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La guerre en 1870


STNG
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Tout d'abord, désolé de jouer les rabat joie.  ;)

Tancrède tu as manqué mon point: je te fais confiance pour dire que les moyens humains existaient tout comme le matériel pour mettre en place une stratégie de non défaite (de toute manière je n'ai pas l'article en question sous la main mais c'est du factuel donc vérifié).

En revanche tu sous estimes la sclérose (le mot ne me semble pas trop fort) qui frappait le corps des officiers français en 1870. Par exemple il était impossible pour un officier de publier un livre sans l'accord du ministère, et de toute manière publier des livres était mal vu (mac mahon était célèbre pour rayer de l'avancement de tels officiers). Les exercices n'existent pas et la manoeuvre se découvre durant la campagne, avancement uniquement à l'ancienneté, faiblesse de l'éducation militaire, absence complète d'émulation et d'encouragement à la réflexion. Le maréchal Niel (pas celui de free et du minitel rose) a mis en place une réforme en 1867 mais il a commencé trop tard et est mort trop tot pour lui faire produire ses effets (dommage car ça aurait donné une vraie chance à l'armée française si il avait été en meilleure santé).

La stratégie que tu proposes est très séduisante sur le papier mais il est douteux que l'armée française de 1870 aie les moyens de la mettre en oeuvre (tout comme ta stratégie pour la première partie de la guerre). Le fait que les CA se soient stupidement faits battre en détail un à un et l'absence de plan démontrent précisément le problème, tout comme la première partie de la campagne passive et où on retrouve là encore l'absence de plan.

Certes la guerre commence à créer des (hauts) officiers expérimentés, mais d'une part c'est aussi le cas des armées allemandes qui accumulent l'expérience avec les victoires et n'ont pas elles perdu une grosse partie de leurs cadres dans la première partie de la guerre, d'autre part le délai est trop court pour une réforme de telle ampleur.

Je vais revenir sur tes exemples. En 1792-1793 la France ne doit sa survie uniquement au fait que Prusse et Autriche se concentrent en priorité sur le deuxième partage de la Pologne l'action contre la France étant secondaire. On peut remarquer que la France disposait d'une armée très bien préparée sous la monarchie ce qui a facilité les choses, malgré cela on ne peut pas dire que ces campagnes sont des exemples de commandement compétent: il faudra plusieurs années pour monter un outil seulement correct, puis plusieurs années encore pour voir émerger une supériorité (après c'est la période napoléonienne). En 1870 on ne dispose pas d'un délai ne serait ce que d'une année.

La Prusse post Iéna a disposé de six années pour se réformer de fond en comble après 1806, en 1870 on ne peut pas attendre six années même en ayant l'équivalent de Gneisenau et Scharnhorst comme généraux en chef!

En 1914-1915, le commandement français n'est pas extraordinaire par rapport à son adversaire mais le différentiel est bien moindre par rapport à 1870, par ailleurs la guerre rend les batailles décisives très difficiles à l'ouest ce qui aplanit les différences. En 1870 les batailles décisives restent possibles bien que les succès soient plus couteux qu'avant.

Outre le commandement, l'entrainement de la troupe est un point noir mais d'ampleur moindre, le premier problème reste le commandement et particulièrement le haut commandement qui est celui qui demande le plus de temps pour former des officiers compétents.

A mon avis, avec une meilleure stratégie pour la seconde partie de la guerre, les diverses armées républicaines se seraient faites battre en détail une à une sans pouvoir se porter secours, comme les armées impériales dans la première partie de la campagne, les allemands compensant l'infériorité globale par le surnombre local. Les pertes allemandes auraient été nettement plus élevées et la campagne n'aurait pas été une promenade, là aussi comme contre les armées impériales, mais le résultat final n'aurait pas changé sauf si un pays tiers s'était mis à devenir menacant envers la Prusse. Ce dont je doute dans le contexte diplomatique où la France est très isolée par la diplomatie de napoleon III, si la Prusse demande seulement l'alsace moselle ça reste acceptable pour les autres puissances selon les canons diplomatiques de l'époque.

Ne pas oublier qu'une majorité du travail du Grand EM prussien est le fait même de la mobilisation face à divers plans de contingences visant différents adversaires (mobilisation face à la France, la Russie ou l'Autriche essentiellement), et toute la stratégie, le timing et la planification qui en découlent, soit un stade du travail que le gouvernement provisoire de Gambetta n'a pas à faire, la mobilisation étant lancée depuis longtemps.

Le travail de l'EM général est bien plus important que la planification de guerres offensives et d'opérations logistiques complexes, il s'agit avant tout d'apprendre leur métier aux officiers à partir du commandement de division, à savoir manoeuvrer, savoir se coordonner, avoir une doctrine commune qui permette de prévoir à peu près les réactions des collègues, répéter sur le terrain ce qui a été déja fait plusieurs fois dans les exercices.

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travail de l'EM général est bien plus important que la planification de guerres offensives et d'opérations logistiques complexes, il s'agit avant tout d'apprendre leur métier aux officiers à partir du commandement de division, à savoir manoeuvrer, savoir se coordonner, avoir une doctrine commune qui permette de prévoir à peu près les réactions des collègues, répéter sur le terrain ce qui a été déja fait plusieurs fois dans les exercices.

Bien sûr, mais j'évoquais surtout la masse quantitative du travail que la préparation de plans de contingences et des différents scénaris de guerre (avec les dispositifs et organisations que cela implique) représente, masse à laquelle la majorité des effectifs et du temps de travail des EM généraux s'affairent, et qui conditionne la préparation et la formation des officiers généraux. Juste pour souligner que cette partie là du travail n'était plus réellement à faire pour un EM général français improvisé en 1870, et dédié en fait à un cas de figure unique, pratique, de proximité et dans une zone géographique très limitée et connue. Ca simplifie beaucoup de choses et ça limite sévèrement les besoins exigeants en masses d'équipes de travail organisé, ainsi en qu'en travaux profond de doctrine qui sont censés être des sommes de savoirs-faire et savoirs-être individuels et collectifs représentant des compromis de tout ce qu'on attend pour l'ensemble des scénaris de guerre envisageables.

A noter de plus que le commandement des unités de manoeuvre allemand était plutôt mauvais: offensif (ce qui fut un avantage en l'occurrence) parce que fait de généraux en fait analogues à leurs homologues français, à savoir qu'ils étaient formés à l'école napoléonienne (et pas dans le bon sens du terme), généralement désobéissants et fonçant au son du canon, ils ont fait massacrer des masses de soldats, se sont souvent exposés inutilement.... Offrant d'ailleurs l'une des vulnérabilités tactique et stratégique dont le gouvernement Gambetta aurait pu profiter, vulnérabilité que Moltke pointe du doigt sévèrement en jugeant sans appel ce commandement des échelons de manoeuvre, et particulièrement, outre le mépris face aux pertes catastrophiques, l'absence de coordination entre les chefs de corps qui se prennent tous pour des Murats (dont on sait que ses montures faisaient souvent preuve de plus de jugeotte que lui).

Et encore une fois, le travail d'EM nécessaire (pas idéal, juste nécessaire) côté français, outre adresser une zone circonscrite, doit s'orienter alors vers des objectifs au final limités pour obtenir la moins mauvaise paix possible. Pas écraser l'armée prussienne, pas même la chasser totalement du territoire. Et faut pas non plus noircir totalement le tableau: le côté français ne part pas de zéro. Il y a des équipes de travail qui sont parties à Blois et Tours ("centres nerveux" du gouvernement provisoire et de son effort de guerre), la documentation nécessaire (qui se rebâtit aussi au fur et à mesure que se met en place la "nouvelle" armée, soit l'avantage de partir de la "page blanche"), des routines, une motivation importante et attestée.... Alors oui, le corps des officiers d'EM est plein de tares, et beaucoup est à y redire, mais il faut aussi voir qu'il en a pris plein la face (ce qui, avec l'urgence, produit un effet d'émulation), qu'une partie est enfermée à Paris, que Gambetta l'a en partie apuré (y compris politiquement) et que beaucoup d'officiers promus et se faisant donc les architectes du redressement sont issus des services (pas des postes décisionnels moins neutres) et du "middle management", donc chez qui les tares sont moins prononcées. Il faut quand même noter que la non remise en cause du commandement et de ses erreurs d'avant guerre est aussi en grande partie le fait d'officiers et de "lobbies" internes de retour de captivité ou sortant de la réserve à laquelle la claque de fin d'été 1870 les a assigné. Bref, quand le danger est passé, ils la ramènent et cherchent à couvrir leur cul et leurs mauvaises habitudes en remettant celles-ci en pratique. Et bien des artisans et "petites mains" du redressement retournent au placard ou rentrent dans le rang.

Je vais revenir sur tes exemples. En 1792-1793 la France ne doit sa survie uniquement au fait que Prusse et Autriche se concentrent en priorité sur le deuxième partage de la Pologne l'action contre la France étant secondaire. On peut remarquer que la France disposait d'une armée très bien préparée sous la monarchie ce qui a facilité les choses, malgré cela on ne peut pas dire que ces campagnes sont des exemples de commandement compétent: il faudra plusieurs années pour monter un outil seulement correct, puis plusieurs années encore pour voir émerger une supériorité (après c'est la période napoléonienne).

J'ai manqué ton point? Là tu as manqué le mien (nanananèreuh) ;)! Je ne parle pas de former un "outil" fini et correct, juste de parer au plus pressé pour une campagne limitée et précise et d'obtenir un outil "suffisant" juste pour cette unique tâche afin de décrocher une paix aussi blanche que possible, même si elle peut au final être quand même qualifiée de défaite dans l'absolu (fin des hostilités, éviter une amputation territoriale, limiter les dommages à payer). Pour reprendre l'exemple révolutionnaire:

- en 1792, la vieille armée de ligne est quand même sérieusement entamée par l'émigration de beaucoup de cadres, la démission et/ou la désertion de pas mal de troupes, la division politique, la suspicion du nouveau régime, la réorganisation territoriale qui entretient pas mal d'incertitudes (valse de pas mal de régiments et surtout d'officiers).... Et plus de deux ans en sous-crédit, avec peu ou pas d'entraînement. Ajoute l'imposition du système des bataillons de volontaires qui entretient la mauvaise relation entre armée et régime: si le premier contingent, celui de "l'année bénie" 1790, a été bien accepté par la troupe, les suivants sont d'une qualité catastrophique et l'effet sur la troupe lamentable.

- Certes il faut attendre 1793-1794 pour qu'émerge un outil correct (dans les armées aux frontières, pas celles de l'intérieur), avec pour point final les amalgames de 1794 qui fusionnent définitivement bataillons de volontaires et unités de ligne dans les demi-brigades. Mais à ce stade, c'est un outil désormais supérieur à ses adversaires, soit pas vraiment ce que j'évoque pour parer au plus pressé dans la situation de la fin 1870. L'idée est de regarder plus ce qui permet les premier succès défensifs de 1792, et qui voit en fait une armée divisée, dont l'élément ligne, quoiqu'ayant encore des qualités, est qualitativement inférieur à l'adversaire (pas le cas en 1870) à ses adversaires par défaut d'entraînement, équipement insuffisant, fuite ou épuration d'une partie des cadres, suspicions de la nation.... Et l'élément de volontaires n'a que peu ou pas de qualités et ne s'accorde pas du tout avec la ligne. Et une armée dont l'élément de commandement est sur un siège éjectable permanent.

La valse des généraux en 1792 est radicalement impressionnante, et il ne faut pourtant que quelques mois pour que l'armée puisse parer à la menace immédiate (pas gagner décisivement, pas écraser l'adversaire, juste commencer à impacter le cours de la guerre et donc les calculs, options et choix de l'adversaire), en usant autant de ses quelques avantages que de ses nombreux désavantages. Lignes de com et ravitaillement courte, effectifs (même peu ou pas qualifiés).... Sont mis à profit pour dégager de la marge de manoeuvre  face à des adversaires mieux ou moins mal coordonnés, nettement plus professionnels et soutenus, mieux équipés.... Toutes les réformes amorcées sous la monarchie et que la Révolution développera, ne le seront en fait que plus tard, vers 1794-1795 (artillerie, son matos et sa doctrine, organisation divisionnaire, emphase sur les troupes légères, EM centralisé....): en 1792, c'est plus la démerde et ces innovations ne peuvent réellement être utilisées parce qu'il n'y a pas la troupe et l'expérience (chez le troufion comme chez les cadres) pour le faire.

Et en fait c'est là mon point: la rapidité du processus d'adaptation pour MAINTENIR le conflit et commencer à l'impacter dans un sens moins unilatéralement favorable à l'adversaire. Ca, c'était dans les cordes du gouvernement provisoire. Pour utiliser un exemple actuel et pas vraiment similaire, l'adaptation des talibans face à la coalition otanienne en Afghanistan est réellement impressionnante, l'année 2006 marquant une rupture nette en terme de début de reconquête; leur processus d'adaptation a commencé bien avant. Mais dans la situation de 1870, on parle d'adversaires dont les fondamentaux sont nettement moins éloignés, et pour lesquelles la situation opérationnelle nettement moins déséquilibrée (malgré le regard rétrospectif qui a tendance à présenter une Prusse/Allemagne outrageusement toute puissante).

utre le commandement, l'entrainement de la troupe est un point noir mais d'ampleur moindre

L'armée d'active (l'infanterie en tout cas) de 1870 est plutôt meilleure qualitativement que son homologue allemande: c'est la réserve qui pêche. Après, si tu parles des armées post-Sedan, oui c'est plus vrai, mais le différentiel eut pu être radicalement réduit en n'envoyant pas directement un CA formé au casse-pipe et en accumulant les unités. Déjà, les résultats obtenus au niveau tactique par ses CA sans expérience sont très impressionnants. Quelques semaines et mois de plus auraient donné des résultats nettement plus importants.

Quand au "maniement" de grandes unités, outre les points précédents, je souligne et rappelle les seuls objectifs immédiats qui auraient essentiellement, sur le plan opérationnel, consisté à créer du surnombre massif localement à une distance réduite (autour de Paris et dans l'est), ce qui justement était à la portée de l'effort de guerre du GP Gambetta vu la masse qu'ils sont parvenus à mobiliser et la faiblesse prussienne due à l'extension extrême de leur dispositif, particulièrement celui du siège de Paris. Je ne dis certainement pas que ça aurait pu être dans le grand style, sans cafouillages et en parfait accord avec le principe d'économie des forces, mais ça aurait pu se faire vu les effectifs réalisés (1,4 millions d'hommes) et si leur emploi dans le temps avait été autre, permettant de disposer de grandes masses de manoeuvre avec entraînement suffisant pour frapper des parties du dispositif prussien (étiré, fin, difficilement coordonné, au bout de longues lignes) autour de Paris en accord avec les troupes non négligeables dans Paris.

Dans le cours de la guerre, mettre hors de combat une armée prussienne, rompre même momentanément le siège de Paris (peut-être juste le temps d'un réapprovisionnement massif), infliger un bodycount important concentré dans le temps, aurait eu un impact majeur vu la situation prussienne d'une part, et la situation politique dans la proto-Allemagne en construction d'autre part. Avec en prime les calculs politiques/stratégiques d'une partie des dirigeants, Bismarck et Moltke en tête, qui veulent fuir comme la peste l'idée d'un conflit potentiellement long, des pertes élevées, le risque de voir Autriche et/ou Russie s'en mêler (juste commencer à remuer, même pas intervenir militairement), celui d'une occupation importante de la France (cher, potentiellement coûteux en hommes si justement la volonté de guerre française se maintient).... Toutes choses qui ne sont pas alors des secrets d'Etat mais des constats plutôt logiques et d'ailleurs en grande partie fait par le gouvernement provisoire.

C'est presque contradictoire, mais en fait non: le but d'une organisation militaire d'urgence relativement efficace dans cette occurrence, c'est juste d'obtenir une "meilleure défaite" ;). Rien que faire durer le conflit marche en ce sens, de même que harceler les lignes allemandes un peu partout, tout connement parce que Moltke n'a alors ni l'allonge, ni les moyens financiers, ni les effectifs pour conquérir une part si énorme du territoire (surtout tant qu'il y a un gouvernement provisoire adverse qui décrète que le mot d'ordre est de se battre) sachant qu'il est déjà en surextension à ce stade. De même, la Prusse ne peut se permettre un conflit long tant pour des raisons économiques (la mobilisation coûte très cher pour une économie qui n'est pas encore celle du 2ème Reich des années 1890-1900) que politiques (le crédit prussien chute à mesure que le conflit dure dans la sauce politique interne allemande cherchant à former une union) et surtout diplomatiques (Russie, Autriche et peut-être Angleterre ne voient pas l'émergence d'une grande Allemagne d'un si bon oeil que ça, surtout les 2 premières, et l'affaiblissement temporaire d'une Prusse mobilisée en France peut éveiller les appétits et envies de revanche).

Bref, la volonté politique, alors présente dans le GP français, si elle s'assortit d'une stratégie du minimum avec une conduite un peu plus focalisée des opérations, peut obtenir l'autre pilier d'une lutte continue, le dégagement de Paris, même temporaire afin de garantir aux Prussiens que le siège en durera très longtemps. En ajoutant un harcèlement des lignes à grande échelle et des mouvements inquiétant voire obtenant un succès à l'est, la coupe peut être très vite pleine pour les Prussiens qu'un conflit long endommage et surtout dessert énormément. Rien que l'incertitude sur une issue du conflit peut faire très mal à la direction politique prussienne politiquement.

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Juste pour souligner que cette partie là du travail n'était plus réellement à faire pour un EM général français improvisé en 1870, et dédié en fait à un cas de figure unique, pratique, de proximité et dans une zone géographique très limitée et connue.

Si tu prend la zone de combats orléans amiens belfort, c'est proche de la taille de la zone est pendant la première partie de la guerre.

Même autour de la région parisienne au sens large, l'espace n'est pas à ce point restreint qu'il interdise la manoeuvre (sauf pour l'armée de la commune bloquée dans paris intra muros).

A noter de plus que le commandement des unités de manoeuvre allemand était plutôt mauvais: offensif (ce qui fut un avantage en l'occurrence) parce que fait de généraux en fait analogues à leurs homologues français, à savoir qu'ils étaient formés à l'école napoléonienne (et pas dans le bon sens du terme), généralement désobéissants et fonçant au son du canon, ils ont fait massacrer des masses de soldats, se sont souvent exposés inutilement.... Offrant d'ailleurs l'une des vulnérabilités tactique et stratégique dont le gouvernement Gambetta aurait pu profiter, vulnérabilité que Moltke pointe du doigt sévèrement en jugeant sans appel ce commandement des échelons de manoeuvre, et particulièrement, outre le mépris face aux pertes catastrophiques, l'absence de coordination entre les chefs de corps qui se prennent tous pour des Murats (dont on sait que ses montures faisaient souvent preuve de plus de jugeotte que lui).

Au niveau tactique je suis entièrement d'accord pour dire beaucoup de chefs allemands sont médiocres (voire franchement mauvais), mais ce jugement s'applique aux deux camps (pendant la première partie de la guerre la France bénéficie de sa posture défensive, sous produit de la passivité du commandement supérieur). Personne ne sait mener des offensives efficacement au niveau tactique. L'armée française n'a pas de génie sur le plan tactique qui lui donne une supériorité importante en compensation (surtout avec autant de conscrits dans la seconde phase, c'est plutot l'inverse).

C'est plutot l'échelle grand tactique qui creuse l'écart (même si l'outil prussien est loin d'être parfait il est largement meilleur). Par ailleurs la mauvaise utilisation des ressources faite historiquement et l'absence de coordination des efforts francais est emblématique du problème.

Je vais prendre des exemples de batailles de la seconde phase:

Beaune-la-Rolande 9 000 prussiens l'emportent sur 60 000 francais (!)

Villepion 7 000 prussiens perdent contre 15 000 francais

Loigny 35 000 prussiens l'emportent sur 90 000 francais

Bapaume 18 000 prussiens contre 33 000 francais, pas de vainqueur clair mais la tentative de sauver paris est bloquée

Le Mans 50 000 prussiens l'emportent sur 150 000 francais, l'armée de la loire de dissout dans la poursuite

Villersexel 15 000 prussiens contre 33 000 francais, victoire mineure francaise sans lendemain

Lisaine 52 000 prussiens repoussent la tentative de percée de bourbaki avec 152 000 hommes, bourbaki perd son armée dans la retraite

St quentin 33 000 prussiens l'emportent sur 40 000 francais, nouvel échec de faidherbe à sauver paris avec des pertes importantes

Cela me rend pessimiste sur les chances de victoires de l'armée francaise malgré des rapports de forces souvent largement favorables en apparence.

J'ai manqué ton point? Là tu as manqué le mien (nanananèreuh) ;)! Je ne parle pas de former un "outil" fini et correct, juste de parer au plus pressé pour une campagne limitée et précise et d'obtenir un outil "suffisant" juste pour cette unique tâche afin de décrocher une paix aussi blanche que possible, même si elle peut au final être quand même qualifiée de défaite dans l'absolu (fin des hostilités, éviter une amputation territoriale, limiter les dommages à payer).

D'accord sur le niveau d'effort d'organisation considérable du gouvernement républicain qui est au moins à mettre à son actif.

Si on veut obtenir une paix favorable et ne pas être rebattus, une menace sur les arrières de la Prusse est cependant obligatoire car l'armée française ne peut pas l'emporter seule et après des premières batailles sanglantes une fois épuisée elle risque la déroute dans la phase de retraite d'autant plus qu'elle est constituée massivement de conscrits (comme dans les batailles classiques le gros des pertes s'y produit, de bons exemples étant l'armée à bourbaki et la seconde armée de la loire). Il y aura plus de pertes de part et d'autre mais une fois le pays épuisé par les pertes rien n'oblige les prussiens à négocier une meilleure paix (pendant la première guerre mondiale les plans de paix sont au contraire devenus de plus en plus durs à mesure de l'augmentation des pertes), sauf à voir le risque de s'ouvrir un second front contre l'Autriche probablement ce qui obligerait les allemands soit à battre la France très vite (difficilement réalisable), soit à évacuer vers une ligne de repli retardatrice dans l'est.

Seulement je ne vois pas dans le contexte diplomatique de signe d'une volonté d'entrée en guerre d'un nouvel allié, la diplomatie désastreuse de napoleon III (un des pires dirigeants de l'histoire de france) a terriblement isolé la France en se mettant à dos la quasi totalité de l'europe. A commencer par l'allié évident autrichien qu'on a combattu au lieu de le soutenir et qui a un très mauvais souvenir de l'unification italienne et l'absence de soutien en 1866, la guerre de crimée inutile qui a vexé les russes, le soutien à l'Italie qui s'est alliée à la Prusse ensuite. Une demande de l'alsace moselle est considérée comme acceptable pour l'époque, comme Napoleon III aurait pu demander la rhénanie en cas de victoire.

Le contexte de 1792-1793 n'est pas le même car d'une part l'armée française a su préserver le territoire national et ne pas perdre la grande majorité de son active (je passe sur les volontaires affectés à l'intérieur et nuls comme tu le dis), d'autre part l'Autriche doit gérer le partage de la pologne occupée par des armées prussiennes et surtout russes importantes avec un risque sensible de voir s'ouvrir un second front (donc ne peut pas se permettre de laisser trop de plumes sous peine d'être complètement exclue de ce coté). Pour les prussiens en 1871 un second front a peu de chances de voir le jour du fait de l'excellent travail diplomatique de Bismarck (et de la nullité de napoleon III), ou il faudrait donner des sources qui l'indiquent car je n'en connais pas.

L'imagerie associée à l'esprit de 1793 a été nuisible au long terme car elle a fait croire qu'une armée peut s'improviser au dernier moment et fait négliger une préparation sérieuse de la guerre alors que la survie en 1792-1793 est un gros coup de chance.

En cas de harcèlement sur le territoire et de refus de l'armistice même après la seconde défaite des armées régulières, les prussiens seraient passés aux représailles sur la population civile.

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  • 1 month later...
  • 1 year later...

1870-1871: l'armée des Vosges et les trois batailles de Dijon

Place du 30 octobre, rue Bossack, avenue du Drapeau, avenue Canzio sont des noms plus ou moins familiers pour les habitants de Dijon. Pourtant les événements et les personnes, tous liés à ce traumatisme national que fut la guerre de 1870 auxquels ils font référence sont largement oublié. Oublié aussi que la ville a élu député le 8 février 1871 le champion de l'unification italienne, le chef de l'expédition des Milles, le général Giuseppe Garibaldi alors commandant de l'armée des Vosges. L'historiographie a aussi largement négligé le rôle de la région dijonnaise lors de la guerre de 1870-1871. Si Sedan, Reichsoffen, Gravelotte, Bazeilles sont des lieux de bataille toujours bien identifiés, il n'en est pas de même pour Dijon où Allemands et Français se sont affrontés à trois reprises

La Bourgogne est en effet une région clef dans l'affrontement qui s'amorce après la défaite de Sedan entre les forces allemandes et celles de la jeune IIIe République. Elle constitue un verrou qui commande l'accès à la vallée de la Saône et donc à Lyon mais surtout au bassin de la Loire où Gambetta réorganise l'armée de la République. En clair, si la Bourgogne tombe, disparaît tout espoir de retourner la situation et de prendre enfin l'avantage sur l'Allemagne.

L'oubli dans lesquelles sont tombées les trois batailles de Dijon a des origines éminemment politiques. A l'exception de la première bataille de Dijon en octobre 1870 les deux suivantes sont conduites par l'armée des Vosges, une armée qui au lendemain de l'armistice sent le soufre. Pour la France de l'Ordre moral elle est une abomination puisqu'elle rassemble les volontaires étrangers venus se mettre au service de la République, à l'image de son chef Garibaldi et de ses chemises rouges. Ces révolutionnaires et anticléricaux qui forment une Brigade internationale avant l'heure sont largement calomniés par les proches de Thiers. L'armée des Vosges si elle rassemble de nombreux étrangers compte pourtant dans ses rangs une majorité de Français organisés dans des corps de francs-tireurs. Cette seconde caractéristique est une tare dans la France vaincue puisqu'elle rappelle aux militaires leur incapacité en 1870, humiliation d'autant plus forte que que ces francs-tireurs et étrangers ont obtenu lors de la troisième bataille de Dijon une belle victoire contre les Prussiens. Et ce sont ces militaires qui, après 1870, prennent la plume pour écrire l'histoire de la guerre, négligeant ou minimisant le rôle de l'armée des Vosges et des combats de Bourgogne, tendance toujours perceptible dans l'historiographie française comme le montre la dernière grande synthèse de qualité parue sur la guerre de 1870, celle de Pierre Milza en 2009.

Source:

http://lautrecotedelacolline.blogspot.com/2013/06/1870-1871-larmee-des-vosges-et-les.html

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Pour revenir sur la "trahison"de Bazaine il semblerait néanmoins qu'il ne soit pas tout bleu.

Le refus de porter secours à l'armée qui se bat à saint Privat est un acte d'une grande stupidité non? Si il avait porté ses coups nul doute que  l'armée prussienne aurait été stoppé permettant de reprendre l'initiative.

En tout cas un article des timbrés de l'HISTOIRE DE FRANCE lui consacre un article et il en prend pour son grade. . .

J'ai lu quelque part qu'au commencement la France comptait attaquer directement la Prusse en envoyant un contingent de 30 000 hommes cela aurait il changer quelques choses?

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  • 9 years later...

D'ou l'expression consacrée "Ça tombe comme à Gravelotte"

La chose est assez connue car dans le manga "Baltzar" de Nakajima Michitsune, on a un passage qui s'inspire de cette évènements sauf que c'est une unité de cavalerie qui se fait décimé par une petite unité d'infanterie qui ont combiné les barbelés et des mitrailleuses de type Montigny. Le mangaka résume assez bien l'utilisation et l'impact de cette arme dans une bataille, le manga est assez généreux sur ces aspect techniques dans une bataille.

Modifié par Rochambeau
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Le 31/08/2022 à 10:24, Rochambeau a dit :

D'ou l'expression consacrée "Ça tombe comme à Gravelotte"

La chose est assez connue car dans le manga "Baltzar" de Nakajima Michitsune, on a un passage qui s'inspire de cette évènements sauf que c'est une unité de cavalerie qui se fait décimé par une petite unité d'infanterie qui ont combiné les barbelés et des mitrailleuses de type Montigny. Le mangaka résume assez bien l'utilisation et l'impact de cette arme dans une bataille, le manga est assez généreux sur ces aspect techniques dans une bataille.

Toutefois après 1870, il a été considéré que ces résultats meurtriers étaient surtout dus aux fusils Chassepot, les mitrailleuses Reffye n'étant vues que bonnes à brasser de l'air.

La question n'a été reconsidérée par l'armée française que vers 1898-1900, où leur effet dévastateur sur l'infanterie a été mieux perçu.

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  • 5 months later...

Un commentaire du Figaro sur le k'article suivant me semble intéressant :

https://www.lefigaro.fr/vox/histoire/1870-la-defaite-de-la-pensee-par-stephane-faudais-20230225

GRAND DÉCRYPTAGE - La débâcle de l'armée française face à la Prusse est le fruit d'une terrible défaite intellectuelle.

 

PBa
le 25/02/2023 14:59

Il existe un facteur majeur qui a précipité la défaite qui est l’épidémie de variole qui sévissait en France depuis 1865 et qui a pris une virulence effroyable en 1870 et notamment dans l’armée car les vaccins d’alors étaient peu efficaces ( 20 % à 50%) et le congrès de Saint Petersbourg de 1872 cite de source « officielle « les conséquences pour l’armée de 23469 morts et 125.000 à 200.000 malades …

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De mémoire, la Prusse a perdu aussi beaucoup de soldats du fait de maladies ou du traitement indigent des blessures au combat. Cela ne lui a pas empêché de nous tanner le derche.

Il faut dire aussi que nous avions d'autres énormes problèmes à gérer, en plus de la maladie.

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Pour explorer la possibilité d'une comparaison entre les conquêtes poutiniennes et bismarckiennes, au niveau soit de la rhétorique soit des "vraies motivations" :

https://books.openedition.org/psn/2633

Gilbert Krebs, La Naissance du Reich - La question d’Alsace-Lorraine, 1995

Walther Rathenau estimait qu’en 1871 l’annexion de l’Alsace-Lorraine avait fait basculer l’équilibre européen et fait perdre à la France sa position d’hégémonie sur le continent européen au bénéfice de l’Allemagne.

Lasse d’être la plus petite des grandes puissances européennes, la Prusse, agrandie aux dimensions de l’Allemagne, revendique une place au premier rang. La guerre contre la France sert les deux objectifs : celle-ci ne prétend-elle pas jouer sur le continent le premier rôle, ne s’est-elle pas ingéniée à mettre tous les obstacles possibles et imaginables au processus d’unification ? Quant à l’annexion de l’Alsace et d’une partie de la Lorraine, elle est le signe le plus évident que ces objectifs ont été atteints : elle affaiblit et humilie la France et en même temps elle est un facteur d’intégration pour le nouveau Reich.

« l’Alsace-Lorraine » avec un trait d’union n’a jamais existé autrement que sous cette forme du Reichsland annexé par l’Allemagne. Par leur histoire, par leur population, par leur tradition culturelle, par leurs langues et leurs confessions majoritaires, l’Alsace et la Lorraine sont deux provinces bien distinctes.

Dès lors, on peut légitimement penser que ces arguments « culturels » constituaient un discours de légitimation, et que la décision d’annexer ces provinces relevait en réalité d’autres motivations, de type militaire, économique ou politique. Le Reichsland devait constituer un glacis défensif contre la France, il augmentait le potentiel économique du Reich et il servait à consolider l’unification de l’Allemagne en étant sa seule terre commune. Mais surtout, c’était la terre de la reconquête sur la France, le symbole de la victoire et le signe évident du changement du rapport de forces européen, la fin de la prédominance française, le début de l’ère allemande.

Les traités de 1814 et de 1815 ont rétabli la France dans ses frontières d’avant la Révolution. L’Alsace restait française, au grand dam des annexionnistes d’outre-Rhin. Il est intéressant de noter que, dès ce moment, des arguments de type historique, culturel, linguistique ou ethnique se superposaient aux considérations de sécurité et d’équilibre international.

En 1840, lors de la « crise du Rhin », lorsque la presse française réclamait à grands cris la révision des dispositions du congrès de Vienne et la reprise de la rive gauche du Rhin là où la France en avait été chassée en 1815, on vit aussi refleurir au cours de cette hystérie antifrançaise les vieilles revendications concernant l’Alsace, souvent répétées par les mêmes hommes et avec les mêmes arguments qu’en 1813.

En 1859-1860, pendant la guerre franco-autrichienne en Italie, les revendications réapparaissent, tout comme en 1866-1867 après la guerre entre la Prusse et l’Autriche. Dans chaque cas, le débat est ranimé et la question redevient d’actualité à cause des ambitions supposées ou réelles de la France sur la rive gauche du Rhin, craintes entretenues et partiellement justifiées par la politique des compensations ou des « pourboires » pratiquée par Napoléon III. Pourtant celui-ci n’avait pas manqué de prodiguer toutes les assurances voulues à ses interlocuteurs prussiens et avait même objectivement favorisé les entreprises de la Prusse pour prendre le contrôle du reste de l’Allemagne, sans réussir à convaincre qui que ce soit de sa sincérité.

Le fait que, de notoriété publique, les populations de ces provinces étaient très attachées à la France et refusaient d’envisager leur annexion par l’Allemagne, ne troublait pas [Treitschke] : les Alsaciens et Lorrains d’aujourd’hui ont peut-être l’illusion d’être devenus des Français, estimait-il, mais ils se trompent en croyant qu’ils peuvent renier mille ans d’histoire culturelle et politique commune avec l’Allemagne, au nom des deux cents ans de rattachement à la France. Il rejetait donc cet argument au nom de l’histoire et de la permanence des peuples :

L'esprit d'un peuple ne comprend pas seulement les générations qui vivent côte à côte, mais aussi celles qui se succèdent. Nous invoquons, contre la volonté erronée de ceux qui vivent, la volonté de ceux qui étaient.

Aussi longtemps que l’Allemagne était trop faible pour pouvoir faire valoir ses droits sur ces territoires et ces populations, elle était obligée de tolérer cette atteinte à la substance du germanisme, du Deutschtum. Mais ce temps est fini. Le moment est venu de prendre sa revanche sur des siècles d’humiliations :

Tôt ou tard, devait sonner l'heure où l'État allemand en pleine expansion serait contraint d'exiger de la France une garantie pour le maintien de notre peuple en Alsace. L'heure a sonné, plus rapidement, de manière plus prometteuse que nous ne l'espérions tous.

Il est intéressant de constater que Treitschke ne revendique pas les autres territoires germaniques jadis arrachés au Reich et qui mènent depuis une existence indépendante. C’est parce que, à la différence de ce qui se passe selon lui en Alsace, ces populations ne sont pas aliénées, détournées de leur germanité ; elles ne sont pas en danger d’être « romanisées », comme il croit l’avoir constaté en Alsace en 1865, quand il écrivit : « das Land verwelscht zusehends ».

Ce n'est pas la tâche de cet art national de l'État de forcer dans notre nouvel empire chaque motte de terre allemande que nous avons abandonnée dans les jours de faiblesse.

Nous tolérons volontiers que notre peuple se développe librement et pacifiquement en Suisse, indépendamment de l'État allemand ; nous ne comptons pas sur la désintégration de l'Autriche, et nous ne voulons pas non plus déranger dans sa vie particulière la tribu allemande qui s'est formée aux Pays-Bas en une petite nation indépendante. Mais nous ne devons pas tolérer que, sous nos yeux, le caractère national allemand soit fondamentalement détruit et rabaissé au rang de servitude contre l'Allemagne.

Ne peut-on pas en conclure que l’argumentation de Treitschke est inspirée davantage par un affect antifrançais que par son désir de reconstituer le Reich dans sa grandeur passée ?

 

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Sybel ne croyait pas qu’une France qui aurait été traitée avec ménagements oublierait plus facilement ses ressentiments et que l’Europe pourrait ainsi connaître de nouveau la paix pour les décennies à venir. Selon lui, quelles que soient les clauses du traité de paix, la France cherchera à se venger, à prendre sa revanche sur Sadowa et sur Sedan, à effacer sa honte et à restaurer son prestige.

Mais Sybel rejetait aussi l’hypothèse maximaliste telle qu’elle a été formulée entre autres par Otto Bohlmann dans une brochure intitulée Die Friedensbedingungen und ihre Verwerthung. Cette solution consisterait à reprendre à la France tous les territoires qui ont, à un moment ou à un autre, appartenu au Saint-Empire romain germanique.

Restait la dernière hypothèse, que Sybel considérait non seulement comme parfaitement juste, mais aussi comme absolument nécessaire : l’annexion de toute l’Alsace et de la partie de la Lorraine de langue allemande avec quelques débordements de la frontière linguistique du côté de Metz, justifiés par des considérations de sécurité pour le nouvel empire allemand.

Enfin en ce qui concerne l’attitude des populations concernées, menacées d’annexion, Sybel admet qu’on ne peut compter, pour le moment, sur le consentement des Alsaciens et des Lorrains. Ces populations, il le sait, sont attachées à la France et devenues des « gute Franzosen ». Mais il considère aussi que c’est une population qui est dans l’erreur, qui s’illusionne sur sa propre nature et il pense qu’il sera facile d’en faire de nouveau de bons Allemands, parce que l’Allemagne peut offrir aux Alsaciens et aux Lorrains autant et même davantage de bienfaits que la France et aussi parce que l’on revient toujours à sa nature profonde :

Notre espoir repose sur la force de la nature, que l'on peut détourner pour un temps dans des canaux artificiels, mais qui agira à nouveau à plein régime une fois les barrages enlevés.

Il s’agit donc de permettre à une vieille terre et une ancienne population allemandes, jadis enlevées à l’Allemagne par force ou par traîtrise, de revenir dans le giron de la communauté allemande, de reconstituer l’unité de la nation, en la rétablissant dans ses limites anciennes, en réunissant tous ses membres et en restaurant l’unité de sa culture. De ce point de vue, la revendication d’une réintégration de l’Alsace, vieille terre de langue et de culture germanique, qui a vu naître ou travailler Gottfried von Straßburg, Erwin von Steinbach, Sebastian Brant, Johannes Fischart, Johannes Tauler et bien d’autres parmi les grands créateurs allemands, paraît justifiée, selon Sybel, au nom d’un droit des peuples à persévérer dans leur être, dans leurs formes anciennes, considérées comme immuables.

Mais on peut estimer aussi que les arguments avancés par ces grands noms de l’historiographie allemande relevaient d’une curieuse conception de l’histoire, en ignorant à la fois les hommes qui font l’histoire et le temps qui l’emporte dans un changement constant. Peut-on tirer argument en 1870, pour justifier une quelconque politique, de faits passés, disparus depuis longtemps et faire comme si rien n’avait changé depuis le xvie siècle ? Pour les Alsaciens de la fin du xixe siècle, cette période de floraison artistique et littéraire germanique n’est plus qu’un souvenir dont ils tirent une légitime fierté, mais ce n’est plus une réalité. Depuis le xviie siècle au moins, la province a été petit à petit attirée dans la sphère d’influence française, tout en gardant pendant longtemps sa place à part et des liens privilégiés avec le monde germanique.

C’est avec la révolution de 1789 que l’intégration de l’Alsace dans l’ensemble français s’est achevée. C’est alors que les derniers liens rattachant les terres alsaciennes à l’Empire romain germanique ont été définitivement rompus, par la libre décision des habitants. C’est d’ailleurs à cette occasion que la France révolutionnaire a précisé son attitude quant au droit des peuples à disposer d’eux-mêmes :

Le peuple alsacien s’est uni au peuple français, parce qu’il l’a voulu ; c’est donc sa volonté seule, et non pas le traité de Munster qui a légitimé l’union,

dit Merlin de Douai dans son discours à l’Assemblée nationale, le 28 octobre 1790.

Deux conceptions s’affrontent ici : au droit des peuples fondé sur l’histoire et sur l’appartenance ethnique, répond le droit des peuples tel qu’il a été affirmé sous la révolution. C’est-à-dire le droit pour un peuple d’aujourd’hui à disposer de lui-même, en toute liberté, sans être esclave d’un déterminisme ethnique ou historique. C’est l’opposition entre, d’une part, la théorie que défendront à la même époque les penseurs et historiens français, de Renan à Fustel de Coulanges : la nation résultat de la volonté des hommes, maintenue vivante par une adhésion permanente, un plébiscite de tous les jours13, et, d’autre part, une conception de la nationalité fondée sur l’appartenance à une communauté ethnique, linguistique et culturelle qui échoit à l’individu par sa naissance au sein de cette communauté.

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Dans les articles de presse, on retrouve la même argumentation que dans les écrits des historiens cités ci-dessus. Les considérations historico-ethniques et culturelles y sont largement reprises, mais l’accent y est mis aussi sur les notions de « justice » (il s’agirait de réparer l’injustice dont le Reich a été la victime de la part de la France, qui lui a arraché ces provinces en profitant de sa faiblesse passagère) et sur la notion de sécurité : il faut garantir l’Allemagne contre un retour des attaques françaises, notamment dans le sud du pays. On évoquait à ce propos les incursions répétées des Français, leurs rapines et leurs destructions. Strasbourg aux mains des Français serait une menace permanente pour l’Allemagne du Sud.

Il existe dans l’historiographie allemande une curieuse polémique sur le rôle joué par Bismarck dans le problème des annexions. Deux positions s’affrontent : pour les uns, Bismarck non seulement a d’emblée voulu les annexions, mais il a de surcroît dû intervenir pour que les journaux abondent dans son sens et lancent leur campagne annexionniste, afin de sembler être soutenu et poussé par son opinion publique. Pour d’autres, la pression de l’opinion publique était réelle et spontanée et Bismarck aurait même été obligé d’aller plus loin dans ses exigences qu’il n’aurait voulu le faire, pour ne pas décevoir son opinion publique.

La position du chancelier semble finalement assez claire. Il est partisan des annexions. Celle de l’Alsace ne fait aucun doute pour lui, celle de la partie germanophone de la Lorraine non plus. En revanche Bismarck a hésité sur le point de savoir s’il était indispensable d’annexer aussi Metz et les régions francophones qui l’entourent. Il s’est cependant laissé convaincre facilement et rapidement par les arguments militaires et économiques, acceptant d’intégrer dans son Reich des « éléments difficiles à digérer ».

Pour justifier les annexions, Bismarck n’était guère sensible aux arguments de type culturel, linguistique ou historique, ce qu’il appelait des « Professorenideen ». En bon Realpolitiker, il était plus réceptif aux arguments politiques et militaires ou économiques, et il ne manquait pas dans son entourage de représentants de ces intérêts. L’État-major et le roi lui-même avaient des vues très précises sur le sujet. Vis-à-vis de la communauté internationale, l’argument principal est celui de la sécurité contre les entreprises guerrières françaises. Dans ses circulaires des 13 et 16 septembre 1870, il donne pour instruction à ses agents diplomatiques de justifier les annexions prévues comme des « gages matériels » pour se mettre à l’abri « des attaques futures de la France ». Il rappelle que « la France a été l’agresseur dans plus de vingt guerres ».

Mais une autre raison qui a sans doute compté tout autant, même si elle a été formulée beaucoup moins nettement, est que ces annexions facilitent l’unification du Reich. Cela concernait surtout l’annexion de l’Alsace et notamment de Strasbourg. Il fallait absolument que Strasbourg fût allemande, car de se trouver constamment sous la menace des canons français, les États d’Allemagne du Sud étaient peu enclins à adhérer à une Allemagne unifiée.

Il semble bien que Bismarck était d’emblée persuadé que le Reich, quoi qu’il fasse, devait compter pendant longtemps avec le désir de revanche de la France. Il était donc inutile, voire dangereux de chercher à la ménager ; il fallait au contraire l’affaiblir et l’isoler autant que possible pour lui enlever les moyens de redevenir dangereuse.

Dès lors l’ampleur des annexions n’avait guère d’importance en ce qui concerne l’attitude de la France à l’égard de l’Allemagne :

C'est la défaite en soi, c'est notre défense victorieuse contre leur attaque sacrilège, que la nation française ne nous pardonnera jamais.

dira-t-il devant le Reichstag en 1871.

Le 1er mars, malgré le soutien d’un certain nombre de députés non alsaciens ou lorrains, 107 voix seulement se prononceront contre l’acceptation des conditions dictées par Bismarck lors des préliminaires de paix, 548 voix se prononcent pour l’acceptation. Ce vote a été ressenti par les Alsaciens et Lorrains comme une sorte d’abandon, de trahison, et pourtant il n’y avait guère d’alternative pour l’Assemblée nationale.

Alors que l’opinion publique internationale réclamait un plébiscite pour permettre aux populations de manifester leur volonté, le traité de paix prévoyait seulement un « droit d’option » : les « Alsaciens-Lorrains » qui optaient pour la nationalité française étaient forcés de s’exiler ; d’après Alfred Wahl, 128 000 personnes, soit 8,5 % de la population ont choisi l’exil en 1871-1872.

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c'est assez surprenant car lors des propositions de médiation des USA durant la guerre (quand ceux-ci étaient encore neutres), Wilson met 2 conditions à l'ouverture d'une médiation:

- la Russie doit récupérer (pas obligatoirement via une annexion) la maitrise des détroits ottomans (Bosphore et Dardanelles)

- la France doit récupérer l'Alsace et la Lorraine    

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En 17 ,lors de l’entrée en guerre,les us font savoir que le retour de l’Alsace Moselle dans le giron français, n’est pas forcément une condition inconditionnelle à la paix. la lettre de l’impératrice Eugénie pèsera très lourd auprès des us , elle a démontré à Wilson que le côté germanique que l’on pourrait trouver à l’Alsace Moselle n’avait rien à voir avec leur annexion . Donc le droit des peuples à disposer d’eux même n’avait pas lieu d’être. 
 

quant à accorder aux russes  le contrôle des détroits Bosphore et Dardanelles, c’était juste inacceptable pour les britanniques.

 

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Il y a 19 heures, Capitaineconan a dit :

quant à accorder aux russes  le contrôle des détroits Bosphore et Dardanelles, c’était juste inacceptable pour les britanniques.

 

Les travaux récents (notamment The Russian Origins Of The First World War de Sean McMeekin) montrent que les russes ont obtenu l'appui des britanniques à l'annexion des Dardanelles dès la campagne du même nom en 1915

Mais c'est HS par rapport à 1870 :biggrin:  

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il y a 45 minutes, loki a dit :

Les travaux récents (notamment The Russian Origins Of The First World War de Sean McMeekin) montrent que les russes ont obtenu l'appui des britanniques à l'annexion des Dardanelles dès la campagne du même nom en 1915

Mais c'est HS par rapport à 1870 :biggrin:  

Merci pour ces infos, j’étais resté sur la vision no way pour les britanniques 

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