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Égalité de traitement dans les forces françaises


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Une victoire juridique pour des anciens militaires marocains de l'armée française

Le tribunal administratif de Bordeaux a décidé mercredi d'accèder à la demande de six anciens combattants marocains de l'armée française et a enjoint l'Etat d'aligner leur pension de retraite militaire sur celles de "leur frères d'armes français", indiquent leurs avocats.

Cette mesure, qui pourrait faire jurisprudence, sera étendue à plus de cinquante autres Marocains, dont les demandes ont été déposées devant la juridiction en même temps. Reste à savoir si l'Etat fera appel devant le Conseil d'Etat et, dans ce cas, quelle serait sa décision ? Un appel serait sans doute mal compris dans le monde combattant, au vu de la modestie des sommes (quelques centaines d'euros par mois) alors qu'il s'agit de soldats ayant servi la France.

Parlant de "décision historique", Me Houssan Othman-Farah a indiqué que l'un des clients verra sa pension passer de 56 euros par mois à 560 euros. En moyenne, les pensions seront multipliées par huit ou dix.

Selon une estimation des avocats, 180 anciens combattants marocains sont concernés par ce problème. Ils ont choisi de vivre en Gironde, "loin de leur famille et pour pouvoir percevoir le minimum vieillesse". Grâce à la revalorisation de leur pension, ils pourront rentrer au Maroc.

Après la sortie du film "Indigènes" en 2006, seules les retraites de combattant et les pensions d'invalidité avaient été "décristallisées" dans le cadre de la loi de finances 2007, a expliqué Me Christelle Jouteau, "mais pas la pension de retraite militaire qui est la part la plus importante des prestations qui leur sont dues".

Le tribunal a, en revanche, exclu un ancien combattant sénégalais du bénéfice de cette mesure, les magistrats s’étant appuyés sur les accords Euro-Méditerranée de février 1996 pour revaloriser les pensions des Marocains. Le député socialiste Alain Rousset devrait déposer rapidement une proposition de loi sur la "décristallisation" de l'ensemble des pensions des anciens combattants des ex-colonies françaises.

Juriste, spécialiste de ce dossier, Didier Girard, de l'université de Saint-Etienne précise que "contrairement à ce que soutient l'avocat du requérant, ce jugement n'a rien d'historique. La position de principe condamnant la cristallisation des pensions a été rendue par la formation la plus solennelle du Conseil d'Etat le 30 novembre 2001 et c'est au vu de cette jurisprudence que de très nombreux contentieux sont nés (pour la référence exacte: CE Ass., 30 novembre 2001, Ministre de la défense c. M. Diop)".

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http://secretdefense.blogs.liberation.fr/defense/2008/10/pensions-des-mi.html

Pensions des militaires marocains : l'analyse d'un juriste

Didier Girard, enseignant-chercheur en droit public à l'Université de Saint-Etienne, spécialiste du contentieux administratif, commente pour Secret Défense, le jugement sur l'affaire des pensions d'anciens militaires marocains de l'armée française. C'est un peu complexe, mais très instructif.

"Six jugements concernent des ressortissants marocains, le dernier concernant un ressortissant sénégalais. Les faits des différents litiges peuvent ainsi se résumer :

Le principe de la cristallisation des pensions a été instauré par la loi de finances pour 1960 et a été peu à peu étendu au gré des déclarations d'indépendance des anciens territoires ou colonies françaises.  La Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales (CEDH) qui prohibe les discriminations (article 14) et l'atteinte aux biens (article 1er du premier protocole additionnel, les pensions constituant un « bien » au sens de cet article) a une valeur juridique supérieure à celle d'une loi française, c'est donc fort logiquement que le Conseil d'Etat a rendu une décision en Assemblée du contentieux le 30 novembre 2001 constatant l'incompatibilité entre la loi nationale et la Convention. Par suite, de très nombreux contentieux sont nés car les anciens combattants ont presque tous souhaité voir leurs pensions revalorisées."

"Afin de ne pas trop nuire aux finances publiques, la loi du 30 décembre 2002 a supprimé le principe de la cristallisation (qui ne pouvait plus être appliqué) et a instauré en lieu et place un mécanisme complexe de revalorisation des pensions fondé sur la parité de pouvoir d'achat (la plupart des anciens combattants « cristallisés » résidants en Afrique où le niveau de vie est bas) : on supprimait une discrimination jugée incompatible avec la CEDH pour instaurer un mécanisme discriminatoire que l'on espérait alors compatible avec le droit international.

Les 7 jugements rendus par le Tribunal administratif de Bordeaux statuent tous sur la légalité d'une décision de refus de revalorisation des pensions d'anciens militaires. En effet, il est possible en droit administratif de solliciter l'administration par une « demande » (en pratique une lettre recommandée avec accusé de réception) dont le refus (une absence de réponse équivalent à un refus au bout d'un délai de 2 mois) peut être soumis au juge administratif.

Le Tribunal devait donc déterminer si chaque décision de refus était, ou non légale. Cela impliquait de confronter la loi du 30 décembre 2002 à la Convention européenne des droits de l'Homme. Or cette Convention prévoit des possibilités de discriminations lorsqu'elles présentent un but d'utilité publique et une proportionnalité entre la mesure adoptée et le but d'utilité publique poursuivi. Le Tribunal a  jugé que cette discrimination est compatible avec la CEDH en exerçant un contrôle de conventionalité entre la loi française et la Convention européenne : c'est un « quitus » donné au législateur.

En revanche, un accord du 26 février 1996 dit accord « Euro-Méditerranéen » prohibe toute discrimination entre les citoyens de ces Etats (dont le Maroc) et ceux de l'Union européenne (dont la France) en matière sociale. A ce titre là, les anciens combattants marocains  ne pouvaient se voir opposer la loi de 2002.

C'est pour cela que seules les requêtes provenant d'anciens militaires marocains sont accueillies et que la requête « sénégalaise » est rejetée.

A titre personnel, je ne suis pas convaincu par la solution donnée par le Tribunal : en effet, s'il y a clairement une discrimination et je doute de sa compatibilité avec la Convention européenne (1) dès lors que les anciens militaires ne sont pas tous touchés par ce mécanisme discriminatoire. Le comté des droits de l'Homme de l'Onu a déjà eu à connaître de ce problème le 3 avril 1989 (Gueye c. France) de manière défavorable à la France.

Il est probable que les voies de recours à l'encontre de ce jugement seront exercées. Il convient donc d'attendre l'arrêt à venir."

(1) cf le raisonnement tenu par la Cour européenne des droits de l'Homme dans l'affaire Fretté contre France du 26 février 2002 ; ou dans l'affaire Kouaz-Poirrez c. France

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