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Le projet de bombardement des petroles du Caucase en 1940


Rochambeau
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LE PROJET DE BOMBARDEMENT DES PETROLES SOVIETIQUES DU CAUCASE EN 1940

Voici un document réalisé par Monsieur BUFFOTOT (chargé d'études au S.H.A.A.) sur un exemple des projets alliès pendant la drôle de guerre.

Les états-majors français et britannique ont élaboré au début de l'année 1940, un plan de bombardement des industries pétrolières soviétiques du Caucase. Ce plan reçu le nom de code de Plan R.I.P. (Russie Industrie Pétrolière) en France et de Plan M.A.6 en Grande-Bretagne.

Contrairement à ce que l'on pourrait penser ce n'est pas un projet isolé des états-majors alliés; il s'inscrit au contraire dans toute une série de plans d'opérations mis au point pendant la drôle de guerre.

Pourquoi alors vouloir étudier ces projets dont une des caractéristiques est de n'avoir jamais abouti et qui "n'intéresseront bientôt plus que ces amateurs passionnés par les foetus de l'histoire ?".

Ces plan sont, d'après nous, révélateurs du fonctionnement du haut commandement. Comment expliquer en effet, cette prolifération de plans, tous situé en dehors de la zone du front de l'ouest alors que celui-ci est absolument calme? Etaient-ce de simples "Kriegspiel", des constructions théoriques d'états-majors pour tromper l'inactivité de la drôle de guerre ? Ou bien devaient-ils déboucher sur des opérations réelles ? l'étude du PLAN R.I.P. nous permettra de répondre à ces questions.

LA CONDUITE DE LA GUERRE

Il est nécessaire de replacer le Plan R.I.P. dans la conception globale de la conduite de la guerre du haut commandement français.

Le 26 février 1940, le Général Gamelin, commandant en chef, adresse au président du conseil, Edouard Daladier, un projet de plan de guerre pour 1940, établi avec l'accord de la marine et de l'armée de l'air.

GAMELIN explique au président du conseil que l'Allemangne conservera sa supériorité.0n en effectifs et en moyens dans le domaine terrestre et aérien jusqu'à la fin de l'année 1940. Par contre, il prévoit pour le printemps 1941 "un renversement de la situation en faveur des alliés sinon du point de vue des effectifs du moins au point de vue des armements.

La France à l'abri derrière la ligne Maginot profite de cette période d'inactivité pour s'équiper en matériel moderne qui lui fait cruellement défaut.

La parité devant être atteinte en 1941, l'Allemagne sera tentée d'emporter la décision en 1940 avant que le rapport de forces ne lui soit défavorable. Quelle est la situation de l'Allemagne au début de 1940 ? Bloquée à l'ouest par la ligne Maginot, elle est par contre libre au nord, à l'est et au sud.

Une attaque frontale contre la ligne Maginot est peu probable pour le Général GAMELIN. Par contre une "manoeuvre débordante par les ailes, surtout par la Belgique paraît plus vraisemblable; elle est de nature à procurer des succès, tout au moins initiaux, plus faciles et plus importants".

Une telle attaque pour le comité d'études militaires inter-allié est grave car elle permet à l'Allemagne "d'utiliser pleinement sa supériorité terrestre et aérienne en lui offrant la possibilité d'un succés rapide et décisif".

Le Plan Dyle appliqué avec le succès que l'on connaît en mai 1940 répond à ce cas de figure précis, d'invasion par la Belgique et la hollande.

A l'ouest, l'état-major envisage enfin un plan d'intervention contre une éventuelle attaque allemande par la Suisse. Au nord, en Scandinavie, les opération allemandes sont possibles. Leurs objectifs seraient la possession du minerai de fer en Suède et l'acquisition de bases navales et aériennes en Norvège afin de pouvoir intervenir facilement contre le nord de la Grande-Bretagne.

Une aide à la Finlande en guerre contre l'Union Soviétique est décidée par les alliés. La France envoie 30 chasseurs Morane 406 pour renforcer l'aviation finnoise.

Un projet de débarquement à Petsamo, nécessitant l'emploi d'une dizaine de divisions est proposé par les Britanniques en vue d'interdire aux Allemands l'accès du minerai de fer de Gallivare. Ce projet aurait pour inconvénient de nous mettre en état de guerre avec l'U.R.S.S.

Au sud, les alliés songent d'abord à une intervention dans les Balkans afin d'interdire l'accès des détroits et de la mer Egée à l'Allemagne. L'oiverture d'un front dans cette région permettrait de fixer un nombre important d'unités allemandes et de priver l'économie du Reich de matière premières importantes. Il faudrait une quinzaine de divisions pour mener à bien cette opération.

Un projet de corps expéditionnaire interallié en Thrace et à Salonique est discuté dès la fin octobre 1938 par les alliés: Il implique, outre la neutralité de l'Italie, l'accord de la Turquie et de la Grèce. Il est même prévuau cas où le front des Balkans serai élargi à la Roumanie et à la Yougoslavie, un plan de renforcement de l'aviation de ces deux pays par des unités aériennes franco-britanniques.

Enfin une attaque de l'insdustrie pétrolière soviétique du Caucase est envisagée dès le début de l'année 1940. Ainsi au nord il s'agit de couper la route du fer et au sud, la route du pétrole. L'idée commune à ces deux opérations est de vouloir asphyxier l'Allemagne pour obliger à demander la paix.

COUPER LA ROUTE DU PETROLE

Malgré les efforts des alliés, le blocus de l'Allemagne est loin dêtre total. En effets, grâce à l'accord germano-soviétique signé le 23 août 1939, l'Allemagne reçoit des céréales, des matières premières et surtout 900 000 tonnes de pétrole dont 100 000 tonnes d'essence pour avions.

La pacte germano-soviétique, malgré quelques difficultés (STALINE a en effet refusé de livrer du fer et du chrome à l'Allemagne) a été dans son ensemble appliqué scrupuleusement.

Le point le plus inquiétant pour les alliés reste l'approvisionnement de l'Allemagne en pétrole; elle peut ainsi contituer des stocks importants pour la préparation d'opérations de grandes envergures. Il paraît logique que les états-majors alliés, pour parfaire le blocus, aient eu l'idée d'interrompre l'approvisionnement de l'Allemagne en pétrole soviétique.

Il semble que l'état-major français ait songé dès septembre 1939, à couper les approvisionnements en pétrole de l'Allemagne puisqu'une mission d'ingénieurs français s'est rendue en Roumanie afin d'étudier la destruction des zones pétrolifères roumaines.

Ce n'estprobablement que vers la fin de l'année 1939 que le haut commandement a attiré l'attention du Président du conseil sur l'importance des livraisons de pétrole soviétique à l'Allemagne. Nous n'avons malheureusement sur ce point aucun document. C'est le 19 janvier que DALADIER, président du conseil, demande dans une note au Général GAMELIN et à l'Amiral DARLAN "de préparer une étude sur une intervention éventuelle pour la destruction des pétroles russes".

Cette note n'est pas adressée au Général VUILLEMIN, commandant en chef des forces aériennes. En effet, il n'est pas question d'intervention aérienne dans le Caucase. Trois hypothèses sont envisagées: la première, navale, consisterait pour la marine française à intercepter les navires allemands transportant du pétrole. Cette solution aurait l'intérêt de ne pas se heurter à l'Union Soviétique. La seconde hypothèse consisterait en une intervention terrestre en direction des zones pétrolifères du Caucase et la troisième, plus politique, aurait pour but de "faciliter des mouvements d'émancipation des population musulmanes du Caucase".

Ces trois hypothèses ne sont pas retenues par le haut commandement. Il trouve par contre la solution dans une opération aérienne. Le 3° Bureau Air est chargé d'étudier à la fin janvier "une intervention aérienne éventuelle contre les pétroles russes du Caucase : soit à l'extraction (destruction des superstructures, des puits) soit en cours de transport sur la mer Noire". La solution aérienne permet, du moins le pense-t-on au début, de résoudre un certain nombre de problèmes, notamment sur le plan diplomatique.

L'état-major est persuadé qu'une opération de ce type peut affaiblir l'Union Soviétique et l'empêcher de livrer du pétrole et des matières premières à l'Allemagne. Les estimations réalisées par le Général VUILLEMIN montrent qu'un bombardement contre Bakou et Batoum provoquerait la "paralysie au moins partielle de l'armée, de l'industrie et de l'agriculture soviétiques, pouvant obliger ce pays à abandonner la lutte, et tout au moins à renoncer à soutenir l'Allemagne sur le terrain économique".

Si le pétrole roumain est ensuite contrôlé, le blocus du pétrole sera alors complet; joint à celui du fer, "l'Allemagne n'aura plus alors comme issue que de se soumettre ou de tenter un effort désespéré pour briser le cercle de fer qui l'étreindra, en passant à l'attaque". Il paraît évident que des opérations aériennes contre le pétrole du Caucase entraînent automatiquement l'entrée en guerre de l'Union Soviétique. Or cette éventualité ne semble pas troubler outre mesure l'état-major français.

Le Général JAUNEAUD, alors commandant des forces aériennes au Moyen-Orient, favorable à une alliance avec l'U.R.S.S., rapporte q'au cours de la réunion du 07 mars 1940 avec l'Air Marshall MITCHELL, commandant les forces aériennes du Middle-East et le Général WEYGAND, celui-ci trouva tout à fait normal de détruire les puits de pétrole d'une nation alliée de l'Allemagne. Le haut commandement dans son ensemble est persuadé de la faible valeur de l'armée rouge surtout depuis les purges des années 37 et 38.

Les réactions militaires soviétiques ont d’ailleurs été envisagées par les états-majors alliés puisque le comité des chefs d’état-major réuni le 27 mars 1940 à Londres prévoit "que la réaction russe à une attaque aérienne contre le pétrole du Caucase pourrait prendre la forme : soit de représailles contre les bassins pétroliers d'Irak et d'Iran; soit d'une attaque contre les turcs". L'attaque contre l'Irak et l'Iran est estimée comme négligeable. Seule la menace contre la Turquie est possible aussi faut-il la rassurer en lui expliquant qu'elle peut compter sur une aide efficace de la part des alliés dans le cadre de la convention militaire déjà arrêtée et des conversations militaires actuellement en cours.

Chez les Britanniques le PLAN M.A 6 s'intègre dans un plan systématique visant à entraver le ravitaillement en pétrole et de ses dérivés de l'Allemagne par le bombardement des "raffinerie russes du Caucase (Bakou, Groznyï, Batoum)" mais aussi des "raffineries et usine d'essence synthétique d'Allemagne; une très grande importance est attachée, en particulier, aux raffinerie distillant du pétrole issu du sol allemand, qui produisent des lubrifiants de haute qualité indispensables à un très grand nombre de mécanismes".

Si l'état-major britannique prévoit dès juillet 1939 la destruction des ressources en pétrole de l'Allemagne avec le PLAN W.A. 6, il faut attendre avril 1940 pour que l'état-major français prépare le PLAN A.I.P. (Allemagne, Industrie Pétrolière) visant à attaquer l'industrie pétrolière allemande; le PLAN A.I.P. est une conséquence du PLAN R.I.P. tandis que chez les Britanniques c'est l'inverse : le PLAN M.A.6 découle du PLAN W.A.6

Le PLAN R.I.P. prouve de toute évidence que les états-majors alliés ont recherché le moyen militaire le plus facile à mettre en oeuvre pour rendre plus parfait le blocus de l'Allemagne.

Celle-ci à court de minerai de fer, de carburant, se verrait dans l'obligation de demander la paix ou bien de forcer le blocus en lançant une grande opération mais dans de mauvaises conditions pour elle.

Les militaires alliés, emporté par leur logique, ont poussé leur raisonnement jusqu'au bout sans tenir compte du contexte politaique et diplomatique. Ils savaient pertinemment que le bombardement du pétrole du caucase entraînerait ipso facto la guerre avec l'Union Soviétique. Combattre un ennemi de plus ne semblait pas émouvoir outre mesure les états-majors franco-britannique. pourtant si l'on y regarde de plus près, l'enjeu stratégique d'une telle opération est faible.

D'un côté, à supposer que l'opération réussisse, nous avons la destruction de la zone pétrolifère du Caucase et une partie de l'approvisionnement en pétrole de l'Allemagne coupée. De l'autre, nous avons l'entrée en guerre de l'Union Soviétique, l'ouverture d'un nouveau front que les alliés ne seront pas capables, faute de matériel, de soutenir. Il apparaît dès le début que l'enjeu est au désavantage des alliés.

.../... suite içi:http://batailles-1939-1940.historyboard.net/les-avions-francais-f25/le-projet-de-bombardement-des-petroles-sovietiques-t1567.htm

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D'un autre côté la Finlande n'a été en guerre que contre les russes (les allemands mais bien aprés) et pas contre les USA et la GB. Enfin il me semble bien

De toute manière l'allemagne était un danger moindre que l'URSS pensait-on a cette époque puisque sur le nombre les 2 armées font jeux égal et l'armée francaise était mieux équipé en matériel de meilleur qualité que l'allemagne. L'URSS était un très gros poisson: nombreux et puissament équipé. Le danger mortel était la Russie. Nul ne pouvait immaginer a cette époque les résultats que donnerais la Blietzkrieg et encore moins l'incapacité de l'état major. Il est donc normal que ce plan ait été étudier (il ne faut pas oublier que Staline n'était pas beaucoup moins menaçant que Hitler)

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Rappellons que l'URSS a AUSSI envahit la Pologne en méme temps que l'Allemagne, en principe, les franco britanniques aurait du déclarer la guerre à Staline au même titre qu'Hitler  >:(

Mais en pratique, ce n'est pas avec l'aviation stratégique disponible à l'époque que l'on aurait put faire de gros dégats.

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  • 13 years later...

Un article est sorti en 2018 mais n'est pas en libre accès sur ces projets :

https://www.cairn.info/revue-guerres-mondiales-et-conflits-contemporains-2018-1-page-33.htm

 

On a les précisions suivantes

Cette opération aérienne mobiliserait des bombardiers pour frapper durant un mois des objectifs dispersés et variés : d’abord les raffineries et réservoirs, puis oléoducs et voies ferrées. Les équipages français se chargeraient de Batoum (actuelle Géorgie) et Grozny (Tchétchénie) pendant que ceux de la Royal Air Force viserait Bakou (Azerbaïdjan).

Ce plan est loin d’être techniquement rigoureux. Il ne prend pas en compte les conséquences de l’entrée en guerre du géant soviétique contre la France ni les dommages causés aux avions français par la chasse et la défense anti-aérienne russes.

Et cet article de 1976 récapitule la politique française envers l'URSS ou beaucoup était prêt à la guerre car la considérant comme allié objectif d'Hitler.

Les britanniques sont plus prudents :

https://www.persee.fr/doc/cmr_0008-0160_1976_num_17_1_1254

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