Le Super-Etendard Modernisé (SEM)

C’est assez tôt que la Marine étudie la modernisation de sa bête de somme et plus précisément à partir de 1983. Les services techniques de la Marine forts des retours d’expérience opérationnelle des flottilles travaillent sur le projet jusqu’en 1987. En janvier de cette année le marché de la modernisation du Super-Etendard est lancé. Pour les industriels il va s’agir d’améliorer la discrétion de l’avion ainsi que ses capacités de détection et d’identification en l’équipant d’un nouveau radar. D’autre part les demandes des opérationnels concernent l’accroissement des capacités d’emport, l’optimisation des moyens de navigation et d’attaque et enfin l’amélioration des capacités de frappe à terre tant conventionnelles (armements guidés laser) que nucléaires (missile « tire et oublie »).
Les impératifs de la Marine sont simples compléter et améliorer l’avion sans modifier le fonctionnement ni obérer les performances initiales. En 1987 on prévoit que l’avion restera en ligne jusqu’en 2010. Le potentiel cellule initialement de 4000 heures est donc porté à 6500 heures après que des tests de fatigue aient été menés au Centre d’Etudes Aéronautiques de Toulouse et des renforcements de structure déterminés. Les voilures elles ont une durée de vie d’un peu plus de 6000 heures.
La modernisation portera sur 54 cellules dont un prototype le 68 et deux avions de pré-série les 8 et 69. Le prototype entre en chantier à Istres en 1988. C’est l’Atelier Industriel de l’Aéronautique de Cuers dans le Var qui réalisera l’industrialisation du programme SEM et pas l’industriel. Il en sera de même pour le F1 CT de l’Armée de l’Air avec l’établissement de Clermont-Ferrand. Dassault assistera donc le personnel de l’AIA. Le 8 juin 1993 le premier SEM de série est livré à la Marine le n° 39 après un chantier de 10 mois.
Le passage en chantier coïncide avec la grande visite d’entretien programmée dite des « 51 mois ». L’avion est entièrement désossé et la pieuvre électrique (câblage) d’origine, source de pannes, entièrement changée.
Initialement la Marine prévoyait une remise à niveau sur un chantier unique. Finalement la modernisation se fera par standards successifs permettant de capitaliser au fur et à mesure les enseignements des modernisations précédentes. Cinq standards vont se succéder dans la métamorphose de l’avion.

[b]Standard 1 : [/b]Concerne une modernisation et une remise à niveau de base permettant à l’avion d’accueillir les up date futurs.
-remise à niveau des panneaux d’interface armement et des circuits armements (exigée par l’emport de nouvelles armes nécessitant des alimentations différentes …)
-remplacement du calculateur UAT 40 par un appareil de nouvelle génération UAT 90. Remplacement de la centrale inertielle d’origine par un modèle permettant de prendre en compte la pente éventuelle de l’avion.
-l’écran radar type oscilloscope est remplacé par une visu tête moyenne pouvant accueillir les images radar et celles transmises par la nacelle de désignation laser. La VTM est positionnée sous le nouveau collimateur plus large susceptible comme la VTM de recevoir une imagerie monochrome. Le pilote aura toutes les informations de ses capteurs présentées de manière uniforme et centrée il n’aura plus besoin de mettre la tête « dans la chaussette » de son écran radar avec les temps d’adaptation que cela nécessitait.
-modernisation de l’ergonomie du cockpit, les instruments de navigation son regroupés de manière différente passant de gauche à droite, la manette des gaz et le manche se couvrent de boutons et rapprochent l’avion du concept 3M (mains sur manche et manette). Le pilote pouvant activer les radios, les senseurs, et l’armement sans bouger ses mains.

[b]Standard 2[/b] : Le radar Agave est remplacé par l’Appareil Numérisé pour l’Exploitation des MOuvements Navals Eloignés; l’Anemone est un radar entièrement numérique. La principale différence avec l’Agave est une antenne plane à fentes de plus grand gain, donc amélioration des performances : portée et distance d’accrochage deux fois plus grande que sont prédécesseur, une amélioration technologique des circuits et l'utilisation d'un tube télévision associé à une mémoire numérique. La production en série est de 45 exemplaires seulement et c’est pourquoi la Marine souhaite conserver une compatibilité avec l’Agave grâce à un Boîtier d’adaptation et d’interface radar permettant de monter l’un ou l’autre des équipements dans la pointe avant.
L’atout essentiel de l’Anemone est de pouvoir fonctionner sur le mode Poursuite sur Information Discontinues qui garantie une plus grande discrétion d’émission tout en surveillant l’environnement autour de la piste verrouillée. C’est un radar à agilité de fréquences difficilement brouillable lors de sa sortie. Il est de la génération des RDY du mirage 2000-5.

[b]Standard 3[/b] : Intégration de l’armement guidé laser grâce à la nacelle de désignation diurne ATLIS II. Dans un premier temps les SEM reçoivent l’AS 30 L(S) S pour « sécurisé » (armement Marine embarqué oblige c’est une déclinaison du standard Munition A Risques ATténués –Murat). L’AS 30 L a une portée de 10/12 kilomètres une vitesse de Mach 1,5 et une charge militaire de 240 kgs ce qui confère à l’arme une énergie cinétique assez phénoménale. Mais en raison du coût de l’engin (près de 3 millions de francs de l’époque) rapidement les GBU 12, 14 et 16 (corps de bombe US de 500 livres plus kit de guidage Paveway II de Raytheon) sont intégrés en crash programme au cours de la guerre en ex-Yougoslavie.

[b]Standard 4 [/b]: Il est divisé en deux phases. La première porte sur l’autoprotection avec l’ouverture des points dits « 0 » sous voilure pour accueillir deux lances-leurres Alkan 5080. A ceci s’ajoute l’adjonction d’un détecteur d’alerte radar Sherloc en plus des traditionnels pods de brouillage EM actifs Barracuda et lance paillettes Phimat emportés en point « 2 » de voilure. Désormais ces moyens sont intégrés c’est à dire qu’ils dépendent d’un calculateur central numérique doté d’une bibliothèque regroupant les caractéristiques de toutes les menaces radar susceptibles d’êtres rencontrées lors de la mission. Le calculateur évalue et traite automatiquement la menace, présentée en couleur dans le cockpit, le Système d’Auto Protection (SAP) assure le choix des moyens de leurrage en fonction de la situation.
La seconde est l’intégration du châssis photo CRM 280 de 200 kgs, combinant une caméra numérique noir et blanc et un appareil photo argentique couleur. Cette modification intervient alors que fin juillet 2000 les derniers Etendard IV P sont retirés du service et la flottille 16F mise en sommeil. Ce châssis s’installe en lieu et place du châssis canons. Ces senseurs ne bénéficient pas de liaisons de données ce qui signifie que les renseignements collectés ne peuvent être exploités qu’une fois l’avion rentré à la base.
Au niveau des améliorations la centrale inertielle reçoit une hybridation GPS ce qui permet son recalage automatique. De plus désormais au standard S4 les avions reçoivent la capacité complète de désignation et de tir laser simultanés. Auparavant avec S3 un avion pouvait soit désigner soit tirer.
Une dizaine d’avions seront modifiés chaque année, certains passant directement du S2 au S4. Fin 1998 tous les avions étaient convertis S2 ou S3.
Mais déjà alors que le Rafale arrive au compte-gouttes les marins lorgnent vers de nouvelles capacités pour leur petit chasseur : la frappe nocturne/tout temps et le tir d’armements à guidage GPS.
Dotés d’un pragmatisme et d’une capacité d’adaptation que pourraient leur envier leurs collègues de l’Armée de l’Air les marins vont les premiers intégrer sous leur vieil avion la nacelle de désignation jour/nuit Damoclès (prévue pour le Rafale) ainsi que le kit de guidage GPS/Laser Enhanced Paveway II la célèbre GBU 49 de l’Américain Raytheon qui va connaître son heure de gloire en Afghanistan.
[b]Standard 5[/b] : 35 avions ont été concernés alors que la déflation du parc devient réellement importante. Le prototype S5 fut le 14 et les premiers SEM livrés aux forces furent les numéros 2,8,41 et 52.
Le S5 concerne la nacelle de désignation laser, le pilote automatique, de nouvelles radios sécurisées et dédoublées (imposées par les Américains sur le théâtre afghan) … Désormais outre le tir nocturne d’armement laser la nacelle offre une visualisation infrarouge dans le cockpit sue la VTH ou la VTM. Le cockpit est traité pour l’emploi des jumelles de vision nocturnes. La nacelle est équipée d’une fonction pointage qui permet dans l’IR de désigner à un ailier ou à un contrôleur au sol l’objectif désigné. Equipé d’une centrale inertielle autonome Damoclès se re-pointe automatiquement sur la cible à l’occasion d’une éventuelle seconde passe.
Le S5 est doté d’un nouveau pilote automatique numérique beaucoup plus performant que le vieux SFENA des années 70. Beaucoup plus efficace en évolutions opérationnelles avec maintient automatique de l’altitude même si les paramètres de vol varient c’est un équipement qui facilite énormément la tâche du pilote lors des missions de Close Air Support style Afghanistan durant lesquelles le cocher doit trouver l’objectif le désigner à son armement, dialoguer avec le contrôleur avancé au contact de l’ennemi et accessoirement conserver une trajectoire stable à son avion…
Enfin depuis trois ans les SEM S5 peuvent tirer la GBU 49 de 500 livres qui outre sont guidage laser peut être délivrée sur un objectif dont les coordonnées GPS ont été données à la bombe en cours de vol via un bus numérique standard 1760. C’est en fait une GBU 12 dotée de deux récepteurs GPS. Il est paradoxal de constater que les marins ont intégré cet armement, rendu quasi obligatoire par les procédures exigées par les Américains en Afghanistan, bien avant l’Armée de l’Air dont les quatre premiers 2000D furent convertis en 2009.