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Un conflit très actuel: 1792-1799


Tancrède
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A force de rabâcher la situation syrienne, je ne peux m'empêcher de penser que ces conflictualités que les superHyper analystes qualifient de nouvelles, de "quatrième génération", de "troubles d'Etats faillis", de "contre-insurrection", de "basse intensité" ("guerre civile contrinsurrectionnellement bassintensitaire, quatrième du nom" pour résumer en un seul truc).... Mélangeant à mes yeux des modes d'actions et des natures de conflit, confondant les échelles à mon avis parce qu'on s'est historiquement trop focalisé sur cette notion un peu artificielle de "grande guerre" (celle entre nations organisées au sens moderne) qui en est venue à englober tout le champ de la guerre si bien que tout ce qui n'en ressort pas.... N'a plus vraiment d'endroit où se mettre et ne peut plus être analysé correctement sinon par une surabondante littérature de pros et non pros ne parvenant pas à se mettre d'accord, et sans qu'aucune grille de lecture homogène puisse dégager des façons correctes d'aborder (en tout cas en occident) de tels problèmes qui recouvrent aujourd'hui l'essentiel de la conflictualité mondiale. 

Donc je retourne à la source, pour l'époque contemporaine, avec cet Etat failli qu'est la France, déchirée par une guerre civile larvée dès l'inception de son grand changement de 1789, divisée entre quelques grandes factions portant chacune leur tendance à une radicalisation extrême, créant ses populations de migrants (plus des citadins, les conditions d'alors limitant les possibilités de migrations de masse des ruraux et habitants de villes petites et moyennes -de l'intérieur du pays en tout cas), avec déjà une armée d'opposants hébergée et soutenue par des pays voisins et souvent hostiles, et un tas de gouvernements étrangers regardant les événements d'un mauvais oeil. A l'intérieur, que d'instabilité: dès le début, un dirigeant, dynaste héréditaire qui vit mal le changement et ne sait pas réagir correctement aux événements (mais il a pas de moustache, donc c'était pas forcément un mauvais bougre), des factions révolutionnaires qui ne peuvent pas se piffrer, une opposition entre citadins et ruraux, entre centre et périphérie, une période de disette dont le pays commence à peine à se remettre, et un système qui ne tient plus, politiquement, socialement et fiscalement. 

De là va suivre quasiment un quart de siècle de guerres continuelles à une échelle jamais vue en Europe. Mais mon point est ici de nous attacher à la période des guerres de la 1ère coalition, soit en fait la naissance et l'enfance difficile de la 1ère République, avec pour but un peu avoué de prendre de la distance par rapport à la situation syrienne (et à d'autres actuelles ou récentes.... Ou probablement à venir) pour voir que ces choses suivent des schémas en grande partie similaires, loin des images d'Epinal qu'on peut souvent en avoir. Dans la situation française des années 1789-92 à 1797-99, on peut trouver maints points de comparaison pertinents pour dégager les ingrédients et aléas d'un type de conflit qu'on s'attache aujourd'hui à croire si nouveau ou si exceptionnel, et qui a en fait toujours existé.

Je prends cette période qui commence avec la Révolution (début du changement d'équation géopolitique) et les prémisses de la guerre (jusqu'à son déclenchement), et qui s'étend jusqu'à la fin de la 1ère coalition (fin de la possibilité de prise de Paris et d'imposition d'un gouvernement sous tutelle) ET le coup d'Etat du 18 brumaire (stabilisation du pouvoir en France), parce qu'elle recouvre la période de fragilité où tout est possible, où l'espace français peut emprunter beaucoup de chemins différents (éclatement en plusieurs entités, partage en zones d'influences ou dépeçage pur et dur, restauration monarchique, autoritarisme dictatorial ou collectif/idéologique, guerre civile continue....). 

 

Bon, là je suis en train de rafraîchir mes connaissances (me suis pas penché sur cette période depuis un petit bail).... Mais que pensez-vous de l'analyse de cette période exceptionnelle? Il serait à mon sens pertinent d'essayer d'aborder le sujet sous l'angle de vue des différents pays étrangers qui se sont lancés dans la partie; il est moins question de faire parler le cocorico intérieur pour départager des méchants et des gentils, mais de voir les mécanismes à l'oeuvre qui président aux prises de positions et aux décisions de toutes les parties (celles en France -nombreuses- et celles à l'étranger -encore plus nombreuses) et d'en parler comme on essaie de parler sur le topic de la guerre en Syrie, histoire de déranger nos mécanismes de pensée inculqués à l'Ecole et forcément très biaisés pour ne voir la chose que sous un angle, et avec un mode de récit un peu univoque et lénifiant hérité d'un siècle et demie d'historiographie un tantinet orientée (quand on parle de manuels scolaires). Il est question d'intérêts des différentes parties dans et hors de France, de visions sur la paix et la sécurité, de droit/devoir d'ingérence, de maintien de gouvernements existants ou de soutien au renouveau (voir la position de l'Angleterre et les débats à Londres entre 1789 et 1793), l'émulation de l'exemple français ailleurs (Pologne, Irlande, Antilles), de radicalisation constante des factions dans le pays problématique et de durcissement de l'opposition extérieure.... 

La recomposition de l'armée française, par ailleurs, est l'un des meilleurs terrains d'analyse, tout comme l'évolution de l'opposition à la République par différents adversaires français, dans et hors du pays. L'évolution radicale du corps des officiers, les bouleversements du recrutement et les crises que cela suscite (l'un des points qui a failli enterrer la Révolution), l'improvisation à tous les échelons (des unités essentielles au ministère), le Grand Amalgame, la politisation des commandements, les liens pouvoir-armée (avec des méthodes très daéchiennes à certains moments), le volontariat étranger..... Tout est révélateur: ce qui marche, ce qui ne marche pas, ce qui fait que telle chose marche ou non, quelles sont les conditions requises.... 

Je reviens vite, faut que je révise la période:rougitc:. Désolé si le sujet est mal posé, mais plus j'étais sur le fil Syrie, plus ça me démangeait tant la comparaison revenait toujours plus fréquemment. Y'a quelque chose à gratter (en même temps que parler d'une période concentrée de réformes militaires accélérées, bonnes et mauvaises) pour, comme toujours, éclairer le présent à la lumière du passé, fut-ce celle d'une vieille chandelle. 

Modifié par Tancrède
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C'est une période très importante pour l'histoire militaire. C'est quasiment le début des guerres "de masse" avec des armées vraiment importantes. En plus des effectifs impressionnant, il faudrait aussi rajouter, que ces effectifs sont restés important malgré les pertes.

A mon avis, on est pas loin de parler de la première guerre "industrielle". A cette période on a vu la généralisation des armes à feu et avec des armes à feu assez facile à utiliser, ça voulait dire qu'une armée de "débutants" (des appelés, presque de la chaire à canon) est aussi performante qu'une armée de professionnels. Par contre on a un coût assez important (pour l'achat des fusils puis pour l'entraînement des militaires) qui impose d'avoir une base économique/financière assez solide pour soutenir une armée.

La France de la fin des années 90 a aussi traumatisé les autres pays qui n'ont pas compris comment un pays en guerre civile est arrivée à vaincre des armées plus nombreuses.

Suite à cette période (et la période Napoléonienne), les autres pays (surtout la Prusse) ont réformés leurs armées.

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bonsoir,

il y a certainement des parallèles intéressants entre les conflits actuels et la situation militaire de la France révolutionnaire, mais ce n'est quand même pas comparable globalement.

Entre 1792 et 1799, la France est confrontée principalement à des opérations militaires "classiques" de l'époque à ses frontières, armées contre armées. Les évènements intérieurs, aussi dramatiques, meurtriers et horribles qu'ils soient, ce rattachent plus aux révoltes populaires précédentes qu'à la guerre civile syrienne actuelle. La modernité est dans l'étude des objectifs et des méthodes pour reprendre le contrôle d'un territoire gagné par une contestation armée. D'ailleurs si on pouvait tordre le cou à cette idée colportée trop souvent qu'il existe une omerta totale sur les massacres subis par l'ouest de la France aussi bien dans la manuels scolaires que dans la production historique française, ce serait déjà un bien.

Politiquement, là encore il aurait plus de points commun avec la révolution russe qu'avec la crise syrienne. A qui pourrait on relier Assad ? Louis XVI ? Robespierre ?

Pour le côté industriel, entre le salpêtre raclé dans les caves et la différence de mobilisation entre l'an II et 1914 (750 000 hommes pour 26 millions d'habitants contre 3.8 millions d'hommes pour 41 millions d'habitants) parler de guerre industrielle me semblerait prématuré à cette époque. Par contre l'organisation de l'effort de guerre, la rationalisation, l'organisation du commandement dénotent par exemple d"indéniables éléments de modernité, par exemple.

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J'entends bien, mais l'aspect "guerre de masse" ou le débat "guerres de la révolution, des guerres totales avant l'heure?" n'est pas trop l'angle sous lequel j'essayais d'aborder le sujet. Ma faute, je l'ai pas assez bien cerné. Mais ces aspects, on les a traité ailleurs et ils sont aujourd'hui plutôt du rabâchage, voire même des lieux communs. 

Entre 1792 et 1799, la France est confrontée principalement à des opérations militaires "classiques" de l'époque à ses frontières, armées contre armées

Et en Syrie aujourd'hui, c'est quoi? Des armées contre des armées. Plus le temps a passé, moins elles ont été des levées improvisées, et aussi mal entraînées qu'elles soient par rapport à des critères otaniens, aussi dépareillées qu'elles soient, fondamentalement, les armées de la Révolution (et des débuts de la Révolution russe, j'avais aussi l'exemple en tête) présentaient nombre des mêmes problèmes et évolutions. La vieille armée de ligne, déjà un peu malmenée par plusieurs années de sous financement et par la fuite d'une bonne partie de ses cadres qualifiés, ne composait qu'une part minoritaire des troupes mises en marches, et ce d'autant plus qu'il fallait la répartir sur plusieurs fronts pour espérer donner un minimum de solidité aux autres troupes qui ont du être rameutées par divers moyens et dispositifs avant qu'une formule de conscription relativement satisfaisante puisse être trouvée (ce qui n'arrive pas réellement avant 1794-1795): entre les miliciens contractuels d'un an de 1790-91, les bataillons de volontaires inefficaces, les levées plus ou moins en masse inefficaces.... Il y a eu beaucoup de tentatives, et contrairement à l'image d'Epinal, il a fallu du temps avant de pouvoir faire quelque chose, et encore plus avant de cesser d'avoir des pertes massives pour des résultats au mieux moyens. 

Mais plus encore quand on se penche sur l'analyse de la période, du conflit et de la France à cette période via le prisme de l'armée, la question même de la conscription fut un des problèmes majeurs, et il faut cesser de voir la dite période comme on en a l'habitude, cad ce que disent en la survolant les manuels d'histoire: cette seule question de la conscription -et de son absence dans un premier temps- a causé une guerre civile (et de multiples situations contre insurrectionnelles en différents endroits) en parallèle de la guerre extérieure, a bien failli ne pas passer, et pendant plusieurs années, tout ce qui a séparé la France d'une évolution à la syrienne, ce sont quelques succès militaires (cad quasiment le hasard), à l'intérieur comme à l'extérieur, là où le régime bacharien s'est lui planté. 

Je récuse fortement la vision de cette période comme reposant sur un seul affrontement de nations, parce que précisément à ce moment, la France est un bordel sans aucun référent institutionnel solide ou un appareil d'Etat très développé. Il y a un gouvernement plutôt provisoire jusqu'au Directoire (corrompu et inefficace, mais premier élément de stabilisation ayant un début de consensus derrière lui), et diverses factions en son sein qui ont tendance à se rentrer dedans brutalement par incapacité à s'entendre même sur le minimum: quand les Girondins, et avec eux les zones rurales non monarchiques et les villes petites et moyennes, sont écartés (et qu'ils rejoignent les fédéralistes), c'est de facto une couche supplémentaire de guerre civile, qui s'ajoute à l'opposition aux monarchistes/religieux (qui sont eux aidés par l'étranger), le tout se surimposant aux conflits aux frontières qui incluent aussi des contingents français (l'armée des émigrés, ou "armée des Princes"). Ces derniers pourraient, si on regarde la chose avec des yeux non français, être "l'opposition syrienne modérée", là où les Chouans (de l'ouest, du centre et du sud est), Vendéens, réfractaires de tous styles et autres opposants sont les factions intérieures sponsorisées par des puissances extérieures (on va limiter la comparaison, sinon l'Angleterre va devenir l'Arabie Saoudite, et nos Vendéens un peu bigots seront le front Al Nosrah).  

Plus le conflit dure, plus effectivement le jeu devient un affrontement de nations et plus strictement de la "grande" guerre classique, mais dans la période charnière, en fait plus entre 1791 et 1795, je vois pas du tout la chose comme ça. L'armée aux frontières ne représente pas la nation (même si évidemment c'est ce que la propagande du vainqueur -républicain- imposera après coup), et plus la faction qui a le plus de pouvoir (les Montagnards, rapidement, aux dépends de la "Gironde" et de la "Plaine", qui ne sont pas juste réduits à l'opposition au Parlement, mais exclus, persécutés et donc astreints à une opposition armée), soit celle qui vient graduellement à dominer le régime insurrectionnel très instable qui essaie de prendre le contrôle du pays. 

En ce sens, je comparerais plus la situation à la position actuelle du régime bacharien, face à l'extérieur et face au reste de son propre ex-pays; à ceci près que le régime, d'abord entré en conflit avec sa composante monarchiste modérée (les radicaux ayant fui avant le début du processus politique) qu'il fait fuir, puis avec sa composante "décentralisatrice" et les modérés républicains (qu'il fait fuir aussi pour en faire des opposants armés), a connu plus de succès militaire. Mais l'historiographie des manuels scolaires nous a faire rentrer dans le crâne une vision a posteriori où cette évolution était au final dans le cadre d'un Etat et d'un territoire restant monolithiques, d'une population en majorité passive ou enthousiaste, d'une démarcation ennemis-amis assez nette, d'un pouvoir bien en place quel que soit son occupant.... Alors que tout cela est justement faux. Ce qui est d'ailleurs bien pourquoi le 9 Thermidor fut un moment si capital: fut-il advenu autrement, la guerre civile totale (et l'éclatement complet du pays) aurait été une réalité. C'est quand même la période où les combats entre factions politiques sont des batailles rangées au canon dans les grandes villes de France et où chaque idée qu'elles ont du gouvernement est supportée par des troupes militaires, miliciennes et de volontaires/militants. Au même moment où les opérations dans l'ouest (Vendée, Bretagne, Anjou, Maine, Normandie....) voient des effectifs militaires se comptant en dizaines de milliers, incluant des contingents anglais débarqués (le débarquement de 1795, ce sont 20 à 25 000 fantassins anglais et vendéens, par exemple). 

Tout ce qui différencie la chose de la situation syrienne, c'est la plus grande réussite à quelques moments clés du régime. 

 

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Analogie passionnante qui j'espère fera naître un débat fourni !

Pour apporter de l'eau au moulin, je souscris à la non-nouveauté d'un conflit dit "de 4e génération", de fait et de tout temps et dans toutes les cultures ce genre de choses est d'une banalité affligeante, qu'il soit le fait d'une "grande Jacquerie" qualification que j'ai vu passé sur le fil Syrien et qui est un des facteurs d'explication de la guerre civile syrienne (en France en 1789 dans les faits, on arrive de la même manière à la fin d'une période un peu tendue sur les récoltes), ou qu'il soit le fait d'une révolte de nobles (ou d'une faction à l'intérieur d'un régime politique), d'une guerre religieuse ou d'une fraction séparatiste qui fait dégénérer le conflit en affrontement général.
A cette haune, la guerre de sécession pourrait parfaitement être considérée comme telle (si ce n'est que les confédérés manquent d'appuis extérieurs, la France et la GB n'intervenant pas).

Là ou l'analogie s'arrête à mon avis c'est sur la différence fondamentale des structures des pays, la France de 1789 est déjà un Etat partiellement légal-rationnel avec des une classe moyenne émergeante qui conteste un fonctionnement conçu par une élite nobiliaire qui ne parvient pas (plus en fait) à se réformer pour diriger une société de plus en plus complexe où elle a perdu sa justification première et sa légitimité, mais devient aussi marginale dans la nouvelle économie, restant repliée sur une situation de rentes, entretenues par des privilèges fiscaux hallucinant (assimilable à des subventions ou à ce qu'on appellerait aujourd'hui des déductions fiscales). Les socles idéologiques du clan dirigeant en 1789 sont largement sapés (légitimité des armes, religion ou possession matérielle).
J'ai précisé plus haut qu'elle ne parvenait PLUS à réformer le pays, de fait il est patent que le projet millénaire des capétiens a doté le pays de structures autrement résilientes que le piteux système clientéliste et les réseaux de loyautés quasi féodaux que Bashar et son clan rapproché ont pu mettre en oeuvre. J'ai tendance à penser que la révolution n'est qu'une continuation d'un processus déjà bien entamé qui butté sur un reliquat (la noblesse et son système idéologique, ses privilèges) qui aurait tout à fait pu être réformé pour un coût raisonnable si les circonstances avaient été un peu plus favorables (défaites militaires dans les guerres du XVIIIe, échecs économiques en outre-mer, manque à gagner pour l'économie nationale due aux dits investissements outre-mer, endettement, creusement des inégalités trop rapide, système financier inepte ...).
Je pense que le pouvoir Syrien n'avait, de par sa propre nature pas ce type de capacités, à moins de voir Bashar être l'humaniste qu'il était promis à être, mais j'ai tendance à penser qu'il aurait été immédiatement remplacé par son propre clan et/ou aurait été balayé par une opposition en manque de culture de partage du pouvoir (c'est à dire ce qu'on appelle la culture démocratique). Sa société est profondément inégalitaire, il y a un décalage urbain/rural  mais aussi ethnico-religieux, indépassable dans une région où l'idéologie que forme l'interprétation Sunnite de l'Islam reste pré-éminente, seule alternative crédible au pluralisme autoritaire et légèrement séculier du pouvoir. En France en 1789 le christianisme est toujours important mais n'est plus l'alpha et l'oméga du logiciel idéologique, y compris dans les élites conservatrices qui se sont construit en sécularisant le pays.

Ce constat s'applique à l'armée. Je pense que le choc de 1791-1795 n'est surmonté que parce que la structure préexistante de l'Armée Royale, sans être intacte, reste raisonnablement opérationnelle et forme un creuset capable à la fois d'affronter l'ennemi extérieur, de développer la force dont le pouvoir très centralisateur a besoin, ne serait ce qu'au quotidien pour se maintenir, ou pour affronter les troubles internes. Beaucoup d'officiers de Napoléon par exemple sont déjà officiers de l'armée royale à des grades inférieurs, et c'est quand même en somme bien l'essentiel, le personnel "nobilier" au haut commandement ne me paraissant pas avoir montré des capacités particulièrement impressionnantes. Les officiers roturiers vont dans un système plus ouvert rapidement monter (pas toujours au talent malheureusement) mais la sélection naturelle dans la durée fait pas mal le tri, et il y a de sacrés ratés pendant cette première période, mais comme tu le soulignes Tancrède, ils ne sont pas critiques car le pays a les capacités pour encaisser, gagner du temps et se remettre. On peut objecter qu'à terme la révolution coute une blinde au pays et à toute ces ressources préexistentes (et c'est le cas), mais ça marche relativement dans le cas français.
La Syrie elle n'a clairement pas ça. Au début du conflit une armée de caserne qui serre essentiellement à faire fonctionner une partie de la clientèle et contrôle beaucoup de terrains (j'hallucine en me baladan sur wikimapia sur le nombre d'installations militaires, ce pays est plus densément équipé en base que la Corée du Nord) et une petite garde de prétorien chargés de protéger le régime.
Les années 2011-2012 du conflit correspondent d'ailleurs plus à un grand foutrac indescriptibles qui voit la SAA s'effondrer sur elle même et pédaler dans la semoule pour empêcher l'insurrection de s'étendre (ce que l'année 2013 lui permet à l'ASL de faire, avant de se faire niquer par l'EI).

Bon je suis loin d'avoir tout dit mais j'y reviens :)

Modifié par Berezech
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Ce constat s'applique à l'armée. Je pense que le choc de 1791-1795 n'est surmonté que parce que la structure préexistante de l'Armée Royale, sans être intacte, reste raisonnablement opérationnelle et forme un creuset capable à la fois d'affronter l'ennemi extérieur, de développer la force dont le pouvoir très centralisateur a besoin, ne serait ce qu'au quotidien pour se maintenir, ou pour affronter les troubles internes. Beaucoup d'officiers de Napoléon par exemple sont déjà officiers de l'armée royale à des grades inférieurs, et c'est quand même en somme bien l'essentiel, le personnel "nobilier" au haut commandement ne me paraissant pas avoir montré des capacités particulièrement impressionnantes.

Je commence par le point sur l'armée. Oui, beaucoup d'éléments et de cadres de quasiment tous niveaux demeurent, de même qu'un effectif d'environs 100 à 150 000h qui, malgré 2 à 3 ans de sous financement (1789-1792) et d'un certain niveau de bordel, ainsi qu'une fuite assez massive de cadres moyens et hauts (qui fragilise cependant beaucoup les échelons tactiques, en plus du sous-entraînement), reste un outil qui a un capital acquis (humain et matériel), une administration, une organisation territoriale et un appareil pré-industriel derrière lui (nettement moins touché par l'émigration par une plus grande domination de la bourgeoisie dans ces fonctions). Cet outil est cependant très loin du meilleur de sa forme et miné par la désertion et l'incertitude (notamment sur les loyautés) quand la Révolution commence, et encore plus dans les années qui mènent au conflit. 
De plus, faut pas oublier que les premières années du conflit sont un moment d'épuration constante des hauts cadres restants, moins pour raisons politiques que pour raisons techniques; ils foirent, et l'urgence rend en plus l'épuration très indistincte, quasi aveugle, saquant par réflexe. 

Parce que justement, si on évite de se fixer sur le résultat qu'on connaît, à savoir l'armée révolutionnaire qui accumule les victoires de façon de plus en plus soutenue au point de devenir l'outil le plus au point du continent, on peut arriver à visionner ce qu'est cette armée dans les 4-5 années charnières où tous ces futurs grands officiers vont être formés AVANT de devenir ceux qu'on connaît. Et c'est là justement que tout tient, selon moi, pour ce sujet: aucun des succès ultérieurs n'est écrit dans le marc de café, aucun de ces grands officiers n'est vraiment très grand dans ces années là. Car ces années là sont un brouillon sanglant, où chaque progrès est payé au prix de pertes inhumaines (surtout pour l'époque) et d'une sélection impitoyable des cadres de tous rangs (opérée par la mort au combat, les occasions, et le saquage assez peu compétent et très moyennement militaire). Et on sous-estime ainsi, parce qu'on connaît ce qui suit, ce bordel assez terrifiant d'où de nombreuses autres possibilités auraient pu émerger, si tel résultat avait été un peu différent à tel moment ou à tel autre. Ce furent 4-5 années de fragilité extrême, et le fait que la suite ait été celle qu'on connaît fut tout sauf logique et dans la droite ligne des réformes militaires pré-1789 qu'on met souvent en évidence comme une des sources évidentes et obligatoire du succès ultérieur.

Et ce temps d'apprentissage qui a offert des opportunités de changement dans l'appareil militaire et la conduite de la guerre n'a été gagné qu'au prix d'un bain de sang invraisemblable, fourni par la masse de volontaires et de moins volontaires que les régimes provisoires pris ensemble sous le nom de "1ère république" ont envoyé au casse pipe, par force, par propagande ou par instrumentalisation d'un patriotisme débridé qui était encouragé et boosté sans vergogne (suivant les cas et les groupes). Bref, on a refilé de la viande au hachoir pour que le conflit continu: là où les Anglais ont le luxe de la Manche et les Russes celui d'une énorme superficie vide (ou presque) de population et très hostile, entre eux et l'Europe, la France n'avait que des poitrines pour gagner du temps. 

En somme, les mêmes ingrédients auraient pu aboutir à des résultats TRES différents: effondrement total, motivation qui s'effondre face à trop d'échecs et/ou trop de divisions et de conflits au sommet, insurrections et factions armées ayant un peu plus de succès ou un peu plus de coordination ou d'appui extérieur.... Pendant ces 4-5 ans, l'espace qu'est la France n'a pas plus de raisons de rester uni que de continuer et de produire les résultats que nous connaissons. 4 à 5 ans, c'est le délai, par ailleurs, que je vois sans arrêt (j'arrive pas à trouver le nom de la théorie qui va avec) pour le temps de résistance/résilience d'une population dans une telle situation: s'il n'y a pas de résultats au bout de ce temps, ça commence à contester sec et à se détacher par pans entiers, votant avec ses pieds.... Ou ses poings (souvent armés). 

Là ou l'analogie s'arrête à mon avis c'est sur la différence fondamentale des structures des pays, la France de 1789 est déjà un Etat partiellement légal-rationnel avec des une classe moyenne émergeante qui conteste un fonctionnement conçu par une élite nobiliaire qui ne parvient pas (plus en fait) à se réformer pour diriger une société de plus en plus complexe où elle a perdu sa justification première et sa légitimité, mais devient aussi marginale dans la nouvelle économie, restant repliée sur une situation de rentes, entretenues par des privilèges fiscaux hallucinant (assimilable à des subventions ou à ce qu'on appellerait aujourd'hui des déductions fiscales). Les socles idéologiques du clan dirigeant en 1789 sont largement sapés (légitimité des armes, religion ou possession matérielle).

La France de 1789 est un pays réellement sous-administré, où les distances sont grandes (en terme "d'espace temps" relatif aux délais de communication et transport, il faudrait la compter comme 30 fois plus grande qu'aujourd'hui -en oubliant évidemment en plus tous les moyens de communication en temps réels d'aujourd'hui) et les moyens de contrôle du territoire très limités (administration réduite, pas de police ailleurs que dans quelques grandes villes, et armée professionnelle très réduite en taille), le tout avec une diversité culturelle infiniment plus grande qu'aujourd'hui et un niveau de conscience nationale très inférieur à la Syrie de 2011 sitôt qu'on sort des villes grandes et moyennes. Entre le Béarn et le Dauphiné, il y a plusieurs mondes pour 90% des gens. Le roi est alors la seule figure unifiante, le seul référent national envers qui il existe une relation psychologique qui se surimpose un peu aux solidarités locales et aux hiérarchies traditionnelles, purement locales. 

Par ailleurs, pour ce qui concerne la noblesse, il faut souligner qu'elle n'est pas un phénomène monolithique, ni si sclérosé que ça quand on l'oppose à une "nouvelle" élite: la bourgeoisie s'empresse depuis longtemps d'acheter son passage dans les rangs de la noblesse (mariages et achats de charges vénales et de terres seigneuriales, envoi d'enfants vers des carrières anoblissantes -dont l'armée), si bien que l'ordre nobiliaire est tout autant impliqué dans la "nouvelle économie" que le reste de l'élite (déjà en grande partie parce qu'il détient une bonne partie du capital disponible ou du collatéral pour en avoir), et ce d'autant plus que les restrictions qui lui sont infligées ont tendance à le "mondialiser" plus que de raison (interdiction d'activités commerciales ou industrielles.... Sauf le "grand commerce" international et quelques activités à privilèges -genre fondre les cloches ou les canons). En 1789, les privilèges fiscaux sont exorbitants, coûteux et nuisibles à l'Etat comme à l'économie (au même titre que les statuts fiscaux et douaniers intérieurs qui atomisent le territoire sur le plan économique), mais ils concernent toute l'élite; la distinction est entre ceux qui tiennent le capital, en grande majorité nobles mais à un moment où cela veut dire de moins en moins (vu à quel point il est aisé pour qui a de l'argent de le devenir) hors des avantages fiscaux. Le thème de "l'élite sclérosée" est aujourd'hui largement invalidé; celui d'une élite qui concentre trop de richesses et d'avantages au point de devenir paralysante, lui, demeure. Sinon, la majorité de la noblesse était fauchée ou limitée à de petits domaines qui vivaient plus ou moins correctement, mais sans plus. Un peu le paysage des petites entreprises dans un espace économique où la polarisation des richesses est trop grande. Les privilèges de cette majorité de nobles (qui étaient aussi et souvent les officiers de justice, les administrateurs.... Au niveau local, de par le système seigneurial) n'étaient pas un poids démesuré, et étaient souvent plus symboliques qu'autre chose (armoiries et blasons, porter l'épée, avoir quelques signes extérieurs, avoir un pigeonnier et une tour....): vexants, pouvant être mal vécus, pouvant créer des abus, certes, mais au final, pas ce qui crée un boulet massif à la patte d'un pays (les privilèges fiscaux de la grande majorité d'entre eux ne pèsent pas lourd, parce qu'il n'y aurait pas grand chose à taxer: petits domaines aux faibles marges, vu l'évolution économique qui conduisent au niveau de polarisation capitalistique extrême de la période).

Les seuls endroit où cela posait vraiment problème étaient la justice (mais surtout pour les affaires foncières et commerciales d'importance) et l'armée. Dans cette dernière, la période précédant immédiatement 1789, et particulièrement le ministère de St Germain, fut le moment d'une vaste réaction nobiliaire (traduire "haute noblesse et sa clientèle") dans le corps des officiers et la gestion des carrières, en réaction au train de réformes ininterrompu qui suit la Guerre de 7 Ans, et amorcé par Choiseul. Le verrouillage des grades hauts et moyens, et de l'autorité sur la gestion de l'avancement, est le fait de l'après guerre d'indépendance américaine, une période très brève qui crée un rift entre pour le coup la vieille noblesse d'un côté, et la bourgeoisie et la noblesse "récente" (même la noblesse acquise par l'épée). 

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La France de 1789 est un pays réellement sous-administré, où les distances sont grandes (en terme "d'espace temps" relatif aux délais de communication et transport, il faudrait la compter comme 30 fois plus grande qu'aujourd'hui -en oubliant évidemment en plus tous les moyens de communication en temps réels d'aujourd'hui) et les moyens de contrôle du territoire très limités (administration réduite, pas de police ailleurs que dans quelques grandes villes, et armée professionnelle très réduite en taille), le tout avec une diversité culturelle infiniment plus grande qu'aujourd'hui et un niveau de conscience nationale très inférieur à la Syrie de 2011 sitôt qu'on sort des villes grandes et moyennes.

Oui il y a une dissymétrie entre le territoire à administrer et les moyens matériels qu'a l'Etat pour administrer. Mais il ne faut pas aussi perdre de vue que l'administration centralisée de la France à la fin de l'Ancien régime est une des plus avancées et des plus performantes du monde, enfin du monde dans sa conception occidentale. Quant à l'armée professionnelle elle possède tout de même près de 300 000 hommes pour une population de 28 millions d'habitants ce qui n'est pas si petit (certes le chiffre est théorique et la réalité plus proche de 250 000 mais ce n'est pas rien). Enfin je pense que tu exagères un peu sur le niveau de conscience nationale, qui malgré les différences culturelles marquées entre le nord et le sud du pays, existe bien. Mais c'est sur que si tu le compares au sentiment de consciences nationale de la fin du XIXème ou du début du XXème c'est sans commune mesure. Mais pour l'époque ce sentiment est bien présent, et souvent plus que dans beaucoup d'autres pays européens du fait de la centralisation monarchique très pousée.

 

Parce que justement, si on évite de se fixer sur le résultat qu'on connaît, à savoir l'armée révolutionnaire qui accumule les victoires de façon de plus en plus soutenue au point de devenir l'outil le plus au point du continent, on peut arriver à visionner ce qu'est cette armée dans les 4-5 années charnières où tous ces futurs grands officiers vont être formés AVANT de devenir ceux qu'on connaît. Et c'est là justement que tout tient, selon moi, pour ce sujet: aucun des succès ultérieurs n'est écrit dans le marc de café, aucun de ces grands officiers n'est vraiment très grand dans ces années là.

Bien d'accord avec toi, mais c'est un peu le propre des armées de s'aguerrir et de faire émerger des cadres et des hommes compétents au long du conflit. C'est un peu le forgeron qui le devient en forgeant! L'armée française est d'ailleurs souvent dans son histoire une des plus concernées par ce phénomène de monteée en puissance au cours des conflit. En 14/18 par exemple. Parce que structurellement nous avons toujours eu des problèmes à organiser et former en période pré-conflit des armées compétentes longtemps après le dernier conflit précédent. Notamment en raison d'une certaine sclérose administrative, technique et politique, de lutte politicienne fratricide, de manque de moyens.

 

Et ce temps d'apprentissage qui a offert des opportunités de changement dans l'appareil militaire et la conduite de la guerre n'a été gagné qu'au prix d'un bain de sang invraisemblable, fourni par la masse de volontaires et de moins volontaires que les régimes provisoires pris ensemble sous le nom de "1ère république" ont envoyé au casse pipe, par force, par propagande ou par instrumentalisation d'un patriotisme débridé qui était encouragé et boosté sans vergogne (suivant les cas et les groupes).

Mouais un bain de sang invraisembable ... faut pas pousser non plus. Si les pertes sont sensiblement supérieures aux guerres précédentes "en dentelle", on est quand même loin des niveaux atteints plus tard au XXème siècle. De 1791 à 1799 soit le temps des "conflits révolutionnaires" d'où émerge l'armée modèle et la masse des soldats, sous-officiers et officiers aguerris qui formeront le gros de l'armée de l'Empire, on compte grosso modo entre 350 000 tués. Soit environ 35 000 par an. Et ce chiffre regroupe les pertes au combat environ 25%, les pertes des blessés qui succombent à leurs blessures 25%, les pertes dues aux maladies de l'époque 25% et enfin les désertions et disparition 25% (chiffres simplifiés mais globalement l'ordre de grandeur est le bon). Quand on le rapporte à une population qui atteint en 1800 presque 30 millions d'habitants et à une armée qui mobilise entre 1791 et 1799 plus de 2 millions d'hommes, on relativise.

Les pertes augmentent donc sur les champs de batailles en raison du caractère plus féroce des conflits, au développement technique des armes, et un peu dans les rangs français en raison de l'inexpérience des conscrits et volontaires des premières campagnes. Quant à l'instrumentalisation des masses je pense que tu donnes beaucoup de pouvoir et de machiavélisme à des régimes qui en avaient bien moins que ca, qui se préoccupaient plus de se remplir les poches (sous le directoire) ou d'imposer un dogme révolutionnaire (comité de salut public). Que ces gouvernements pour se maintenir aient "surfé" sur ces sentiments patriotiques pour rester au pouvoir et gouverner (souvent à très courte vue et sans réel objectif de long terme) c'est certain, mais de là à avancer que les régimes successifs ont sciemment organiser et instrumentaliser les conflits aux frontières et les pertes qui en ont découlées bof ... Comme toujours la part est difficile à établir d'ailleurs entre "ceux qui y croient vraiment" et les "opportunistes" dans ces strates du pouvoir.

 

En somme, les mêmes ingrédients auraient pu aboutir à des résultats TRES différents: effondrement total, motivation qui s'effondre face à trop d'échecs et/ou trop de divisions et de conflits au sommet, insurrections et factions armées ayant un peu plus de succès ou un peu plus de coordination ou d'appui extérieur.... Pendant ces 4-5 ans, l'espace qu'est la France n'a pas plus de raisons de rester uni que de continuer et de produire les résultats que nous connaissons.

Et pourtant l'ensemble tient bon, et c'est de ce côté qu'il faut plutot chercher, car c'est là que repose l'élément intéressant du paradoxe. Alors que dans 9 autres cas sur 10 un effondrement serait probablement arrivé, la France tient bon, reste relativement unie et parvient à renverser la situation. Quelles sont les raisons qui sous-tendent ce succès? Car les raisons qui auraient pu mener à un effondrement, et qui sont à l'oeuvre en Syrie nous les connaissons globalement. A mon sens l'intérêt serait davantage de tirer de cet exemple les raisons qui ont mené au succès et dont nous pourrions tirer des leçons pour tenter de les appliquer au cas Syrien, par exemple, ou à d'autres.

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Je rejoins l'avie de Berezech. Vu l'atomisation (avant les evenements de 2011) de la société syrienne (qu'on a voulu voir comme un état mais qui n'etait qu'une nation artificielle faite de clientélisme tribal) le parallèle à mon sens va trop loin.

Si comparaison il peut y avoir (toute proportion gardée), ce serait avec la révolution iranienne, le semblant de guerre civile, le nettoyage par la terreur et l'intervention étrangère (ici l'Irak) avec comme contre pouvoir une assise mi religieuse mi nationaliste (pour faire le pendant avec l'assise mi républicaine mi nationaliste de la révolution de 1789).

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Oui il y a une dissymétrie entre le territoire à administrer et les moyens matériels qu'a l'Etat pour administrer. Mais il ne faut pas aussi perdre de vue que l'administration centralisée de la France à la fin de l'Ancien régime est une des plus avancées et des plus performantes du monde, enfin du monde dans sa conception occidentale. Quant à l'armée professionnelle elle possède tout de même près de 300 000 hommes pour une population de 28 millions d'habitants ce qui n'est pas si petit (certes le chiffre est théorique et la réalité plus proche de 250 000 mais ce n'est pas rien). Enfin je pense que tu exagères un peu sur le niveau de conscience nationale, qui malgré les différences culturelles marquées entre le nord et le sud du pays, existe bien. Mais c'est sur que si tu le compares au sentiment de consciences nationale de la fin du XIXème ou du début du XXème c'est sans commune mesure. Mais pour l'époque ce sentiment est bien présent, et souvent plus que dans beaucoup d'autres pays européens du fait de la centralisation monarchique très pousée.

 

Non, l'Angleterre est bien mieux administrée à cette époque, et bien plus maîtresse de son propre territoire: c'est un pays plus petit, moins divers, plus urbain et surtout beaucoup plus fiscalisé. Fait peu connu: l'impôt en Angleterre au XVIIIème siècle -et au XIXème- est bien plus lourd qu'en France sur la population, et pas seulement dans la période post-guerre de 7 ans avec une dette massive à rembourser. Comme la Hollande, l'Angleterre a pu contrôler et bien maîtriser (et mettre en valeur) son territoire nettement plus tôt que d'autres pays européens, ce qui lui a donné un grand avantage économique. L'exode rural y a donc commencé bien plus tôt, créant une civilisation urbaine plus développée, mais aussi plus prône aux phénomènes qui sont arrivés en France à partir des années 1760, pour culminer en 1789. Ce qu'on voit en France en 1789, c'est ce qui est arrivé en Angleterre sous Charles Ier au XVIIème siècle. J'aurais du commencer aussi là, pour la comparaison: l'Angleterre des années 1640-1650 entre aussi largement dans le champ de l'analyse, avec une typologie d'événements comparables, mais des résultats différents, liés aux aléas des choix, hasards, alliances et discordes des factions à l'oeuvre, et à ceux des combats. 

 

Par ailleurs, j'ai cité les chiffres: l'armée de terre en 1789, c'est 150 000h en théorie, et plutôt 120 000h en réalité (avec une fourchette basse possible à 100 000), pour ce qui concerne les troupes réglées. Et la milice, au système mis en question et à l'efficacité devenue très douteuse sinon comme système palliatif de recrutement dans l'urgence, est abolie en 1791. La création hasardeuse de la Garde Nationale courant 1791 se fait par essais balbutiants (la formule, essentiellement: volontariat, limitation à une campagne, service visant majoritairement la garnison), avec des résultats mitigés, et si elle rassemble un effectif correct, elle est au final loin du compte espéré quand vient la guerre, et très loin du niveau de qualification requis, tout en parasitant (meilleure paie, moins d'astreinte, durée limitée) l'augmentation nécessaire du recrutement pour l'armée de ligne qui, fin 1791, n'est parvenue qu'à 138 000h (dont une part accrue de bleus, nécessairement, ayant tout juste l'instruction de base), auxquels s'ajoutent les 80 000 gardes nationaux (101 000 en 169 bataillons étaient prévus) qu'on a alors grand peine à équiper. Quand commence la guerre en 1792, l'objectif fixé par l'Assemblée en janvier-février 1791 (suite au rapport Lameth) de 250 000h (150 000 soldats et 100 000 Gardes Nationaux) n'est pas atteint. Et le recrutement fut plus aisé en 1791, sous le coup de la forte émotion qui entoura la fuite du Roi, même si ce ne fut vrai que pour la Garde Nationale (un certain nombre de "vivre libre ou mourir".... Mais pour le temps de l'engagement, pas plus), dans la limite des chiffres indiqués (on reste, avec 80 000h, à un total limité) et surtout du fait des provinces frontières (surtout de l'est et du nord). 

Quand la Patrie est déclarée en danger (11 juillet 1792), soit déjà un moment d'urgence, les nouveaux objectifs d'avoir 450 000h de tous types seront vite hors d'atteinte, et ce qui est rassemblé n'est pas de bonne qualité, si bien que loin des images d'Epinal, les Gardes Nationaux et Fédérés ne seront pas ou très peu employés au front. Et les volontaires de cette années 1792 (objectif de 200 000h cette fois), qui remplacent ceux de 1791 dans la Garde Nationale, ne sont pas de la même eau, ce dont se plaignent les généraux. Les critères d'admission sont largement rabaissés (âge, taille, conditions de ressources, oubli de la nécessité d'être un citoyen actif -n'oublions pas qu'il y a alors plusieurs catégories de citoyens), et pourtant à l'arrivée, il manque plus de 80 000h, et ceux qui sont là ne sont généralement pas bons, pas en bonnes dispositions pour apprendre, ont trop peu de temps pour le faire, et sont mal équipés. De son côté, toujours pour les mêmes raisons, l'armée de ligne ne parvient pas à croître significativement. 

C'est à ça que ressemble la capacité à mobiliser alors que la guerre est déclenchée.

C'est aussi pour ça que je relativise fortement le niveau de patriotisme et de conscience nationale à cette époque, avant tout pour des raisons objectives assez simples: les différences culturelles ("français", c'est abstrait pour beaucoup de monde, beaucoup plus que le "païs" d'appartenance, la région; sujet du roi, avec qui il y a une relation psychologiquement directe, oui), mais surtout les niveaux d'éducation et d'éloignement par rapport aux centres urbains. Le patriotisme est une réalité de classes urbaines (des villes significatives), là où il y a plus d'instruction, de discussion, d'interactions et d'information (infos nombreuses qui se croisent, circulent vite, se confrontent....), là où la langue française est plus une réalité du quotidien. Mais aussi là où, dans la vie quotidienne, les libertés et droits promis peuvent prendre un peu plus de sens, là où la propagande et la déformation de l'info (notamment la soudaineté et l'aspect massif de la propagande anti-royaliste fin 1791) peuvent faire effet. 

Et cet aspect est à mettre en parallèle avec la sous-administration: les effectifs de l'armée, même s'ils avaient été de 300 000 en 1789, restent un truc assez ridicule quand on compare à la taille du territoire, surtout rapportée à l'espace temps de l'époque, et à l'extrême dissémination de la population qui reste avant tout rurale. 

 

 

Bon, la suite plus tard.... 

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Je crois que si la France "tient" notamment au moment le plus dangereux 1793-1795 c'est aussi en partie parce que la détermination de ses adversaires externe est assez faible. Leur but de guerre sont flous ou purement négatif (l'Angleterre a-t-elle même un réellement objectif qu'elle pourrait signifier clairement?) et ils n'ont pas vraiment la volonté de les atteindre ou pas prêt à payer le prix ce qui revient un peu au même. De plus la faction révolutionnaire restera relativement unie face aux étrangers /contrerévolutionnaire (chose qu'on peut aussi observer lors de la révolution Russe) même au plus fort de la guerre entre Montagnard et Girondin. C'est pas à un  hasard si la chute des montagnards à lieu après la victoire de Fleurus. Je n'ai pas l'impression que ce que Tancréde décris comme une nouvelle couche de guerre civile comme étant sur le point d'éclater soit une réalité à cause de cette conscience nette des gains acquis par la révolution qui sont en danger si l'envahisseur gagne.

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Et pourtant l'ensemble tient bon, et c'est de ce côté qu'il faut plutot chercher, car c'est là que repose l'élément intéressant du paradoxe. Alors que dans 9 autres cas sur 10 un effondrement serait probablement arrivé, la France tient bon, reste relativement unie et parvient à renverser la situation. Quelles sont les raisons qui sous-tendent ce succès? Car les raisons qui auraient pu mener à un effondrement, et qui sont à l'oeuvre en Syrie nous les connaissons globalement. A mon sens l'intérêt serait davantage de tirer de cet exemple les raisons qui ont mené au succès et dont nous pourrions tirer des leçons pour tenter de les appliquer au cas Syrien, par exemple, ou à d'autres.

Je rejoins l'avie de Berezech. Vu l'atomisation (avant les evenements de 2011) de la société syrienne (qu'on a voulu voir comme un état mais qui n'etait qu'une nation artificielle faite de clientélisme tribal) le parallèle à mon sens va trop loin.

Si comparaison il peut y avoir (toute proportion gardée), ce serait avec la révolution iranienne, le semblant de guerre civile, le nettoyage par la terreur et l'intervention étrangère (ici l'Irak) avec comme contre pouvoir une assise mi religieuse mi nationaliste (pour faire le pendant avec l'assise mi républicaine mi nationaliste de la révolution de 1789).

Attention; à aucun moment je ne dis qu'il n'y a pas de raisons pour que l'ensemble tienne bon. Je raisonne dans l'autre sens, précisément pour essayer de limiter l'impact de notre biais d'observateur rétrospectif, le danger majeur pour tout historien, qui donne tendance à survaloriser le fait que si les événements sont arrivés d'une façon donnée, c'est que c'est ce qui devait arriver, la seule chose qui pouvait arriver, ou au pire la chose qui avait de loin le plus de probabilités d'arriver. Cette façon de voir les choses minimise l'importance des autres facteurs et plus encore minimise, voire nie, la part de l'inconnu et du hasard, au profit dans ce cas français de ces idées ancrée dans nos tête que "l'ensemble français était solide et unifié", "la patriotisme tenait la population ensemble", "les institutions étaient développées".... Bref, tout ce qui dans nos manuels d'histoire nous a élevé en présentant la France comme un ensemble évident, qui de ce fait, depuis la Guerre de Cent Ans, en temps de crise, ne pouvait réellement se scinder, exploser.... C'est là du pur psychologique.

La France de 1789 a des fossés profonds, géographiques, culturels et sociaux, qui, sans la personne du roi, et en plus avec des idéologies de gouvernements plutôt poussées, voire radicales, n'en font pas un ensemble évident ou si solide que ça. Le patriotisme est alors une réalité très inégale, et pas forcément souvent profonde, et le contrôle du territoire est une chose limitée. L'un des plus profonds rifts induits par la Révolution, le jugement et la mort du roi, et le mode de mobilisation pour la guerre, réside dans le fossé ville-campagnes, un problème dans un pays de près de 30 millions d'habitants dont le taux d'urbanisation est alors inférieur à 10% (mettons 10-15% en plus pour les petites agglomérations ayant un certain niveau de fonctions de villes, articulant plusieurs territoires, à la croisée de routes significatives). Hors certaines zones spécifiques ayant une culture, une structure et/ou une histoire faisant plus pencher les campagnes vers la Révolution, il faut se rendre compte que celle-ci, au moins dans la manière dont elle s'est déroulée, fut avant tout faite au corps défendant de la majorité. Et que les antagonismes créés par elle se sont souvent surimposés à de plus vieux antagonismes parfois puissants (souvent régionaux: rancoeur contre Paris, autonomisme/indépendantisme régional, populaire et/ou nobiliaire ou de l'élite).

L'un des plus puissants facteurs de division, on l'oublie parce que nous n'avons même plus dans nos logiciels la capacité de comprendre à quel point il comptait dans l'esprit de la majorité du temps (plus encore dans certains endroits que dans d'autres), fut la religion, et ce particulièrement après le traitement qu'elle reçut de la part de la Révolution. Sans aller jusqu'à l'échelle espagnole (quoiqu'en Bretagne, en Vendée et dans d'autres régions, ce soit comparable), la constitution civile du clergé et la confiscation des biens d'Eglise, la fermeture du culte et la tutelle politique sur son exercice, l'imposition idéologique de la "Raison" élevée en déisme.... Furent des coups brutaux soulevant plus de haine que d'enthousiasme hors des villes importantes. Et là-dessus, la mobilisation des hommes pour la guerre fut un deuxième choc culturel et personnel d'ampleur comparable. La conscription universelle (ou s'en approchant) n'est JAMAIS dans l'Histoire un phénomène très accepté (à moins d'atteindre un certain niveau d'égalitarisme ET de temps pour s'implanter dans les moeurs, en plus de répondre à une nécessité bien comprise et acceptée par le plus grand nombre), et il est suprêmement difficile de l'imposer et de la maintenir. 
Encore une fois, il est difficile pour nous d'arriver à mesurer de façon satisfaisante l'impact réel de ces deux grands facteurs sur la France et les mentalités de l'époque: l'attachement religieux est à bien des égards et en majorité bien plus puissant que le patriotisme (ce d'ailleurs pourquoi l'autorité psychologique du roi, figure religieuse, est si puissante), et l'idée que le gouvernement puisse réquisitionner les hommes sans contrepartie et dans de telles proportions est complètement étrangère au mode de pensée du temps (à notre époque, et surtout aux USA, on utiliserait le vocabulaire de l'atteinte aux libertés individuelles les plus fondamentales et élémentaires). 

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N'oubliez pas de parler aussi des affrontement confessionnelle dans le Languedoc ou une partie des catholiques rejoignent la contre révolution contre une partie des protestants qui s'unissent à la Révolution. L'étude des archives marque bien cette division du Languedoc ou le Nord catholique et le Sud protestant (dit le "croissant huguenot") s'affrontent par des escarmouches et de simple bagarre de rue au cours des année 1791 à 1793. Le nœuds de l'affaire est comme vous le signalez la "Constitution civile du clergé" que les catholique de la région perçoit comme un affaiblissement dans une région marqué durant ce siècle par sa rivalité avec les protestants.

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N'oubliez pas de parler aussi des affrontement confessionnelle dans le Languedoc ou une partie des catholiques rejoignent la contre révolution contre une partie des protestants qui s'unissent à la Révolution. L'étude des archives marque bien cette division du Languedoc ou le Nord catholique et le Sud protestant (dit le "croissant huguenot") s'affrontent par des escarmouches et de simple bagarre de rue au cours des année 1791 à 1793. Le nœuds de l'affaire est comme vous le signalez la "Constitution civile du clergé" que les catholique de la région perçoit comme un affaiblissement dans une région marqué durant ce siècle par sa rivalité avec les protestants.

Oui, effectivement; j'ai pas pu tout citer, même si le Languedoc est l'un des points chauds pour le gouvernement de Paris, une zone de plus qui aurait vraiment pu basculer. D'ailleurs, dans le même registre de toutes ces oppositions armées que notre regard rétrospectif dressé par les manuels d'histoire (peu objectifs sur cette période) nous fait voir comme "emmerdants pour le régime mais pas dangereux pour l'unité du pays" (à grand tort), je signalerais aussi, parmi d'autres oppositions, le cas des journées de Vendémiaire en l'an IV (= octobre 1795), qui fut un moment très chaud pour les très républicains. C'est quand même un soulèvement des sections royalistes de Paris, mais qui sont à ce stade plus que les seuls royalistes tels qu'on les voyait encore quelques années auparavant: c'est toute l'opposition modérée/constitutionnelle (dont une bonne partie pour qui la ou les personnes incarnant l'exécutif ne sont pas le point le plus important) et moins modérée de Paris qui lance un assaut direct à force d'être écartée du gouvernement. Ils sont alors plus représentatifs de l'opinion, étant donné que la Convention se voit contrainte au "décret des deux tiers" (réservant d'office 2/3 des sièges aux Conseils -des 500 et des Anciens- aux anciens Conventionnels) pour maintenir sa majorité aux prochaines élections (les premières au vrai suffrage universel masculin), décret qui est rejeté dans 19 départements, mais surtout dans 47 sections de Paris sur 48. Paris, l'endroit où tout se passe et se décide, la tête de la Révolution, où les sections de la ville étaient, chacune, de petites assemblées représentatives avec un débat public, une organisation et un effectif de Gardes Nationaux issus de leurs rangs. 

Les 25 000h qui se lancent dans l'assaut sont donc non seulement un effectif plus que conséquent, mais sont surtout représentatifs de bien plus, et non un reliquat. Et c'est aussi la première fois que les officiels révolutionnaires ne font pas confiance à la Garde Nationale, jusqu'ici le socle de la Révolution, faisant venir l'armée régulière (5000 soldats) pour la répression du mouvement. Parce qu'en effet, une partie de la Garde Nationale Sédentaire parisienne (sédentaire étant les unités restant locales, contrairement aux "colonnes mobiles" que ces localité envoient à l'armée ou dans d'autres fonctions) se joint à cette troupe de protestataires, ce qui donne le pouls réel de Paris à ce moment (et d'une bonne partie de la France). La suite, c'est la répression elle-même, commandée par Barras et son adjoint Napoléon Bonaparte (secondé par Brune et Murat) qui tirent au canon (piqués par Murat aux sections) sur la foule qui assiégeait les Tuileries (siège des Assemblées), surtout devant l'Eglise St Roch, devenue le lieu de mémoire de l'événement. 

Croire que non seulement l'issue de cet affrontement particulier était écrit d'avance revient à gravement mal comprendre à quel point tout, même au sommet parisien, restait en balance. Une issue différente aurait pu amener un autre gouvernement aussi bien que lancer une guerre civile plus massive qu'auparavant, faite de blocs plus conséquents, équilibrés, et représentatifs de courants d'opinion profonds, donc capables de résilience. 

 

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Hum le résultat de l'affrontement en question n'étais sans doute pas écris à l'avance mais une victoire des insurgés aurait elle mené à une fin de la révolution? Le fait que la population parisienne soit massivement engagé dans l'insurrection donne la réponse je pense car elle était farouchement révolutionnaire dans sa majorité. Le fait que les royalistes aient su surfé sur le mécontentement est une chose, le fait qu'ils auraient put se débarrasser de leur aile "gauche" en est une autre. On peut en dire autant de la Garde Nationale qui est encore très fortement composé de Sans-culottes à ce moment, soit une faction plus révolutionnaire et plus "à gauche" que les montagnards.

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Attention à la méprise: sans culotte et Garde Nationale sont des entités en fait assez distinctes. Il y a des interpénétrations, mais globalement, la Garde Nationale a toujours été plusieurs crans au-dessus en termes de CSP, avec pour corollaire d'en faire une entité (aussi diverse soit-elle), nettement moins radicale, plus équilibrée politiquement, et plus farouchement légaliste. De leur côté, les sans culotte fonctionnent moins via les sections (où ils ont des représentations, mais ne dominent pas, sauf par la terreur à certains moments) mais plutôt par les clubs (où le son de cloche est nettement moins divers, puisqu'il s'agit souvent de rassemblements de gens de mêmes opinions) et ne sont pas militarisés: il s'agit en fait rapidement de professionnels de l'émeute et de la pression de rue, qui se spécialisent et se radicalisent très tôt pour devenir très peu représentatifs, et en fait plus des bandes de rues, syndicalistes sans cause autre qu'eux-mêmes et leur petite caisse de résonnance.... Mais au coeur de tout, et un instrument ultra militant au service des Enragés et des Jacobins (club où ils sont très présents quand il s'ouvre à un public large), qui disparaissent en fait du paysage politique et même des bagarres de rues après le 9 Thermidor. Ils ne sont regrettés par personne, et la fin rapide de leur poids politique résume assez bien le fait qu'ils n'avaient depuis longtemps quasiment aucun soutien populaire tant ils étaient devenus peu représentatifs dès 1793 et les débuts de la Terreur. La chute de la Montagne les a emporté aussi vite qu'ils étaient apparus. 

 

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Ils ont disparus oui mais pas si rapidement la "contre-terreur" les liquida durement mais justement l'épisode dont tu parles est celui ou il se manifesteront vraiment en dernier. Si la Garde Nationale est nettement séparés d'eux ils y ont une influence très forte longtemps (enfin après 1795 cette influence n'aura plus pour nom Sans-culotte) .

En ce qui concerne la "CSP" de la garde nationale elle a varié. Au début elle était nettement bourgeoise (1790) et les classes populaires en était carrément exclus. Plus la révolution avance plus les classes populaires y entreront et assez rapidement deviendrons le coeur de la formation sur lequel s'appuieront les factions les plus radicale de la révolution. La réaction ne "nettoiera" vraiment ses rangs qu'à partir du coup d'état de Bonaparte sur plusieurs années donc.

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Les Sans Culotte comme réalité sociale (autre que la désignation normale qualifiant les non nobles et non bourgeois) et force politique, c'est essentiellement 3 ans, de 1792 à 1795. 3 ans qui les voient passer de rassemblements plus ou moins spontanés de gens assez divers (professionnellement, socialement, politiquement) issus du petit peuple urbain, à des groupes permanents de professionnels de l'émeute (donc avec une forte part d'inactifs) payés par des factions politiques (en argent, en nature, en emplois plus ou moins fictifs, en charges diverses), ne représentant plus grand monde mais très informés, assez organisés, rôdés et sachant employer les moyens de la pression politique: pétition, manifestation, violence, intimidation, agit-prop, parasitage/noyautage des assemblées de quartiers, dénonciations via leur mainmise sur les comités de sûreté. Sociologiquement, ils ont ainsi rapidement beaucoup changé pour ne plus concerner qu'une population très spécifique: un peu comme nos syndicats militants actuels (par opposition au modèle syndical allemand), ils sont très vite un petit groupe ultra-politisé (parce que leur beurre se fait en politique) d'intérêt bossant pour lui-même en s'affichant comme défenseurs de l'intérêt général, et rencontrant peu d'écho. 

La Garde Nationale, qui était très interpénétrée avec les Sans Culottes au début (avant cette évolution) a suivi son propre chemin, en restant représentative de grands pans de la population urbaine (point important, donc, car elle n'a jamais représenté les campagnes, soit l'immense majorité de la population) et d'une certaine diversité sociologique, politique et professionnelle. Sa posture dans la crise du décret des deux tiers est en soi révélatrice de son évolution structurelle aussi bien que de la conjoncture difficile de cette année 1795. Mais l'influence des Sans Culotte y est mineure, ce dont témoigne leurs échecs répétés après le 9 thermidor, donc dès l'été 1794, essentiellement en raison de ce caractère purement extrêmiste qu'ils avaient vite pris et que la Terreur avait permis de développer exclusivement (procédé par lequel on devient vite un très petit club entriste: sélection des membres, critères serrés). Les insurrections foirées des 12 Germinal et 1er Prairial sont essentiellement l'aveu de leur impuissance et de leur absence de soutien au sein même des sections, dont ils ne bougent qu'une petite partie contre laquelle les autres se retournent, les épurations qui suivent ayant pour effet de réduire encore leur présence dans les sections et dans la Garde, sans que beaucoup de monde s'en plaigne. C'est dans ce courant de 1795 que la Garde redevient plus "bourgeoise", mais en fait plus représentative de la variété des populations, métiers, courants d'opinions et niveaux de richesse des villes (évidemment surtout Paris, pour la partie de la Garde Nationale qui pèse dans les changements politiques). 

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