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The Wild Geese. Les régiments irlandais au service de Louis XIV (1688-1715)


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The Wild Geese. Les régiments irlandais au service de Louis XIV (1688-1715)

par Nathalie GENET-ROUFFIAC. Article paru dans la Revue historique des armées, n°222, 2001

Les numéros entre parenthèses correspondent aux appels des notes, consultables en bas de page.

Our dutie to our King will make us serve the French King with all zeale and faithfulness that he can expect (1)

Le 16 novembre 1688, Guillaume d’Orange débarquait à Torbay en Angleterre pour s’opposer à la politique pro-catholique et pro-française – ou supposée telle – de son oncle et beau-père, le « papiste » roi d’Angleterre Jacques II. Le 24 février 1689, sa femme Mary (née d’un premier mariage « protestant » de Jacques II) et lui-même se virent proposer conjointement – fait unique dans l’histoire d’Angleterre – la couronne des trois royaumes, Angleterre, Ecosse et Irlande. Entre-temps, Jacques II, son épouse Marie de Modène, leur fils Jacques- Edouard et leurs partisans, les « Jacobites », avaient cherché asile auprès de Louis XIV, qui leur offrit l’hospitalité du château de Saint- Germain-en-Laye (2). L’exil jacobite avait commencé, il allait s’avérer définitif. Cette « Glorieuse Révolution » est souvent considérée par les spécialistes de l’histoire politique britannique comme un simple « coup d’Etat de palais » et l’historiographie anglaise a mis l’accent sur son caractère « pacifique », en particulier en comparaison avec la première révolution d’Angleterre ou la Révolution française. C’est cependant oublier que Guillaume d’Orange dut avant tout sa montée sur le trône à des victoires militaires et que s’ensuivirent une mise au pas brutale de l’Ecosse et surtout une guerre sanglante en Irlande. Après la chute de Limerick fin 1691, l’Irlande fut perdue pour Jacques II qui se replia définitivement sur la France, suivi par les soldats irlandais qui avaient combattu à ses côtés et que la tradition a pris l’habitude de désigner comme les Wild Geese, les Oies sauvages (3).

Pour le Roi-Soleil, les troupes irlandaises constituaient un apport militaire non négligeable. Pour Jacques II, elles étaient un espoir constant de restauration. Pour les Irlandais eux-mêmes, le maintien des régiments sur le continent était le symbole de la poursuite de la lutte pour la cause jacobite et, d’une certaine manière, pour la cause irlandaise. Il offrait à des hommes, dont la plupart ne connaissait rien de la vie sur le continent, le caractère rassurant de structures proches de celles qu’ils avaient connues, avec les mêmes figures dominantes des propriétaires terriens devenus colonels des régiments qu’ils avaient eux-mêmes levés. Dans les premiers temps du moins, le bloc des régiments irlandais passés en France fut donc un petit morceau d’Irlande rapporté sur le continent.

L’organisation des régiments irlandais en France

L’apport des Irlandais aux forces de Louis XIV commença dès le début de la deuxième année de la campagne d’Irlande. A partir de mai 1690, la situation militaire de Jacques II et de ses alliés français en Irlande s’était détériorée avec le débarquement de Guillaume d’Orange accompagné du duc de Marlborough (4). Louis XIV accepta alors d’envoyer de nouvelles troupes sous le commandement du duc de Lauzun, un proche de la cour en exil, mais exigea en échange que cinq régiments d’infanterie irlandais passent à son service en France.

Les hommes du roi de France, en particulier son ambassadeur le comte d’Avaux, l’avaient mis en garde contre la piètre valeur de la plupart des troupes de Jacques II en Irlande, « levées par des gentilshommes qui n’ont jamais été à l’armée… Ce sont des tailleurs, des bouchers, des cordonniers qui ont formé les compagnies, qui les entretiennent à leurs dépens, et en sont les capitaines (5) ». Louis XIV, peu soucieux de s’affaiblir sur le champ de bataille européen en faveur d’un front secondaire en Irlande, posa ses conditions : « Sa Majesté demande que ces régiments soient remplis de noblesse… et qu’à la tête de chaque régiment il y ait, si possible, quatre ou cinq capitaines qui aient servi, que les colonels soient gens de qualité (6). » Noblesse et expérience – en général acquise dans les armées françaises sur le continent – assuraient la qualité des troupes choisies.

Les colonels des cinq régiments étaient le lieutenant général Justin MacCarty, Lord Viscount Mountcashel, l’Honorable colonel Daniel O’Brien, l’Honorable colonel Arthur Dillon, le colonel Richard Butler et le colonel Robert Fielding. En France, ces troupes furent regroupées en trois régiments, Mountcashel, O’Brien et Dillon, qui formèrent la Brigade Mountcashel. D’après Arthur Dillon (7), la brigade comprenait à l’origine 5 371 officiers et soldats, soit un peu moins des 5 800 théoriques ; au moment de la réforme de 1697-1698, elle en comptait 6 039.

Chaque régiment se composait de deux bataillons comprenant en tout quinze compagnies de cent hommes et la compagnie propre du colonel, auxquelles venaient s’ajouter des cadets en nombre variable. Les officiers recevaient leur commission directement de Louis XIV. La solde des régiments, en tant que troupes étrangères, était supérieure d’un sol par jour à celle des troupes françaises. Les colonels, outre leur solde, recevaient un sol par livre payée aux soldats de leur régiment, Mountcashel étant gratifié de surcroît d’un sol par livre payée aux hommes des deux autres régiments.

Les régiments de la brigade Mountcashel furent rejoints après la défaite de Limerick par le gros des troupes de Jacques II demeurées sous le commandement de Patrick Sarsfield après le départ du roi pour la France. La légendaire énergie du géant irlandais lui permit de mobiliser les soldats et de résister une année supplémentaire, mais la chute de Limerick ne lui laissait plus d’autre choix que la négociation. Le 24 février 1692, Guillaume d’Orange ratifia en personne le traité définitif avec sa femme Mary. A cette date, les soldats irlandais avaient déjà pris le chemin de l’exil, accompagnés de leurs familles. Ce départ était volontaire car le traité de Limerick autorisait les anciennes troupes de Jacques II à demeurer en Irlande – ce dont Guillaume d’Orange chercha à les persuader – ou à choisir de passer en France avec les honneurs de la guerre et aux frais du prince d’Orange. Les conditions du traité semblaient clémentes mais, dans le même temps, une législation extrêmement sévère se mettait en place à l’encontre des catholiques, durement appliquée par l’administration anglaise et protestante installée par Guillaume d’Orange. D’autre part, la guerre sur le continent semblait offrir aux Irlandais le moyen le plus direct de lutter contre les ennemis de leur roi et de contribuer à sa restauration.

Dans un premier temps, les troupes irlandaises arrivées en France furent regroupées à Brest sous le commandement du maréchal de camp Dominick Sheldon. Jacques II fit le voyage de Bretagne avec son fils le duc de Berwick pour passer en revue les troupes puis de nouveau, après l’arrivée des derniers, avec Sarsfield. Jusqu’à la bataille de la Hougue le 24 mai 1692, tous attendaient l’ordre de rembarquer pour l’Irlande. La défaite décida du sort des régiments irlandais, qui furent dispersés entre les diverses armées de Louis XIV à travers l’Europe. Cependant tous les officiers tenaient leurs lettres de commission de Jacques II, contrairement à ceux de la brigade Mountcashel, et – au moins fictivement – les troupes étaient placées « under the command of James and of such general officers as he should appoint (8) ».

La réforme des régiments fut douloureuse. Jacques II dut réduire son armée à deux troupes de gardes à cheval, deux régiments de cavalerie, deux régiments de dragons à pied, huit régiments d’infanterie (soit quinze bataillons) et trois compagnies franches (9). Plusieurs régiments qui avaient combattu en Irlande furent supprimés et de nombreux officiers furent déclassés. En tant que soldats étrangers, ils auraient dû normalement recevoir une solde supérieure à celle des Français, mais ils acceptèrent d’être payés comme ces derniers, 50 000 livres/mois pour l’ensemble des troupes, Jacques II s’engageant à les dédommager et à rembourser la différence dès qu’il serait rétabli sur son trône (10). L’arrangement suscita néanmoins quelques grincements de dents.

Les deux régiments de gardes à cheval avaient été formés en 1689 par Jacques II à son arrivée en Irlande. Chacun comprenait deux cents cavaliers, tous gentilshommes, qui jouissaient d’ailleurs d’un rang supérieur à celui des officiers des autres unités. En France, la première troupe fut donnée à Berwick et la seconde à Sarsfield. En 1692, les officiers de chaque unité étaient au nombre de neuf : un capitaine, un premier et un second lieutenant, un premier et un second enseigne, quatre brigadiers et un Staff Sergeant (11). La solde des capitaines en campagne s’élevait à 9 livres, celle des lieutenants à 7 livres 4 sols et celle des enseignes à 6 livres 12 sols. Elle doublait pendant les quartiers d’hiver (12).

Les régiments de cavalerie du roi et de la reine furent composés des restes des neuf régiments de cavalerie irlandaise passés en France en 1691 (13). Chaque régiment comprenait deux escadrons de trois troupes de cinquante hommes, soit trois cents hommes par régiment. Il devait en outre compter dix-neuf officiers : un colonel, un lieutenant-colonel, un major, quatre capitaines, six lieutenants et six cornettes. Mais le phénomène, général chez les Irlandais, de surnombre des officiers entraîna un gonflement progressif des effectifs de 19 à 72. En 1697, les régiments regroupaient donc 744 hommes au total.

En 1692, l’organisation du régiment du roi comme de celui de la reine prévoyait six compagnies de cent hommes et cinq officiers (un capitaine, deux lieutenants, deux cornettes ou enseignes), soit 630 hommes. En fait, en 1695 le régiment comptait 558 hommes dont 108 officiers (14). Tous les régiments d’infanterie, à l’exception de celui de Clancarty, étaient composés de deux bataillons dont le nombre d’hommes variaient par rapport au schéma théorique selon les circonstances. Chaque bataillon comptait en principe huit compagnies de cent soldats et quatre officiers (un capitaine, deux lieutenants et un enseigne). Les officiers étaient presque systématiquement surreprésentés : le royal irlandais aurait dû comprendre 64 officiers et 1 600 hommes mais les documents d’époque font apparaître le chiffre de 1 342 hommes dont 1 100 hommes de troupe et 242 officiers (15). La paie des soldats était de 6 sols par jour (16).

Cette organisation subsista jusqu’à la paix de Ryswick en 1697. Outre l’échec politique ratifié par le traité, elle contraignit le roi de France à une réforme des troupes irlandaises qui eut de lourdes répercussions économiques sur les familles des soldats. Dès septembre 1697, les vingt-cinq bataillons durent réduire le nombre de leurs compagnies de seize à quatorze et chacune dût licencier la moitié de ses effectifs (17), puis une refonte plus générale eut lieu en février 1698. Seuls les trois régiments de la brigade Mountcashel (Lee, Clare et Dillon) ainsi que le régiment de marine, désormais régiment d’Albemarle, y échappèrent. Les régiments de Limerick et Dublin furent supprimés, les autres intégrés dans cinq nouveaux régiments : Sheldon, Dorrington, Galmoy, Lutrell (puis Bourke) et Berwick. Les deux régiments de cavalerie furent réduits à un seul, de deux escadrons, confié à Dominick Sheldon par commission du 15 février 1698. Le régiment Dorrington qui existait avant 1698 servit de fondement au nouveau, toujours sous le commandement de William Dorrington. Le second régiment Galmoy, régiment d’infanterie (18), fut composé à partir des troupes des Dragons à pied de la reine et de Charlemont. Le régiment d’Athlone fut amalgamé aux dragons à pied du roi et aux trois compagnies franches pour former le régiment Berwick ; Walter Bourke devint dans un premier temps second colonel, ou colonel réformé, de ce régiment, puis colonel d’un autre régiment d’infanterie (d’abord confié à Henry Lutrell) composé des restes du régiment d’infanterie de la reine et de celui de Clancarty (19).

Source:

http://www.servicehistorique.sga.defense.gouv.fr/04histoire/articles/articles_rha/thewildgeese.htm

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