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Volume des personnels embarqués sur navires/sous-marins


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Les marines occidentales sont dans une tendance de réduction en volume des personnels embarqués sur leurs navires et submersibles, cela notamment afin de réduire la masse salariale. Les entreprises oeuvrant dans le domaine du naval militaire l'ont d'ailleurs bien compris et proposent désormais des architectures et degrés d'équipement censés permettre cette réduction en nombre des personnels embarqués. La Fremm en est d'ailleurs un des plus illustres exemples.

 

Néanmoins, il semblerait se dessiner une tendance inverse, ou sinon moins radicale. La US Navy cherche à revaloriser en quantité ses équipes de maintenance à bord afin de réaliser d'avantage d'opérations de maintenance en mer et ainsi réduire les semaines passées à quai pour leurs différents vaisseaux :

 

Citation

Navy Increases On-Board Ship Maintenance

 

By Kris Osborn Tuesday, June 3rd, 2014 5:32 pm

 

The Navy plans to add more maintenance personnel to ship crews and perform more maintenance activities on-board ships as they are deployed in order to reduce the costs and time needed at the shipyard upon their return, service leaders said.

 

Naval Sea Systems Command leader Vice Adm. Willy Hilarides pointed out that 78-percent of the Navy’s 289 ships will still be in the water in ten years, a circumstance which underscores the importance of maintenance and modernization. The demand for Navy ships is expected to increase and budgets are likely to remain challenged, making ship maintenance even more important, he said.

Adding maintenance personnel to ship crews helps reverse the impacts of a decade-old plan called “optimal manning” which sought to reduce crew sizes with a sharper warfighting focus and improved on-board technology.

“We went through a period where we said we are going to downsize the size of the crews, saying we’re really going tighten that up and make them just about warfighting. I would say we probably went a little too far — so we’re putting back into the engineering departments of those ships,” said Hilarides.

The idea is to man ships with enough personnel so that sailors can learn how to maintain their own ship to a large degree, Hilarides explained.

For example, sailors on board a ship would be able to repair a broken fire pump by replacing the bearings, seals and properly aligning the pump, he added.

Placing more maintenance personnel aboard ships helps the Navy by better sustaining ships and further refining technical skills and training for sailors who are engineers and mechanics, Hilarides explained.  In addition, performing maintenance work at sea greatly reduces the shipyard maintenance costs.

The Navy is still building and upgrading ships with a mind to increasing efficiency of personnel on  board and lowering costs, meaning there are instances where next-generation technology or improved automation will reduce the need for  personnel on-board certain ships.

This is the case with the Ford-class aircraft carriers and Zumwalt-class destroyers, both of which are engineered with new technology including much more automation compared to their predecessor vessels; more automation translates into a reduced crew size which lowers operational and sustainment costs for the ship.

The Ford-class aircraft carriers are slated to carry a crew of about 5,200 sailors if you include the air wing, a number that is about 800 sailors less than Nimitz-class carriers which preceded them.  Even though there may be fewer sailors on-board a Ford-class carrier, the mixture of sailors assigned to the ship is likely to ensure that there are sufficient engineers and mechanics on-board to perform the requisite maintenance functions.

As a result, lowering costs by having more maintenance personnel on board and making ships more efficient in terms of their crew size are mutually-reinforcing efforts, Navy officials said.

One analyst said adding engineers to ship crews could help the Navy get through a time of strained budgets.

“It stands to reason that there is a category of things that are reasonably easy to fix if you have mechanics on the ships. There’s a lot of pressure on the Navy right now due to flat budgets and rising personnel costs,” said Benjamin Friedman, research fellow in defense and homeland security studies at the Cato Institute, a Washington D.C.-based think tank.

 

Source : http://www.dodbuzz.com/2014/06/03/navy-increases-on-board-ship-maintenance/

 

Modifié par Skw
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Article du docteur Jegaden ; "le métier de marin grandeur et paradoxe" ...., une dimension certaine dans l'analyse , désolé je ne retrouve plus le lien . En raccord avec la réduction des volumes évoqué par skw , voir le couplet sur la réduction des équipages à bord des navires marchands je sais c'est HS mais interessant aussi

" Le métier de marin : grandeur et paradoxes

Les marins sont particulièrement sensibilisés à l'espace et au temps.

Observateurs de l'espace immense de la mer, leurs yeux, pendant des jours et des jours, n'accrochent que l'horizon sur 360 degrés. Espace gigantesque sans frontières ni obstacles où le navire "trace" son sillage, choisit sa route. "L'espace est le champ de notre mobilité et la carrière même de notre liberté " (V.Jankélévitch). Libre et aventurier, citoyen du monde qui connaît nombre de pays et qui, confronté à des ethnies variées, est un vecteur de l'interpénétration des civilisations. Toute l'histoire maritime nous rappelle que la connaissance de notre planète s'est faite grâce aux découvertes de terres inconnues par des marins qui ont laissé leur nom ça et là: Christophe Colomb, Jacques Cartier, James Cook, Lapérouse, Bougainville et bien d'autres comme Kerguelen qui écrivait :"Dans tous les endroits de la terre où le service m'appelle, je sonde, j'observe et je tire la carte des côtes et ports où je me trouve". La population terrienne s'est imprégnée de cette image du marin qui connaissait les rivages féériques lointains, une autre vie en quelque sorte, inaccessible au commun des mortels. "Là-bas, le temps ne coule pas comme ailleurs. On vit dans l'instant. Tout est simple, même la mort. Fruits, fleurs. L'éternité retrouvée" (I. Frain).

Si cela fut vrai jadis, la réalité d'aujourd'hui est, sur ce point, bien différente, mais le mythe persiste. La poésie a disparu, le sens de l'aventure s'est émoussé. Les paradis tropicaux, les plages et leurs cocotiers sont à quelques heures d'avion de Paris et des flots de touristes s'y déversent quotidiennement. Les marins ne connaissent plus que les quais lugubres de ports qui se ressemblent tous et n'y font généralement escale que quelques heures, le temps de transborder le fret.

Ils ne retrouvent leur identité qu'au large, loin des côtes.

Observateurs de l'espace infini du ciel, les marins le sont également quotidiennement. Pendant des millénaires, les étoiles furent, avec le soleil, leurs seuls points de repère. "Jusque là, seul le spectacle du ciel, des positions relatives au soleil, de la lune, des planètes, donnait à ses observateurs, astronomes et marins, le moyen de synchroniser les temps en des lieux différents" (Prigogine et Stengers). Depuis une vingtaine d'années, la technologie moderne du positionnement par satellites a considérablement modifié, sans toutefois le faire disparaître, ce contact avec l'Univers, avec l'infini, cette communion entre l'Espace et le Temps.

Pourtant, les marins continuent à donner une dimension particulière au temps, au rythme de la vie. Ils assimilent l'écoulement du temps à la vitesse nonchalante du navire. Hommes pressés, ils ne peuvent pas l'être : tous les éléments les en empêchent, la mer, les performances du navire, la météo, la longueur du voyage. Et pour eux, le vrai rythme de la vie n'est pas le rythme des jours, le rythme circadien, mais le rythme des départs et des retours. C'est le rythme de leur double vie : une vie à terre, une vie en mer, avec à chaque fois une partie d'eux-mêmes qui reste, en pensée, dans l'autre vie, comme dans un fusionnement de temps différents. Patience, éloignement, lenteur : ces trois notions forgent le marin et donnent du poids à sa connaissance de la vie et des hommes.

Observateurs privilégiés de l'espace et du temps, les marins en sont aussi, paradoxalement, les prisonniers.

Ils sont prisonniers de l'espace restreint du navire et ne peuvent s'en échapper ; prisonniers de ce biotope artificiel, technologique et culturel, mobile, entièrement conçu et réalisé par l'homme. Espace limité où il faut vivre, travailler, supporter ou s'affronter aux autres, à ceux-là qui partagent les mêmes conditions, les mêmes problèmes, les mêmes espoirs, les mêmes doutes et les mêmes peurs. Microcosme social hiérarchisé, il contient tous les ferments de conflits relationnels, de décompensations névrotiques en tous genres. Le climat à bord est très dépendant du type d'organisation de la vie, du développement des communications entre individus, des relations humaines établies.

Double adaptation donc pour le marin, une adaptation aux autres et une adaptation à l'environnement, au navire. La conception des navires doit impérativement intégrer la notion d'espace avec celle du maintien du bon équilibre physique et psychique de l'homme et doit, en particulier, préserver pour chaque individu la possibilité d'un isolement personnel, d'un "territoire" intime. Henri Laborit, médecin et marin, disait ceci : "Rester normal, c'est d'abord rester normal par rapport à soi-même. Pour cela, il faut conserver la possibilité d'agir conformément aux pulsions, transformées par les acquis socio-culturels, remis constamment en cause par l'imaginaire et la créativité. Or, l'espace dans lequel s'effectue cette action est également occupé par les autres… Se soumettre c'est accepter, avec la soumission, la pathologie psychosomatique qui découle forcément de l'impossibilité d'agir suivant des pulsions. Se révolter, c'est courir à sa perte, car la révolte, si elle se réalise en groupe, retrouve aussitôt une échelle hiérarchique de soumission à l'intérieur du groupe et la révolte, seule, aboutit rapidement à la suppression du révolté… Il ne reste plus que la fuite." L'équipage d'un navire étant, par définition, un groupe hiérarchisé et rigide et , hormis les cas de mutinerie, le marin risque donc d'avoir recours épisodiquement ou de façon plus permanente à la fuite… Cette fuite peut revêtir, à notre avis, deux formes : l'une bénéfique pour la plupart des individus. C'est l'évasion dans une activité secondaire libératoire (violon d'Ingres, sport). L'autre, pathologique, sera le repli sur soi, la dépression, la psychose, l'alcoolisme, la drogue, voire le suicide. Mais n'est-ce pas là plutôt les conséquences d'une impossibilité de fuite ?

On imagine bien ce qu'a pu être l'enfer des marins des siècles derniers, entassés à bord de navires humides, ignorant tout de l'hygiène, soumis à une discipline de fer, en proie à la malpropreté, au scorbut, à la typhoïde, variole et autre typhus. Au début du XXème siècle, la situation s'est considérablement améliorée grâce aux progrès de la médecine et de l'hygiène. Depuis trente ans, grâce aux progrès de l'ergonomie navale, elle est devenue très satisfaisante, sauf, peut-être, pour certains navires de pêche de petit tonnage.

A l'heure actuelle, la réduction extrême des équipages à bord des navires marchands provoque l'effet inverse de la promiscuité, c'est-à-dire le trop grand isolement des personnes. Les hommes ne se croisent plus qu'à la relève des quarts et cet isolement forcé devient alors aussi source de certaines pathologies psychiatriques. L'isolement des individus est également sensible au niveau du travail lui-même qui, de plus en plus, en mer, se limite à une surveillance des installations entièrement automatisées, que ce soit à la passerelle ou à la machine. Mais lorsque l'avarie survient, la monotonie de la vie fait place à un surcroît de travail et à l'obligation de réparer en ne comptant que sur ses propres ressources en matériel et en savoir-faire. De plus, la seule surveillance de la navigation (la lecture du point sur les appareils de navigation par satellite comme le GPS ayant rendu obsolète la pratique du sextant) et de la marche du navire risque d'entraver le développement des connaissances et l'acquisition d'une expérience nécessaire à la maîtrise du métier alors que, paradoxalement, on compte sur elle pour pallier d'éventuels dysfonctionnements.

Cet espace restreint du navire isole physiquement les hommes de leur société et de leur famille. Le marin se sent souvent peu concerné par la vie de la Société : peu d'intéressement à la vie politique, peu de possibilités de vie associative ou sportive. Seule la vie culturelle et artistique peut avoir des prolongements à bord et se développer chez certains par l'exercice de la lecture, de la peinture et du dessin, par l'écoute de la musique ou encore la fabrication de maquettes et d'objets divers (la culture maritime est riche : ex-votos, maquettes de bateaux, navires en bouteilles, travaux de matelotage)

L'éloignement familial majore la pression psychologique. En fait, cette relation avec la famille est plus complexe qu'il n'y paraît car, sitôt débarqués, beaucoup de marins attendent avec empressement leur nouveau départ. Inévitable déception des retrouvailles ou difficultés de ,vivre le matriarcat ? La femme de marin assure bien entendu toutes les tâches du foyer, l'éducation des enfants, le maintien des relations sociales ; si elle contribue de manière essentielle à la sérénité du mari lorsqu'il est en mer, à la maison, les rapports peuvent rapidement devenir conflictuels . "A peine rentré, Ulysse est, dans son cœur, déjà reparti…" Mais, malgré tout, tant que le bateau n'a pas largué ses amarres, le marin est, lui aussi, lié à la terre et a du mal à s'en détacher. L'interface terre-mer est donc le règne du paradoxe, des sentiments contradictoires et de la nostalgie.

Embarqués, les marins sont aussi prisonniers du temps, prisonniers des quarts, prisonniers de la marche du navire. Pendant les quarts, souvent longs en haute mer parce qu'il ne s'y passe pas grand chose et souvent fatigants dans les zones à fort trafic maritime parce qu'il s'y passe trop de choses, l'attention est toujours une obligation, obligation de scruter sans cesse la mer, de détecter l'écho sur le radar, d'anticiper une route de collision.

Le temps se compte donc inlassablement. Il prend le marin dans son filet et lui apprend la patience. Comment l'homme de mer peut-il apprécier, je dirai même "aimer" ces quarts répétitifs, souvent monotones, tantôt angoissants (en cas de brume en zone dangereuse ou lorsque l'avarie menace) et qui font l'essentiel de leur métier ? C'est peut-être que, malgré tout, un quart n'est jamais le même que le précédent. L'homme d'expérience est celui qui a connu des premières expériences et, par conséquent, les "reconnaît" dans les suivantes : mais, a dit encore Jankélévitch « la re-connaissance est une toute nouvelle connaissance, un savoir spécifique et non pas un redoublement ne variatur de la connaissance première.. »

C'est ainsi que l'expérience de la mer, "l'empreinte de la mer", se forge avec le temps. En mer, le jour commence à midi. Il s'agit de diviser le temps plutôt que de régler le flux et le reflux de l'activité humaine. En mer, il y a toujours des gens qui travaillent et des gens qui dorment : pour ceux qui travaillent, il fait jour; pour les autres, il fait nuit.

Docteur Dominique JEGADEN "

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Cette autre réflexion complémentaire ne me semble pas hors de propos dans ce contexte de réduction des équipages…..

« La question identitaire du marin embarqué,

à propos de la Marine nationale

Dr Luc-christophe Guillerm

Clinique Pen An Dalar

29490 Guipavas

En embarquant à bord d’un bâtiment de la marine nationale, l’individu accepte implicitement de céder la place à deux dimensions identitaires distinctes de sa propre identité terrienne : l’identité de groupe et l’identité historique. Il rejoint une institution particulière et doit adhérer à ses lois et ses usages. Dans tout embarquement, il est nécessaire de distinguer deux aspects fondamentaux : le nombre de marins présents et la durée de l’éloignement.

L’expérience relatée est celle d’un bâtiment de 800 marins parti six mois de la métropole. Elle n’est pas comparable avec un départ de 8 jours, très commun, à bord d’un aviso de 80 marins ou d’un patrouilleur de 25 marins. La question identitaire n’est pas la même.

Les remaniements psychologiques d’une telle expérience mettent en jeu plusieurs acteurs : le sujet, les groupes, l’institution, et plusieurs dimensions environnementales : la séparation, les modifications sensorielles, l’équivalent de transplantation, le décalage spatio-temporel, les conditions de vie et le type de travail.

Le stress à bord d’un bateau de la Marine nationale est de deux ordres :

- le stress « chronique », permanent, routinier, stress de l’attente et de la séparation, lié à la longueur de certaines missions, aux contraintes quotidiennes de la vie collective (postes de 75 marins, bruits, sommeil difficile…)

- le stress « aigu », avec la survenue , sur un fond de ritualisation quotidienne , d’évènements qui surprennent parfois le marin malgré la répétition quotidienne d’exercices de mise en condition : un début d’incendie, une alarme blessé, un hélitreuillage, un sauvetage en mer, un crash hélicoptère, des conditions climatiques difficiles…

Au contraire d’un embarquement de courte durée, le marin ne peut faire l’économie de l’adaptation et de l’habituation. Huit jours de mer peuvent se gérer entre parenthèses, en attente , d’un retour ad intégrum quand le bateau retrouve le quai, et ne remettent pas en question l’identité du sujet.

Quand on part plus longtemps, et donc souvent plus loin, il faut alors accepter plus ou moins consciemment de perdre une partie de son identité propre pour commencer à se fondre dans la dimension groupale. Elle est inévitable et de plus souhaitable. C’est le groupe qui sert alors de support identitaire et de prothèse compensatrice dans les moments où les repères matériels et affectifs habituels semblent trop loin. Le groupe représente alors la continuité et la sécurité, alors qu’il représente également une des principales difficultés d’adaptation (vie en collectivité, absence d’intimité, 75 dans un poste de 110m²…). Le marin s’identifie alors à un ou plusieurs groupes : le bateau dans son ensemble quand il est en escale, le groupe hiérarchique ou un service en mer, ou encore un groupe restreint de quelques marins. Les mécanismes de fonctionnement des groupes amènent à la projection vers les autres groupes des mauvais objets, à des phénomènes d’illusion groupale et à la création d’une vie groupale instituée, marquée par exemple par des traditions très fortes qui vont lier les membres du groupe. Le groupe fonctionne alors comme s’il était un individu, ne tolérant pas les écarts de ses membres ou les failles. Il est à la fois soutien lors des longues périodes de mer, permettant au marin d’éviter les trop longs moments de dysphories dépressives dûes à l’éloignement et à la séparation, et en même temps si exigeant que l’individu n’a qu’une seule possibilité, accepter toutes ses exigences. Ceci explique que la question identitaire du marin embarquant longtemps soit centrale pour le bon fonctionnement du navire.

Les choses ne sont cependant pas si simples en réalité et l’individu fluctue habituellement entre l’acceptation soumise de n’être qu’un membre du groupe et les tentatives de réhabilitation identitaire indispensables pour conserver la sensation forte d’être avant tout un individu qui se sait unique mais qui reconnaît la nécessité de la compensation groupale. Après quelques semaines, l’équilibre se réalise, surtout si le groupe vit, c’est-à-dire n’est pas une simple entité inerte ballottée seulement par les flots et le vent. La vie à bord des bateaux de la marine nationale se distingue sans doute de beaucoup d’autres types de navires par une vie institutionnelle riche, de forte traditions et des objectifs modérateurs de stress : la mission du bâtiment souvent valorisante pour le groupe, l’impression d’aventure et de vivre une expérience hors du commun, le voyage et les escales.

Dans ce contexte, l’identité du marin et l’identité du groupe doivent trouver des espaces communs et la dimension corporelle devient fondamentale. Le marin accepte une certaine emprise de l’institution sur son corps (obéissance, attitudes, uniformisation) et l’espace corporel est en quelque sorte le lieu de rencontre de l’individu et du groupe. Ce que le sujet comprend à son arrivée dans le groupe, c’est qu’il peut utiliser son corps pour s’exprimer, se montrer, se valoriser, tout en servant le groupe, et ceci est une extraordinaire défense face à l’acculturation qu’il vit brutalement lors de l’embarquement, surtout pour les plus jeunes. Le paradoxe est alors que le sujet défaillant est parfois amené à exprimer sa souffrance par l’intermédiaire de ce corps, et la pathologie fonctionnelle et psychosomatique représente un des grands modes d’expression de la plainte du marin. Plusieurs explications sont possibles : mise en valeur du corps, confrontation corporelle permanente, seuil de tolérance psychiatrique bas dans l’armée, expression émotionnelle retenue des marins, situation de transplantation, régression… Une autre hypothèse paraît pertinente : l’identité historique du marin. La profession de marin est une de celle qui possède la plus riche et la plus ancienne histoire. Il existe un lien presque généalogique entre les marins de tous les temps. Le marin ne s’est jamais plaint dans l’histoire, malgré des conditions d’existence extrêmement dures et pénibles , et cette caractéristique semble avoir traversé les siècles pour se retrouver chez la plupart de nos marins, quel que soit la branche.

En fait, il existe un décalage culturel, inscrit dans une continuité historique, entre ce que dit le marin et ce qu’il ressent, qui semble à la fois une défense personnelle (se protéger de l’invasion de l’autre) et collective (ne pas contaminer le groupe).

Cela n’empêche pas les plaintes d’insatisfaction, comme ont pu nous le révéler des entretiens aléatoires lors de cette campagne de six mois et lors d’autres embarquements: le marin est et a toujours été, qu’elle que soit le type de marine, un être ambivalent, appréciant sa condition et le voyage, tout en se plaignant de la séparation et du mode de vie, souvent sans en faire part autour de lui pour ne pas contaminer le groupe.

La grande majorité des marins en difficulté psychologique relataient un ou plusieurs évènements significatifs dans les semaines précédant le départ ou durant la campagne (mésentente conjugale, maladie, décès…). Il s’agit d’une des grandes caractéristiques de cette situation embarquée de longue durée : l’impossibilité pour l’individu de gérer un problème ou un événement survenu à des milliers de kilomètres, dans un autre espace spatio-temporel, avec un vécu de culpabilité et d’impuissance, qui amènent bon nombre de marins à ne souhaiter recevoir que des nouvelles positives durant leurs campagnes. L’identification au groupe (ou à un sous-groupe) ainsi que le caractère recouvrant et protecteur de l’institution, permettent à l’individu de vivre une expérience jugée plutôt enrichissante, et dont, en tout cas, quelques années plus tard, ils conservent un souvenir positif, malgré les difficultés.

Dans certains cas, le débarquement est alors un moment difficile, source d’une crise identitaire à la dimension de la forte identification groupale et institutionnelle , d’autant plus que les embarquements ont été nombreux. Le groupe de vie terrien lui est parfois étranger, les habitudes se sont prises sans lui pendant si longtemps, le débarquement laisse un sentiment de vide. Les décompensations dépressives sont fréquentes, mais la crise est souvent compensée par une sorte d’addiction au souvenir, mêlée de profonde nostalgie, avec participations à des associations d’anciens marins et commémoration ritualisée du souvenir »

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