La société militaire privée russe Wagner ira-t-elle faire de bonnes affaires au Mali?

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Sollicité par l'AFP, le ministère malien de la Défense a admis mener des pourparlers avec le Groupe Wagner, la sulfureuse société militaire privée russe (SMP) déjà présente en RCA depuis 2018, au grand dam de Paris (photo AFP). 

Wagner, faux nez de Moscou?
La présence de cette société militaire privée russe a été signalée (et parfois confirmée) en RCA, au Soudan, au Mozambique, en Libye, à Madagascar, en Syrie, en Ukraine, au Venezuela. Créée en 2014, elle propose des prestations de formation, de sécurité et de protection rapprochée, d'encadrement des forces de sécurité.

Toutefois, l'implication directe de ses personnels dans des opérations de combat a aussi été signalée, en particulier en RCA et en Syrie. Ce qui tranche avec les prestations actuelles des ESSD comme on préfère les appeler en France ("entreprises de service de sécurité et de défense") qui vont de la formation au renseignement, en passant par le soutien médical, la sécurité, le déminage, la logistique et le MCO (voir Les nouveaux entrepreneurs de la guerre, mon essai sur l'externalisation en matière de défense en France, publié en 2011 chez Vuibert). Or, des SMP russes, mais aussi turques, n'hésitent plus à engager leurs personnels dans des actions offensives et à leur faire mettre en oeuvre des forces létales.

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Sur l'histoire de Wagner et sa création, on lira un article paru le 27 avril dans Newsline Magazine sous la plume de Ruslan Trad. Il est titré: "The Soviet Origins of Putin’s Mercenaries Methods perfected during the occupation of Afghanistan are now in wide use among Russia’s corporate guns for hire". En dépit des dénégations de Moscou, cet article établit les liens forts qui unissent cette SMP et le pouvoir russe, alors que le Kremlin se refuse toujours à faire reconnaître ce type de sociétés. 

On lira aussi l'étude de l'Institut français des Relations internationales (Ifri) sur le rôle des sociétés militaires privées (SMP) russes en Afrique.

Inquiétudes tricolores
De source française proche du dossier, la junte au pouvoir à Bamako étudierait bien la possibilité de conclure avec Wagner un contrat pour le déploiement d'un millier de paramilitaires au Mali avec pour mission de former ses forces armées (FAMa) et assurer la protection des dirigeants. Un contrat à l'image de celui signé entre le pouvoir centrafricain d'une part et la SMP russe et sa filiale locale Sewa Security Services (SSS) d'autre part.

Une source sécuritaire ouest-africaine a, de son côté, affirmé à l'AFP que Wagner négociait pour arriver en force au Mali, moyennant finances et avec des contreparties minières.

Toutes ces sources confirment des informations initialement révélées par l'agence Reuters. L'agence britannique affirme que selon quatre sources, le groupe Wagner serait payé six milliards de francs CFA (environ 9,15 millions d'euros) par mois pour ses services. L'accord pourrait également garantir à la société russe l'accès à trois gisements miniers, deux d'or et un de magnésium. Ce qui rappelle encore le scénario centrafricain et fait craindre une mainmise russe sur un pan minier de l'économie locale.

Rapprochement avec Moscou
La junte malienne a multiplié les signes de rapprochement avec la Russie. Le ministre de la Défense Sadio Camara était à Moscou le 4 septembre. Un responsable du ministère malien de la Défense a indiqué que cette visite s'inscrivait "dans le cadre de la coopération et de l'assistance militaire", sans plus de précisions. Le ministère russe de la Défense a évoqué de son côté un entretien entre le vice-ministre russe, Alexandre Fromine, et Sadio Camara, consacré à des "projets de coopération militaire" et aux "questions de sécurité en Afrique de l'Ouest".

Déploiement, redéploiement...
Si l'arrivée de Wagner se concrétisait, un redéploiement plus rapide et plus important des troupes françaises du Mali vers le Niger voisin serait étudié, selon une source de l'AFP. D'autant qu'en cas d'intervention russe au Mali, s'alarme-t-on en France, "les Etats-Unis arrêteraient tout" sur place, privant la France de moyens cruciaux (ravitaillement et renseignement) pour ses opérations au Sahel.

En outre, "certains pays européens pourraient aussi décider de se désengager", alors que Paris s'évertue depuis deux ans à les convaincre de rejoindre le groupement de forces spéciales Takuba, une force de 600 hommes pilotée par la France et dédié à l'accompagnement au combat des soldats maliens. 

Tour de Babel
En attendant, le théâtre malien pourrait donc voir le déploiement des FAMa, de Barkhane, de Takuba, de l'EUTM Mali et de la Minusma. Auxquels viendrait s'ajouter Wagner. Symphonie? Cacophonie plutôt.

 

 

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Publication : mardi 14 septembre 2021