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La France exilée. Tome 1 : 1940 La roue du destin


Napoléon III
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Bonjour à tous !

J'avais déjà posté ici mon uchronie qui a pour point de divergence la continuation de la guerre par la France en 1940.

Je n'ai pas abandonné le projet. J'ai même formaté le récit pour en faire un équivalent de livre.

Je vous souhaite bonne lecture.

Au plaisir de lire vos remarques.

Chapitre 1 : La croisée des chemins

« Je sentis, au fond de mon âme, que le mystérieux incident de voiture qui frappa le maréchal Pétain émanait d’une Force désireuse de sauver la France. Je le considéra de suite comme une sorte d'appel du destin. D’ailleurs les évènements qui suivirent le prouvèrent. »
Charles de Gaulle, Mémoires de guerre – Le Sursaut : 1940-1941 (tome I)


10 juin 1940, dans la soirée. Une voiture quitte Paris en trombe en direction de la Touraine. À son bord, le vice-président du conseil de la République française, le maréchal Philippe Pétain. Alors que le gouvernement évacue Paris, celui-ci semble véritablement pressé de quitter la capitale.

Trop…

L’un des pneus cède, faisant quitter la route au véhicule.

Il n’y eut aucune survivant.

Pour remplacer le maréchal à la vice-présidence, Reynaud nomme en urgence, poussé en ce sens par le Général, un « jusqu’au boutiste », son ministre de l’intérieur, Georges Mandel.

Le camp de la continuation des combats sort ainsi grandement renforcé tandis que celui des « Flanchards », comme les surnommait de Gaulle, est quant à lui gravement affaibli par la mort du Maréchal, avec la perte de son héraut.

Malgré la catastrophe militaire, on rend les honneurs au Maréchal, qui restera à jamais le « vainqueur de Verdun ».

À l’issue de l’hommage, le général de Gaulle murmurera à l’oreille de Mandel, selon les mémoires de ce dernier : « Dieu merci, il ne pourra plus barrer la route au destin de la France... ».

C’est encore effarés par la soudaine disparition du Maréchal que les dirigeants français apprennent que leurs homologues britanniques, avec à leur tête Winston Churchill, veulent les rencontrer au GQG du commandant de l’armée française, le général Maxime Weygand, le château du Muguet à Briare[1], le jour même.

Sont présents Paul Reynaud, Georges Mandel, les généraux français Weygand, De Gaulle, Winston Churchill, Anthony Eden, les généraux britanniques Ismay et Spears.

Après un exposé dramatique de la situation sur le front par Weygand, Reynaud réclame à Churchill l'appui massif de la RAF, qui peut selon lui faire « pencher le plateau de la balance ». Mais Churchill refuse d'envoyer les restes de la chasse britannique en France, après les combats de Dunkerque il ne lui reste que 25 escadrons disponibles dont il estime avoir besoin à tout prix pour défendre son pays.

Churchill propose en revanche de se battre dans Paris mais Weygand refuse catégoriquement de transformer Paris « en un nouveau Madrid »

Churchill propose alors, pour pousser les États-Unis à intervenir, de conduire une guérilla quotidienne contre l’occupant allemand.

Reynaud, cependant, affiche ses réserves, craignant les représailles contre les civils et la destruction des villes françaises, ce qui choque de Gaulle et Mandel, non par volonté de sacrifier délibérément le peuple de France, mais bien car les 2 hommes commencent à percer la fêlure dans l’armure du président du conseil.

Churchill a les mêmes sentiments, et promet pour faire pencher la balance du bon coté, le soutien du Bomber Command britannique contre les colonnes de Panzers qui filent vers le sud via des raids nocturnes.[2]

Le premier ministre de sa Majesté fait cette promesse, car, en effet, il sent qu’une faille s’est ouverte pour la cause du maintien en guerre de la République française avec la mort de Pétain…

Plus tôt dans la journée, d’accord avec le général Georges, Maxime Weygand avait ordonné un repli général de l’armée française sur une ligne allant de Caen à Dôle et s’appuyant largement sur la Loire.  La tristement fameuse instruction personnelle et secrète « NI 1444/3 FT » qui ordonne d’appliquer ce retrait « le plus rapidement possible, sans préoccupation d'alignement et sans esprit de liaison. »...

Ce repli implique l’abandon de la Ligne Maginot, non préparée pour soutenir une « guerre de siège ».

La conférence se poursuite le lendemain, 12 juin 1940, au château de Cangé cette fois.

Darlan, cette fois-ci présent, s’engage envers Churchill à ce que jamais la flotte française ne tombe entre les mains des Allemands.

L’histoire prouvera qu’il est, à ce niveau, un homme de parole.

En revanche, Weygand continue ses exposés catastrophiques sur la situation militaire « et les divisions cuirassées allemandes qui enfoncent notre dispositif et font beaucoup de prisonniers. ».

Reynaud, de plus en plus las, travaillé au corps par sa maîtresse, épuisé par la tournure des évènements, promet néanmoins qu’aucune décision de poursuite ou d’arrêt des combats ne sera prise sans en informer les Anglais.

Churchill, un peu provoquant, mais pour la bonne cause, dira que si le Royaume-Uni vainqueur restaurera la France « in her dignity and greatness » (« dans sa dignité et sa grandeur »), ajoute dans la langue de Molière « vous les Français avez cette phrase. « Mieux vaut mourir debout, que vivre à genoux ! », et bien je vous le dis mes amis, que si la France se tient debout aux côtés de l’Angleterre, elle ne mourra pas !  En revanche, je ne peux vous offrir ce genre de garanties de la part de Herr Hitler...».

Inutile de dire que cette boutade ne fut guère du goût de Weygand.

En se retirant pour rentrer à Londres, Churchill murmura, en Français toujours, à l’oreille de de Gaulle « L’homme du destin... »

Du soir, les Britanniques partis, le généralissime français expose pour la première fois au conseil des ministres la nécessité d'un armistice. « Il faut éviter avant tout la décomposition de l'armée, dit-il, et pour cela adresser dès maintenant au gouvernement allemand une demande d'armistice. » Il ajoute : « La France peut aujourd'hui demander un armistice sans rougir. Je me félicite d'avoir livré sur la Somme une bataille qui a restitué à l'armée française son vrai visage. Devant le monde, elle a sauvé l'honneur, et traiter, désormais, ne sera plus indigne d'elle. ».

Reynaud s’y oppose, il faut soit constituer un réduit breton, soit continuer la lutte depuis l’Afrique du nord en concluant « Qu’Hitler, c’est Gengis Khan ! » et qu’il ne se contentera pas comme Guillaume Ier d’annexer une ou deux provinces…

Weygand éructe alors : « La guerre est perdue ! L’Angleterre n’attendra pas 8 jours après l’écrasement complet de notre pays pour demander de son côté les conditions de paix. 2000 soldats tombent chaque jour sous les balles ennemies. Les politiques ont commencé cette guerre, à eux de la terminer ! »

Reynaud, faisant preuve cependant de caractère, et en dépit de forts visibles signes de faiblesse[3] réplique à Weygand qu’il a été désigné président du conseil sur ce programme. « La victoire à tout prix ! ».

Malheureusement, Hitler a deux atouts. Ses panzers et… la propre compagne de Reynaud, Helène de Portes !

Ainsi, le Reynaud combatif du conseil, en dépit de son stress, se dissout dans la nuit, sa maîtresse l’ayant traité… « D’Isabeau de Bavière ! ».

Celle qui en signant avec Henry V, roi d’Angleterre, le traité de Troyes, faillit livrer la France à ce dernier...

Ainsi, lorsque de Gaulle et Mandel insiste auprès de Reynaud pour que ce dernier remplace Weygand, celui- s’y refuse.

La dernière phase de la conférence se tient à Tours, le 13 juin.

Le but de ce dernier jour de conférence est de déterminer le sort de la France pour l’avenir. Doit-on continuer de se battre en créant soit une forteresse en Bretagne, soit en se repliant en AFN, ou bien cesser immédiatement les hostilités ? Dans cette seconde option, comment réagirait l’Angleterre ?

À 15h30, Churchill et Reynaud s’entretiennent ensemble. Reynaud qui qu’opposé à la signature d’un armistice, demande tout de même ce qu’en pense le gouvernement anglais.

Churchill lui répond après un moment de silence, dans un élan lyrique :

« Bien que nous comprenions la situation où vous vous trouvez, le gouvernement que je représente ne peut que s’opposer avec force à cette décision, bien que dans tous les cas, la Grande-Bretagne restaurera la France dans toute sa puissance et sa grandeur qu'elle qu'ait été son attitude après sa défaite.

Dans le cas contraire, je puis vous affirmer ceci. La Grande-Bretagne soutiendra avec force votre pays, la France, si vous décidez de vous replier soit en Bretagne, soit en Afrique du nord, avec nos vaisseaux, nos soldats et du matériel. Sachez que la Grande-Bretagne fera bloc derrière vous si vous décidez de continuer la guerre ! »

Cette réponse conforte les partisans de la poursuite de la lutte des combats. Les « capitulards » viennent encore de perdre une bataille.

C’est dans ce contexte que le gouvernement entame un nouveau repli, cette fois sur Bordeaux.

Bordeaux, où règne une atmosphère de fin d’un monde, atmosphère qui impressionna jusqu’au président Lebrun, et où opposants et partisans de l’armistice s’affrontent désormais ouvertement lors des réunions du conseil des ministres.

La capitale de la défaite sera-t-elle le tombeau de la grandeur de la France ?

Après l’annonce par Weygand de l’effondrement du front, Chautemps, meneur du camp défaitiste propose au vote des ministres une motion appelant non à l’armistice mais ayant comme objectif de demander à l’Allemagne les conditions de celui-ci.

Mandel, furieux, s’en prend alors violemment à Camille Chautemps en le traitant ouvertement de lâche.

En réponse, ce dernier utilise l’argument premier des futurs laquais français d’Hitler. Mandel serait « indifférent à la souffrance des Français… ».

Le pire étant que Reynaud ne défend même pas Mandel.

De Gaulle, lui, est en Bretagne, où après avoir conféré avec les généraux Altmayer et Guitry pour, dit-il, « préparer la défense du terrain » à Rennes, se rend ensuite à Brest pour préparer les évacuations.

Il ne rentre à Bordeaux que du soir. C’est par la voix de Mandel qu’il apprend que c’est in-extremis que Reynaud a rejeté la proposition Chautemps mais qu’aussi, le chef du gouvernement semble en passe de rompre.

De Gaulle répond alors :

« Soit, nous n’avons qu’une nuit pour agir ! ».

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Progression du front dans l’après-midi du 16 juin 1940 (Source  [WW2] The Battle of France and the Low Countries: Every Hour  https://www.youtube.com/watch?v=fa6FpphhBUo par Yan Xishan 閻錫山)

[1] Dans le département du Loiret
[2] Churchill a en revanche en plus d’avoir refusé l’envoi d’escadrilles de chasse de la RAF en France, seulement promis 2 divisions d’ici la fin juin et 20 supplémentaires si… la France tient jusqu’au printemps 1941 !
[3] Reynaud a ainsi les jambes flageolantes…

Chapitre 2 : Alea Jacta Est

« À l’issue de l’écriture de l’adresse aux Français annonçant le « sursaut », le président du conseil me dit, visiblement ému. « C'est parfait mon général, enregistrons l'appel du 16 juin puis diffusons le sur les ondes. Le Monde doit connaître notre résolution ! »

Charles de Gaulle, Mémoires de guerre – Le Sursaut : 1940-1941 (tome I)

Le lendemain 16 juin, les ministres continuent de s’entre-déchirer sur le destin de la France.

Armistice ou capitulation ?

Mandel, le Général mais aussi Louis Marin, Ministre d’État, défendent bec et ongles l’idée d’une continuation de la lutte.

Tandis que Chautemps, Weygand mais aussi Paul Baudouin et Bouthillier, qui trahissent donc Reynaud, portent eux, l’étendard blanc de la déroute.

Les autres, certes patriotes, n’en constituent pas moins une sorte de marais pouvant bousculer d’un côté ou l’autre, même si, les recherches historiques le prouveront, ils penchaient plutôt du côté de la lutte.

Reynaud, livide, effaré et écœuré par la trahison de ceux qu’il pensait être des proches et des soutiens, espérant faire taire les partisans de l’armistice, lit sur un ton qui ne cache pas sa nervosité, le refus catégorique de Churchill de délier la France de son serment de ne pas signer de paix séparée, en réponse à un câble envoyé dans ce sens à Londres la veille.

Chautemps, sort alors de ses gonds et dit avec fracas.

« Le gouvernement français n’a pas à demandé son accord au gouvernement anglais ! Nous ne sommes, et ne seront jamais, un Dominion ! »

« Là n’est pas la question… Il s’agit juste de concertation entre alliés. » répond froidement de Gaulle.

Yves Bouthillier, le félon, demande alors, sur un ton faussement conciliant, que comme le gouvernement n’arrive pas à trancher, il faut faire voter les chambres.

Il sait très bien le caractère peu combatif d’une majorité de députés.

Et en démocratie, le tombeau se joue à une voix...

Mandel eut alors ces mots historiques.

« Messieurs les ministres,

La situation dramatique que connaît notre malheureux pays a fait perdre leur sens du devoir à certains, dont le rôle eut été pourtant d’être des modèles à suivre.

De surcroît, face à l’adversité, une fraction des représentants de la nation se sont abaissés jusqu’à plus n’être que les simples représentants d’une fraction de leurs électeurs.

Pourtant, ici, il est encore des ministres qui ne sont point sourd au cri silencieux de la majorité des Français, qui est de continuer la guerre, pour, un jour prochain, les restaurer, eux et la patrie, dans leur honneur, leur dignité, et leur droit.

Quand aux députés, je puis désormais vous assurer de leur soutien plein et entier. »

Chautemps, Baudouin et Bouthillier n’eurent pas le temps de réagir que MM. Herriot, président de la chambre des députés, et Jeanneney, président du sénat, entrent dans la pièce et annoncent leur soutien, et donc celui du parlement, à une reconduction de Paul Reynaud à la tête d’une nouvelle équipe, à la condition qu’elle soit favorable à la poursuite de la guerre depuis l’Afrique du nord, où seraient transportées les institutions de la République.

Mandel ajoute alors. « M. Bouthillier, nous sommes effectivement en faveur du vote que vous proposez... »

Les « Flanchards » du gouvernement ayant été neutralisés, du fait de leur futur évincement du gouvernement, restait à ajourner le conseil, pour converser avec Reynaud quant à la future composition du nouveau cabinet de la République.

Celui du combat.

Mais les évènements se précipitent alors...

Weygand, apprenant que les événements n'allaient plus dans le sens de son camp, fait soudain irruption dans la pièce.

« Messieurs ! Comment pouvez-vous un instant imaginer pouvoir continuer la guerre dans ces conditions ? Nos armées sont disloquées, brisées, à genoux, et ce, en dépit d'un héroïsme sans borne, submergés qu'elles sont par la masse de milliers de panzers ! Nos lignes de défense sur la Somme et l’Aisne ont été écrasé. En cette heure, l’ennemi fonce vers la Loire et menace les arrières de nos troupes stationnées le long de la ligne Maginot ! J'ajoute que la valeur admirable dont font preuve nos soldats fait que vous les politiques, qui seuls ont décidés de cette guerre, doivent de ce pas trouver une solution pour mettre un terme à ce bain de sang ! MM. désirez-vous vraiment que le drapeau rouge flotte sur l’Élysée ? »

De Gaulle s'apprêtait à intervenir quand Mandel le devança.

« Imaginez-vous, généralissime, ce cabinet inconscient de notre situation ? Ne sachant pas l'héroïsme de nos troupes ? Ignorant de la situation militaire ? Méprisant de la souffrance des Français ?

Mais ce cabinet est également conscient de la barbarie de l'ennemi auquel nous faisons face ! Hitler est un nouvel Attila et la France ne pourra vivre que quand lui et ses hordes sanguinaires seront anéanties !

La… »

Weygand vitupère alors…

« Hitler est un Attila pour certaines catégories seulement... »

Mandel le regarde alors froidement puis se tourne vers Reynaud avec un regard explicite qui signifie : « Faîtes quelque chose M. le président du conseil ! »

Reynaud, rasséréné par la force de conviction de ses ministres, prononce alors cette phrase décisive.

« Vous êtes limogés de votre poste de commandant suprême des armées françaises, général. »

Weygand devient alors rouge de colère.

« De quel droit vous permettez-vous cela ? »

« De par le fait, ou plutôt le principe, que l'autorité militaire est toujours subordonnée au pouvoir politique... » répondit simplement Paul Reynaud.

Maxime Weygand avait compris. Le coup de génie de Mandel et de Gaulle avait changé la donne. Lui, le général Weygand, ne pourrait plus faire pression sur la présidence du conseil pour le conduire à prendre la décision, plus honorable selon lui, de conclure un armistice politique plutôt qu'une capitulation militaire de la Métropole.

L'ex-généralissime, sur un ton beaucoup plus posé mais toutefois animé d'un tic, signe de son extrême nervosité, demande alors la permission d'être affecté à la tête d'une unité combattante.

Reynaud, finalement satisfait de la soumission de Weygand, accepte.

Maxime Weygand, salue en silence le président du conseil et se retire.

Weygand, qui demanda à être rétrogradé colonel, se suicidera, après s'être vaillamment battu.

Le 23 juin au petit matin...

Voyant que leur dernier atout vient de s’effondrer avec l’éviction de Weygand, les partisans de l’armistice, menés par Chautemps, qui quoi que muets pour certains lors de cette réunion du 16, mais s’étant de toute façon révélés au grand jour la veille, quittent la pièce.

N’ayant commis, heureusement, aucun crime, Mandel, ministre de l’intérieur, ne peut totalement les neutraliser, mais une lourde surveillance s’exerce dès ce jour sur eux.[4]

Les tenants de la continuation de la lutte, se doutant bien de leur côté qu’ils sont prolongés dans leur mission, restent dans la pièce, qui est bien évidemment le cas.

Les Flanchards partis, Reynaud annonce, à la stupeur des ministres et des présidents des chambres, qu’il va démissionner en faveur de Georges Mandel.

Face à leur opposition, Reynaud insiste.

« Non non, messieurs les ministres, ma décision est irrévocable. Je ne suis plus l’homme de la situation. L’action de MM. De Gaulle et Mandel l’a prouvé. M. Mandel est le mieux placé pour conduire la France à la victoire finale. Quant à vous mon général, ma dernière décision en tant que président du conseil est de vous nommer général à titre définitif. »

Le président Lebrun approuve immédiatement cette double décision.

Il restait maintenant à annoncer au monde la nouvelle détermination française.

Les mots prononcés par Mandel sur les ondes, bien qu'universellement connus, méritent d'être retranscrit dans cet ouvrage.

« Mes chers compatriotes,

Le Président de la République m'a désigné pour prendre la tête du gouvernement en ces heures tragiques pour notre pays.

Oui, nous subissons une grande défaite. Un système militaire mauvais, les fautes commises dans la conduite des opérations, l'esprit d'abandon de certains, nous ont fait perdre la bataille de France.

En effet, bien que nous avons été et que nous sommes, submergés par la force mécanique, terrestre et aérienne, de l'ennemi, le dernier mot n'a pas été dit. L'espérance ne doit pas disparaître et la défaite n'est pas définitive !

Croyez-moi, moi qui vous parle en connaissance de cause et vous dis que rien n'est perdu pour la France. Les mêmes moyens qui nous ont vaincus peuvent faire venir un jour la victoire.

Car la France n'est pas seule ! Elle n'est pas seule ! Elle n'est pas seule ! Elle a un vaste Empire derrière elle. Elle peut faire bloc avec l'Empire britannique qui tient la mer et continue lui aussi la lutte. Elle peut, comme l'Angleterre, utiliser sans limites l'immense industrie des États-Unis.

Cette guerre n'est pas limitée au territoire malheureux de notre pays. Cette guerre n'est pas tranchée par la bataille de France. Cette guerre est une guerre mondiale. Toutes les fautes, tous les retards, toutes les souffrances, n'empêchent pas qu'il y a, dans l'univers, tous les moyens nécessaires pour écraser un jour nos ennemis. Foudroyés aujourd'hui par la force mécanique, nous pourrons vaincre dans l'avenir par une force mécanique supérieure. Le destin du monde est là.

L'honneur, le bon sens, l'intérêt de la Patrie, commandent à tous les Français de continuer le combat

Conscient de tout cela, le gouvernement de la République que je préside a pris la décision de partir pour l'Afrique du nord afin d'y continuer la lutte.

Quoi qu'il arrive, la flamme de la résistance française ne doit pas s'éteindre et ne s'éteindra pas.

Vive la République ! Vive la France ! »

Mais le Général ne s'était pas contenté d'aider Mandel à écrire l'appel à l'attention du peuple de France et de ses amis. De Gaulle aide de même le président du conseil fraîchement nommé à constituer une liste de noms pour son gouvernement. Reconduire l’autre vice-président du conseil du gouvernement précédent, Camille Chautemps étant bien évidemment exclu. Mais qui dès lors pour les remplacer à ce poste qu'en toute logique seules des personnalités politiques majeures pouvaient occuper ?

Aux postes de vice-présidents du conseil, de Gaulle et Mandel s’entendent pour nommer Joseph Paul-Boncour et Louis Marin, un ancien président du conseil de la République française de gauche et le meneur de la droite conservatrice française.

Le premier, anti-munichois de valeur, fut un chaud partisan d’un rapprochement franco-soviétique lors de la montée des périls.

Le second, ministre d’État jusque là, monte en grade. Il servira à rallier les plus conservateurs des Français. Marin est un véritable signe que l’anti-fascisme n’est pas que de gauche. Bien que chef de la droitière Fédération républicaine, cela ne l’a pas empêché d’être un tenant de la résistance à tout prix.

2 poids lourds de la vie politique française pour un gouvernement de combat donc.

Un homme de gauche et un homme de droite.

L’Union sacrée...

Aux affaires étrangères, alors que de Gaulle pressent le caractère mondial du conflit et la future guerre germano-soviétique, et dans la droite ligne de la nomination de Paul-Boncour à la vice-présidence du conseil, celui-ci obtient de Mandel la nomination de Léon Blum.

Le chef des socialistes français. Le nommer au gouvernement est donc dans la droite ligne de ce renouveau de l'Union sacrée de 1914. De plus, il permet de placer un individu apte à négocier avec Staline à la tête de la diplomatie de la République.

De Gaulle aurait aimé qu’il fut le vice-président du conseil représentant la gauche, mais Mandel refusa catégoriquement. Pour lui placer 2 juifs aux plus hautes sphères de l’État eut pu faire capoter son gouvernement en incitant les antisémites à l’action.

Hélas, sa « judéité » est à cette époque source d’un profond complexe chez le nouveau chef du gouvernement français.

En effet, au sortir de la réunion qui l’a vu propulsé à la présidence du conseil, Mandel connaît un instant de doute.

« Je suis Juif. » dit-il au Général. « Jamais ils ne m’accepteront... »

Ce à quoi répond de Gaulle.

« La seule dévotion qui compte en ces temps troublés, c’est la dévotion envers la partie, M. Le président du conseil... »

Mandel, rasséréné par ces mots justes, mais toujours conscient de la terrible menace intérieure constituée par l’extrême droite antisémite, conserve le portefeuille de l’Intérieur. Et c’est à d’ailleurs à ce titre qu’il publie un décret ordonnant aux autorités civiles de rester sur place, et de maintenir l’autorité républicaine jusqu’à l’arrivée des Allemands. Interdiction est donnée aux policiers et aux gendarmes de se replier. Mieux, ceux-ci doivent aider à contenir l’Exode, qui gène l’armée française et qui est désormais, bien inutile, le pays ayant comme vocation d’être destiné à l’occupation totale à court terme…

Mieux, bientôt, la police et la gendarmerie fourniront des renseignements sur les activités des Allemands dans le pays au gouvernement en exil !

Véritable cabinet de lutte, de Gaulle et Mandel s’attachent à se lier les combatifs de la première heure, quitte à leur donner des portefeuilles secondaires sur le papier.

Le président du conseil et le Général se mette d’emblée d’accord pour se rallier Henri de Kérillis, seul député de droite ayant voté contre les accords de Munich et qui dénonça vivement devant la capitulation qui livra la Tchécoslovaquie à Hitler.

« Messieurs, ceux d'entre nous qui eussent voulu qu'on trouvât beaucoup plus tôt la ligne de résistance aux prétentions allemandes, qu'on sauvât la Tchécoslovaquie et en même temps la paix, on les accuse d'avoir voulu la guerre. (...) Non messieurs, je ne voulais pas la guerre mais lorsque la guerre menace un pays, il ne faut pas donner l'impression de la craindre si on veut la faire reculer. (...) Cette paix consacre le triomphe d'Hitler, c'est-à-dire à la fois celui de l'Allemagne et celui du fascisme international. (...) Je sais bien qu'il y a parmi nous des hommes pénétrés de patriotisme (...) qui espèrent que la France pourra vivre en paix, fière, libre, à côté de cette nouvelle et gigantesque Allemagne. [...] Non ! N'espérez pas ! L'Allemagne est insatiable devant les faibles, l'Allemagne est impitoyable pour les faibles, l'Allemagne ne respecte que les forts et nous venons de lui montrer que nous ne l'étions pas ! (...) Vous croyez qu'elle va devenir douce et conciliante. Moi je crois qu'elle va devenir exigeante et terrible. Hitler nous a prévenus, dans Mein Kampf, que son but suprême était d'écraser la France ».

Triste présage de la part d’un Cassandre...

De Kérillis devient ministre des anciens combattant dans le ministère du sursaut.[5]

Enfin, pour montrer une rupture avec Reynaud tout en montrant le caractère jusqu’au boutiste de son cabinet, Mandel rappelle en tant que ministre d’État, celui qui déclara la guerre au Reich après son invasion de la Pologne et qui fut écarté par Reynaud, son ennemi, début juin.

Édouard Daladier

Mais la continuation de la lutte serait impossible sans l’aide de la flotte, dont l’Amiral de France, François Darlan, a fait sa « chose ».

Et, désormais, ses fusilliers-marins quadrillent Bordeaux depuis le milieu de la nuit.

Pour maintenir l’ordre mais, surtout, pour éviter un coup de force des défaitistes.

En effet, dans la nuit du 15 au 16 juin, de Gaulle et Mandel ont rencontré Darlan à l’Amirauté.

Celui-ci, qui affirme la fidélité de la flotte au gouvernement et la volonté farouche des marins français de continuer la guerre. Puis, il souligne la tenue admirable de la marine durant les opérations tout en sous-entendant que l’armée de terre a beau s’être mal comportée durant la Bataille de France, elle a son ministre en la personne de de Gaulle.

Il conclut en montrant l’importance de celle-ci pour la poursuite des combats depuis l'outre-mer.

Comprenant le message, Mandel et de Gaulle promettent à Darlan le poste de ministre de la marine, qui regroupera les marines marchande et militaire.

En échange, Darlan, fournit entre autres des fusilliers-marins donc pour quadriller Bordeaux, noyautée par les défaitistes, dont rien moins que son propre édile, Adrien Marquet, dont l’esprit est gangrené par les idéaux fascistoïdes…

Président du conseil : Georges Mandel

   • Vice-présidents du conseil
       ◦ Joseph Paul-Boncour
       ◦ Louis Marin

   • Ministres :
       ◦ Ministre de la Défense nationale et de la Guerre : Charles de Gaulle
       ◦ Ministre des Affaires étrangères : Léon Blum
       ◦ Ministre de l'Intérieur : Georges Mandel
       ◦ Ministre des Armements : Raoul Dautry
       ◦ Ministre des Finances : Paul Ramadier
       ◦ Ministre du Travail : Charles Pomaret
       ◦ Ministre de la Justice : Albert Sérol
       ◦ Ministre de la Marine: François Darlan
       ◦ Ministre de l'Air : Laurent Eynac  
       ◦ Ministre de l'Éducation nationale : Jean Zay
       ◦ Ministre des Anciens combattants et des pensions : Henri de Kérillis
       ◦ Ministre de l'Agriculture : Paul Thellier
       ◦ Ministre du Ravitaillement : Henri Queuille
       ◦ Ministre des Colonies : Marius Moutet
       ◦ Ministre des Travaux publics : Charles Vallin
       ◦ Ministre de la Famille française : Georges Pernot
       ◦ Ministre des Postes, Télégraphe, Téléphone et Transmissions : Alfred Jules-Julien
       ◦ Ministre de l'Information : Daniel Mayer
       ◦ Ministre du Commerce et de l'Industrie : Louis Rollin
       ◦ Ministre du Blocus : Georges Monnet
       ◦ Ministres d'État : Auguste Champetier de Ribes et Édouard Daladier

Quant à Paul Reynaud, admirateur des régimes anglo-saxons et parfaitement anglophone, il est nommé au poste non moins capital d’ambassadeur à Washington.

Il sera la voix de la France combattante auprès du président Roosevelt.

La France ayant un nouveau gouvernement à sa tête, reste à organiser le « sursaut », tandis que l’offensive allemande se poursuit implacablement…

 

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spacer.pngspacer.pnga10.jpgGeorges Mandel, nouveau président du conseil (Source Wikipédia)

[4] Mandel a un temps envisagé de les arrêter pour haute trahison tout de même.
[5] Notons qu’il sera l’auteur d’une analyse de qualité sur la défaite de 1940, Français, voici la vérité.

 

 

 

Modifié par Napoléon III
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Chapitre 3 : Tandis que la France brûle...

« Je constata alors avec dédain qu'en dépit des propos belliqueux qu'il tenait encore moins d'une heure auparavant, M. le Président de la Chambre des Députés n'en était resté pas moins qu'un simple politicien, fermement attaché à sa propre réélection. »

Charles de Gaulle, Mémoires de guerre – Le Sursaut : 1940-1941 (tome I)

Ainsi donc, le gouvernement de la République, désormais dirigé par Georges Mandel, avait pris la décision de continuer la lutte depuis l'Afrique du nord.

Mais encore fallait-il décider selon quelles modalités…

Se battre jusqu'à la Méditerranée comme le voulait le Général ? Idée sublime sur le papier mais qui aurait sans doute fait exploser le gouvernement.

Capituler de suite ? Une économie de souffrances pour le peuple de France dans l'immédiat mais qui prolongerait certainement les douleurs liées, elles, à l'occupation allemande. En effet, cela signifierait la perte de l'intégralité des ressources, encore abondantes, présentes en Métropole.

Hélas, la situation dramatique sur le front contraignit Mandel à suivre la majorité des ministres et à opter pour cette seconde option bien qu’il eut envisager de prolonger le combat en Métropole de quelques semaines, le temps d'évacuer un maximum de ressources vers l'Afrique et l'Angleterre puis de capituler seulement une fois qu'une ligne allant de Valence à Bordeaux serait franchie par les armées nazies.

Compte-tenu de l’échec de la retraite sur la Loire, déjà franchie à Orléans par les forces allemandes, un effondrement total n’était plus qu’une question de jours.

Il fallait donc parer au plus pressé...

Priorité fut rapidement accordée à l'unanimité des ministres à l'évacuation des réfugiés anti-nazis austro-allemands présents en France.

Concernant les moyens vitaux à la continuation de la lutte qui seront évacués, on décide d'accorder la priorité au transfèrement en AFN des ingénieurs spécialistes de l'armement et de leurs prototypes.

En effet, ce n’est pas avec les quelques jours qui restaient à la Métropole que l’on pourra évacuer beaucoup d’hommes.

Heureusement, l'Afrique ne manque pas de soldats potentiels. Et des soldats dévoués à la France de plus.

Le général Spears, représentant du gouvernement de sa Majesté auprès de celui de la République, annonce que la Royal Navy participera au maximum de ses capacités à cette opération dénommée « Anabase ».

Comme l’héroïque retraite grecque au travers un Empire perse hostile…

La difficile tâche de signer l’acte de reddition de la Métropole, tâche ardue au cœur d’un soldat, est confiée au successeur de Weygand à la tête des armées françaises, Charles Huntziger.

Huntziger, le vaincu de Sedan...

Mais comme le fait constater de Gaulle, celui-ci a connu son propre sursaut ensuite[6].

Léon Blum, vice-président du conseil, demande alors

« Soit. Mais qui va lui succéder ? »

De Gaulle répond alors.

« Ce qu'il faut à la France, c'est un officier de haut rang dont la réputation dans le domaine militaire est sans tâche et dont la détermination à poursuivre la lutte n'a jamais vacillé. Oui, celui dont je parle est le général Charles Noguès, commandant le théâtre nord africain, dont les câbles nous appelant à poursuivre la lutte, nous le gouvernement de la République, pourraient facilement recouvrir la table autour de laquelle nous débattons. Cet officier de très haute valeur prépare d'ailleurs déjà activement l'Afrique du nord à la continuation du combat.

Mais la France doit également promouvoir aux côtés de notre futur généralissime un autre officier. En effet, dans cette guerre, dans laquelle la vaillance de nos hommes a été vaincue par la supériorité mécanique de l'ennemi, l'homme qui doit prendre la tête de nos futures forces blindées doit être un soldat qui a montré son aptitude à la maîtrise de cette arme. Cet homme, c'est le général Charles Delestraint, qui a admirablement couvert avec ses chars la retraite de nos armées du front de la Somme à celui de la Loire ! 

Par ailleurs, nombre d'officiers, du lieutenant au général de division, ont prouvé leur aptitude en dépit des difficultés immenses imposées par l'ennemi. Malheureusement, l'Afrique, quoi qu'entièrement à nos côtés, si elle est apte à fournir des fantassins de valeur, ne pourra fournir à moyen terme les officiers de terrain accompagnant nos tirailleurs. Nous nous devons d'évacuer un maximum de ses hommes brillants en vue de les placer à la tête de nos unités.[7]

Enfin, il nous faut prendre la décision lourde de rappeler d'Indochine le général Catroux.

Oui, je vois sur vos visages que vous craignez pour notre souveraineté sur cette Union. Souveraineté gravement menacé par le Japon. Mais si Catroux serait parfaitement apte à faire face aux prétentions de Tokyo, l'urgence est de regrouper les officiers français valeureux. Mais la France ne manque pas d'officiers coloniaux pouvant tenir tête à Hiro Hito et à ses ambitions. La République dispose aussi d'un homme de valeur pouvant prendre la direction civile de la colonie pour en décharger l'officier désigné par M. le Président du conseil.

Les hommes que je vous propose de nommer à la direction de l'Union indochinoise sont Vincent Auriol, pour le volet civil, et Raoul Salan, pour le domaine militaire. Oui, vous ne connaissez pas encore ce dernier, mais il est un proche de M. le chef du gouvernement, un vétéran des colonies et il connaît bien l'Indochine et ses habitants.

Mais le plus important, c'est que son unité, le 44e régiment d’infanterie coloniale mixte sénégalais, se comporte admirablement sur le front de la Loire.

Voilà le militaire apte à remplacer Catroux à Saïgon ! » Conclue le Général.

Ce choix est immédiatement approuvé par les autres ministres. Tous ont vu les télégrammes du général Noguès. Voilà l'homme qui pourra non seulement préparer l'armée d'Afrique à l'immense tâche de défendre l'AFN face à un éventuel assaut du Reich mais aussi pourra conduire la réforme de l'armée française afin d'en faire un formidable outil pour la future reconquête. Les ministres ont aussi entendu parler de l'excellente tenue du général Delestraint, qui tranche avec les câbles pessimistes d'un officier comme Alphonse Georges. Soucieux d'éviter une éventuelle capture dans le chaos de la défaite, ordre lui est immédiatement donné de quitter son unité afin qu'il rallie au plus vite Bordeaux. Même chose pour Salan. Certes, l'immense majorité du gouvernement ne le connaît pas encore, mais tous font confiance à l'instinct de de Gaulle dans le choix des officiers à évacuer. Quant à Catroux, il obtient le commandement du théâtre nord-africain, en remplacement de Noguès.

Compte tenu de la rapidité de l’avance allemande, Bordeaux n’est d’or et déjà plus sûre. Décision est prise par le gouvernement d’évacuer le lendemain en compagnie des parlementaires sur le paquebot Massilia.

De Gaulle et le vice-président du conseil Marin se portent volontaires pour n’évacuer Bordeaux par hydravion qu’une fois la capitulation militaire actée. Le but étant de maintenir une présence gouvernementale en Métropole le plus longtemps possible.

Entre-temps, le gouvernement utilisera les moyens de communications bordelais pour transmettre ses décisions et des paroles d'espérances (Le général de Gaulle s'avérant être particulièrement doué dans ce domaine) au reste du pays.

Notons que, soucieux d’éviter qu’elle ne tombe entre les mains des Allemands, la dépouille du maréchal Pétain sera de même transportée par le paquebot vers l’Afrique du nord.

Au sortir de cette réunion du conseil, Édouard Herriot s'approche de Mandel et lui demande de déclarer Lyon « ville ouverte » comme le fut Paris.

En effet, Guderian s’approche rapidement de la capitale des Gaules. La discussion s'envenime et Herriot finit par menacer le président du conseil de lui retirer son soutien si Lyon est défendue !

Mandel, la rage au cœur, cède, mais impose quand même la destruction des ponts, afin de ne pas faciliter à l'extrême l'avance de la Wehrmacht. Herriot accepte, d'autant que le Général n'est pas loin.

Ainsi, on se battra, comme pour la Capitale, devant puis derrière la cité, mais non en son sein…

Huntziger est informé en catastrophe de cette disposition. Analysant la situation, il exclut désormais l'idée de faire de Lyon un point d'appui défensif et prépare déjà la retraite de ses forces au sud de la cité dès lors qu'il sera devenu impossible de tenir au nord de la ville.

Mandel, désireux de montrer qu'il n'a pas cédé à Herriot mais qu'il désire plutôt ménager les grandes villes françaises, déclare « Villes ouvertes », en plus de Lyon, Bordeaux, Toulouse et Marseille. De toute façon, toutes, en dehors de Lyon, sont situées très loin du front et seront de toute façon non encore occupée lorsque les combats prendront fin...

Herriot montre donc la part sombre de son combat politique, celui d’un vulgaire politicien déjà soucieux de sa future réélection après la victoire.

Cependant, maintenir le Front commun, l'Union sacrée de 1940, contraint malheureusement à certains marchandages…

À Londres, Churchill, terrifié à l'idée que la France ne conclue un armistice, reprend du poil de la bête. « Voilà des hommes bien dignes de Clemenceau » pense-t-il.

Sa position solidifiée par le « sursaut français », Churchill démet de ses fonctions de Secretary of State for Foreign Affairs, soit de ministre des affaires étrangères, l’appeaser[8] Lord Halifax, partisan d’un compromis avec le Reich au profit du combatif  Anthony Eden, jusque là ministre de la guerre[9].

Soucieux de soutenir à fond son allié français dans son projet de repli en Afrique du Nord, il est prêt à faire participer la Royal Navy au maximum de ses capacités à l'opération Anabase comme l'a déjà annoncé Spears.

Plus inavouable est l'idée que plus le combat se prolonge en France, plus le Royaume-uni aura du temps pour se préparer au futur assaut nazi sur la Grande-Bretagne avec, en plus, la France en exil à ses côtés…

Dès l’annonce du « rebond » français, c’est donc un Churchill considérablement renforcé par la décision française qui informe les nouveaux dirigeants de la République de son souhait de les rencontrer.

La nouvelle conférence interalliée se tiendra à Quimper le lendemain, 18 juin.

Autre personnalité qui avait des sueurs froides du fait de la situation militaire et politique françaises et qui, désormais, n'a plus qu'à penser à la manière dont il soutiendra la France en exil dans la poursuite de son combat contre Hitler, Franklin Delanoe Roosevelt, président démocrate des États-Unis d'Amérique.

Le président américain décide, secrètement, de tout faire pour que le maximum d'armes soit livré à l'Afrique du nord française, des transports étant déjà en route.

De même, c’est à une Angleterre désarmée depuis Dunkerque qu’il accepte de livrer immédiatement 200 000 fusils.

D’ailleurs, Roosevelt, soucieux de renforcer son cabinet, y intègre 2 Républicains d'envergure. Henry Stimson devient secrétaire d'État à la guerre tandis que Frank Knox devient secrétaire d'État à la Marine. Stimson, adversaire de l'isolationnisme, sera un champion du Lend-Lease, le Prêt-Bail aux nations en guerre contre les puissances fascistes.

Dans le même temps, la tragédie française pousse de plus en plus la population américaine, d'abord isolationniste, vers l'interventionnisme dans le conflit contre Hitler. Car si la France est tombée si rapidement, qu'est-ce qui prouve que l'Amérique n'est pas elle-même en danger ?

De plus, le panache dont on fait preuve les dirigeants français en décidant, au mépris de la situation militaire, de s’accrocher et de continuer le combat contre l’ennemi, a de quoi impressionner favorablement les Américains.

Darlan, désormais ministre de la Marine, s’attelle à une tâche immense.

En effet, les bases de Bizerte, Mers-El-Kébir ne sont pas vraiment en mesure d’accueillir sur le long terme les grosses unités de la Royale[10] tandis que l'industrie quasi-inexistante de l'Afrique française mettra du temps à fournir les munitions nécessaires à la Flotte pour lui permettre continuer le combat.

Certes, on peut compter sur l'appui américain pour pallier à cette défaillance (tout comme pour l'équipement de l'Armée de terre), mais l'industrie US mettra elle aussi un certain moment avant de pouvoir soutenir efficacement la Marine nationale. De plus, on ne pourra compter sur l'aide britannique, les types de munitions étant incompatibles.

Le ministre décide donc d'évacuer massivement vers l'AFN les stocks de munitions de la Royale entreposés à Toulon, quitte à surcharger les vaisseaux évacuant vers l'AFN.

Mandel, rapidement convaincu par les arguments de son ministre, lui donne carte blanche dans ses démarches.

Le 17 juin au soir, Mandel embarque à bord de l’aviso Chevreuil en direction de Quimper pour y rencontrer Churchill.

 

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Mort pour la France (Source Le Printemps Tragique
Mai-Juin 1940 : Relecture de la «Grande Défaite» https://leprintempstragique.wordpress.com/2017/09/19/recueil-de-citations-1939-1940/)


[6] On pense à la bataille de Stonne.
[7] De Gaulle pense, entre autres, aux généraux De Lattre de Tassigny et Fagalde.
[8] Équivalent britannique d’un Munichois.
[9] Eden deviendra rapidement le dauphin « officieux » de Churchill.
[10] Surnom de la marine nationale dont le ministère est situé Rue Royale à Paris !

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  • 2 weeks later...

Chapitre 4 : Fureur du Reich. Panache français.

« Hitler, à l'annonce du remplacement de Paul Reynaud par Georges Mandel, resta un temps sans réactions. Puis, sortant de sa torpeur, il vitupéra « Vous voyez messieurs, c'est bien là la preuve de ce que j'ai annoncé dans Mein Kampf. À savoir que la France est l'amie des nègres et sert les desseins juifs à la domination mondiale. Cette sous-nation a mis bas les masques. Soit, nous allons l'écraser définitivement ! » Au delà de l'idéologique, Hitler avait compris qu'il ne pourrait pas s'appuyer sur un gouvernement français à sa solde. Du moins un gouvernement légal. Là où il aurait pu avoir un Chautemps il n'eut qu'un Laval.»

John Keegan, La Seconde guerre mondiale

 

La nouvelle de l'arrivée au pouvoir de Georges Mandel, de confession juive, et de son appel à continuer le combat, se répandit comme une traînée de poudres au sein de l'armée allemande. Cela signifiait, pour ces soldats, certes victorieux, mais faisant toujours face sporadiquement à de durs combats, que la guerre n'était pas prête de s'arrêter et que, peut-être, il faudrait poursuivre l'armée française jusqu'à la frontière espagnole. Quant à la religion du nouveau chef du gouvernement français, elle fut le prétexte au déversement de leur propre frustration sous des motifs racistes et haineux.


La plus célèbre victime fut le Préfet d'Eure-et-Loire, Jean Moulin. Ce dernier, refusant de signer un document infâme, accusant fallacieusement les Tirailleurs sénégalais de crimes envers des civils, finit fusiller par les Allemands qui l'avaient accusé « d'être à la solde du Juif Mandel » ce à quoi il répondit fièrement « pas à la solde, au service ».


Les soldats allemands, déjà brutaux, se comportèrent désormais comme leurs pères en 1914. Destructions de villages, massacres de civils, devinrent le triste lot de la France envahie à tel point que l'OKW dû produire dans les jours suivants une directive appelant ses hommes à la retenue tandis que l'on préféra ne pas afficher les placards annonçant « Populations abandonnées, faîtes confiance à l'armée allemande » et montrant un soldat aryen souriant aux côtés d'enfants français…


« Détruisez Bordeaux ! » Ordonne Hitler à son laquais, Goering.

Entre temps, la colère d'Hitler ne l'empêche pas de rencontrer, comme prévu, Mussolini au col du Brenner, à la frontière austro-italienne. Après une violente diatribe antisémite, à laquelle l'Italien est de moins en moins insensible, le Führer intime au Duce d’accélérer les préparatifs de sa propre offensive générale alors que partout, l'armée italienne est repoussée par les courageux chasseurs alpins.

Mais les chasseurs alpins ne sont pas les seuls à porter haut la valeur militaire française. Envers et contre tout, les jeunes élèves cavaliers de l'école de Saumur ont décidé de tenir, comme il était prévu, la portion de 40 km sur le front de la Loire qui leur avait été dévolu, en dépit d'un ordre de repli sur Montauban en date du 15 juin.


Du moins ont-il désormais une raison autre que l'honneur pour laquelle se battre…


De Gaulle aimerait compter sur ces courageux garçons pour les placer à la tête des unités de la future armée française mais, effectivement, ces diables d'Allemands risquent fort de profiter de la brèche ainsi ouverte pour déferler vers le sud !


Le Général téléphone personnellement au colonel Michon pour lui ordonner à se tenir prêt à se replier avec ses élèves sur Montauban, comme prévu à l'origine.


Le front est déjà brisé et la capitulation imminente, tant pis alors qu’une nouvelle brèche de 40 km s’ouvre sur le front de la Loire...


Les généraux des divisions mécaniques allemandes ont d’or et déjà un boulevard devant eux. Ainsi, plus au nord, Rommel, le boucher d'Airaines, toujours à l'avant garde et méprisant du danger, conquiert la Normandie et se rue vers Cherbourg à la tête de sa 7ème Panzerdivision, tandis que sa division sœur, la 5ème, a pour but la Bretagne. À l’est de la France, Heinz Guderian, s'empare, dans la soirée de 17 juin, de Pontarlier, isolant définitivement le Groupe d'armée 2, qui défend l'est de la France.


Ce dernier commandant nazi est en effet bien aidé en cela par l’application stricte de l’instruction « NI 1444/3 FT » par celui qui lui aurait dû lui faire face.


Le commandant de la seconde armée, le général Henry Freydenberg, qui a abandonné ses troupes, lui et son État-major...


Son PC est ainsi à plus de 160 km du front lors du sursaut. Les nouveaux dirigeants français, désireux de faire un exemple, le destituent sur le champ, le cassent de son grade et le chassent de l’armée sans aucun droit à la pension.


« Il a de la chance, sous Clemenceau c’eut été minimum 12 balles dans la peau ! » Murmure-t-on.


Freydenberg a effet peut être eu la chance que le gouvernement n’avait pas vraiment les moyens d’organiser un procès…


Dans l’extrême opposée du domaine militaire, on trouve le général Jean Flavigny, à la tête du XXIème corps qui s’est illustré à Stonne et qui s’apprête à défendre la nasse des Vosges, isolée du reste de l’armée française.


Mais c’est un destin autre que la captivité qui l’attend.


Il est en effet placé sur la liste des officiers à évacuer vers l’AFN.

 

Ce n’est qu’au prix d’une sortie rocambolesque de la poche, effectuée par avion et de nuit, qu’il rejoint l’Afrique à bord du Farman F.222 Jules Verne, commandé par Henri Daillière.

 

Celui là même qui bombarda Berlin le 7 juin précédent en riposte à l’opération Paula, le bombardement la région parisienne par la Luftwaffe !

 

Le malheureux GA2, lui, cesse alors toute tentative d'échapper à la nasse et se place en hérisson pour résister aux assauts allemands, conformément aux ordres du GQG et d’Huntziger.


L'appel du 16 juin n'a pas remonté le moral qu'aux soldats, il a également touché les marins de l'île de Sein. Après concertation et sous l'impulsion du curé, du maire mais aussi, des femmes de l'île, 128 d'entre eux partent vers l'Angleterre, qui est à la portée de leurs bateaux, contrairement à l'Afrique.


La « Nuit des patriotes » n’est cependant, hélas, pas un échec et mat pour la Trahison. Se rendant compte que malgré l'ordre d'embarquer vers l'Afrique fait aux parlementaires, certains d'entre eux ne se sont pas présentés, la police reçoit l'ordre de se lancer à leur recherche mais le principal absent a disparu.


Pierre Laval…


Si les autres sont rapidement retrouvés et embarqués manu militari à bord du paquebot (avant d'être déchu de leur mandat sur décret), un mandat d'arrêt est lancé contre Laval qui parviendra, grâce au chaos et à des complicités, à traverser la frontière espagnole déguisée en bonne sœur (au prix de sa moustache et de sa dignité)…


En parallèle, l'« Anabase » ne concerne pas que les troupes alliées. En effet, Churchill a réitéré sa demande de transférer en Grande-Bretagne ou en AFN la centaine de pilotes allemands capturés par l'armée française. Conscient de l'importance de priver le Reich de pilotes expérimentés, ils seront évacués à fond de cale au-delà des mers et placés dans des camps, hors de portée d'Hitler.

 

D’ailleurs, réunis à Quimper, le Prime Minister et le président du conseil se mettent d’accord sur les modalités d’exécution de l’opération Anabase tandis que toute idée de constitution d’un réduit breton est définitivement abandonnée, le délai pour sa mise en place étant désormais bien trop court, suite à son sabotage par Weygand.

 

Mais l’Anabase n’est qu’un des sujets de discussion entre les deux chefs de gouvernements alliés.


Les deux hommes sont en effet inquiets par la perspective d’un second « coup de poignard dans le dos ».


L’entrée en guerre de l’Espagne franquiste !1


Entrée en guerre qui entraînerait une double menace.


Une menace sur le Maroc français, qui inquiète particulièrement le général Noguès.


Mais surtout, plus inquiétante, une menace directe sur Gibraltar, dont la perte permettrait à l’Axe de ferme aux Alliés le détroit de Gibraltar !


Mais le vieux lion anglais a plus d’un tour dans son sac.


Un plan vieux de 5 ans, un plan d’attaque sur Tarente, la grande base navale italienne !


Churchill veut rien moins que détruire la flotte italienne en s’en prenant à elle directement dans ses bases !


Mandel est séduit. Déjà, ce raid risque fort de décourager Franco à entrer en guerre. Mais aussi, il va non seulement porter un rude coup à l’Italie mais aussi de permettre aux Franco-britanniques de voir l’avenir plus sereinement, sachant que la flotte française devra se retirer quelques temps de la première ligne pour reconstituer ses stocks de munitions, presque entièrement abandonné dans les arsenaux bretons et toulonnais, en dépit des efforts exceptionnels fournis par l’Amiral de France Darlan pour en évacuer un maximum.


L'opération Catapulte/Catapult est prévu pour le début du mois de Juillet.

 

Car en effet, « Hitler voudra faire d’une pierre, deux coups » comme le dit en Français Winston Churchill car pour lui, si l’Angleterre tombe, la France en exil ne pourra continuer la lutte ou sera du moins neutralisée.


Ainsi, il réclame rien moins que la majeure partie des excellents chasseurs français Dewoitine 520 pour contrer la très probable offensive aérienne nazie contre l’Angleterre. Pour contrer une éventuelle opposition du dirigeant français, Churchill lui explique que les chasseurs Maurane-Saulnier 406, ainsi que les chasseurs d’origine américaine Curtiss H-75 suffiront à défendre la Tunisie contre l’aviation italienne, la Regia Aeronautica.

 

D’autant que les appareils britanniques basés à Malte participeront aussi à cette bataille, comme l’explique le premier ministre.


Mandel hésite. Certes, les arguments du Britannique sont pertinents, mais il craint tout de même un assaut brusqué des Nazis alliés aux Italiens sur l’Afrique du nord française.


Cette guerre a en effet prouvée qu’Hitler n’était pas à une offensive des plus osées près.


De plus, Churchill a refusé d’envoyer sa RAF pour défendre la France mourante tandis que les forces au sol britanniques ont très souvent décrochés et abandonnés les unités françaises aux côtés desquelles elles combattaient.


Mais Mandel, comme il l’expliquera dans ses mémoires, accepta pour des motifs stratégiques d’abord, mais également d’honneur, en démontrant la grandeur de la France qui n’abandonne pas ses alliés.


N’a-t-il pas déjà ordonné de tout faire pour dégager et évacuer les forces polonaises combattant en France ?


De plus, concernant les gouvernements alliés à l’origine réfugiés en France, le gouvernement Mandel donne comme ordre d’organiser leur repli en Algérie. Ainsi, le gouvernement Sikorski (Pologne) et Pierlot (Belgique)1 s’installent aux côtés de la France en exil. La France républicaine est tout aussi soucieuse d’offrir un refuge à ses amies que de se ménager une clientèle pour l’avenir… Subtil mélange de sincérité et d’intérêt, somme toute très Français…


À l’issu de la conférence, les deux dirigeants lancent un appel commun à la poursuite du combat fraternel.


Churchill tient à s’adresser aux Français dans leur langue :


« Français,c'est moi, Churchill, qui vous parle.


Pendant plus de 30 ans, dans la paix comme dans la guerre, j'ai marché avec vous et je marche encore avec vous aujourd'hui sur la vieille route.


Aujourd’hui, je m'adresse à vous dans tous vos foyers, partout où le sort vous a conduit.


Et je répète la prière qui entourait vos Louis d'or : « Dieu protège la France ».


Nous, les Anglais, nous n'oublions jamais quel lien et quelle attache nous unissent à la France.


Nous continuerons à lutter à côté de vous de pied ferme et d'un cœur solide pour que la liberté soit rétablie en Europe, pour que les braves gens de tous les pays soient traités décemment et pour amener ainsi le triomphe de la cause qui nous a fait ensemble tirer l'épée.


C’est ici, dans cette belle Bretagne, terre de courageux marins français, que j’ai rencontré vos chefs.


Nous sommes tombés d’accord pour continuer la guerre ensemble.


Herr Hitler, avec ses chars d'assaut et ses autres armes mécaniques et son petit complice Mussolini n’auront bientôt plus qu’à bien se tenir car tous leurs complots sont en train d'attirer sur leurs têtes et sur leurs Régimes un châtiment que beaucoup d'entre nous verront de leur vivant.


Il n'y aura pas si longtemps à attendre.


L'aventure suit son cours. Nous sommes sur sa piste ;et nos amis de l'autre côté de l'Atlantique y sont aussi ;et vos amis de l'autre côté de l'Atlantique y sont aussi.


Si lui ne peut pas nous détruire, nous, nous sommes sûrs de le détruire avec toute sa clique et tous leurs travaux.


Ayez donc espoir et confiance. Rira bien qui rira le dernier.


Allons, bonne nuit. Dormez bien, rassemblez vos forces pour l'aube, car l'aube viendra ;elle se lèvera brillante pour les braves, douce pour les fidèles qui auront souffert, glorieuse sur les tombeaux des héros.


Vive la France ! »


L’histoire révélera que Churchill fut aidé dans l’écriture de ce discours par Michel Saint-Denis, homme de théâtre français installé à Londres et fut volontairement conçu pour exprimer le franc-parler churchillien tout en n’étant pas dans un Français impeccable.


Saint-Denis sera à la tête de la section française de la BBC ou Radio-Londres, dont les émissions (notamment la célébrissime : Les Français parlent aux Français) seront destinées aux populations captives du nord de la France, hors de portée de Radio-Alger.

 

Le lendemain 19 juin 1940 à Saint-Nazaire, l'équipage du cuirassé Jean-Bart, dont le moral n'a jamais flanché, et qui atteint désormais des sommets depuis l'appel du 17, s'apprête à réaliser un exploit, bien digne du corsaire éponyme. En effet, il va fuir le port pour rallier Casablanca au Maroc afin non seulement de continuer la guerre, comme le veut Darlan, mais également… d'achever sa construction ! En effet, le navire n'est pas encore terminé…


À la Charité-sur-Loire les soldats nazis découvrent un train incendié. Il contenait les archives du GQG de l’armée française. Bloqué là suite à la destructions des voies par la Luftwaffe, les Français ont préféré y mettre le feu plutôt que de prendre le risque que ces informations capitales1 ne tombent aux mains de l’ennemi.

 

À l'est, Guderian entame ses coups de boutoirs contre les troupes françaises situées au nord de Lyon mais celles-ci tiennent bon, à l'image des Tirailleurs sénégalais qui défendent Chasselay avec acharnement. Néanmoins, Huntziger, prévoyant, fait déjà placer les charges explosives sur les ponts de Lyon…


 

La barbarie allemande atteindra alors des sommets vis à vis de ses combattants courageux.


 

Les derniers défenseurs des ruines de Chasselay, bientôt encerclés et à court de munitions, finissent bientôt par se rendre aux forces allemandes, nettement supérieure en nombre. Cette résistance héroïque fit l'admiration du Monde tandis que celle-ci, tout comme celle de Lille, de Dunkerque et de la Somme, redonnera à l’armée de la République ses lettres de noblesse.

Roosevelt, qui suit avec passion le récit des combats en France, sait maintenant, après les épisodes des combats déjà héroïque sur la Somme, que l'on peut combattre Hitler et ses hordes sanguinaires.

Quant à Churchill, il multiplie les glorieux panégyriques sur « les dignes fils des vainqueurs de Verdun ».


Les Allemands ont perdus de nombreux vétérans de Pologne et des combats du nord et se vengent de ces pertes en massacrant les tirailleurs sénégalais ayant participé à la défense de la petite ville et parfois des soldats métropolitains ayant pris la défense de leurs camarades africains.
 

L'Afrique noire, déjà pleinement mobilisée contre le Nazisme, est horrifiée et soutient avec encore plus d'ardeur le gouvernement de combat de Georges Mandel et la France.


En dépit de l'interdiction faîtes par les Nazis d'enterrer les Tirailleurs sénégalais, de nombreux habitants de la ville passeront outre et leur fourniront une sépulture improvisée.1


De manière générale, la sauvagerie allemande ne connaît plus de bornes. En effet, les Nazis réduisirent ainsi en cendres le monument en hommage aux Tirailleurs sénégalais situé à Reims...


Exaspérés par la résistance française, et rendus furieux par le fait que c'est maintenant Mandel qui dirige la France, les tracts appelant à la reddition largués sur les lignes françaises prennent désormais une tournure nettement antisémite.


Ainsi, ceux-ci appellent désormais, entre autres, les soldats français à ne pas mourir « pour le cosmopolite Mandel et la Juiverie internationale » et déclarent que « l’Angleterre est prête à vous sacrifier jusqu’au dernier dans cette guerre étrangère aux véritables intérêts de votre pays »…


Néanmoins, la chute de Chasselay est révélatrice de l'effritement des lignes françaises au nord de Lyon. Huntziger ordonne alors le repli au sud de la ville pour y mener le dernier combat.


Le 19 juin, à son retour de la conférence de Quimper, Churchill s’adresse à la chambre des communes britannique en ces termes.


« La chambre ne peut que se réjouir de la décision de la grande nation et du peuple français auxquels nous sommes depuis si longtemps associés dans la guerre comme dans la paix et que nous considérons à l’égal de nous-mêmes comme les dépositaires d’une culture libérale et d’une civilisation tolérante en Europe. »


Tandis que Churchill rend hommage à la France, Rommel et sa 7ème Panzerdivision se rue vers Cherbourg.


La place de Cherbourg est commandée par l'amiral Jules Le Bigot, qui a reçu l’ordre de tenir jusqu'à la dernière cartouche ou bien, si cela était possible, jusqu'au départ du dernier soldat français.


La Marine nationale a fournie plusieurs vaisseaux2 en vue de fournir un appui d'artillerie tandis que dans les airs, sur ordre express de Churchill, qui joint dont l’acte à la parole, la RAF veille. En parallèle, les transports qui ont évacués les soldats britanniques quelques temps auparavant sont de retour, cette fois pour évacuer les soldats français.


Au début, Rommel semble en passe de briser les espoirs du gouvernement français de rééditer l'exploit dunkerquois. En effet, des centaines de soldats sont capturés en rase campagne, sur les routes du Cotentin, tandis qu'ils se repliaient vers Cherbourg et la délivrance.


Mais les choses changent quand les Allemands atteignent les faubourgs de la cité. Comme à Varsovie, l'assaut brusqué des chars allemands fut stoppé, parfois avec de simples grenades, par les défenseurs, solidement retranchés, qui faisaient généralement partie du 208ème Régiment d'infanterie.


Bloqués aux portes de la ville par l'action des défenseurs, il subit également le bombardement de l'artillerie navale française, contre laquelle sa modeste artillerie ne peut rien.


C'est plein de rage qu'il assista au rembarquement des soldats français, en relatif bon ordre, rembarquement contre lequel il ne put rien, du fait de l'héroïsme des défenseurs du port, qui reculaient certes cette fois face à l'infanterie allemande, arrivée à marche forcée devant la ville, mais ne rompaient pas.

 

La Luftwaffe, qui se battaient très loin désormais de ses bases, n'y pouvait pas grand-chose non plus, du fait d'une RAF bien décidée à rééditer l'exploit de Dunkerque.

 

Churchill avait le bon choix. Non seulement il brisait encore une fois le mythe de l'invincibilité de la Luftwaffe mais renforçait également les liens avec la France.

 

En France libre, on suivait avec attention, heure par heure, le rembarquement, grâce aux rapports transmis par l'amiral Le Bigot et y trouvait là une raison d'espérer. On pouvait lutter contre les chars allemands et même leur infliger un camouflet !


Quant à Mandel et de Gaulle, en parfaite intelligence avec Huntziger (et Noguès), ils font le compte des soldats sauvés, qui seront autant d'hommes aptes à porter les armes pour la France dans les futurs combats.


Par exemple à la future offensive contre la Libye italienne, réclamée par Noguès, et dont le principe ne fait pas que plaire aux membres du gouvernement. En effet, cette attaque est vitale pour empêcher Hitler d'avoir une tête de pont toute prête pour envahir l'Afrique du nord !

 

Au final, la résistance acharnée des défenseurs français permet l’évacuation de la majeure partie des 30 000 hommes réfugiés dans la ville le 20 juin au soir. Au nez et à la barbe d'un Rommel ulcéré.


Cependant la chute de la ville permet de « libérer » la redoutable 7ème Panzerdivision. Sur ordre de son commandant, elle se rue immédiatement vers le sud. Vers la Loire…


Manfred Rommel, son fils, dans son Rommel, mon père, aura ses mots.

 

« Tout à la joie de revoir mon père, pour une courte permission certes, après cette campagne victorieuse à l'ouest, je ne cessais de lui poser des questions sur Arras, Saint Valery en Caux, Dunkerque, Lille et la Somme, auxquelles il répondait avec emphase, vantant ses exploits au front. Mais le ton changea lorsque je lui demande de me raconter la bataille de Cherbourg. Il me répondit sur un ton froid, que je ne lui connaissais pas, du moins en famille, que « malheureusement, les Alliés avaient tenus assez longtemps pour pouvoir s'échapper ». Dès lors, je sus que cet échec tourmentait mon père. En effet, c'était le premier qu'il rencontrait dans sa carrière... »


En Bretagne, le retrait des troupes britanniques mais également polonaises vers l’Angleterre continue tandis que commence également l’évacuation des unités navales vers l’Angleterre ou l’Empire. L’or de la banque de France est également évacué vers Casablanca par le porte-avions Béarn et 5 paquebots, Ville d'Oran, El Mansour ,El Kantara, El Djezaïr et Ville d'Alger pour qu'il ne tombe pas aux mains de l'envahisseur. De même, le stock d’eau lourde français est évacué vers l’AFN par le contre-torpilleur Milan.

 

Au milieu du chaos, un soldat se démarque encore plus particulièrement que les autres. Il s'agit de Vincent Doblin. Il sait ce qui l'attend si les Nazis ou plutôt quand les Nazis le captureront. En effet, il est non seulement Juif, mais également Allemand anti-nazi ! Pris dans la nasse, il n'a plus d'espoir de pouvoir échapper aux griffes des armées d'Hitler. Alors quitte à mourir, autant emporter avec soi un maximum de ses anciens compatriotes désormais ennemis acharnés. Né allemand, Doblin meurt le 25 juin en Français.1


Un autre Allemand anti-nazi, le général Carl-Heinrich von Stülpnagel, aura ses mots dans son ouvrage d’après-guerre, Des officiers contre Hitler : Une histoire de la résistance allemande au Nazisme (1933-1945)  :

 

1Son régiment s'apprêtant à se rendre aux ennemis suite à l’annonce de la capitulation militaire, Doblin quitte ses camarades. Il se suicide avec sa dernière balle dans une grange du village d'Housseras. Inhumé en tant que soldat anonyme, son corps ne sera identifié qu'en 1944. Doblin, au-delà de son héroïsme en tant que soldat, fut aussi un brillant mathématicien qui résolu l'équation de Chapman-Kolmogorov comme cela fut découvert par son biographe en… 1958 ! En effet, ce ne fut qu'à cette date que l'on découvrit le pli contenant la solution dans les archives de l'Académie des sciences auprès de laquelle il l'avait expédié en février 1940.

 

« La chute de la France fut pour nous, une véritable tragédie.

 

Mais nous vîmes dans le courage affiché par les dirigeants français qui rejetèrent la défaite, un motif d'espoir et une source d’inspiration pour nous-mêmes, vieux officiers prussiens bloqués par notre serment de fidélité envers la personne d’Adolf Hitler.


Un jour, surgirait d'Afrique les armées qui permettraient d'écraser le Führer !


En parallèle, nous priment conscience que cela ne se ferait qu’au prix de la destruction de l'Allemagne si nous ne prenions pas clairement position à temps contre les Nazis. ».

 

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Vincent Doblin (1915-1940) Mort pour la France (Source Wikipédia)

Modifié par Napoléon III
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