entrâinement) la fraîcheur et la récupération des troupes: relai au sein d'une centurie dans une certaine mesure (surtout pour remplacer les blessés, semble t-il), relai entre les centuries d'un manipule et relai entre les lignes (dans la légion polybienne) puis entre les cohortes (légion marius/césar, puis impériale, où la ligne de bataille est faite de 2 à 4 lignes de cohortes).

 

- Les expérimentations montrent que la centurie au combat ne peut lancer ses pilae d'un coup. En fait, seuls les premiers rangs le peuvent. Lancer efficacement un pilum requiert de l'élan, ce qu'une formation dense ne peut fournir

 

- beaucoup de commentaires semblent attester du besoin d'avoir les 2 premiers rangs d'une centurie/cohorte plus blindés que les autres à partir du Ier siècle, ce qui déphase l'idée de la pertinence continue de légionnaires interchangeables.

 

- 4 rangs suffisent pour "recevoir" n'importe quelle charge: la diffusion de l'énergie cynétique est totale avec 4 rangs coordonnés se mettant en position de s'appuyer pour recevoir une charge, aussi bien parce que l'effet "accordéon" est suffisant avec ces 4 là (chaque rang appuyant son bouclier dans le dos du gars devant), que parce qu'aucune charge ne peut profiter d'un effet de poussée comparable (on ne peut coordonner des gens qui courrent de telle façon qu'ils cumulent leur énergie de poussée). Les phases de poussée coordonnée façon pack de rugby (à la grecque) sont rares, d'une grande lenteur, difficiles à mettre en place dans une bataille et requièrent un entraînement phénoménal. Les Romains n'y recourent (plus après le IIIème siècle) qu'à petite échelle, pour des poussées localisées, et rien de comparable à de grandes poussées hoplitiques (sur 16 ou 32 rangs, voire plus) n'est réellement possible hors de combats statiques, voire ritualisés.

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Or, si vélites et triaires ont disparu, le besoin du rôle qu'ils remplissent est demeuré, même s'il a pu s'affaiblir momentanément au Ier siècle av JC (moins de "grands" adversaires à infanterie nombreuse et très équipée/entraînée), des légionnaires équipés de façon identique pouvant alors dédier juste une proportion de leur effectif à ces rôles, sans changer leur équipement ou requérir un entraînement de spécialité (un "généralisme avec option" suffisant).

 

Ce qui répondrait à ma question plus haut de comment garder un volume de "feu" suffisant avec juste 2 pila par hommes (dont effectivement probablement un seul affecté dans la ligne de bataille)

C'est vrai que j'ai oublié les auxiliarii légers et les légionnaires allégés selon les besoins

 

Sinon sur le glaive : illustrations et reconstitutions :

 

http://www.armae.com/antiquite/114epees.htm

http://www.romancoins.info/MilitaryEquipment-Attack.html

 

A priori selon Vegetius le gladius est essentiellement utilisé pour l'estoc (ce qui est tout à fait en adéquation avec sa forme)

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C'est tout sauf anecdotique: l'emploi des frondes est hautement apprécié dans l'armée romaine depuis ses origines. Jusqu'aux réformes de l'entre deux guerres puniques (entre la 1ère et la 2ème), une partie des effectifs d'une légion est dédiée à son emploi, plus une partie indéterminée des alliés, tant cette arme est répandue dans les infanteries "très légères" et troupes de missiles de Mediterranée (particulièrement dans la botte italienne apparemment). Les frondeurs ont d'ailleurs souvent 2 frondes, une courte (pour le tir direct et rapproché) et une longue (pour le tir long), et une variété de projectiles (forme, poids et matériaux varient). Leur rôle dans la légion a varié, jusqu'à la disparition entre les guerres puniques, et une possible/probable réintégration au niveau cohorte/centurie quelque part entre le IIème et le IIIème siècle, avec un effectif présent dans la ligne pour l'appui rapproché.

L'impact de la fronde est particulièrement apprécié sur les adversaires cuirassés: l'effet de concussion se fiche des cotes de maille et peut souvent avoir un vrai impact au travers des casques, surtout avec des projectiles lourds et denses. Végèce et Ammien Marcellin (les 2 principales sources pour les 3ème et 4ème siècles) recommandent chaudement les frondeurs (comme intégrés aux rangs des formations d'infanterie de ligne, en 5ème ou 6ème position) et les voient comme irremplaçables, ce qui a un double accent, étant donné que Végèce est avant tout un historien et un moraliste de l'élite sénatoriale, qui n'a vraisemblablement pas donné dans la pratique et donc oeuvre surtout dans l'abstraction, et Ammien Marcellin est un vétéran, sorti dans une certaine mesure "du rang" (en tout cas qui vient des échelons bas ou médians de l'encadrement et a atteint les hauts grades), qui parle surtout en connaissance pratique de cause. Donc chacun à leur façon rappelle l'importance pour Rome de la fronde, sur le temps long, et son actualité toujours renouvelée.

Cet attachement est autant pratique que culturel, l'histoire de la fronde à Rome remontant à loin; il est à cet égard révélateur de voir la plus grande distance (dans les récits, donc comme reflet culturel) que les Romains ont, comme les Grecs, à l'arc, par rapport aux armes d'appui rapproché que sont la javeline, le javelot et la fronde (au moins courte), qui sont nettement plus mis en exergue dans les récits que chez les Grecs.

 

Pour les Romains, l'appui rapproché a toujours été important, et l'intégration "interarme" croissante des unités d'infanterie après le Ier siècle ne fait que le confirmer, concourrant d'une originalité réelle du modèle tactique romain et de son évolution, y compris après dans l'infanterie byzantine qui poursuit l'art de la guerre romain et le garde vivant (et évoluant) jusqu'au XIIIème siècle. Des unités d'infanterie où le combat est organisé comme combinaison (jusqu'à tout petit échelon, donc complètement intégré) entre des lanciers lourds (avec blindage et bouclier, plus épées), des fantassins "d'assaut" (bouclier/épée ou haches, ou armes d'hast) et des fantassins d'appui (javelinistes, frondeurs, archers), restent la donne byzantine jusqu'au bout (pas toujours dans des quantités suffisantes, pas toujours bien commandées, parfois étant trop sollicitées) et forment de loin la meilleure infanterie du monde occidental.... Et en même temps la seule professionnelle ET en unités permanentes.

 

A priori selon Vegetius le gladius est essentiellement utilisé pour l'estoc (ce qui est tout à fait en adéquation avec sa forme)

 

Ca oui, et c'est pourquoi je soulignais l'importance de ne pas parler de combat au gladius, mais de "système gladius/scutum": les passes d'armes, si elles arrivent, voire durent, ne se font pas en escrime au glaive, mais en combo glaive bouclier, le bouclier servant de défense, d'arme pour parer (plus qu'une courte lame faite pour frapper, pas s'escrimer comme avec de grandes lames) pendant une "chorégraphie", une séquence d'arme, et d'arme pour frapper ou pousser. Et ce en plus de son usage en ordre serré, où les légionnaires sont plus groupés, boucliers joints, et où donc l'escrime passe au second plan par rapport à un usage collectif, le gladius étant ici utilisés pour passer des coups en pointe par dessus le bouclier.

Le passage à la spatha, plus longue et permettant estoc et taille, a été un changement important, car il s'agissait réellement d'une autre escrime, d'autres distances de combat, d'autres combinaisons épée/bouclier, avec un panel de capacités plus large. La forme du bouclier a aussi changé, puisque le mode de combat changeait (lance d'arrêt aussi dans le mix), retournant vers un ovale/rond et favorisant une modification des ordres serrés, denses et lâche. Le "mur de bouclier" tel que nous le connaissons (qui, contrairement au monde médiéval, n'est pas dans le monde romain un truc exceptionnel: ce n'est qu'une figure parmi d'autres), avec boucliers joints (se touchant et s'appuyant sur environs 15cm communs), est né là, comme perfectionnement de choses vues chez différents peuples (vaincus).

Ce qui répondrait à ma question plus haut de comment garder un volume de "feu" suffisant avec juste 2 pila par hommes (dont effectivement probablement un seul affecté dans la ligne de bataille)

 

C'est fou la façon dont a été écrite l'histoire nous a donné de fausses visions qui trompent jusqu'à notre simple bon sens: il suffit souvent d'essayer d'examiner la réalité concrète pour au moins commencer à se poser les bonnes questions, comme par exemple comment une formation sur 8 rangs relativement serrés pouvait bien jeter comme un seul homme, ou même en différé, des javelots lourds de façon efficace. Seuls les premiers rangs le pouvaient: les jets "d'appui" de ceux en arrière une fois la mêlée lancée, avec 2 pas d'élan, devaient être abondants, mais moins efficaces. Sauf s'il y avait rotation des rangs pendant une "pause" de la bataille (ce qui est mis en doute), parce que, autre réalité évidente, les batailles n'étaient pas si continues que ça, mais des successions de phases hyper intenses et courtes, et de courts retraits et pauses, ce qui soulève d'autant plus l'immense importance des armes de jets (javelots, javelines) et des armes de "missiles" (arcs, frondes, et plus tard avec Rome, arbalètes et "artillerie" de campagne), qui sont pourtant si peu et mal représentées dans les récits d'époque, tant leur "valeur" culturelle est moindre aux dépends du combat du fantassin de première ligne.

Ca nous enlève inconsciemment toute conscience de ce combat profondément interarme et intégré à bas niveau (c'est toute l'histoire de la structure des unités d'infanterie romaine: de plus en plus d'intégration à un échelon toujours plus bas), où la prééminence du fantassin de contact lourd n'est que très très relative, tout comme celle du chevalier plus tard, ou celle du hoplite avant. Dans le cas du hoplite, on a la guerre du Péloponèse, et plus encore son récit très réaliste par Thucydide, pour revenir à la réalité de ce à quoi le hoplite était réellement bon dans la vraie guerre (cad, tel qu'il était devenu, pas grand chose), ce qui explique grandement le déroulement tactico-technique de cette guerre, et l'évolution ultérieure des troupes dans le monde grec, avec la montée d'une vraie cavalerie, l'utilisation plus grande et moins méprisée de l'archerie, et surtout, d'importants changements dans l'infanterie, avec des mix de divers types de troupes essentiellement nouvelles (même si gardant des noms anciens), parce que se "partageant" diverses fonctions et systèmes d'armes autrefois mal répartis entre des hoplites ultra lourds et des troupes d'appui moins entraînées, méprisées et sous employées. Le peltaste est l'archétype de ce qui en ressort, sorte de "fantassin moyen", accompagné des troupes de missiles, de hoplites "new look" (allégés, et plus ou moins différenciés du peltaste selon les lieux), plus le phalangiste macédonien qui fera, avec le "mix de forces" macédonien, école dans toute la Méditerranée.

 

Les systèmes d'armes et niveaux de blindages ont au final peu techniquement changé dans toute l'antiquité: c'est plus leur répartition (quels fantassins pratiquant quoi et en portant quel poids), l'organisation des troupes qui en résulte (quelles unités essentielles) et leur dosage (répartition des "armes" dans un effectif donné) qui a changé. Avec évidemment, mais facteur plus "politique/stratégique", le niveau d'expérience et/ou de professionnalisme moyen dans une armée, qui reflète des réalités économiques, financières, sociales et politiques (le coût de l'armée, donc le temps sous les drapeaux, dépendant plus de ce "niveau" d'analyse), même s'il permet plus de possibilités tactiques et de "retex". L'armée romaine a cet égard a été la plus avancée, surtout évidemment passé les guerres puniques, quand elle a une composante permanente de fait, et encore plus avec Auguste, quand elle devient de fait permanente, très importante et présente sur des théâtres très variés et contre des adversaires très différents. Le niveau de pratique, exercice, expérimentation, analyse et retex qui devient possible (surtout sous des empereurs "militaires") est alors sans commune mesure dans l'antiquité, même s'il ne faut pas non plus s'imaginer des "labos" et une "doctrine" centralisés.

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Parmi les questions qui me taraudent le plus:

 

Comment les légionnaires se relayaient-ils au combat ?

A la manière de la série Rome ? Pourquoi pas en effet, mais ça ne peut marcher qu'au sein d'une même centurie a priori.

Mais comment les unités de la 2ème ligne entraient-elles dans la bataille ? Dans les Commentaires, Caesar nous décrit quasiment toujours la 1ière et 2ème ligne comme un seul bloc. ça fait longtemps que je ne les ai plus relu, mais je pense entre autre à la bataille contre les Helvetes en 58, contre les Germains en 57 et à Pharsale en 47. Dans les deux derniers cas d'ailleurs, il lui a été nécessaire de faire intervenir la 3ème ligne pour renforcer la 2nde. Comment les cohortes montantes procédaient-elles pour engager le combat alors que deux lignes entières se trouvaient a priori entre elles et l'ennemie ?

Certains disent: ils devaient passer par les intervalles entre les cohortes des deux premières lignes. Mais existaient-ils vraiment ? Ne servaient-ils qu'à la manœuvre et étaient-ils fermés juste avant le contact ? Quelles taillent faisaient ces intervalles ? Permettaient-ils le passage d'une centurie/manipule/cohorte de front en formation en ligne ou en colonne ?

 

D'ailleurs comment l'ennemie réagissait-il face à ces intervalles (en supposant qu'ils existent) ? Ne voudrait-il pas les utiliser ? Après tout obtenir la rupture dans la ligne romaine était l'effet recherché par l'ennemie, alors si cette rupture existe déjà, pourquoi ne pas l'exploiter ? A cause de la présence  d'unités "hors rang" tels que les "antesignani" ? A cause des cohortes de la 2ème ligne qui auraient été disposé de manière à les couvrir ? Mais dans ce cas, ces cohortes n'étaient pas aligner sur celles de la 1ière ligne, donc comment se passait la relève ?

 

 

A tout hasard, j'ai souvenir d'avoir lu il y a au moins 10 ans, une thèse doctorale portant sur la partie "militaire" des livres de Tacite. En somme, l'auteur avait extrait/mis bout à bout tout les fragments de Tacite donnant des précisions sur l'armée romaine et les avaient analysés. En tout cas, c'est comme ça que je m'en rappel et j'aimerais bien pouvoir la relire, mais je suis incapable de la retrouver :/ Je sais qu'elle est quelque part sur internet mais c'est tout. Quelqu'un connait-il cette étude ?

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Le relai au combat varie selon l'époque (et donc le type de légions, puis de troupes en général sous l'empire) et la situation, mais pour l'angle de la faisabilité pratique (évoqué plus haut), il faut considérer plusieurs échelons:

 

- celui de l'unité essentielle (manipule, puis centurie): théoriquement, l'ordre dense de base ménage de fait des couloirs d'environs 60cm entre les hommes, suffisant pour le relai. Mais il est généralement considéré comme douteux qu'ait existé à cet échelon une pratique analogue à celle de la série Rome, qui organiserait un "relai" systématique, à intervalles donnés, des hommes. Même si techniquement possible, et avec une centurie qui prévoit une telle possibilité, le systématisme est en effet douteux. Trop complexe et lourd à organiser, un tel dispositif boufferait toute l'attention du centurion et/ou de l'optio (et/ou du tesserarius), alors que l'optio doit avant tout aider à tenir les rangs et veiller aux intervalles et à l'alignement de l'unité, et que le centurion, en plus de ça (il est au coin opposé de l'optio dans l'unité), doit coordonner l'unité avec les voisines, veiller aux opportunités tactiques et actions à adopter sans préavis (un court rush, une mise en défense dense....), et, pour certains d'entre eux, commander plus que sa seule unité (un centurion "aîné" commande sa centurie plus la manipule, et "l'aîné des aînés", commande en plus la cohorte). Et un tel usage, à intervalles réguliers, créerait vite plus de confusion et d'encombrement dans les rangs qu'autre chose vu que le stress est problématique (y compris sur les sens), que ça ajoute au nombre d'actions à réaliser sous stress, et qu'une bataille est bordélique et rarement en configuration idéale. Les couloirs semblent en fait plus là pour évacuer les blessés et morts au premier rang, amener des appuis éventuellement, permettre peut-être aux rangs arrière (si la situation s'y prête) de lâcher leurs javelots en avançant un court moment, et pour que les unités se "passent au travers" pour se relayer. C'est là qu'on voit en fait que, jusqu'à la période impériale, la profondeur des files romaines est avant tout un "réservoir d'attrition" et un fournisseur de javelots lancés: le combattant du premier rang se bat (éventuellement celui du second aussi, en appui ou pour buter un adversaire passant entre deux soldats), les autres attendent leur tour (il faut qu'ils crèvent pour qu'il y aille) et jettent leur javelot. quand ils le peuvent ou le doivent, ou, au mieux, se resserrent pour résister à une charge (là, le collectif physique est nécessaire), organiser une poussée, se mettre en tortue. La "fraîcheur" est garantie, vu qu'un seul combattant s'escrime jusqu'à la blessure, à la mort où à la relève de l'unité (organisée assez vite). Ou à l'inanition, qui arrive en fait assez souvent: on relève une proportion importante de soldats s'évanouissant dans cet environnement stressant, épuisant, plein de poussière, et souvent très chaud (presse humaine), surtout dans le pourtour méditerranéen.

 

- celui de l'unité tactique de base (manipule, puis cohorte): là on doit avoir le premier mode de relai systématique pour préserver la fraîcheur de l'échelon présent en première ligne. Les couloirs des centuries ainsi "aérées" dans l'ordre dense type romain permettent, bien plus que l'imaginaire qu'on a de "damiers" (qui représentent des manoeuvres plus complexes et difficiles à réaliser après la phase initiale de mise en place avant bataille: un peu comme faire un créneau avec un grand carré d'hommes), de faire reculer l'unité en ligne, ou avancer à travers elle celle qui est derrière. Aller tout droit, c'est plus simple. Ainsi, les centuries d'un même manipule peuvent se relayer (avec un encadrement qui est aussi là pour évaluer leur fraîcheur et transmettre "en haut" pour voir s'il est nécessaire d'organiser le relai à cet échelon où à celui au-dessus). Deux centuries d'un même manipule (cad groupées en permanence et entraînées souvent) un peu rôdé doivent ainsi pouvoir opérer assez vite leurs rotations, et donc assez fréquemment. Et la centurie qui est en retrait peut alors réorganiser ses rangs plus tranquillement pour placer les plus frais devant et mettre ceux qui viennent de combattre à l'arrière.

 

- celui de la ligne de bataille: manipules de principes et hastati se relaient essentiellement dans la "légion polybienne", plusieurs fois (le recours au triaires étant le mouvement désespéré). Là, c'est toute l'unité qui bouge d'un bloc (plus complexe à coordonner, donc plus facile en avançant qu'en reculant, même si les deux sont possibles avec une armée suffisamment expérimentée), et avec la légion "en cohortes", l'idée reste la même (les cohortes étant faites de 3 manipules). Jusqu'à César (peut être initiateur d'un combat plus mobile et fluide, avec des unités plus petites et hautement expérimentées, où mêmes les djeunz ont beaucoup de bouteille), on reste dans le cas de longues lignes de bataille lentement mises en place, et où le but est celui d'unités combattant essentiellement sur un axe (avant/arrière) et optimisant au mieux ce combat par le relai, et donc l'importance surdéveloppée pour les romains de la réserve (peu ou pas présente dans le monde antique, ou peu travaillée). Le mouvement d'infanterie sur les ailes (où la cohorte tactique a été créée, essentiellement pendant la 2ème guerre punique, précisément via la réserve) a été la tendance croissante au IIème siècle, et surtout sous César, mais l'évolution a du être lente, car il fallait des troupes TRES expérimentées pour garder le niveau de cohésion requis du combat romain dans des mouvements latéraux, avec des unités de cette taille. C'est dur avec un manipule, c'est 3 fois plus dur avec une cohorte, c'est encore plus dur avec un groupe de cohortes. Mais le relai au centre, entre les unités, reste essentiellement un truc axial pour lequel les unités un peu rôdées sont faites, raison pour laquelle, quand la légion post Marius est encore utilisée en entier pour une bataille, on place les cohortes de bleus et soldats peu expérimentés vers le centre, intercalées avec des cohortes plus huilées.

 

Mais le principe reste le même pour l'aspect pratique/physique: les unités se "passent au travers": une ne bouge pas, l'autre bouge en avant ou en arrière, les couloirs de 60cm entre chaque soldat d'une unité servant de lieu de passage. Pour que l'ordre soit gardé, ça souligne le niveau de cohésion qui est nécessaire dans chaque centurie, dans chaque manipule et dans chaque cohorte. Mais aussi l'importance de l'ancienneté, et peut être l'aspect plus "problématique" de la légion de soldats "universels": que valaient vraiment les 4, 5, voire 6 (suivant le niveau de sollicitation de la légion) cohortes les moins expérimentées, hors des longues guerres où le niveau d'expérience pouvait globalement monter? Elles pouvaient au mieux assurer les rotations dans un combat statique, ce qui est déjà très difficile, si elles étaient épaulées par des unités plus solides (pour moins se soucier d'être flanquées, et avoir moins de risque de voir une panique se transmettre). Mais le combat romain, surtout à partir de la fin de la république, est un combat de plus en plus complexe, requérant un niveau moyen d'expérience et de pratique toujours un peu plus élevé. 

 

La légion polybienne avait l'avantage de mettre les jeunes dans des plus petites unités de vélites, qui s'aguerrissaient ainsi, dans un combat de "légers" et des formations plus mobiles et petites, bougeant autour du combat en ligne (essentiellement aussi d'avant en arrière, et épaulant des attaques de flanc) et se réfugiant dans ou derrière les unités de la ligne, ou allant en avant d'elles, toujours par petits groupes à l'ordre moins rigoureux. Quelques années ainsi, et on a des combattants rôdés, aux nerfs bien faits et comprenant comment ça marche, qui peuvent ensuite intégrer les rangs de hastatis et principes et apprendre le combat en ligne.

La légion post-marius organise l'apprentissage autrement, avec un "légionnaire universel" qui doit directement apprendre un combat en ligne, avec des "options de spécialités" (combattant léger, archer, phalangiste) moins travaillées. Ca fait beaucoup à apprendre, et je pense personnellement que les cohortes jeunes d'une même légion doivent être d'utilité très limitée en général, et ne doivent pouvoir être employées que dans le centre de la ligne, épaulées par des cohortes solides, afin de pouvoir se concentrer sur le combat et les mouvements avant/arrière, et rien d'autre (ce qui est déjà dur à ces échelons). Bref, la légion post marienne n'est pas une "grande unité" de combat terrible, hors d'un combat statique, en longues lignes, tel qu'il semble arriver de moins en moins à l'époque déjà de César, qui profite de troupes plus expérimentées et plus variées pour favoriser un combat plus agressif et mobile (et terriblement efficace). La légion, en revanche, reste une base mobile, un cadre d'armée de campagne, un centre administratif (et de gouvernement de province) un organisme de formation et de progression des unités, qui de ce fait, fournit un nombre donné de cohortes, dont une bonne proportion qui sont de grande valeur (plus une cohorte, plus tard doublée, d'une élite absolue). Et la cohorte, dès le Ier siècle avant JC, est vraiment l'échelon tactique pour organiser les batailles et le combat.

 

Certains disent: ils devaient passer par les intervalles entre les cohortes des deux premières lignes. Mais existaient-ils vraiment ? Ne servaient-ils qu'à la manœuvre et étaient-ils fermés juste avant le contact ? Quelles taillent faisaient ces intervalles ? Permettaient-ils le passage d'une centurie/manipule/cohorte de front en formation en ligne ou en colonne

 

A l'époque de la cohorte, on doute de l'importance de ces intervalles, désormais: la ligne est continue et il semble difficile, voire impossible, d'avoir des unités faisant des "créneaux" dans une ligne de bataille, ou se déplaçant trop de droite et de gauche. A l'échelon du manipule, à l'époque des débuts de la légion manipulaire, ça a pu exister (les "damiers" si caricaturés, qu'on évoque par exemple à Zama), mais à l'échelon d'une cohorte, c'est beaucoup plus complexe, et ça prend beaucoup plus de temps.

Considère qu'un légionnaire occupe 70cm, plus un intervalle de 90cm avec son voisin. Une centurie polybienne - hors celles de triaires, deux fois plus petites- a 60h (10 contuberniums de 6h), une post Marius tend vers les 80 (10 contuberniums de 8h). Si on estime qu'il y a 6, puis 8 rangs (une file = un contubernium; on s'appuie entre potes), car la chose n'est pas sûre, il y a alors 10h de front pour une centurie, soient 15m environs, dont 9 couloirs de 60cm plus l'intervalle sur un des flancs de la centurie (ce qui la sépare de la suivante). Ce n'est qu'hypothétique, car on n'est pas sûr de l'agencement type de la centurie au combat (ni même d'ailleurs que la centurie existe encore à la période polybienne, le manipule pouvant avoir été une unité "d'un bloc").

Après, vers le IIème siècle (et sans doute en prémisses croissants dès le Ier), le retour de la spécialisation dans la cohorte a orienté vers une spécialisation des 2 premiers rangs vers le rôle fixe de "fantassin très lourd" ayant plus de blindage, et graduellement une lance d'arrêt remplaçant le pilum. Le relai devient difficile, mais les couloirs demeurent: les intervalles de combat restent les mêmes et de la même importance au travers de toute l'histoire romaine, ce qui souligne le fait que les unités continuaient à garder leur dispositif "aéré" comme dispositif de base:

- pour que chaque soldat ait l'espace de combattre

- pour que les unités puissent se relayer en se "passant au travers": avec la spécialisation au niveau cohorte (voire peut-être centurie), le relai des unités de base devenait nécessairement la norme pour garantir la fraîcheur de la ligne

- pour évacuer les blessés vers l'arrière

- pour intercaler des appuis ponctuellement

- pour laisser passer d'autres unités, soit des unités de l'avant qui retraitent, soit des unités de l'arrière (cavalerie comprise) cherchant l'assaut ou la poursuite, ou encore le bombardement (les archers sont utilisés ainsi).

 

Le damier est douteux après l'époque "manipulaire": trop complexe, difficile à réaliser, surtout en pleine bataille (la phase de mise en place des lignes est quelque chose de très long, et déjà complexe), il ne semble pas vraiment logique. Par ailleurs, et c'est surtout vrai pendant une bataille, ça reviendrait à laisser pendant des intervalles de temps considérables, de véritables gouffres dans la ligne (de 15m au moins) mal couverts puisqu'une unité essaie de manoeuvrer dedans en essayant de garder sa cohésion. Si cette unité est une centurie, c'est une chose, et c'est déjà dur à "manier". Mais si c'est une cohorte, ça semble difficilement concevable.

 

A cause de la présence d'unités "hors rang" tels que les "antesignani"

 

Le terme d'antesignani a grandement varié dans son usage et sa signification au fil de l'histoire romaine. "Ceux qui marchent devant les enseignes" traduit une réalité variable selon l'époque (donc le stade d'évolution de l'armée romaine), mais aussi selon la source historique (la rigueur extrême et la parfaite communauté de vocabulaire n'étant pas la donne générale dans les sources romaines en la matière).

Ainsi, "antesignani" a d'abord surtout concerné l'encadrement de la centurie qui marche devant elle (centurion, signifer, cornicen), éventuellement les vélites allant et venant depuis l'avant, mais aussi, plus tard, les fantassins très lourds des cohortes tardives, qui constituent les 2 premiers rangs de la ligne (les enseignes étant, on le suppose, à cette époque, non plus juste sur l'avant, mais quelques rangs en retrait). Plus généralement, on a du mal à cerner s'il s'agit toujours d'unités données, ou bien d'un terme pour définir une position que peut occuper n'importe quelle unité (et qui définirait alors les unités qui s'avancent devant la ligne). Les lanciarii, dont on sait mal s'il s'agit d'une troupe précise ou de toute troupe qui s'avance pour faire les tirailleurs/lanceurs de choc (ou pré-choc), sont ceux qui semblent souvent se voir attribuer le terme, dans l'époque impériale, à mesure qu'une re-spécialisation se rétablit au sein des cohortes.

Il ne s'agit en tout cas pas d'unités "hors rang", mais de troupes dont le rôle les amène à aller en avant de la ligne (et/ou à constituer l'avant de la ligne).

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Un point qui semble ressortir de la formation avec 8 rangs est la volonté de ne pas casser les groupes élémentaires constitués (les contuberniums de 8 hommes): avec l'attrition (avant tout les maladies), les désertions, plus les blessés et autres indispobiles pour raisons diverses, l'effectif réellement aligné devait être parfois beaucoup plus faible en pratique. Mais même une formation tombée à 3-4 rangs de moyenne garde toute son efficacité: le relais du premier rang reste possible, les rangs 3 et 4 peuvent continuer d'appuyer en jetant leur pila.

 

Je ne connais pas le système de "remplacement" romain, mais en supposant que les contuberniums sont gardés tels quels toute la campagne sauf en cas de trucidage complet (très peu probable car dans ce cas c'est sans doute toute la manipule qui a été perdue dans une grosse défaite), ca aurait plusieurs avantages:

- Il est possible de faire des campagnes longues sans recevoir de renfort.

- Le système est très simple et ne demande aucun remaniement en cours de campagne.

- Le groupe humain de base n'est pas cassé ce qui augmente la cohésion.

- L'efficacité du contubernium est stable et ne diminue pas vraiment avec les pertes au cours d'une campagne car cela est compensé par le surplus d'expérience et de cohésion des survivants. Des bleus ont besoin moralement de combattre de manière compacte (par tendance grégaire, pour se rassurer, car l'épuisement du premier rang est plus rapide) là où des légionnaires plus expérimentés peuvent avoir un dispostif plus aéré.

- Cela permet de maintenir facilement des groupes homogènes selon l'expérience et la spécialité.

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Un point qui semble ressortir de la formation avec 8 rangs est la volonté de ne pas casser les groupes élémentaires constitués (les contuberniums de 8 hommes): avec l'attrition (avant tout les maladies), les désertions, plus les blessés et autres indispobiles pour raisons diverses, l'effectif réellement aligné devait être parfois beaucoup plus faible en pratique. Mais même une formation tombée à 3-4 rangs de moyenne garde toute son efficacité: le relais du premier rang reste possible, les rangs 3 et 4 peuvent continuer d'appuyer en jetant leur pila

 

.Comme vu plus haut, le lancer de pila depuis les rangs arrière de l'unité, en cours de mêlée, est d'une efficacité, voire d'une faisabilité (suivant l'adversaire, le terrain, la densité de formation adoptée), discutables. Sans compter évidemment, la distance: le pilum lancé n'est efficace que dans un arc réduit, avec une portée maximale (20m environs) ET une portée minimale (il doit décrire une parabole, donc sans doute au moins 5 à 7m), le tir tendu ne valant qu'à très courte portée (4, 5m?) et si il n'y a personne devant.

Pour les files, le but est de profiter des groupes élémentaires, et c'est une condition qui ne sert pas assez d'hypothèse de départ dans les analyses et reconstructions sur l'armée romaine. On observe aussi le même phénomène dans le monde grec, surtout hoplitique, où la profondeur standard d'une phalange est d'environs 8 à 12 rangs (variable dans les armées de conscription, se formalise plus tard de façon fixe via le modèle macédonien plus professionnel), et correspond à la sous-unité élémentaire de base. A Rome, la croissance du professionnalisme permet d'augmenter cette unité de base qui, de 6h initialement, passe à 8 (peut-être 10 sous l'empire tardif), en corollaire de l'augmentation de la taille de l'unité essentielle qu'est la centurie (plus une unité est professionnelle/entraînée/aguerrie, plus elle peut être nombreuse sans perdre en capacité de manoeuvre et de combat).

 

Mais l'organisation de rangs profonds dans la centurie romaine, surtout avec un mode de combat principal nécessitant un ordre assez "aéré", correspond en fait surtout à un combat de lignes assez statiques, et donc à un besoin de pouvoir faire face à l'attrition et organiser la rotation des effectifs à tous les échelons, pour maximiser "l'endurance" de l'armée. Dès lors que l'armée romaine devient très permanente et professionnelle (sous l'empire surtout), affronte des adversaires différents.... Ce besoin est moindre dans les unités tactiques essentielles, et le besoin de spécialisation/complémentarité, plus que de redondance, est plus grand, surtout dans une armée très sollicitée (l'armée romaine est peu nombreuse au regard de ses tâches) et chère (effectifs longs à former et moins rapidement remplaçables du coup), ce qui rend le modèle précédent (surtout celui de Marius) de faible rendement, et gaspilleur d'hommes. D'où l'évolution vers un modèle plus mobile et interarme.

Je ne connais pas le système de "remplacement" romain, mais en supposant que les contuberniums sont gardés tels quels toute la campagne sauf en cas de trucidage complet (très peu probable car dans ce cas c'est sans doute toute la manipule qui a été perdue dans une grosse défaite), ca aurait plusieurs avantages:

- Il est possible de faire des campagnes longues sans recevoir de renfort.

- Le système est très simple et aucun remaniement en cours de campagne.

- Le groupe humain de base n'est pas cassé ce qui augmente la cohésion.

- L'efficacité du contubernium est stable et ne diminue pas vraiment avec les pertes au cours d'une campagne car cela est compensé par le surplus d'expérience et de cohésion des survivants.

- Cela permet de maintenir facilement des groupes homogènes selon l'expérience et la spécialité.

 

Le système accompagne les changements de l'armée romaine, mais si on s'en tient à l'époque Marius/César, puis à l'époque "Haut impériale" (ou plutôt AUX "époques haut impériales", à subdiviser en phases), on rappelle que la légion forme en interne en permanence, et que, de moins en moins utilisée "en grand", elle sert surtout à former des cohortes aguerries qui elles sont employées en campagne. Pour les auxilliaires impériaux, il s'agit d'unités essentielles prêtes à l'emploi, donc de cohortes (et ailes pour la cavalerie, ou d'unités mixtes) toutes faites, pour lesquelles doit aussi exister un système de formation (centralisé sur des bases? Profitant de "l'infrastructure" de la légion la plus proche?), ce que confirmerait l'évolution de l'armée romaine aux IIème-IIIème siècles, qui généralise ce système "bataillonnaire", donc devant rétrocéder la fonction de formation et entraînement initial à des bases plus fixes (les camps et grandes bases des légions "old style"), chargées de fournir les bleus, voire de les aguerrir un peu (ou plus) dans les unités qui restent cantonnées le long des frontières, les cohortes "jeunes" (ces unités plus statiques qui seraient alors plus tard simplement prolongées en "limitanei", la direction impériale actant la différenciation des troupes en général, entre les plus mobiles et aguerries, aptes à opérer en grand, et les plus jeunes, compétentes, mais surtout pour les combats en plus petites formations). Des unités essentielles (cohortes et ailes milliaires et quingénaires) n'ont pas de grandes possibilités d'avoir une "formation de dépôt" s'occupant de la formation initiale. Seules des bases ou la légion classique (quand elle n'est pas en campagne) le peuvent.

 

Le remplacement en cours de campagne doit, logique assez durable, plutôt tendre à se faire en allouant des recrues à des groupes et sous-groupes existants (plutôt que de mettre en ligne des groupes uniquement faits de tous bleus), quoique l'armée romaine pratique souvent un certain niveau de "vampirisation", les unités en campagne recevant des remplacements venant aussi bien de la formation intiale que du transfert d'autres unités, les plus accessibles.

 

Ainsi, pendant la campagne de conquête de la Bretagne (Angleterre) lancée par Claude au Ier siècle, on voit, après la première phase de durs combats, des renforts légionnaires (rien que je sache sur les auxilliaires) venir du continent, amenant aussi bien des recrues fraîchement sorties de l'entraînement (dans des camps légionnaires) que des vétérans, tous venant des légions restées sur le Rhin, et changeant donc de légion d'appartenance (ce qui n'est pas un processus si aisé, étant donné l'aspect même religieux de la chose), l'affectation en cohortes et centuries se faisant sur base individuelle pour "combler les trous".

 

Il est possible de faire des campagnes longues sans recevoir de renfort.

 

Ca dépend du taux d'attrition, des décisions du légat (ou de son supérieur s'il n'est pas un légat proprêteur, cad en charge de son théâtre avec une seule légion et ses auxilliaires), des possibilités de renfort en cours de campagne (coût, moyens d'acheminement, effectifs libres ailleurs, conflits en cours....), de l'opportunité de la chose, de l'état de la troupe (fatigue, blessures, colère, moral entamé par les pertes)....

Mais là encore, ça dépend de l'époque: l'armée Marius/César et la légion du début du Haut Empire sont les forces avec les effectifs les plus aisément remplaçables, via le légionnaire sur moule unique. Plus tard, avec le retour croissant d'un certain niveau de spécialisation en interne des unités, ça doit déjà devenir un poil plus coton, même si des bases fixes doivent pouvoir, jusqu'à un certain point, fournir du volant d'attrition.

 

Il faut noter aussi qu'on reste, malgré le différentiel de l'armée romaine (en rapidité et capacité à faire de grandes campagnes), dans la temporalité de l'antiquité: les armées hivernent le plus souvent, et opèrent pendant la "saison de la guerre" (grosso merdo de mars à octobre, avec variations selon le climat), même si l'armée romaine fait occasionnellement des campagnes d'hiver dans des situations particulières. Ca veut dire qu'il y a environs 6 mois de l'année (un peu plus ou un peu moins) où les troupes sont "au repos", en zone amie ou hostile, retranchées dans des grandes fortifications et ayant des communications établies avec leurs bases, donc recevant leurs renforts (en suffisance ou non) et les acclimatant aux unités.

 

Ces points rappellent aussi ce que je souligne souvent (trop?) dans le cas des légions classiques: même si elles sont déployées en grand dans une campagne, toutes les cohortes ne se valent pas, et une partie sont destinées à l'aguerrissement progressif des bleus, fournissant aussi du volant pour des "vampirisations" en interne, au profit des meilleures cohortes. Dans la légion, on ne reste pas trop longtemps dans sa centurie et sa cohorte: on va vers le haut, car c'est un système de progression, qui fonctionne de plus en plus pour fournir des cohortes top niveau, au fil de l'évolution militaire qui voit l'augmentation des standards dans l'armée romaine (besoin d'un niveau d'aguerrissement et d'entraînement plus poussé pour des possibilités et capacités tactiques plus grandes, au service d'un combat et d'une guerre plus mobiles, létaux et rapides). L'usage de la légion déployée en grand se fait de moins en moins à partir du Ier siècle av JC, et surtout dans le courant du Ier siècle après JC, délaissé au profit de l'usage des meilleures cohortes groupées en task forces (vexillations, de format variable).

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Voici une étude interressante sur le pilum, recouvrant principalement durant la période républicaine post Marius jusqu'au début de l'empire.

 

http://www.genva.ch/docs/Pilum_A.B..pdf

 

En résumé rapide, elle soutient quelques points:

 

-Dans une cohorte, tous les rangs ne sont pas armés pareil, sur les premiers rangs, les soldats ne seraient équipés que d'un pilum (à lancer) car devant rapidement utiliser le glaive, les autres rangs derrières pouvaient avoir 2 pilum, voir plus.

-il y a plusieurs types de pilum utilisés, principalement: léger, lourd, de siège... avec plusieurs types de fabrications / évolutions suivant l'époque (et le lieu ?).

-seul le pilum "lourd" serait lancé (plutôt à très courte distance), le pilum "léger" étant conservé par les lignes arrières pour le combat, comme une sorte de "phalange" équipée de bouclier, pour couvrir les premières lignes (retraite, percée ennemi...), contrer la cavalerie....

-La portée moyenne d'un jet de pilum étant de 25 /30 mètres (voir plus, selon les conditions géographique), lors d'un combat "type", les rangs "avant" de la cohorte lanceraient leur pilum sur l'adversaire, puis,utiliseraient leur glaive/bouclier pour le stopper. Les rangs arrières pouvaient, ensuite, lancer leur(s) pilum sur l'ennemi "à l'abri" des premiers rangs, et avec une allonge suffisante.

 

Personnellement je n'ai pas d'apriori sur l'utilisation du pilum, et les conclusions de cette étude peuvent-être tout à fait discutable !

 

D'ailleur, quelque chose qui n'est expliqué: 

Comment les soldats romains utilisaitent-ils leur lance/pilum au combat ? 

A la façon de la cavalerie antique, donc de haut en bas (par dessus le bouclier) ? ou à la façon de la phalange macédonienne: à l'horizontale ?

 

Autre étude sur le glaive:

http://www.genva.ch/docs/Gladius_Hispaniensis_MD.pdf

 

En résumé:

-C'est une évolution d'épée celte, améliorée par les ibères et ré-adaptée par les romains.

-Longueur "type": lame de 60 cm, total = 80 cm avec la poignée, largeur de la lame de 4 à 6 cm.

-le glaive est principalement utilisé de taille (de haut en bas). L'estoc est utilisé qu'en formation rang serrés.

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Une chose est sûre avec l'histoire de l'armée romaine: il est très dangereux de se mettre en tête qu'une chose est immuable et reste identique sur toute la période. On doit même douter des mêmes mots employés dans les sources, qui ne veulent pas souvent dire la même chose d'un texte à l'autre.

 

Le gladius en est un exemple: outre le fait qu'on n'est aujourd'hui plus sûr du tout qu'il soit d'origine ibérique, on sait en revanche que sa taille a beaucoup varié avec le temps, sans pour autant être certain du degré de standardisation de son gabarit à une époque donnée et d'une légion à l'autre, voire d'un individu à l'autre, certains pouvant se fournir ailleurs (en y mettant le prix, en prenant l'arme d'un vaincu....) que dans les forges d'une légion (chacune ayant ses artisans). La lame de 60cm correspond par exemple au début de la période d'emploi, soit plus dans la "légion polybienne" et ses évolutions jusqu'au Ier siècle av JC. Sous la période Marius/César/guerres civiles, on n'est pas trop sûr (manque de preuves), mais une tendance au raccourcissement semble logique, étant donné que dès Auguste (et la professionalisation/mise en permanence, avec création de l'auxiliat qui s'aligne aussi sur des normes d'équipement -donc une plus grande échelle de production), la lame du gladius tourne plus autour de 45-50cm, avec en revanche un élargissement de la lame.

 

Ce dont on est à peu près sûr en revanche, c'est que le glaive n'est PAS une arme de taille: il a un tranchant (double), certes, parce que les coups peuvent être portés en coupe (celle du jarret étant la plus dépeinte), mais il est très mal adapté à une frappe de taille. La spatha des cavaliers, plus tard généralisée aussi à l'infanterie, offre elle nettement plus cette possibilité. Le gladius est une arme principalement faite pour la frappe d'estoc.
Mais comme je l'ai indiqué plus haut, essayer de dépeindre le glaive (ou même la spatha) comme une arme d'escrime en soi est assez vain dans le cadre de l'armée romaine: l'escrime romaine militaire, fortement inspirée par la gladiature (particulièrement depuis le consulat de Publius Rutilius Rufus, parent de Marius et co-réformateur des troupes romaines, notamment sur l'entraînement), repose non pas sur l'épée, mais sur l'emploi conjoint du bouclier et de l'épée.

 

Essayez de faire de l'escrime avec un gladius, vous allez vous amuser: les passes d'armes sont vites pitoyables, tout connement parce que ça devient vite un combat au couteau (maousse). L'escrime romaine se pratique avec un bouclier qui définit la distance de combat et sert à frapper et à se confronter au bouclier adverse, soit tenu à l'horizontale devant soi (dans un ordre dense normal, avec de l'espace pour se battre: on frappe du tranchant), soit tenu contre soi (dans un ordre serré: on frappe ou presse de l'umbo), avec le gladius pour porter une estocade (frappe d'estoc, coupe avec le tranchant) quand l'échange a créé une ouverture. On s'escrime en fait plus avec le bouclier.

 

La portée moyenne d'un jet de pilum étant de 25 /30 mètres

 

Douteux dans la pratique du combat, surtout en unités: 15-20m ont plus souvent été vus comme la porté utile, surtout avec le pilum "standard", cad lourd (2,1m, avec un poids à la base du fer), et en tir tendu, c'est beaucoup moins. Et c'est d'autant plus vrai dans l'unité formée: hors du premier rang, le légionnaire (ou auxilliaire sous l'empire) n'a que 1,80m d'espace devant lui dans l'ordre serré standard. Ca fait deux pas d'élan, et peu de visibilité pour réellement cibler. Seul le premier rang, et dans une moindre mesure celui d'après, s'il doit remplacer le premier (tombé, blessé, arme perdue....) en cours de combat (mais à ce moment, il y a peu de temps pour viser et peu d'espace), ont une possibilité de lancer en tir tendu ou de pratiquer un tir long sans limite d'élan.

 

D'ailleur, quelque chose qui n'est expliqué:

Comment les soldats romains utilisaitent-ils leur lance/pilum au combat ?

A la façon de la cavalerie antique, donc de haut en bas (par dessus le bouclier) ? ou à la façon de la phalange macédonienne: à l'horizontale ?

 

 

Le pilum est et reste un javelot, ce n'est pas une lance, même s'il peut être utilisé ainsi comme "second usage": ce n'est pas une bonne lance. Il a pu suffire à une certaine époque (Ier siècle av JC, début Ier siècle après JC), quand il n'y a plus vraiment d'adversaire ayant une importante infanterie, organisées et au moins un peu correctement équipée (protégée surtout). Le retour d'adversaires en disposant correspond à la période où on présume qu'un retour de la spécialisation au sein des cohortes d'infanterie a eu lieu.... Avec réintroduction (ou usage plus "normalisé") de la hasta (la lance d'arrêt), délaissée (quoique toujours dans le paquetage) depuis la standardisation des soldats dans la légion et la disparition des triaires.

 

Piquer en appui d'un épéiste situé devant soi ne requiert pas de position si compliquée, et le pilum, par sa courte taille, ne ferait pas une lance terrible utilisé à l'horizontale: il est par ailleurs trop faiblard en tête pour être utile ainsi (c'est une position de poussée: si ça résiste en face, l'effet est moyen). Si utilisé ainsi au contact, (douteux, comme indiqué ailleurs, sauf en mise en défense contre cavalerie), le plus logique et probable est l'usage de haut en bas, par dessus le bouclier. Mais vu la taille, encore une fois, on voit peu l'utilité, surtout si on ajoute le facteur de l'équilibre: le centre de gravité du pilum n'est pas au milieu, mais vers l'avant (il est lesté pour tomber vers l'avant en trajectoire parabolique), ce qui crée une position où il s'agit d'un quasi poignard à la longueur d'attaque pas réellement supérieure à un gladius, et à la commodité douteuse vu la taille et l'équilibre instable que cela crée tenu à une main. Utilisé en pique (cad tenu plus vers l'arrière), il serait difficile à manier et resterait de toute façon facilement déviable et faiblard par son fer fin, donc peu capable de percer autre chose qu'un adversaire non protégé.

 

 

Dans une cohorte, tous les rangs ne sont pas armés pareil, sur les premiers rangs, les soldats ne seraient équipés que d'un pilum (à lancer) car devant rapidement utiliser le glaive, les autres rangs derrières pouvaient avoir 2 pilum, voir plus.

 

La possibilité pratique, et surtout tactique, semble aléatoire, pour les unités en formation dense. Mais ça dépend beaucoup des périodes. Ce qui est sûr, c'est que, surtout à partir de l'Empire, il y a une différence nette entre le paquetage total du soldat (pour ce qui est de l'armement) et ce qu'il amène au combat. Il a un arsenal dans lequel il puise suivant la tactique prévue, tant côté arme que, semble t-il, côté blindage. Peu d'armées à cette époque peuvent disposer de ça, d'autant plus que l'entraînement du soldat romain est large et lui donne la capacité d'utiliser un vaste panel d'armes plus que correctement (et quelques-unes mieux que très bien), et plusieurs modes opératoires (monter à cheval fait partie de l'entraînement de tout fantassin, par exemple).

Modifié par Tancrède
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Un point concret, de détail me direz-vous, mais terriblement significatif, me fait douter que les légionnaires aient jamais emporté leurs 2 pilae avec eux en bataille: c'est une impossibilité pratique. Outre le fait qu'il faut avoir le temps de lancer les 2 (visualiser, ajuster, prendre son élan, tirer, revenir dans la ligne) ET de prévoir le temps de dégainer son gladius (situé à droite), il faut bien évidemment avoir la main droite de libre pour lancer.... Donc porter un javelot de rechange dans la main gauche. Or, cette main gauche tient le bouclier; si les boucliers (ronds, ovales ou rectangulaires selon le lieu et l'endroit) des auxilliaires légers (javelinistes) sont attestés, ils sont nettement plus légers que ceux des fantassins de contact (maximum estimé à 6-7kg pour les plus lourds, 3-4 pour les plus légers), mais surtout.... Ils sont plats, et leur poignée est verticale (donc le soldat tient le bouclier avec l'avant-bras horizontal), ce qui permet d'emporter une ou deux javelines dans la même main en plus de la poignée, qui sont dans l'alignement du bouclier et suffisamment fines (et en plus, ces légers ont un carquois).

Mais rien de tel pour le légionnaire et l'auxilliaire fantassin de contact (lourd ou médian): le scutum romain est ovale ou rectangle/en tuile de toit sur la période polybienne et celle du Haut Empire, au moins jusqu'au début du IIIème siècle après JC, légèrement convexe au début et plus après.... Et avec une poignée horizontale: le légionnaire tient son bouclier avec l'avant bras vertical (coude vers le haut, main vers le bas). Et le scutum, nettement plus couvrant et solide, pèse autour d'une dizaine de kilos (donc requiert toute "l'attention" de la main).Tenir un javelot de rechange (dont on ne sait pas quand on le lance) ainsi est impossible: outre la difficulté pour la main, la disposition de la poignée rend la chose compliquée, mais surtout, la forme creuse du bouclier rend l'exercice physiquement impossible.

 

 

 

Petite précision sur le pilum et les javelots en général chez les Romains; il faut vraiment faire attention, pour bien concevoir son emploi et son évolution, de bien caser un matériel et son usage, mais aussi son importance dans le mix tactique de la cohorte et de l'armée de campagne, comme ne correspondant qu'à une période relativement courte.

 

Ainsi, le pilum tel qu'on l'imagine le plus souvent, c'est à dire un javelot lourd servant de feu rapproché avant impact, et de lance de fortune si vraiment y'a pas d'autre choix, n'est pas inchangé des guerres puniques (IIIème siècle av JC) au IIème ou au IIIème siècles après JC. Il a beaucoup changé entretemps, et son emploi aussi:

 

- son poids a beaucoup varié selon les moments: il a évolué entre 3 et 6kg, tandis que sa taille a peu changé, restant grosso modo entre 2m et 2,1m. Malgré l'absence de standardisation très rigoureuse dans l'armée romaine, ce n'est pas un hasarsd: un javelot plus lourd correspond à un adversaire plus blindé, et on peut supposer, plus qu'une évolution linéaire d'un poids vers l'autre, une adaptation à chaque conflit: les ateliers d'une légion pouvaient fournir des fers (celui d'un pilum mesure 30cm environs) rapidement adaptables à une hampe de bois relativement facilement trouvable, qui, elle, fournit le poids donnant à la pointe sa force de pénétration

 

- la pointe a évolué pour être de plus en plus "perce blindage": elle est ainsi passé d'un profil en "feuille de saule" à l'équivalent d'une pointe bodkin (section carrée/pyramidale). De plus en plus, le pilum lourd, au moins pour les légionnaires des premiers rangs/premiers lancers, visait le bouclier du rang adverse, dont il fallait débarrasser le paysage pour rendre l'assaut décisif aussi tôt que possible dans la bataille. Une pointe pyramidale sur un javelot d'un bon poids, avec un fer fin, donne une bonne probabilité de percer le bouclier et d'y rester planté et dur à enlever (et à casser: une hampe lourde dans un bois rigide est peu facilement cassable, un fer long aggrave le problème). Ca fait 5-6kg ajoutés au poids du bouclier (8-10kg pour un truc solide "à la romaine", plus pour un aspis à la grecque): ça fait un combattant "nu" ou handicapé par le poids.

 

- la jonction du fer et de la hampe de bois est assurée par des chevilles de fer: c'est sans doute sous Marius que l'une des deux est remplacée par une en bois fragile, faite pour casser à l'impact et ainsi favoriser la torsion du fer (assez fin en son centre) dès que le javelot se plante dans un bouclier, empêchant son réemploi immédiat par l'ennemi (il est remis en état après la bataille). Cette torsion peut aussi être accentuée par le fait que si le guerrier en face garde son bouclier, le romain peut marcher sur la hampe et appuyer dessus, découvrant son adversaire alors que lui garde épée et bouclier. Cette évolution était-elle une possibilité ou une constante? Le peu de différence dans l'aspect "matériel" (une cheville métallique ou en bois) incite à penser que la possibilité d'avoir un javelot "tordable" ou un plus rigide (le fer restait cependant tordable par sa finesse), devait rester. Du moins si l'emploi du pilum comme "lance cheap" était assez fréquent.

 

Cependant, la période la plus "polyvalente" du pilum (lance d'arrêt/artillerie d'appui rapproché) a du être assez courte, couvrant essentiellement le Ier siècle avant JC et une partie du Ier après: les adversaires évoluent, notamment dans le combat d'infanterie massif, organisé et sophistiqué (peu présent au Ier siècle av JC.... Hors des guerres civiles), et le pilum n'est pas une bonne lance face à des adversaires qui utilisent de "vraies" lances ou des harmes d'hast longues, et/ou qui sont mieux protégés (boucliers plus solides et couvrants, protections corporelles: Daces, Marcomans et Illyriens semblent avoir été nettement plus équipés que d'autres dans ce registre). Outre sa taille modeste pour un usage comme lance, la fragilité de son fer et la petite taille de sa pointe le désavantagent gravement dans cet usage, si l'adversaire a de vraies lances: la puissance de pénétration du pilum vient de l'usage comme javelot. C'est pourquoi son "apogée" qui fait du légionnaire du Ier siècle avant JC et du début du Ier siècle après JC un fantassin polyvalent, aussi bien javeliniste que lancier (et évidemment un fantassin de corps à corps en formation), est moins un apogée technique (qui incite à penser qu'après, il y a "déclin"), mais un apogée de situation: le légionnaire de ce temps n'a pas d'adversaire capable de résister, ni suffisamment nombreux, ni suffisamment organisé, entraîné et équipé. Donc, utilisé comme lance, le pilum servait surtout à dresser un "porc épic" contre la cavalerie (d'efficacité moyenne contre des cavaleries armées de longues lances comme les sarmates), ou d'arme d'appui pour les soldats du 2nd rang, qui "piquaient" l'ennemi, aidant ainsi les soldats du premier rang qui eux "oeuvraient" à l'épée et au bouclier (après avoir jeté un ou deux pila), accroissant la capacité du front.  

 

D'où l'évolution continue: le javelot dans l'armée romaine n'est pas une chose unique. Peu à peu, le pilum perdit de sa prééminence dans le mix de forces des cohortes d'infanterie, au profit d'un "cocktail" plus équilibré incluant des lances d'arrêt (hasta: une lance solide d'environs 2,5m) et des javelines, en plus du pilum. Mais surtout, le pilum aurait évolué vers le "spiculum", plus solide dans son usage comme lance, et encore assez efficace comme javelot lourd; un peu plus court (1,9m environs, avec un fer plus court et solide), il semble plus avoir été fait pour percer les armures, révélant une adaptation à des ennemis plus fréquemment blindés. On peut, comme le pilum, le rapprocher de l'angon, vu que leur construction et leur emploi semblent similaires. Au combat de contact, on a donc dans la cohorte d'infanterie, les 2 premiers rangs qui tendent à se spécialiser dans le corps à corps (lance et épée) et à fonctionner ensembles tout en gardant une capacité de tir limitée pré-combat (javelines), les 2 rangs suivants qui restent "médians" (combattants de ligne focalisés sur l'épée/bouclier, mais avec des javelots lourds d'appui) pour avoir les 4 rangs de combattants nécessaires à une ligne solide, et les rangs restant (4 à 5) focalisés sur la puissance de feu (et une dernière ligne de fantassins lourds de réserve).

 

Parallèlement à cette évolution, on constate un retour de la javeline dans les rangs de l'infanterie légionnaire et de l'infanterie lourde auxilliaire (les cohortes  de l'infanterie de ligne romaine en général, quoi): le verutum d'1m à 1,1m, disparu depuis la fin des vélites et la standardisation des légionnaires (Marius), et cantonné à des unités d'auxilliaires (javelinistes à pieds ou montés), revient en force dans l'arsenal du soldat d'infanterie romaine. Avec une bonne pratique et une pointe adaptée, cette arme conserve une puissance de pénétration correcte. Les unités de javelinistes (fantassins et cavaliers légers) se distinguent par, sans doute, un plus grand degré d'expertise, mais surtout par leur emploi: devant la ligne avant le contact, ils retraitent derrière quand 2 armées se rapprochent (et continuent à tirer), mais opèrent aussi sur les flancs, dans la poursuite, et comme infanterie de reco et de flanc garde pendant la marche. Eux ont 4, 5 ou 6 verutum (ou plus), et peuvent les lancer à la main ou avec une courroie pour en démultiplier la puissance d'impact (ça va avec l'expertise et le mode de déploiement: leurs formations plus aérées leur permettent plus d'élan, plus de latitude d'emploi, plus de temps dédié à ça).

 

Mais la javeline est aussi utilisée par les cavaliers de mêlée "standards" qui disposent généralement d'un carquois de 4 ou 5 javelines (accroché à la selle) en plus de leur armement principal (lance longue, épée/bouclier): comme pour les fantassins de contact, c'est pour eux une arme de complément, et on la trouve dans la cavalerie légionnaire de la fin de la république, et dans la cavalerie de mêlée de l'empire (60% des effectifs de la cavalerie) sur toute son histoire.

 

 

Autre évolution sur la période IIème-IIIème siècle: "l'artillerie" d'appui rapproché et d'attaque des cohortes d'infanterie de ligne évolue encore, avec l'arrivée des dards plombés, qui remplacent vraisemblablement la javeline. Mini javelines de 50 à 70cm, munies d'un plomb en leur centre (pour la force d'impact et influer sur la trajectoire parabolique), chaque soldat peut en emporter 5-6 accrochés dans son boucliers, ce qui démultiplie la puissance de feu du fantassin de contact (qui à cette époque n'a plus de javelot ou l'utilise moins, la lance dominant), pour un encombrement minimum. Et ce alors que la cohorte d'infanterie de ligne est un mix de forces très sophistiqué, incluant des rangs de frondeurs et d'archers organiques.

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C'est pourquoi son "apogée" qui fait du légionnaire du Ier siècle avant JC et du début du Ier siècle après JC un fantassin polyvalent, aussi bien javeliniste que lancier (et évidemment un fantassin de corps à corps en formation), est moins un apogée technique (qui incite à penser qu'après, il y a "déclin"), mais un apogée de situation: le légionnaire de ce temps n'a pas d'adversaire capable de résister, ni suffisamment nombreux, ni suffisamment organisé, entraîné et équipé.

Oui mais peut-on généraliser?

 

Il y a, principalement, 2 cas de conflits rencontrés par les légionnaires à ce moment:

 

-L'un, avec romains contre barbares (celtes, germains...) ou effectivement, les adversaires sont, en général, nombreux, mais peu ou pas protégés, mal commandés... et où une certaine "vélitisation" du légionnaire romain est plutôt une chose possible, et in fine, positive.

 

-L'autre, avec romains contre romains, avec plein de guerres civiles (César Vs Pompée, Auguste Vs Marc Antoine, Brutus et Cassius, ....). Et là il y a un, plus ou moins, équilibre des forces, d'armement, d'armure, d'entrainement...et où cette "velitisation" est moins justifiée.

 

L'on pourrait aussi rajouter d'autres cas de figures, singuliers mais notables, comme les romains vs Spartacus, ou romains vs parthes, ou romains vs grecs (Mithridate)... avec des adversaires de "qualités" bien différentes, et où le modèle militaire romain rencontre des fortunes diverses !.

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C'est justement ce que j'essaie d'expliquer: il n'y a pas de modèle tactique constant, et le passage que tu cites fait uniquement référence aux unités d'infanterie du Ier siècle av JC jusqu'à un point aléatoire du Ier siècle après JC, soit moins de 2 siècles. Pendant cette période, pas d'adversaire important avec une infanterie organisée, entraînée et équipée.

Les grandes armées hellénistiques (pas forcément toutes grecques) opérant sur modèle post-macédonien ont été vaincues avant Marius, et ce qui reste dans ce registre, ce sont des opérations assez réduites au Ier siècle:

- guerres jugurthines: rien de terrible au niveau tactique

- pirates ciliciens: irrégulier

- armées du Pont (Mithridate VI): bonnes (modèle macédonien), mais de petite taille. Le problème posé par Mithridate fut en fait de nature stratégique, pas tactique; il joua intelligemment ces 3 guerres, profita des divisions de la direction romaine et de quelques mauvais chefs romains, joua du terrain, souleva la Grèce, l'Arménie (de Tigranes) et l'Asie Mineure, et mobilisa des effectifs énormes, mais en grande majorité de mauvaise qualité (il n'y avait alors plus de grandes armées solides dans le monde grec).

- reste du royaume séleucide: plus grand chose de sérieux, en tout cas pas de grande échelle

- guerres cimbriques: elles furent un problème, principalement à cause du nombre des adversaires et de l'inexpérience de l'armée romaine de ce moment, qui pointait le problème récurrent de Rome.... Hors des armées "outre mer", Rome ne disposait pas de troupes permanentes, et devait reformer des armées à chaque guerre, nécessitant de ce fait un long temps de remontée en puissance, d'autant plus grand que l'art de la guerre romain était devenu très sophistiqué et exigeait un haut niveau de pratique pour donner sa mesure. Une fois les premiers échecs passés, Marius reprend la chose en main, entraîne intensivement une armée et vainc rapidement.

- guerre des gaules: on connaît la chanson. Sur le plan tactique (je ne parle pas des opérations), les nations celtes étaient soit, dans le nord et le sud ouest, sous-développées (=infanterie légère, bonne cavalerie, chars de combat: du "facile"), soit, dans le centre et l'est, à un stade de sédentarisation avancé, avec des armées plus structurées, mais loin derrière le domaine romain, et encore trop tribales et faiblement équipées et entraînées en moyenne.

 

En somme, au plan tactique, le modèle romain n'a pas vraiment été remis en question à cette époque. Et pareil après les guerres civiles, au moins pour un temps (même si à ce stade, Auguste avait déjà fait ses grandes réformes et créé l'auxilliat): le Teutoburgenwald est une embuscade massive où les facteurs de succès ne sont pas à trouver dans la qualité des troupes germaniques (plutôt mauvaise, et même dans l'embuscade, ils refusaient le contact et ont attendu la curée finale pour aller achever en grand surnombre les survivants), et le conflit illyrien, une affaire extrêmement sérieuse, se fait contre des troupes au fonctionnement connu, dont la seule infanterie de mêlée est de modèle romain (comme pour les guerres civiles). Les grandes opérations de rétorsion dans les Germanies ne remettent pas en question, sur aucun plan, la supériorité des troupes romaines.

 

Quand aux Parthes: à cette période, il y a une sorte d'impasse tactique. Les Romains n'ont pas de solution  tactique pour les défaire en plaine, et le problème ne vient pas de l'infanterie, avec laquelle les Parthes refusent le combat (les arrosant de loin et n'allant les achever que s'ils estiment la troupe affaiblie), mais du modèle général de campagne et d'armée. Il faut plus de cavalerie, des alliés (les Arméniens, dont la cavalerie est très bonne), un terrain favorable (pas forcément un truc qu'on choisit) et surtout penser les opérations autrement. C'est ce dernier point qui, au premier siècle (avant et après JC), autorise des succès romains (Bassus et Corbulon principalement). C'est pas un changement de modèle tactique des unités d'infanterie de ligne qui va changer la donne.

 

Pour l'affaire de Spartacus, il faut en rappeler les facteurs précis, et les inconnues. Les succès des esclaves sont venus surtout du fait qu'il a fallu longtemps avant qu'ils n'aient affaire à des troupes expérimentées, alors qu'il semble bien que leur armée avait beaucoup de vétérans (issus des auxilliaires de plusieurs campagnes, mais aussi des Romains qui ont rejoint le mouvement) qui ont pu former des unités et une partie des effectifs (ils y ont consacré du temps). Quand des armées de campagne rôdées sont revenues en Italie (Crassus et Pompée), il ne semble pas que les succès tactiques aient continué.

 

L'autre, avec romains contre romains, avec plein de guerres civiles (César Vs Pompée, Auguste Vs Marc Antoine, Brutus et Cassius, ....). Et là il y a un, plus ou moins, équilibre des forces, d'armement, d'armure, d'entrainement...et où cette "velitisation" est moins justifiée.

 

J'ai pas vu vraiment de "vélitisation"; et le cas des guerres civiles, ben.... Là c'est simplement deux adversaires de même nature. Sortis de l'évolution vue dans l'armée de César, qui est plutôt au niveau du mix de forces entre les types d'unités et une plus petite taille de ses cohortes (en revanche expérimentées), et pas au niveau du modèle tactique des unités d'infanterie, on a des adversaires ayant des forces et faiblesses similaires (en terme de type d'unités), donc pas de besoin ressenti de faire évoluer le modèle tactique de la légion/cohorte. Ca, ça vient après, dans le courant du Ier siècle ap JC.

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  • 2 months later...

Je me permets de faire un peu d'archéologie et de déterrer cet excellent sujet. 

Je suis récemment tombé sur ce site: http://www.romanarmy.info/site_map.html

L'auteur a vraiment une approche intéressante pour décrire "la baston à la romaine". Son principal apport c'est de montrer à quel point les illustrations classiques des déroulements des batailles romaines sont biaisées. En outre il explore un très grand nombre d'hypothèses différentes sur le positionnement des troupes, leurs façon d'approcher l'ennemie, de le combattre, de jeter leur javelot etc.

 

Son but est de construire un modèle digne de ce nom du fonctionnement au combat des légions post-marienne. Je suis pas d'accord avec toutes ces conclusions mais c'est dans l'ensemble très convaincant et il rejoint Tancrède sur plusieurs points (plutôt bon signe hein ; ) )

La partie la plus intéressante est probablement plutôt dans la 2ème colonne mais la 1ière déblaie pas mal de terrain aussi.

 

Une des meilleurs pages sur la bataille de Pharsale: http://www.romanarmy.info/pharsalus6_animation/pharsalus_animation.html

http://www.romanarmy.info/better_battlefield_drawings/better_battlefield_drawiings.html

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Je connais le site, et je le recommande chaudement; mais il faut le prendre avec quelques pincettes. Les reconstitutions sont parfois contestables, de même que certaines sources, mais surtout, le plaquage de limites (louable de la part d'auteurs prudents) sur les possibilités de telle ou telle chose (notamment la conservation des rangs dans une manoeuvre) oublient aussi les limites propres des groupes de reconstitution, aussi professionnels soient-ils, notamment dans le fait qu'ils n'opèrent qu'à petite échelle (les groupes réunissent rarement l'effectif de plus d'une centurie, souvent moins; on peut pas dire "la légion, c'est pareil en plus grand"), et plus encore dans celui qu'ils ne sont pas des groupes de soldats professionnels pratiquant les mouvements individuels et collectifs tous les jours, intensément, pendant des années, en entraînement comme en situation de combat réel. Malgré tout le réalisme introduit dans ces démonstrations, et les très saines réalités terre à terre qu'il replace au coeur de l'analyse et de la critique des croyances acquises, il faut garder ce genre de filtres à l'esprit avant d'aborder ce site essentiel pour qui s'intéresse au sujet (malgré la critique, j'ai pas trouvé beaucoup mieux pour ce qui est du net).

 

Tiens, un aspect des choses auquel ce site m'a fait penser: une raison de plus (outre la question des stocks de nourriture et du surcroît d'effort logistique -de bouffe et autre- impliqué par une campagne en hiver) pour laquelle les armées antiques (et médiévales, et modernes) faisaient rarement campagne en hiver.... La durée du jour: si on a de la lumière 16h par jour en été (un peu moins au printemps et au début de l'automne), on en a bien moins aux alentours de l'hiver, et faire marcher des armées importantes dans ces conditions est un cauchemar avant l'ère des communications (et de la logistique) moderne (s). Les garder en ordre constituer est une gageure dans l'obscurité, (quand les emblèmes et la voix sont l'essentiel des repères, coordonner des mouvements de nombreuses unités à la lueur des torches étant peu efficace et peu discret), et le risque de sécurité devient trop grand: on ne voit rien de loin, la reco est peu efficace et nécessite nettement plus de monde pour beaucoup moins de rendement, ses messagers se perdent vite, la confusion en général est plus grande (déjà que de jour, ça doit être chiant).... Bref, c'est un cauchemar. Et la marche d'une seule légion (cad une légion, son train et ses unités auxilliaires, soit en tout 2,5 fois l'effectif d'une légion) d'un camp à l'autre s'achève, pour les unités de tête, quand celle des unités de queue n'a pas encore commencé (en zone hostile, le timing est plus serré, mais pas infiniment plus): le camp du soir commence à être établi quand celui du soir précédent n'est pas encore démoli, le tout pour une distance moyenne séparant les 2 qui doit être d'une petite vingtaine de kilomètres, voire une quinzaine (un peu plus de 10 miles romain pour une journée de marche de légion, le mille -millia passum- tournant autour de 1500m) en moyenne (on peut pousser, voyager plus léger, mais pas longtemps), hors des zones sécurisées ET équipées de voies romaines (plus larges, plus planes, droites, sur des itinéraires connus à l'avance et sûrs). Si on a 8-10h de jour, l'opération devient TRES difficile pour faire bouger une légion en zone hostile/non maîtrisée en évitant d'avoir des unités en goguette dans le noir.

Modifié par Tancrède
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En effet, c'est quelque chose de souvent laissé de coté en dépit de son importance.

A la lecture des grandes campagnes romaines, on sent bien que la capacité d'un général à bien gérer le timing des marches et le montage/démontage était primordial.

Et de temps à autre, on voit un général réussissant à voler une marche sur l'ennemie ou au contraire à être contraint à la bataille sans son camp à proximité ou obligé de camper sans un bon accès à une source d'eau potable etc.

 

Un truc qui m'étonne c'est que la situation de César lors de la bataille de la Sambre ne se soit pas reproduite plus souvent avec des conséquences plus sérieuses. Systématiquement attaquer soit la première légion qui arrive soit plus modestement le détachement en charge de délimiter le camp et ensuite se replier avant une bataille générale me paraitrait vraiment efficace. J'imagine que c'est possible que si les troupes qui font écrans (cavalerie et troupes légères) commettent une erreur... et qu'elle devait donc ne pas être de si mauvaise qualité en général. 

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Dans cette bataille, il faut vraiment penser à la configuration: ce sont les bordures d'une grande rivière: les Nerviens sont limités non seulement par l'étroitesse du champ de bataille et par ses rives boueuses (surtout qu'eux ont des chars, en plus), mais en plus par le fait qu'ils sont en partie sur l'autre bord de la rivière, avec une voie d'accès au final étroite pour leurs effectifs (un goulot d'étranglement), et par celui qu'ils n'ont ni l'organisation, ni la discipline romaine, ce qu'une telle embuscade à grande échelle et pas sur position fixe réclamerait pour fonctionner à plein. Ils subissent les mêmes emmerdements que les Romains: terrain découpé, sol impropre au déploiement et qui casse l'élan, champs de visions limités et le plus souvent étroits.... C'est pas facile dès lors qu'on parle d'effectifs de cette ampleur: s'il s'était agi d'une armée romaine de 8 cohortes et pas 8 légions (même si elles étaient en sous effectif grave) avec auxilliaires, attaqués par un nombre équivalent de Celtes, c'aurait été autre chose, avec une coordination plus à la portée des assaillants.

Mais c'est arrivé souvent aux Romains dans ces régions: la couverture boisée est telle que les champs de visions sont réduits, et la cavalerie, comme écran, comme élément de reco ou comme arme, a nettement moins d'effets opératiques et tactiques, ce pourquoi les armées impériales du Danube et du Rhin, ultérieurement, en auront nettement moins qu'ailleurs. Les batailles de rencontre sont nettement plus fréquentes sur ces fronts, les mouvements sont plus lents dès lors qu'une armée romaine ne peut plus profiter de la rocade logistique qu'est un fleuve, et le mode opératoire dominant consiste plutôt en raids constants et/ou en éclatement de forces importantes en plusieurs colonnes, pour la campagne. Faut pas oublier qu'à cette époque, et pendant l'essentiel de la période impériale, toute la zone rhénane, et au-delà dans les Germanies, la couverture boisée est phénoménalement dense, les routes inexistantes et le terrain très découpé. Le Teutoburgenwald est essentiellement une embuscade réussie (depuis une position fixe sur une colonne de marche romaine immense sans possibilité de déploiement) profitant de ces facteurs et d'une opération d'intox par Arminius auprès de Varus.

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Comment la Garde Prétorienne ce "régénérait-elle" ? parce qu'avec les branlés qu'elle c'est prise tout au long de son existence et sa taille (à un moment on arrive à 10000 membres il me semble) les recrues "de bonne familles" devaient venir à manquées non ?

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C'est pas vraiment le sujet; faut aller sur le topic "armée romaine", ou celui sur "les gardes", pour ça. Pour la note, hors traitement du reste de la question sur les topics adéquats, la garde prétorienne n'a pas une longue histoire de branlées, et elle ne recrutait pas dans les "bonnes familles".

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J'ai une question sur le rôle des "chambrées" (contubernium) . Je me demande l'importance de leur rôle tactique.

En particulier, avait-elle un chef ? Je suis pas un grand spécialiste de la hiérarchie romaine, mais de mémoire quand les sources (moderne ou ancienne) traitent de l'encadrement de la centurie, elle ne font jamais référence à des "chefs d'escouade". A part peut être Végece mais sa connaissance des légions romaines semble aussi limitée que la notre ^^

Autant pour les armées hellénique, on sait qu'il y avait des chefs de files, de demie files, de quart de files, de double/quadruple/etc files et tout mais nada sur l'armée romaine.

 

Résultat une autre question que je me pose, c'est comment se rangeaient les contubernium au combat. On peut raisonnablement supposer que les hommes d'une même chambrée étaient disposés à proximité les uns des autres. Mais était-il en ligne ou en colonne ou autre ? Est-ce qu'il faut voir la centurie comme par exemple 10 conturbernium les unes derrières les autres ou au contraire 10 conturbernium les unes à coté des autres ?

De fait ça déterminerait si les "chefs de chambrée" (en supposant qu'ils existes et qu'ils ont effectivement un rôle tactique) sont des chefs de files ou de rang.

ça:

ennemie par là

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ou ça:

ennemie par là

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Les deux ont leurs avantages et inconvénients mais je penche plus pour le 1ier modèle car les différences d'effectifs d'une contubernium à l'autre (dues à l'attrition pendant la campagne) semble plus facile à gérer comme ça.

 

Voila, je serais curieux d'entendre vos infos ou vos réflexions sur le sujet.

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part peut être Végece mais sa connaissance des légions romaines semble aussi limitée que la notre ^^

 

Végèce les connaît, mais déjà, il connaît les légions et autres unités du IVème siècle, pas les structures militaires romaines d'avant ou d'après; ensuite, c'est un politicien, un moraliste et un érudit (classe sénatoriale, à cette époque éloignée de l'armée et même des fonctions de commandement qu'elle occupait avant) qui connaît et traite le sujet comme tel, à savoir très théoriquement, ce pourquoi entre autre il s'efforce beaucoup de prescrire une "armée idéale" imaginée sur le papier et sans contradicteur, ce qui l'oppose à Ammien Marcellin, l'autre grande source de la même époque, qui est un vrai militaire monté dans le rang et ayant atteint les hauts de la hiérarchie.

 

elle ne font jamais référence à des "chefs d'escouade"

 

Outre l'encadrement de la centurie, chaque contubernium est commandé par un "decanus", le chef de groupe/chef de file, à ne pas confondre avec le décurion qui est l'équivalent du centurion dans la cavalerie (sauf dans la cavalerie organique aux légions -tant qu'elles en ont eu une- où le grade de centurion est utilisé pour souligner le caractère dominant de l'infanterie), qui commande une turme de 30h environs (l'équivalent d'une centurie: l'unité tactique élémentaire). L'évolution de l'armée romaine aux IIème et IIIème siècles amènera graduellement un changement de vocable, et ce decanus deviendra "decenari", soit le "dizenier" (chef d'une dizaine) qui se transmettra, surtout via les institutions municipales (notamment de milice) dans le Moyen Age occidental où l'organisation civile et militaire territoriale retranscrira ce modèle (centeniers et dizeniers). Le centurion deviendra lui aussi le "centenari". A noter que la partie orientale de l'empire s'orientera dès le IVème siècle vers un vocabulaire grec recouvrant les mêmes structures et grades.

 

 

 

Pour la disposition, avant tout, faut vraiment faire attention à l'époque dont on parle: les modèles que tu proposes ne peuvent réellement exister qu'avec le "légionnaire interchangeable" des Ier siècles avant et après JC (et encore, l'évolution vers la re-spécialisation est amorcée dès le milieu du Ier siècle après JC). Considère quelques grands traits dans l'histoire de l'infanterie romaine, et plus précisément de ses unités élémentaires:

 

- il faut 4 rangs bien coordonnés pour recevoir n'importe quelle charge: l'énergie cinétique se diffuse entièrement dans ces 4 rangs, quelle qu'elle soit. Ce point définit donc la constante de la profondeur nécessaire de l'infanterie faite pour le choc dans une unité de ligne

 

- le contubernium a été longtemps de 6h (tant qu'a duré l'absolue domination du modèle de conscription limité au temps d'une campagne), puis est passé à 8h avec la permanence croissante des unités qu'on date symboliquement de l'époque de Marius, puis il a peut-être dépassé ce chiffre en s'installant autour de 10-11 dans l'armée du Haut Empire (post crise du IIIème siècle) puis dans l'Empire d'Orient/empire byzantin.

 

- dans une unité de ligne, il faut garder la capacité de recevoir une charge/un choc (car "l'ordre de base" dans l'armée romaine reste un alignement assez espacé), donc non seulement de serrer rangs et files, mais de maximiser la cohésion des files et des rangs pour produire une capacité élevée de tenue au contact en ordre dense (le synaspisme, qui est l'ordre permettant des formations dites "en mur de bouclier", comme la tortue, ou le coin). La solidarité et la connaissance du contubernium reste l'une des bases de la solidité d'une file: donc la profondeur des rangs d'une unité a tendance à être définie par la façon de garder les contuberniae ensembles, soit alignés sur 6, 8 ou 10 rangs, soit en 2 files de 3, 4 ou 5 rangs.

 

- l'un des problèmes épineux qui fait beaucoup débat est la question du relai en première ligne, l'endurance de la ligne de combat romaine étant une des clés de leur succès, avec une supposée plus grande aptitude du modèle de la période "Marius/César" à garder la fraîcheur des premiers rangs. Cependant, l'aspect concret d'un éventuel relai des rangs au sein d'une centurie est assez facilement démontré comme étant problématique: possible, mais problématique, donc difficile à implémenter au coeur d'un combat en ligne, surtout si on essaie de le réaliser à intervalles fréquents et réguliers. Les "couloirs" de 3 pieds (environs 90cm) entre chaque homme d'un même rang dans l'ordre standard sont plus réservés à l'évacuation des blessés et morts du front, à l'espacement nécessaire au combat, à l'éventuel intercalement d'archers et plus encore à laisser la possibilité aux unités (typiquement l'autre centurie d'un même manipule, au sein d'une cohorte disposée sur 2 centuries de profondeur) de se "passer au travers" pour, et là c'est nettement plus pratique, réaliser le relai des unités assurant la première ligne. Le même processus permet le remplacement des cohortes. Ne pas oublier que dans toute l'histoire militaire romaine, l'une des constantes de l'art romain de la guerre (et une particularité plus prononcée chez eux que n'importe où ailleurs) est d'insister sur l'importance des réserves et sur la profondeur des lignes plus que sur leur extension, en entendant par là la profondeur du dispositif plus que la profondeur des unités de base. La rotation des unités de base au contact minimise par ailleurs le besoin de profondeur des rangs (au sein d'une même unité de base) au plus strictement utile tactiquement (avec une petite réserve d'attrition dans chaque unité), ce qui incitera, avec la professionnalisation, à la spécialisation au sein des unités de base (maximisation de l'efficacité tactique de chaque métier dans l'unité essentielle).

 

- le modèle dit "de Marius" repose sur une faible spécialisation et une interchangeabilité (dans la mesure du niveau d'expérience moyen dans les cohortes: une légion de cette époque ne peut fournir que 5, peut-être 6 cohortes réellement solides dans le meilleur des cas, dont 2 ou 3 très bonnes, voire excellentes) qui sont vite assez gaspilleuses de potentiel: de fait, une centurie alignant 10h de front, et donc 8 de profondeur, est de fait un modèle fait pour l'attrition, mais un modèle qui, après constat réalisé à l'usage, sous-utilise entre 1/3 et 40% de ses effectifs, ce pourquoi l'armée romaine dès Auguste tend à faire évoluer cette organisaton en changeant la composition de ce modèle, qui, tout en tendant, dans les unités de ligne, à garder le même nombre fondamental de rangs, en fera de plus en plus un mix interarmes. Ainsi, dès la fin du Ier siècle, les 2 premiers rangs tendent à se blinder de plus en plus (lorica segmentata, peut-être réservée à ces rangs, port d'une "manica" sur le bras droit, jambières, nasal sur le casque....) et à graduellement préférer la lance (jusqu'au retour en dotation permanente d'une vraie lance), les 2 suivants restent des fantassins "standard" (capacités et armements identiques, usage plus prononcé du javelot comme appui des premiers), et derrière eux s'alignent les frondeurs (sur un rang), puis une ligne de réserve de "lourds", et enfin suivent 2 rangs d'archers (soit en arrière, soit répartis sur les flancs, si la formation s'y prête) aux niveaux de blindage et d'armements différents (il y a des "archers lourds" cherchant le tir direct et se rapprochant au plus près du combat, d'autres ayant une capacité de poursuite....).

 

Ce dernier point est vraiment visible au IVème siècle, mais se constate comme la "division du travail" normale dès le Ier siècle (avec à cette époque des soldats nettement moins spécialisés dans leur équipement), division qui reprend en fait l'organisation de la légion de modèle dit "polybien" (époque des guerres puniques et après: hastati et principes en épéistes/javelinistes, triaires en hoplites lourds, vélites en fantassins légers/appui rapproché), mais intégré à ce moment (entre autres grâce à la capacité que donnent des troupes professionnelles accumulant l'expérience en 20-25 ans de carrière) à l'échelon de la centurie.

Modifié par Tancrède
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