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Le navire autonome pointe sa coque

Le transport maritime prend la vague des bateaux robots. Remorqueurs, vraquiers, porte-conteneurs, ferrys : les projets fourmillent. Certains armateurs en rêvent, les marins s’en inquiètent.

Le Monde | 23.11.2017 à 06h40 | Par Philippe Jacqué (Copenhague (Danemark)

En ce matin de novembre, la brume se lève à peine sur le port, dans le nord de Copenhague. Alors que les grues s’activent pour urbaniser les quais et créer le nouveau quartier tendance de la ville, sur les eaux froides, un ferry appareille. Alors qu’un bâtiment militaire battant pavillon français est à quai, le remorqueur Svitzer-Hermod, lui, s’agite dans les eaux froides scandinaves.

Il tourne sur lui-même, prend de la vitesse, évite deux petites embarcations sur son chemin, puis il s’avance et effectue encore plusieurs manœuvres afin de se positionner auprès d’un autre navire pour le pousser. Enfin, il fait un créneau pour accoster. Rien de bien extraordinaire a priori. En fait, si. Cela laisse pantoise la presse spécialisée du secteur maritime, invitée par Rolls-Royce pour la démonstration.

C’est que l’équipage n’a pas esquissé un geste. Le capitaine René Malmström a manœuvré le vaisseau depuis la terre, installé dans un des bureaux qui surplombent le port. Assis dans un confortable fauteuil, le « master » fait face à un mur d’écrans vidéo, qui présentent le panorama vu depuis le pont supérieur du remorqueur. Comme si on y était.

S’incrustent dans les images les « propulseurs » droite et gauche, en donnant leur orientation et leur puissance. Il est également possible d’insérer des paysages des environs, à tribord et à bâbord du vaisseau. A hauteur de sa main gauche, il dispose d’un écran radar. Au-dessus de sa tête, deux écrans présentent les images en temps réel issues des lidars (télédétection par laser) installés à bord du bateau, qui permettent même de voir en cas de brouillard ou la nuit.

A ses pieds, un écran présente une autre carte de situation du navire et son évolution. Enfin, à hauteur de sa main droite, les différents composants du navire. Outre un manche qui lui permet de barrer, le capitaine peut accéder à deux autres écrans pour contrôler d’autres paramètres du bateau. Bientôt, des micros lui permettront d’entendre les sons, et des capteurs de ressentir les secousses rencontrées par l’embarcation.

« Une prouesse »

« Contrôler à distance un tel navire est une prouesse, assure Oskar Levander, vice-président innovation de Rolls-Royce, et l’un des grands avocats des bateaux robots. C’est une étape essentielle avant d’atteindre l’autonomie complète d’un navire. Cela nous permettra de reprendre les commandes de la navigation à distance, en cas d’anomalie ou de manœuvre compliquée à l’abord d’un port, par exemple. »

A l’image des autres modes de transport, les bateaux prennent aussi la vague de l’autonomisation. Et l’industrie avance très rapidement. « Quand nous avons présenté notre vision de l’avenir en 2013, se rappelle Oskar Levander, nous pensions proposer un prototype de navire autonome au mieux en 2030. Désormais, nous pensons être prêts en 2020 pour une généralisation progressive entre 2025 et 2030… »

« franchement, peut-on imaginer sur la Manche ou sur le détroit de Singapour des bâtiments pilotés par quelques capitaines joueurs d’échecs installés derrière leurs écrans à terre ? »

De nombreux ingrédients de cette révolution sont en fait déjà disponibles : capteurs (radars, lidars, sonars, caméras…), géolocalisation et positionnement dynamique, cartographie satellite, plate-forme logicielle de collecte et de gestion de milliards de données, algorithmes d’intelligence artificielle et, bien sûr, connectivité par satellite.

Rolls-Royce et Svitzer, la filiale du premier opérateur mondial de porte-conteneurs Maersk, ne sont pas les seuls à pousser le concept. L’armée américaine travaille déjà sur des embarcations autonomes depuis plusieurs années, tandis que, dans le civil, de nombreux acteurs poussent les gaz.

« L’automatisation ne doit pas remplacer les hommes »

Ainsi, l’ingénieriste norvégien Kongsberg prépare trois projets de bateaux autonomes. En 2018, il devrait tester Hrönn, un vaisseau destiné à l’industrie pétrolière ou à l’aquaculture, développé en partenariat avec le britannique Automated Ship et le français Bourbon. En 2019, il veut construire, avec le spécialiste norvégien des engrais, Yara, un porte-conteneurs autonome et électrique, le Yara-Birkeland. Enfin, les études pour un ferry autonome ont été lancées avec les autorités norvégiennes.

Partenaire également de Hrönn, la société norvégienne de certification DNVGL, travaille également sur deux navires autonomes pour le transporteur Fjord-1. Ces bateaux robots seront testés dans les eaux norvégiennes. Le finlandais Wärtsilä se lance aussi dans la course. Cet été, il a piloté, au large de l’Ecosse, un vaisseau à partir de son centre de contrôle installé en Californie… Le Japon se positionne également. Nippon Yusen, 14e compagnie maritime du monde, prépare l’expérimentation, en 2019, du pilotage à distance d’un cargo de fret à travers le Pacifique.

Les géants miniers BHP Billiton et Rio Tinto, qui affrètent des centaines de vraquiers chaque année, annoncent déjà leur conversion au tout-autonome sous dix ans. Cette révolution pourrait entraîner une baisse des coûts du transport jusqu’à 22 %, selon les calculs de Rolls-Royce. Sachant que le transport maritime réalise un chiffre d’affaires annuel de quelque 1 500 milliards d’euros, avec près de 50 000 navires de commerce, les perspectives font rêver certains armateurs.

Mais la profession, qui compte 1,3 million de marins dans le monde, s’inquiète. En septembre, Paddy Crumlin, le président de la Fédération internationale des travailleurs des transports (ITF) s’est plaint de la campagne marketing agressive des grands acteurs du secteur. « L’automatisation ne doit pas remplacer les hommes », prévenait-il.

« Il ne faut pas forcément avoir une vision manichéenne »

« Si l’on regarde les coûts d’un bateau aujourd’hui, la part des salaires reste marginale, s’étonne Stephen Cotton, le secrétaire général de l’ITF. Les investissements nécessaires pour construire ces nouveaux bâtiments sont bien plus importants, et je ne vois pas vraiment comment ils s’en sortiront financièrement. » Et puis, ajoute-t-il, « le bateau autonome pourra être déployé sur quelques routes maritimes côtières ou fluviales, mais, franchement, peut-on imaginer sur la Manche ou sur le détroit de Singapour des bâtiments pilotés par quelques capitaines joueurs d’échecs installés derrière leurs écrans à terre ? Ce n’est pas demain la veille ! »

« Il ne faut pas forcément avoir une vision manichéenne, juge Oskar Levander. L’idée n’est pas de supprimer absolument les hommes des bateaux. Pour un vraquier, le passage au tout-autonome fait sens. Pour un porte-conteneurs, une présence humaine sera toujours utile en lien avec un centre de contrôle à distance, tandis que, pour un navire pétrolier, un bateau de croisière ou un ferry, il n’est pas indiqué de passer au tout-autonome. »

Une chose semble cependant sûre pour Oskar Levander, l’architecture des navires va évoluer grâce à l’autonomisation. A terme, la timonerie ou la passerelle, qui surplombent le navire ainsi que la zone de vie de l’équipage, vont disparaître. Grâce aux multiples capteurs, il sera possible d’installer une salle de contrôle connectée sous la ligne de flottaison ou à terre, ce qui laissera plus de place pour les matières transportées.

Cette vision radicale est loin d’être partagée par tous. « Avec ces tests, Svitzer ne cherche pas à rendre ses remorqueurs autonomes, mais à trouver des solutions pour améliorer la sécurité et la productivité de nos bâtiments, assure Leonardo Sonzio, son directeur général. On veut conserver nos équipages, mais leur donner de nouveaux outils. »

Questions de sécurité

« L’un des premiers attraits de l’autonomisation des navires, c’est la sécurité et la réduction du potentiel d’erreurs humaines, qui expliquent l’essentiel des pertes en mer, indique Oystein Engelhardtsen, membre de DNVGL. Comme dans l’automobile, la voie vers l’autonomisation passe avant tout par des systèmes d’aide à la navigation, qui réduisent les risques d’accident. Ensuite, les fleet centers [ces centres opérationnels de gestion des flottes de navires], dont disposent déjà de nombreux opérateurs, pourront conseiller plus avant le commandant à bord. L’autonomie sera réservée à quelques routes maritimes proches des côtes. »

L’histoire du navire autonome est encore à écrire, car beaucoup d’inconnues subsistent. Tout d’abord, il va falloir convaincre l’industrie navale d’adopter une production plus standardisée. Aujourd’hui, chaque embarcation fabriquée dans le monde est un prototype. Or, sans standard, impossible de créer des séries de cargos aisément pilotables à distance.

Et puis, il y a les questions de sécurité. Que faire pour empêcher des pirates de prendre un cargo ? Et en cas de tentative de prise à distance du contrôle d’un navire ? « On travaille à la cybersécurisation des connexions et protocoles, confirme Robert Oates, chargé de ce projet chez Rolls-Royce. Sans cela, il n’y aura pas de bateau autonome. »

Enfin, la réglementation, que régit l’Organisation maritime internationale, doit évoluer. « Les discussions sont ouvertes, mais il n’y a pas encore de consensus au niveau mondial », convient-on chez l’équipementier. Trouver un accord sera cependant long et difficile. La survie de la majeure partie d’une profession est en jeu.

 

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