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De l'agoge à la simulation; histoire de l'entraînement


Tancrède
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Sujet vaste et transhistorique, j'aimerais lui trouver une vraie problématique qui serve de grille de lecture afin d'éviter de trop partir en couille et d'avoir des posts à droite à gauche où chacun balance un lien, ou focalise sur un exemple précis, lançant une discussion sur cet exemple seulement....

 

L'entraînement militaire est un sujet hautement révélateur du système politique, économique, social, guerrier/militaire et tactique dont il émane, tout comme l'armée. C'est aussi un thème "technique" en ce que les méthodes et approches de l'entraînement ont des constantes, des développements et progrès, qui traversent l'histoire. C'est encore un enjeu politique en ce qu'il s'agit d'un investissement en temps, en argent, en infrastructures, en choix politiques et militaires (choisir telle approche et tel modèle aux dépends de tel autre) donc en divisions potentielles, et en indisponibilités (effectif réellement dispo par rapport à l'effectif théorique, moyens consacrés, standard défini pour qu'une troupe soit "prête"....).

J'ai choisi le titre pour souligner cette continuité et amener à ce thème qui m'interpelle de la simulation, à la façon dont elle pourra se généraliser (chaque garnison aura une "salle" de simu, en réseau national, voire international avec d'autres garnisons? Cela restera t-il une denrée moyennement ou peu abondante?) et si elle représente une révolution de l'entraînement si, par "l'abondance" (bref, si les coûts ne sont pas démentiels) qu'elle représente potentiellement (faisant fi de nombreuses limitations matérielles jusqu'ici absolues: moindre besoin de déplacer des unités pour qu'elles s'entraînent ensemble, moindre handicap via les contingences météo ou matérielles -si elle devient vite moins chère-....), on pourra parler de révolution (sans remplacer totalement les manoeuvres, elle peut amener à terme un niveau de pratique jamais vu).

 

A l'opposé dans le titre, on a l'agoge, c'est à dire l'entraînement militaire le plus élaboré du monde ancien: celui des Spartiates, soit un modèle unique en Grèce antique, qui voyait une partie réduite de la population totale du territoire spartiate mettre le reste de la population à contribution plus ou moins totale (pour les Hilotes, entre serfs et esclaves, et immense majorité, c'était une contribution totale) pour pouvoir constituer une élite de guerriers professionnels consacrant tout leur temps à la préparation militaire à partir de l'âge de 7 ans, l'ironie étant que l'Etat spartiate ne pouvait dégager beaucoup de puissance de ce système puisque la grande majorité de l'armée disponible consacrait son temps à surveiller les Hilotes et les cités voisines soumises, prompts à mal supporter ce système cruel et ultra contraignant à tous les niveaux.

 

Le degré d'entraînement/préparation reflète aussi, en quelques sortes (et jusqu'à un certain point), le degré de pertes qu'on est prêt à supporter (tout comme la doctrine, le degré d'équipement/investissement par soldat, le recrutement....): beaucoup d'armées, voire toutes à certaines périodes, ont plus ou moins fait, parfois à tort, parfois à raison, le choix total (toute l'armée étant ainsi) ou partiel (une partie seulement: une arme, une spécialité, une proportion de la troupe....) de la masse aux dépends de -pour aller vite- la qualité. L'abandon de l'arc au profit de l'arquebuse est un tel choix, même s'il était en l'occurrence assez justifié, le temps et le coût de formation d'un archer étant devenus prohibitifs par rapport à ceux d'un tireur d'arme à feu, et ce malgré une létalité infiniment plus grande de l'arc et de l'arbalète (jusqu'au XIXème siècle). La France a fait le choix de la masse sur la qualité peu avant 1914 (moindre encadrement, taux d'équipement inférieur), ayant moins de ressources que l'Allemagne et une population nettement inférieure, l'accroissement du temps passé sous les drapeaux étant un petit plus qualitatif pour les unités de pointe (du moins dans le cadre de la doctrine offensive) mais pas pour les individus, et surtout un moyen d'avoir une armée immédiatement disponible plus nombreuse, dans l'espoir de la rupture rapide.... Mais qui servit en fait à ne pas succomber immédiatement et encaisser les énormes pertes du tout début.

 

La chevalerie est un autre exemple de modèle radical isolant graduellement (à partir du modèle carolingien originel, déjà mal équilibré) la spécialité militaire du reste de la société pour en faire un parasite et un parangon d'ineptitude. Les modèles d'armées professionnelles n'évoluent-ils pas cependant aussi vers un problème comparable (pas au même degré cependant) en isolant toujours un peu plus l'armée de la nation (on "outsource" l'entièreté du domaine et de ce qu'il implique à une micro portion de la population), sans "corps intermédiaires" (milices, gardes nationales, réserves réellement travaillées, corps de "cadets", service civil incluant des fonctions de soutien) ayant un niveau ou un autre de préparation et d'entraînement plus ou moins militaires?

 

Je remarquais récemment l'exemple des corps de cadets britanniques: en plus d'une réserve (c'est désormais son nom) plus prise au sérieux qu'en France, ces corps, qui émanent d'organisations privées, publiques ou semi-publiques, sous la direction ou au moins le patronage du MoD et la tutelle pratique de chaque arme, ont sous leurs "drapeaux" à l'année plus de 100 000 adolescents (il me semble d'environs 12-13 ans à la majorité), soit une proportion non négligeable de plusieurs classes d'âge). Ca complète le scoutisme, en quelques sorts, et constitue un "pool" de préparation utile de recrues, même si évidemment, peu d'entre eux iront effectivement dans les forces, tout en constituant surtout un lien fort, aux conséquences politiques ultérieures, entre armée et nation, une proportion significative ayant plus tard un regard plus attentif quand à la question militaire.

Ce dernier exemple rejoint en fait plus l'éphébie grecque (la préparation à la guerre des adolescents atteignant la majorité) et l'agoge romaine (peu de points communs avec la spartiate, mais il s'agit de la préparation militaire initiale au sein de chaque tribu civique romaine, sous l'égide des "anciens").

 

Donc 3 aspects:

- entraînement et préparation comme reflet de la société, du "système" civil et militaire dont ils émanent, qui s'accorde (s'il est pensé) avec d'autres orientations majeures d'un pays pour produire l'effet voulu.

- entraînement et préparation comme fait technique: constantes, régressions et progrès dans tous les aspects imaginables à travers l'histoire

- entraînement et préparation comme enjeu: choix politique et doctrinal, c'est un investissement lourd en capital financier, humain et matériel, une orientation fondamentale

 

En somme, c'est une autre façon de décomposer le fait que, comme beaucoup d'aspects fondamentaux d'une armée et d'une politique militaire perçues comme systèmes plus ou moins complets, l'entraînement et la préparation sont à la fois un thème en soi et un maillon essentiel d'une chaîne qui conduit ou non à l'efficacité militaire. Comment s'obtient-elle? L'entraînement et la préparation de troupes recrutées sont-ils suffisants ou ne supposent t-ils pas une politique plus vaste impliquant une plus grande part de la population en amont et en aval de l'âge proprement militaire, même si la conscription universelle (qui est plus un accident de l'Histoire, un moment très court), ou presque universelle, n'est pas le modèle en vigueur?

Quelles sont par ailleurs les meilleurs systèmes de l'Histoire selon vous? Lesquels sont applicables à notre époque et nos sociétés, et lesquels ne correspondent qu'à un endroit et un moment donné?

Quelle évolution de l'approche de l'être humain et de la façon d'en tirer le meilleur est arrivée à travers l'Histoire selon vous? Les techniques et méthodes, les approches, sont ici utiles: y'a t-il tant de progrès que ça dans les fondamentaux? A t'on au final plus réinventé l'eau tiède constamment, sous couvert de nouveauté fondamentale, alors qu'il n'y aurait que de petits progrès dans des domaines précis?

Pour juger le présent à l'aune de ce que le passé peut nous avoir appris d'utile (= voir les vraies leçons et pas les impressions sentimentales que "c'était mieux avant", ou que tel "modèle" est parfaitement transposable à notre époque), il convient de se poser une batterie de questions concernant tous ces aspects, sur chaque exemple qu'on pense avoir bien en tête et sur lequel on a, ou croit avoir, une idée bien faite.

Qu'en pensez-vous? Que pensez-vous?

 

 

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