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Retour d'OPEX: quel effet sur le soldat?


Serge
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J'ouvre un fil car Vivi51 pose une question très personnelle et tellement importante sur le fil afghan.

Pour éviter le HS et donc la confusion, je me suis permis de sortir sa question:

Question à ceux d'entre vous qui ont participé des Opex ou qui ont eu de la famille revenant de ces operations

comment aborder le retour à la vie normale d'un garçon de 22 ans bientôt aprés 6 mois passés à faire la guerre sans trop savoir ce qui se passe reellement la bas, s'il souffre psycholgiquement et tutti quanti

Quel comportement avoir vis à vis de lui car je ne sais pas ce que peuvent ressentir les soldats en mission

Faut il l'accompagner psychologiquement, lui montrer tout simplement que l'on est fier de ce qu'il a fait connaissant ses valeurs morales

Tous vos conseils me seront fort utiles car autant j'apprehende les moments presents autant son futur retour me fait un peu peur car je ne sais dans quel etat psychologique je vais le revoir et si je serai à la hauteur pour cela

Merci d'avance

Je ne sais pas si ce genre de questions se pose mais tant pis je l'ai fait et si ce n'est pas le cas je m'en excuse

Le problème pour un soldat qui revient de mission ne se pose que sur un point: A-t-il fait l'expérience de la mort? Tout le reste a beaucoup moins d'importance.

1) Effet bening

La durée d'une mission peut avoir un effet mais c'est temporaire. C'est juste une acoutumence sociale à refaire. En quelques semaines/jours ça revient. (Le premier risque chez les français, c'est l'accident de la route. Le soldat français se tue sur la route plus qu'un anglais, un belge...)

Il y a aussi, et c'est un peu plus grave, le sentiment d'avoir raté un événement unique et important de sa vie: Ne pas être là au mariage de la sœur, la mort d'un parent, l'arrivée de son enfant, ne pas voir ses premiers pas, entendre son premier "maman".

Beaucoup d'anciens parlent de ce genre de regret: "je n'étais pas là. Je l'ai pas vu grandire". Alors, si la mission était vécue comme inutile, il peut y avoir un sentiment d'aigreure envers l'armée. Or, ici, l'absence vis à vis d'un enfant peut se combler naturellement.

La forme d'absence la plus dérangeante ici est face la mort d'un parent. Ce moment est très important, surtout en cas de tensions intergénérationnelles. Les derniers instants sont un moment de vérité. C'est là où on se rend compte de l'amour réciproque entre parents et enfants. Être en mission peut faire rater cette chose qui est pourtant structurante dans la vie d'un homme. Il peut y avoir une blessure très dure à refermer.

2) Effet lourd

Les dérangements d'ordre psychiatrique et lourds sont ceux provoqués par l'expérience de la mort. Dans ce cas là, à un moment ou à un autre, un trouble peu apparaitre.

Pour faire simple:

Le soldat connait un choc (mort, blessé. De soi ou d'un autre. De façon réelle ou sa représentation culturelle). Il se grave alors une information indélébile dans son psychisme. C'est la création d'un déséquilibre, une faille... S'il y a plusieurs chocs, ils vont s'additionner mais pas de façon linéaire. Et puis un jour, il y aura un élément déclenchant qui va activer cette information et provoquer des troubles.

Ce déclenchement peut être immédiat (le jour de l'événement) comme tardife (5, 10 ans). Il n'y a pas de règle. Cela dépend de chacun.

Il n'y a pas non plus de méthode d'acoutumence connue. Pas de protection avant. Et cela peut toucher tout le monde. Même les gros dures.

3) Alors quoi faire?

Au niveau militaire, il y a tout un processus de suivi:

- Il y a le sasse dont parle Gibbs qui marche très bien et qui est amélioré constamment.

- Il y a une cellule d'écoute et de conseil sur le théâtre. Elle répond aux sollicitations des hommes et ça marche très bien.

- Il y a ouverture d'un registre pour suivre les personnes qui ont connues certaines expériences. Comme ça, elles peuvent bénéficier d'aides particulières. Les médecins et la hierarchie sont plus attentifs à ces gens là.

Au niveau professionnel, il y a donc beaucoup de choses qui sont faites.

Pour la famille, il me semble qu'il faut rester à sa place.

Cela signifie:

- il faut être conscient mais pas obnubilé par ce retour de campagne,

- en parler entre les gens sérieux (pas les piplettes) avant et après le retour. Et ce, de la façon la plus simple. Pas de grandes réunions formelles. Ça doit être naturelle.

- être conscient qu'un homme n'est stable en caractère qu'à 30 ans. S'il a changé, c'est juste qu'il a un expérience en plus dans sa vie et que 6 mois se sont passés.

- il faut être présent mais pas envahissant car il est sortie de son environnement sociologique. S'il n'a plus le même rythme de vie, c'est qu'il est déphasé. Comme un décalage horaire.

- ce qu'il faut surveiller, c'est la reconstitution du lien affectif avec son amie s'il en a une. 6 mois, c'est long et l'amour à tout âge est une continuelle remise en cause. Si elle casse, mieux vaut qu'il l'apprenne avant son retour. Sur le théâtre, il est entouré dans sa section. Il sera pris en compte et ça sera une chose de moins à lui dire. A son retour, il en aura fait son deuil.

Ce qui peut être fait:

- entretenir le lien avec lui: Internet, courier, colis...

- contacter la cellule d'aide aux familles du régiment. Ne pas hésiter à poser des questions sur les choses à faire ou à ne pas faire. Aller aux invitations du régiment. Peut être le régiment fait-il des points de situation sur les missions. Il faut y aller pour savoir ce qui se passe. En ayant suivi la campagne, tu comprendras mieux ce qu'il te dis et tu ne sera pas décalé.

- lui dire que tu te poses des questions sur Internet. Pourquoi pas? De toute façon, ça risque de lui remonter. Il a un caractère et il faut composer avec: Ce genre de démarches parentales sont vécus parfois très bien (c'est une preuve d'amour), parfois non (papa, arrête, j'ai honte.) maintenant, comme on fait la vrai guerre, je peux te dire que plus personne n'a honte.

Pour les risques psychiatriques:

Il ne faut pas se préoccuper de cela. La cellule d'aide aux famille va te conseiller. Maintenant, il ne faut pas se traumatiser soi-même plus que le fils. Là, il peut y avoir un risque au retour de transférer ton stress à ton fils. Ce serait pas bon du tout. (Lors d'une mission, un risque important tient au stress qui se met en place dans la cellule familliale.)

Ne pas être naïf, ne pas être mort de peur. C'est comme certaines mauvaises notes à l'école. La vie n'est pas fini même s'il faut réagir.  C'est comme la première fille que l'on se fait présenter.

Il faut juste avoir l'oeil des parents aimant.

En cas de problèmes, il ne faut pas hésiter à en parler. Chacun a sa façon, ses mots. Évoquer le besoin d'un psy, c'est utile. Maintenant, commencer à dire: "T'es bien? Tu veux voir un psy?" à l'arrivée et tous les jours alors qu'il n'y a rien; je te laisse imaginer.

Il ne faut pas créer de doute, de suspiscion en tout genre. Donc percer les abscés qui se forment maintenant puis le laisser reprendre sa place de fils en admettant qu'il a grandi.

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que dire, pas grand chose

chaque personne est différente, et pour beaucoup le contact avec des DCD ou des blessés ce fait en afgha, pour d'autres quelque soit le territoire, le danger et présent et les morts ou les blessés aussi (civils ou militaires).

on loupe des évènements oui, mais le contact avec la famille et beaucoup plus présent qu'avant grâce à internet. ma dernière à 3 ans (2007), je n'ai pas fait sa rentrée en maternelle, et depuis sa naissance, 1 kosovo, 1 afgha, et la je termine le LIBAN, et pourtant je lui parle presque tout les jours.

on loupe des choses c'est sur, mais on en profite un max quand on est ensemble !!!

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Merci Serge pour ces détails intéressants :)

Par contre, peux tu développer ce point stp ?

- être conscient qu'un homme n'est stable en caractère qu'à 30 ans. S'il a changé, c'est juste qu'il a un expérience en plus dans sa vie et que 6 mois se sont passés.

J'suis pas loin des 30ans, du coup j'm'sens concerné ;)

plus sérieusement, je suis surpris par cette phrase, et du rapport entre avoir fait l'expérience de la mort et avoir plus ou moins de 30 ans. :$

mais encore merci au demeurant :)

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Peux tu développer ce point stp ?

J'suis pas loin des 30ans, du coup j'm'sens concerné ;)

plus sérieusement, je suis surpris par cette phrase, et du rapport entre avoir fait l'expérience de la mort et avoir plus ou moins de 30 ans.

Dans le texte, je parle de deux choses différentes:

- le changement de caractère possible chez un adulte pour cause d'un vécu. Prenons un Parisien qui se retrouve pendant 6 mois en jungle; à son retour, il aura changé un peu car aura connu une expérience formatrice.

- la notion de "l'expérience de la mort" est évoquée car elle est la cause de possibles troubles. C'est donc autre chose.

Alors pourquoi la trentaine?

Et bien l'homme se construit très progressivement.

Je dirais (et c'est très personnelle) que:

- de 01 à 14/15 ans, il apprend l'autonomie. A la fin de ce processus, il peut survivre. Ce n'est pas pour rien que la plus part des rites initiatiques d'entrée dans l'âge adulte se fait à cette période.

- de 14 à 20/22 ans, il trouve sa place dans la société. Quittant l'enfance, il est dans une phase d'instabilité car n'a pas encore de place sociale. Ce sont les premières expériences et remises en cause de l'héritage parental.

- de 20 à 30/35 ans, conscient d'être adulte, il trouve son rythme dans la société. Son caractère change encore mais de moins en moins.

- après 35 ans, la personnalité est complettement forgée, le caractère stable.

Ainsi, partir 6 mois à 20 ans en Afghanistan, c'est y consacrer 10% de sa phase d'entrée dans la vie d'adulte. C'est énorme. Dés lors, il est évident qu'un jeune soit différent à son retour.

Cette différence n'est donc pas l'indice de troubles pathologiques mais l'évolution normale de la vie.

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Je dirais (et c'est très personnelle):

ah, ok. Pas que je sois en désaccord, mais plutôt que je me demandais si cela était quelque chose d'enseigné "aux gens du métier", dont tu sembles faire partie. Merci pour cette précision.

Quand à la "classification" présentée, je manque clairement de recul. We shall see !

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ah, ok. Pas que je sois en désaccord, mais plutôt que je me demandais si cela était quelque chose d'enseigné "aux gens du métier"

Ce découpage a une composante personnelle dans sa formulation mais il se fonde sur l'enseignement plusieurs domaines.

Ainsi, l'âge de 14 ans n'est pas neutre.

Il correspond au moment de rites initiatiques de rentrée dans l'âge adulte pour de nombreuses sociétés. En survie, on estime aussi qu'il faut 10 à 14 ans pour former une personne au techniques liées à son milieux naturel pour être autonome. Dans le domaine juridique, il y a responsabilité à 15 ans. L'adolescence est défini à partir de ce moment par de nombreuses sciences humaines.

Enfin, mon découpage est plutôt laxe. Il laisse une marge assez grande.

Pour ce qui est de l'enseignement en institution, il existe. Il y a des cycles de formation selon les personnes concernées et à des moment précis de leur formation.

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