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Marine Australienne: modernisations, acquisitions et exercices navals.


Philippe Top-Force
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Les enjeux de l’UHE pour la propulsion nucléaire des sous-marins

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Citation

Trois Etats utilisent aujourd’hui pour leur propulsion navale de l’uranium hautement enrichi (UHE) : les Etats-Unis, le Royaume-Uni et la Russie. Cela concerne des SNLE, SNA et pour les Etats-Unis des porte-avions. Cette utilisation est justifiée par l’efficacité accrue des réacteurs mais est critiquée pour ses conséquences en termes de prolifération et de sécurité nucléaire et du fait du stockage impliqué de vastes volumes d’UHE. En effet, le centre de recherche spécialisé sur les matières fissiles IPFM estime à quatre tonnes par an la consommation d’UHE liée à la propulsion navale. La résolution 1887 du Conseil de sécurité des Nations Unies, le Sommet sur la sécurité nucléaire de 2012 et le rapport final de la Conférence d’examen du TNP 2010 (Action 61 du plan d’action) ont appelé à minimiser l’utilisation de ce combustible. De nombreuses voix parmi la communauté de la non-prolifération préconisent une telle évolution, notamment lors du remplacement des classes existantes de sous-marins et de navires.

Ainsi, pour les Etats-Unis, un tel projet ne pourrait aboutir que pour la classe de remplacement des SNA Virginia, à partir de 2037. Il faudrait attendre 2055 pour les porte-avions et 2060 pour les SNLE car il est déjà trop tard pour modifier les réacteurs de la nouvelle classe de SNLE Columbia. Jugée désavantageuse en termes de coût et d’efficacité en 1995 dans une étude de l’Office of Naval Reactors, cette option avait été vue sous un jour plus favorable dans un rapport subséquent remis au Congrès en 2014 qui l’estimait faisable techniquement même si coûteuse. Un certain nombre de rapports ont réexaminé récemment cette question. Ainsi, en 2016, une étude a pointé la faisabilité pour la Marine américaine d’utiliser de l’uranium faiblement enrichi (UFE) ; mais a préconisé cette modification dans un premier temps sur les porte-avions en considérant que cela engendrerait une augmentation trop coûteuse de la taille des coques pour les sous-marins. Le rapport prévoyait un programme de recherche de quinze ans pour la construction d’un prototype, pour un financement à hauteur d’un milliard de dollars.

La même année, une étude partiellement déclassifiée du JASON commandée par le Naval Nuclear Propulsion Program (NNPP) de la Marine a étudié la possibilité de remplacer le UHE par du UFE grâce à une innovation technologique permettant de charger davantage de combustible nucléaire dans les réacteurs. Les scientifiques du JASON avaient mis en évidence plusieurs inconvénients à une telle conversion, notamment l’obligation d’augmenter la taille des chaufferies nucléaires ou de réduire l’énergie produite ; ou l’absence de main d’œuvre disponible dans les chantiers navals pour effectuer le rechargement à mi- vie du combustible. L’équipe recommande néanmoins au NNPP de procéder à des essais sur un prototype de réacteur hébergé par l’Idaho National Laboratory (INL)

.

La NNSA a décidé de se lancer dans cette expérimentation non seulement pour répondre aux interrogations des parlementaires sur le sujet, très actifs et à l’origine de plusieurs rallonges budgétaires sur les budgets envisagés

, mais également semble-t-il pour garantir la préservation de ses compétences et son savoir-faire en matière de conception de chaufferie, jusqu’à ce que la Marine commande un nouveau modèle de réacteur. Le projet retenu, à INL, doit fonctionner avec de l’uranium enrichi à 19,75%, juste en-deçà du seuil de l’UHE (20%).

En 2020, le Département de l’Energie a produit un nouveau rapport en coopération avec INL, Oak Ridge et Argonne National Laboratories

. Le rapport étudie des modèles de réacteurs pouvant convenir à l’utilisation d’une demi-douzaine de différents types d’UFE. Premier rapport d’étape sur les recherches effectuées, il permet d’en savoir plus sur les recherches en cours mais montre également que toute décision de changer de combustible serait un projet de très longue haleine.

La Navy se montre pour l’instant prudente sur l’intérêt de la manœuvre à long terme, et rechigne à utiliser les crédits mis à disposition par le Congrès. Ainsi, en 2018, l’administration a indiqué au Sénat avoir « décidé conjointement que les États-Unis ne devraient pas poursuivre la recherche et le développement (R&D) d'un système de combustible nucléaire naval avancé basé sur de l'uranium faiblement enrichi ». Une telle substitution aboutirait selon la Marine « à une conception de réacteur intrinsèquement moins performante, plus coûteuse et peu susceptible d’être compatible avec les réacteurs prévus pour durer sur l’ensemble du cycle de vie des sous-marins actuels. Le combustible UFE affecterait la disponibilité opérationnelle des ressources militaires en raison du ravitaillement nécessaire, et nécessiterait de nouvelles infrastructures importantes sur les chantiers navals»

. D’autres experts pointent d’éventuels problèmes additionnels liés à un tel changement. En particulier, le coût plus élevé lié à l’utilisation d’UFE, à la fois du fait de la modification des réacteurs, et de la matière elle-même, est soulevé. La complexité de distinguer une ligne de production UHE et une ligne UFE pendant la période de transition est également pointée. Au niveau technique, certains s’inquiètent des conséquences liées à l’augmentation potentielle de la taille des bâtiments, à la nécessité d’accroître le blindage neutronique des réacteurs, à la production de plutonium-239 à la fin de la vie du cœur nucléaire qui pourrait poser des difficultés de contrôle du réacteur ou encore au risque d’accident accru par chaque intervention au niveau du réacteur.

Si les inconvénients d’une modification du combustible utilisé par le Etats-Unis, et par ricochet, par le Royaume-Uni, ont été examinés, certains auteurs insistent sur les avantages opérationnels d’une telle mesure, en s’appuyant sur l’exemple français. En particulier, la présence d’une ouverture dans la structure du sous-marin permettant un accès par le dessus au réacteur dans le but d’effectuer le rechargement du combustible, est également utile pour largement écourter le temps requis pour des interventions de maintenance sur la chaufferie. De manière plus stratégique, l’utilisation d’UFE évite de poser la question de la production de matière fissile et notamment de la reconstruction d’infrastructure dédiée, une question que les Etats-Unis pourraient avoir à se poser lorsque leurs stocks d’UHE, issus des arsenaux d’armes nucléaires considérés en excès à la fin de la guerre froide, auront été épuisés

. Les stocks existant sont estimés pour une utilisation de 50 ans, et la dernière usine de production d’UHE a fermé en 1992. D’un point de vue des coûts, il est difficile au vu des informations rendues publiques de savoir si les coûts de R&D liés à la conception et la production de nouveaux réacteurs et à la production de l’UFE seraient plus élevés dans le long terme à ceux engendrés par la création d’une nouvelle unité de production d’UHE.

L’on peut également s’interroger sur la capacité de la marine américaine, si elle décidait de donner la priorité aux objectifs de non-prolifération et de sécurité nucléaire, de créer un précédent envers les futurs acteurs de la propulsion nucléaire mais également vis-à-vis des trois autres nations utilisant de l’UHE pour leurs réacteurs navals à savoir le Royaume-Uni, l’Inde et la Russie. Pour le Royaume-Uni, il est peu probable que Londres choisisse de s’éloigner des options retenues aux Etats-Unis, d’autant que des transferts de technologies ont récemment eu lieu entre les deux pays concernant le réacteur des futurs Dreadnought. Pour l’Inde, pour qui la maîtrise de ces technologies est relativement récente, il semble peu crédible que des projets existent pour déjà changer le combustible des réacteurs, même si, ceux-ci n’utilisant de l’uranium enrichi qu’à 40%, cela serait a priori moins difficile que pour les Etats-Unis ou le Royaume-Uni. Utilisant des technologies similaires, et prévoyant déjà un rechargement tous les 10 ans, la Russie pourrait également convertir plus facilement ses réacteurs, mais même si la Russie dispose de technologies de réacteurs fonctionnant à l’UFE pour certains de ses brise-glaces, il semble que les études des ingénieurs russes portent actuellement sur une utilisation d’un combustible encore plus enrichi pour accroître la durée de vie des réacteurs

. Pour ces quatre pays, des arbitrages doivent en effet être effectués entre sécurité, non-prolifération, performance des sous-marins (notamment en termes de manœuvrabilité et de durée d’autonomie) et une étude des coûts, de court et de long termes.

https://www.frstrategie.org/programmes/observatoire-de-la-dissuasion/enjeux-uhe-pour-propulsion-nucleaire-sous-marins-2020

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il y a 2 minutes, Non inultus premor a dit :

Sinon, a moyen/long terme, l'Australie disposera d'une flotte de 8 SNA, soit plus que la France, qui prétend jouer un rôle sur tous les océans du globe.

Cette affaire doit aussi nous interroger sur l'adéquation entre notre modèle d'armée et nos ambitions affichées 

On en reparlera dans 20 ans, mais avant de faire ce genre de comparaison il convient de s'attacher à regarder

-les missions

-les surfaces à couvrir

-la notion de sanctuaire à protéger

Les Australiens ne défendront pas les atterrages de Darwin comme nous pourrons quoique nous fassions défendre ceux de Tahiti

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il y a 4 minutes, Non inultus premor a dit :

Sinon, a moyen/long terme, l'Australie disposera d'une flotte de 8 SNA, soit plus que la France, qui prétend jouer un rôle sur tous les océans du globe.

Cette affaire doit aussi nous interroger sur l'adéquation entre notre modèle d'armée et nos ambitions affichées 

Après l'arrivée de SNA coréens, brésiliens...

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Il y a 1 heure, Non inultus premor a dit :

Sinon, a moyen/long terme, l'Australie disposera d'une flotte de 8 SNA, soit plus que la France, qui prétend jouer un rôle sur tous les océans du globe.

Cette affaire doit aussi nous interroger sur l'adéquation entre notre modèle d'armée et nos ambitions affichées 

On va attendre de les voir venir. 
ensuite tu oublies un peu vite, les 4 sous marins … comment ils s’appelent deja ? A oui snle ! Et chacun d’eux peut demolier plusieurs fois l’australie. 

Il y a 1 heure, mudrets a dit :

Après l'arrivée de SNA coréens, brésiliens...

Et indienne et probablement indo et grec. Cubaine si les usa continue ;)

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Pas vraiment le bon fil mais à mettre en relation avec l’Aukus. Effet kisscool en Suisse ? 
https://www.lemonde.fr/international/article/2021/09/19/apres-l-australie-et-les-etats-unis-des-relations-tendues-entre-la-france-et-la-suisse_6095238_3210.html 

j’ai l’impression qu’il y a eu une campagne greffage de c…lles en haut lieu. 

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il y a 19 minutes, casoucasou a dit :

Pas vraiment le bon fil mais à mettre en relation avec l’Aukus. Effet kisscool en Suisse ? 
https://www.lemonde.fr/international/article/2021/09/19/apres-l-australie-et-les-etats-unis-des-relations-tendues-entre-la-france-et-la-suisse_6095238_3210.html 

j’ai l’impression qu’il y a eu une campagne greffage de c…lles en haut lieu. 

Il y a surtout une campagne de fake puisque les 2 parties (si j’ose dire) ont infirmé la nouvelle.

 Sagesse maoïste dit-on:

Citation

Si un matin tu te réveilles avec 2 paires de ouilles, ne crois pas que tu es un surhomme et demandes toi plutôt qui est en train de t’... t’aimer, ça doit être ça :rolleyes:

 

Modifié par Hirondelle
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2 hours ago, Pakal said:

la vision de NI sur l'affaire:

Ne pas ignorer la complainte française pour éviter à tout prix que la France n'embarque l'Europe derrière elle contre l'Otan...

https://nationalinterest.org/feature/why-frances-anger-aukus-should-be-taken-seriously-194084

Il y a dans l'article une idée intéressante, pour traiter la partie "diplomatique" du conflit : inviter la France au "Quad" (club US / Inde / Japon / Australie). Ce sont que des pays amis de la France, cela remettrait la diplomatie française en selle dans la région, dans un club où la France pourrait se sentir à l'aise (ce n'est pas une alliance militaire, plus un club politique) et où elle serait légitime (ayant des territoires dans le Pacifique).

Il ne resterait plus qu'à trouver une réponse au préjudice économique.

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il y a 2 minutes, Fusilier a dit :

Je ne sais pas si les choses vont se calmer si facilement... 

Effectivement...

L’affaire des sous-marins australiens a eu une conséquence inédite : la ministre Brigitte Klinkert n’a pas participé samedi à Roderen à une cérémonie patriotique à laquelle participaient des représentants des États-Unis, d’Australie et du Royaume-Uni. La diplomatie de la chaise vide, du Pacifique au piémont alsacien.

https://www.lalsace.fr/politique/2021/09/19/roderen-la-ministre-brigitte-klinkert-boycotte-un-hommage-aux-allies

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https://www.theguardian.com/world/2021/sep/19/uk-france-defence-summit-cancelled-in-aukus-row

Des sources britanniques de la défense ont fait valoir qu'il appartenait aux Australiens d'annoncer la nouvelle aux Français, mais il semblait qu'il y avait des divisions à Canberra sur la meilleure façon de s'y prendre.

Bordel...

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