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Tout ce qui a été posté par DMZ

  1. À l'ombre sous le soleil d'Afrique Vendredi 21 juin - Quatre heures du matin - Maison-Banche Je ne sais pas comment elle a fait mais Claire Roman a bel et bien un ordre de mission pour Rabat et le Goéland est fin prêt pour le voyage (si c'est pas une belle ellipse, ça, et un joli moyen de ne pas se fouler à trouver une explication qui tienne la route...) Je reconnais quelques fêtards de la veille dans les spectateurs de ce curieux départ, le lieutenant, lui, ne se montre pas. Roman aligne l'appareil face au faible vent de nord-ouest et décolle en souplesse. C'est déjà beaucoup plus confortable que la Sauterelle et je peux terminer ma nuit tranquillement. Je me réveille quelques heures plus tard alors que la nuit s'éclaircit à l'arrière de l'appareil. Je ne distingue plus la côte et nous devons être au Maroc. Claire Roman me confirme que nous survolerons bientôt Fès et que Rabat n'est qu'à une grosse demi-heure. Elle me raconte son évasion rocambolesque en Bretagne et nous échangeons sur les malheurs de l'époque succédant aux gloires passées de la "Ligne" et des records en tous genres. Je me suis présenté comme un pilote amateur ayant fait quelques heures sur Pou et quelques glissades sur planeur sans vraiment avoir mon brevet. Elle en sourit et me lâche pour tout commentaire : « Vous avez bien raison, si on attend les autorisations... Il vaut mieux se battre pour décrocher ses droits ! » Atterrissage impeccable à Rabat - Salé à huit heures. C'est là que les choses vont vraiment se compliquer, il va falloir jouer encore plus serré. Nous sommes rapidement pris en charge par un capitaine qui nous demande papiers et ordres de mission. Claire Roman s'exécute et je vois divers sentiments passer sur la figure de l'officier : entre étonnement, admiration et irritation. Puis il se tourne vers moi : « Pouvez-vous me montrer vos papiers, monsieur. - Malheureusement non, j'ai vécu quelques péripéties difficiles en France métropolitaine et vous pouvez constater que je n'ai plus aucun effet personnel. J'ai réussi à m'évader in-extremis d'un terrain avant qu'il ne tombe aux mains des Allemands. Je dois voir le général Noguès au plus vite pour lui faire part d'informations urgentes. - Rien que cela, le général Noguès ! Et votre histoire d'évasion, vous ne pensez pas que je vais y croire ? - Je peux m'en porter garant, mon capitaine, intervient Roman, nous avons pu constater hier soir son arrivée à Alger dans un appareil qui avait à peine l'autonomie pour traverser. - Et qu'est-ce qui me prouve qu'il arrive bien de là où il le prétend ? » Je sors de ma poche la liasse de lettres des mécanos. « Voici des courriers que les derniers défenseurs du terrain de Luxeuil m'ont été confiés pour leur famille, sachant leur capture prochaine probable. Je suppose que vous pouvez en prendre connaissance puisque la censure va les ouvrir avant de les acheminer. » Il parcourt les lettres et je le vois blêmir, je n'ai pas lu leurs lettres mais j'imagine que ces hommes doivent raconter leurs peurs et leur désespoir à ce moment critique. « Bon, en effet, il semble bien que vous étiez sur le front hier matin. Mais qui me dit que vous n'avez pas déserté ? - Je suis un peu vieux pour avoir été mobilisé, ne croyez-vous pas ? Au surplus, je ne cherche pas à me soustraire à l'autorité militaire puisque je viens voir le général Noguès. À ce sujet, vous n'êtes pas sans savoir que la situation en France est pour le moins chaotique et les informations que je lui amène sont d'une importance capitale. Pourriez-vous faire en sorte que je puisse échanger avec lui, il sera toujours temps ensuite d'éclaircir mon affaire, ne pensez-vous pas ? » L'homme est touché par mes arguments mais, ici aussi, il faut passer par la sacro-sainte hiérarchie. Je suis bon pour un parcours du combattant à réexpliquer mon histoire à tout un tas de gens qui veulent en savoir beaucoup plus que je ne peux ni ne veux dire. Le seul élément favorable est mon statu apparent (mais qui est qui en cette période troublée ?) de civil qui leur interdit provisoirement de m'incarcérer sans autre forme de procès. Mais comme je reste à leur disposition, ça ne change pas grand chose. Quatorze heure, un officier du deuxième bureau se présente et l'interrogatoire recommence. Je ne varie pas d'un pouce : je dois voir le général pour lui donner des informations cruciales et extrêmement urgentes, non, je ne peux les délivrer à personne d'autre, elles sont confidentielles, non, je ne peux dévoiler la source de ces informations. Enfin un officier se présente comme l'aide de camps de Noguès. Il a eu vent de l'histoire et a décidé de voir par lui même avant d'en rendre compte au Résident général. Je lui ressors la même histoire en insistant sur le caractère confidentiel. Je termine en glissant : « Je peux simplement vous dire que le général Noguès cherche désespérément à obtenir des informations sur la teneur des discussions pour un armistice menées par le général Huntzinger et des consignes données à ce dernier par le gouvernement et qu'il n'obtient que des réponses dilatoires. J'ai des informations à ce sujet. » L'homme est visiblement ébranlé que je sois au courant des demandes répétées de Noguès et du peu de cas qui en a été fait à Bordeaux. Après avoir essayé d'obtenir ces précieuses réponses, il me quitte sans faire de commentaire. Faut pas spoiler comme ça ! Non, ça va être un peu plus compliqué.
  2. Avec le canon à 10 km et tout le groupe de chasse parti, je doute qu'il reste beaucoup de volontaires pour se battre avec moi d'autant que la compagnie de l'air en charge du site a dû se faire réquisitionner pour la défense du coin ou tente elle aussi de passer en Suisse ou vers le sud. Mais bon, je l'accorde, c'est un peu gros, c'est juste pour l'histoire car ça va devenir de plus en plus énorme... La Grande Bleue 20 juin 1940 - Dix heures Cap au sud, donc, je vais traverser les lignes allemandes qui doivent être assez discontinues par ici et voler jusqu'au Jura, premier point de repère. Ensuite, le longer jusqu'au massif de la Dôle et passer sur l'autre versant, au ras de la frontière suisse matérialisée par le terrain de Genève - Cointrin pour se retrouver dans la zone encore tenue par l'Armée des Alpes d'Olry. Par Chambéry, je rejoindrai ensuite Valence et la vallée du Rhône jusqu'à son embouchure, je devrais avoir assez d'essence pour y arriver. Comme prévu j'essuie quelques tirs de fusils qui ne me font pas grand mal de la part de soldats verts-de-gris qui sont surpris par un appareil assez silencieux qui débouche au dessus d'eux à la dernière minute. Je prends soin de rester le plus possible au dessus des forêts ou des champs et évite comme la peste les grands axes et les agglomérations. En trois quarts d'heure, je suis à la frontière suisse et je commence le saute-mouton le long des crêtes. Un Morane suisse vient me renifler de loin mais je suis du bon côté. Au dessus, je vois des Bf 110 et des He 111 qui passent en violant l'espace aérien helvétique sans rencontrer d'opposition, le général Guisan doit avoir donné l'ordre de cesser les interceptions. Ça m'arrange mais attention toutefois à la DCA. Midi moins le quart, je commence ma descente derrière la Dôle, c'est bizarre ce massif sans aucune remontée mécanique ni aucun immeuble en bas des pistes qui n'en sont pas encore... Je suis accompagné pendant quelques centaines de mètres par un aigle qui doit surveiller son aire. Midi et demie, je passe Aix-les-Bains et oblique au nord de la Chartreuse vers Valence que je passe à une heure moins le quart. Le Rhône non canalisé me paraît étrange. Ici aussi, quelques tirs sporadiques de loin en loin, je passe de l'autre côté du Rhône pour limiter mes contacts avec des excités de la gâchette mais je ne vois plus que des colonnes de réfugiés... Deux heures, je passe Avignon. Quelle destination prendre ? Tous les terrains de la région doivent être saturés d'avions et je risque des questions gênantes. J'opte pour la Camargue, il y a des grands champs dans la plaine de la Crau et, s'il n'y a pas trop de cailloux, je devrais pouvoir m'en sortir. Posé à quelques kilomètres à l'ouest de Salon-de-Provence, je refais le plein rapidement et redécolle un peu avant trois heures. Dans la pagaille ambiante, mon manège est passé totalement inaperçu. Le fut n'est pas totalement vide, je vais avoir assez pour la grande traversée mais il me faudra compléter le plein en route, j'ai préféré le faire au sol cette fois-ci mais je n'y échapperai pas au dessus de la Grande Bleue. Je n'ai pas de carte mais je sais qu'Alger est un peu à l'ouest du plein sud, je prend un cap au 190, j'espère que la déclinaison magnétique n'est pas trop importante à cette époque mais je vais pouvoir me recaler sur les Baléares, il faudrait passer au dessus de Minorque pour être sur la route directe, je devrais l'apercevoir dans deux heures environ. Je ne suis pas inquiet car je vois des navires sur ma route dans un sens ou dans l'autre, j'aurai de la compagnie si je doit aller à la baille. Huit cents mètres d'altitude, vitesse : cent-cinquante kilomètres à l'heure, j'arriverai un peu après le coucher du soleil. Les heures s'écoulent, monotones. Cinq heures et quart, Minorque apparaît, presque droit devant, pas de problème. Je passe un peu à l'écart, ne voulant pas narguer les Messerschmitt espagnols puis je reprend la route au 195 cette fois-ci. Un peu avant sept heures, je vide le fut dans le réservoir en profitant de la lumière encore bien présente. Les vapeurs d'essence n'améliorent pas ma fatigue et je lutte pour ne pas somnoler. Il n'est pas huit heures quand je vois les hauteurs de l'Atlas Tellien se détacher sur l'horizon, dans le rougeoiement du soleil couchant. Encore une bonne demi-heure à tenir mais je peux identifier la baie d'Alger, tout va bien. C'est dans l'obscurité tombante que je me pose à Maison-Blanche. Je roule jusqu'au coin du terrain déjà bien encombré pour libérer la piste et coupe le contact. Une petite foule accoure, il y a un lieutenant, quelques soldats et des pilotes et mécanos. « D'où venez-vous ? me demandent ces derniers. - De Luxeuil. - De Luxeuil ? Avec une Sauterelle ? C'est pas possible ! - Comment avez-vous traversé la Méditerranée ? - Regardez en place avant. » Les hommes se bousculent pour voir et sont éberlués par mon montage, ils le commentent abondamment. Je leur précise que j'ai fait une pause technique en Camargue, ne serait-ce que pour pouvoir pisser et me dégourdir les jambes, ce qui les fait bien rire. « Quelqu'un peut prendre en charge mon appareil ? - Bien entendu ! Je vais voir avec le chef mécano. » Mais le lieutenant intervient : « Qui êtes-vous ? - Lieutenant, je suis crevé et affamé mais je dois d'abord voir de toute urgence le général Noguès. Il me faut un moyen de le contacter sans retard ! » Et je lui montre un ordre de mission hâtivement tapé à la machine à Luxeuil pendant qu'André faisait les pleins et vérifications. Je l'ai bardé des tampons qui me sont tombés sous la main et signé du nom d'un obscur colonel du 2ème Bureau de l'Armée de l'Air. Ça vaut ce que ça vaut mais il faut que j'aille vite. De toutes manières, dans l'obscurité, il ne peut en déchiffrer tous les termes. L'officier ne sais pas bien à quoi s'en tenir face à quelqu'un qui lui semble avoir un certain respect de la part des pilotes et mécaniciens et qui lui parle avec tant d'aplomb. Il a déjà vu un certain nombre d'appareils se poser mais un si petit, il sent qu'il y a quelque chose de particulier. « Je dois en référer à mes supérieurs. - Bien entendu mais faites vite, ma mission ne souffre aucun retard ! » Par chance, l'heure tardive (et la désorganisation ambiante ?) fait que personne de sa hiérarchie n'est joignable. Je commence à m'impatienter et menace le pauvre lieutenant de tous les maux, à commencer par une petite cour martiale. Je me tourne vers les pilotes qui suivent les échanges avec attention : « J'ai besoin de me rendre à Rabat le plus vite possible, voyez-vous un moyen ? - On peut faire le plein de votre Potez mais vous en avez pour un sacré moment. Il y a plus de 900 bornes. D'un autre côté, avec ce que vous avez déjà fait... - C'est extrêmement *** si quelqu'un pouvait m'y conduire avec un appareil plus rapide, je ne saurais trop le remercier. - Moi, je peux ! » Une femme en tenue de pilote me regarde crânement. « Vous faites partie des pilotes auxiliaires de l'Armée de l'air ? - Claire Roman. - Vous venez juste de vous évader ! Déjà sur la brèche ? - Les nouvelles vont vite. » Le lieutenant est complètement dépassé et se contente désormais de suivre de loin les échanges. Il est vite convenu que Roman va demander un ordre de mission pour aller à Rabat sur Caudron Goéland. Quand j'annonce que je ne connais pas cet appareil, un autre pilote se propose pour nous accompagner. Il est décidé de partir dans la nuit à trois heures pour arriver à Rabat au matin, le reste de la soirée se passe au mess improvisé où je suis sommé de raconter mon périple en détail.
  3. Faisons une petite pause et essayons une autre approche... Je reviendrai à la grisaille anglaise un peu plus tard, le temps d'explorer des cieux plus cléments. Le Chemin des oiseaux 20 juin 1940 - Huit heures du matin - Le Clair Bois, Anjeux Bon, nous sommes le 20 juin 1940 (voir plus haut, page 2 du présent fil...) Je suis en bordure du bois et la D 417 - tiens, c'est une nationale à l'époque - offre le spectacle désolant de véhicules abandonnés plus ou moins endommagés que des convois allemands dépassent. Parmi eux, une moto Gnome-et-Rhône est couchée dans le fossé. Le terrain de Luxeuil est à une vingtaine de kilomètres, en passant par les petits chemins que je connais j'en aurais pour moins d'une heure. Au bruit de la canonnade, les Allemands ne doivent pas encore y être. Alors, on tente une évacuation aérienne ? Allez, banco, si je ne trouve rien, je me planquerai à Luxeuil avec les réfugiés et j'aviserai. Suit une attente interminable d'une accalmie dans le passage des troupes allemandes. Enfin une pause, je peux redresser la moto et je kicke comme un malade pour la faire démarrer. J'enclenche une vitesse et lâche doucement l'embrayage, je cale ! On recommence, ça marche... Merde, un camion au fond, vite, je fonce vers lui et tourne à gauche dans le chemin de terre vers Girefontaine. Des coups de feu claquent derrière moi. La vache, le chemin est bien plus défoncé qu'à mon époque, c'est parti pour un kilomètre de cross avec un tape-cul, je ne vous dis que ça ! Aïe, ça se termine en sentier, je dois pousser la moto sur cent mètre juste avant d'entrer dans Girefontaine. À nouveau quelques soldats dans la rue principale mais je parviens à me faufiler vers Anjeux sans trop attirer l'attention. Je m'attendais à une petite route de campagne mais c'est un chemin de terre ici aussi. J'arrive devant ma maison, à Anjeux, que je dépasse un peu et je laisse la moto dans le chemin creux à l'arrière. Ce n'est plus (pas encore ?) ma maison, c'est une ferme qui semble barricadée. Un petit tour du village pour me procurer des habits moins voyants que mon jogging, une petite vieille me prend en pitié et me donne une chemise. Je repars direction de La Pisseule, ici aussi en chemin de terre, ça m'arrange il n'y a personne, d'où je prends la route d'Ainvelle. J'entends quelques coups de canons plus au nord et plus au sud, probablement les passages de la Sémouse à Saint-Loup-sur-Sémouse et à Conflans-sur-Lanterne, c'est bien, la Sémouse ne doit pas être franchie, je vais pouvoir passer la Lanterne sans trouver d'Allemand à Briaucourt. Direction Abelcourt à travers le bois, je croise quelques soldats français qui se cachent et ne s'occupent pas de moi. Sainte-Marie-en-Chaux, Breuches, je suis au terrain de Luxeuil - Saint-Sauveur à neuf heures et demie. De la fumée s'élève, les avions qui m'ont survolé tout-à-l'heure sont peut-être passés par là ce matin. Je coupe à travers champs et découvre l'ampleur des dégâts. Un Potez 60, dans un coin, n'a pas l'air trop amoché ; j'avise un soldat : « Y'a un mécano, dans le coin ? », il me désigne un groupe planqué le long d'un hangar « Vous avez un pilote pour la "Sauterelle" ? - Non, ils sont tous partis. - Dans quel état est-il ? - Il doit tourner mais je monterais pas dedans... - Vous avez assez d'essence ? - Y'en a dans les soutes. - Et qu'est-ce que vous attendez pour y foutre le feu ? Vous n'entendez pas les Boches ? - J'ai pas d'ordre. - Bon, en attendant, on va faire le plein et vous allez me remplir tous les réservoirs que vous trouverez et qu'on entassera sur le siège avant. J'aurais aussi besoin de durites et d'une pompe à essence manuelle. - Vous croyez que vous pouvez piquer un avion comme ça ? - Vous préférez que les Boches le prennent ? - Ouais, vu comme ça... - Allez ! Donnez-moi un coup de main, il est impératif que je puisse m'extraire d'ici. - Bah ! Ça ou autre chose... On est livrés à nous-même. Y'a plus un officier, ils sont tous partis et ont laissé les rampants derrière, y'avait pas de place dans les avions. - Si vous voulez essayer de vous en tirer et ne pas être faits prisonniers, il y a la forêt des Sept Chevaux, juste au nord. Prenez des rations, autant que vous pourrez, et vous essayerez ensuite de prendre contact avec les habitants de Luxeuil pour disparaître dans le décor. - Oui, merci pour le conseil. - Et foutez-moi le feu aux soute dès que je serai parti, d'accord ? Les Allemands sont à moins de dix bornes. - D'accord. » Une heure plus tard, André, le mécano, a tout vérifié et mis un fût d'essence à la place du siège avant en le sécurisant à peu près avec une corde, une pompe manuelle est installée sur le côté du poste de pilotage et un tuyau est en place vers le réservoir, j'espère que ce bricolage tiendra. J'ai quelques provisions fournies par le cuisto et des lettres pour les familles "au cas où...", me v'la dans l'Aéropostale ! Je fais ma pré-vol et lance le moulin après qu'il ait dégommé le moteur en tournant l'hélice. Trois ou quatre autres soldats aident à mettre l'appareil en ligne sur un axe as trop défoncé par les bombes et je décolle après un très court roulage. Un battement d'ailes pour saluer André et je mets le cap au sud. J'ai assez de carburant pour arriver sur la côte méditerranéenne ; pour le moment faut faire gaffe à ce qui peut venir d'en haut ou d'en bas, le plus sage est de faire du rase-motte, avec un tel appareil c'est assez simple, on dirait presque un planeur.
  4. En effet, au temps pour moi, j'ai confondu placage et contre-plaqué. Le bordage des LCA devra donc être en planches bien calfaté avec de l'étoupe et du goudron, il n'en sera que plus résistant mais plus lourd et plus long à construire, il faudra plus de main d'oeuvre. Pour les planeurs, en revanche, l'utilisation de placage est tout à fait possible pour fabriquer les nervures en collant les épaisseurs de placage pré-découpées, on fabrique le contre-plaqué après la pièce... Je sens que je vais breveter ça. Ce ne sera pas si difficile que ça car il ne s'agit pas de matériel de guerre : moteurs, lignes d'arbres, presse-étoupe, hélices, tubes divers pour confection des mèches de gouvernail, tôles pour réservoirs, poulies, câbles... Rien qui ne puisse s'acquérir sur le marché civil. Les montants en jeu ne sont pas considérables et seront largement couverts par la vente des barges à la Royal Navy. Pour les planeurs, ce ne sera pas plus compliqué : colle pour bois, tissus pour l'entoilage, verni, quelques pièces mécaniques pour les gouvernes, tube d'acier molybdène-chrome pour quelques éléments de structure, altimètres, pitot... Si on veut construire des avions (un Broussard, par exemple) c'est un peu plus contraignant : moteurs aéronautique, réservoirs, trains, instrumentation plus complète... mais rien qui, ici encore, ne puisse se trouver chez les fournisseurs lambda (si on ne cherche pas la motorisation d'appareils de combat). En effet, j'avais pensé à l'Amérique du sud mais il me semble plus simple de se procurer les pièces à la source plutôt que d'acheter un produit à beaucoup plus forte valeur ajoutée pour le désosser. Le Brésil ou l'Argentine pourraient être utilisés pour fabriquer des prototypes d'avion à réaction, un projet d'industrie était en cours avec René Couzinet à partir de septembre 1940, Émile Dewoitine construira le premier jet argentin après guerre en Argentine. Il faut en effet répertorier et contacter tous les acteurs aéronautiques émigrés à droite ou à gauche, voire susciter des vocations, c'est bien une des tâches auxquelles je me suis attelé avec Dewavrin.
  5. Houla ! Je touche pas au Petit père des peuples, moi, bien trop dangereux ! Et puis Trotski en 41, 42 ou 45, ça ne va pas le gêner outre mesure. Non on va rester sur Léon on the rocks. Si j'arrive déjà à faire que Staline prenne au sérieux les alertes sur l'imminence de l'invasion, ce sera beau. Non que j'apprécie outre mesure le personnage mais si l'Armée rouge ne reculait que de 300 km au lieu de mille, ce ne serait pas forcement un mal. Tout l'enjeu, ensuite, serait d'avancer le débarquement pour contrer l'avance soviétique en Europe de l'ouest mais j'ai quelques idées ici aussi. À ce sujet, un meilleure résistance ne veut pas dire que les Allemands seraient battus dès 42, je pense que l'Armée rouge devra, comme historiquement, mettre deux ans à retrouver une capacité opérationnelle raisonnable. L'avance moindre de l'Axe en Russie voudra aussi dire que sa logistique sera meilleure donc les grandes offensives soviétiques se heurteront à davantage de résistances. L'un dans l'autre, la chronologie de la guerre ne devrait pas être avancée de plus de six mois, si le débarquement est également avancé de trois mois, on va arriver à peu près au même résultat, la chute complète de l'Allemagne, dès la fin 44 sur la même ligne de partage. Bon, si je me plante, le communisme ira de Saïgon à Brest dès 1945.
  6. Le conteneur existe déjà en Europe et aux USA mais n'est pas encore standardisé. Il le sera dans les années 1950. Oui, je compte bien le faire mais je n'en ai ni les moyens ni le temps, il y a d'autres priorités. Il sera temps de le développer après guerre ou à sa toute fin. Au mieux et en fonction de l'évolution, il pourrait sortir et les porte-conteneurs avec pour le débarquement de Normandie, ce qui amènerait une très forte amélioration de la logistique.
  7. J'ai encore eu une panne de mémoire, c'est bien juste après guerre que la plus grande usine de contreplaqué du monde fut installée à Port-Gentil, au Gabon et non en Côte d'Ivoire, deux erreurs en une... Encore un beau rêve qui s'envole. Bon, je pense toujours aux planeurs, c'est du consommable, on fera avec ce qu'on trouvera. Nota : Côte occidentale d'Afrique (AEF + AOF) et non AOF. C'est bien le second volet de mon projet qui s'appuiera ici sur le contreplaqué fabriqué sur place, ce n'est pas de la qualité marine mais on s'en moque car les LCVP ou LCA ainsi fabriqués pourront être considérés ici aussi comme des consommables pourvu qu'ils tiennent deux semaines d'opération. De même, la qualité du bois de charpente utilisé pour la quille, les lisses et les membrures importe peu. Au passage, les LCA étaient propulsés par deux Ford V8 de 65 CV pour un déplacement, une charge utile et une vitesses similaires à ceux des LCVP. C'est plus sur ce dessin que je vais me baser pour une production rapide, d'autant que l'engin est déjà en service et a prouvé sa valeur en Norvège ou à Dunkerque. Je remplacerai juste la petite rampe avant par une rampe de la largeur du navire et renverrai l'équipage à l'arrière comme sur le LCVP pour faciliter les transbordements.
  8. Ce qui est important, c'est le concept. Les termes ne servent qu'à nommer ces concepts, il suffit de les expliquer. Les concepts informatiques de base sont très simples. Ils sont à la portée d'un ingénieur de 1940 même s'il lui faudra un certain temps pour comprendre l'ensemble ; après tout, ça représente plusieurs mois de cours. Mais Alan Turing a une intelligence exceptionnelle, il a déjà travaillé sur l'idée de machines automatiques et comprendra immédiatement ces concepts. Il va falloir faire de nombreuses réunions pour que toute l'information utilisable par les technologies de l'époque (tubes électroniques et non circuits intégrés, ce qui limite quand même vachement les possibilités de réalisation) soit transmise mais il n'y a pas de limite de compréhension. Au passage, il est aisé de comprendre qu'un bit est un élément binaire d'information et, de plus, Claude Shannon ou John Tukey était eux aussi des cryptanalyses pendant la seconde guerre mondiale, ce n'est pas pour rien que j'ai demandé à voir Alan Turing. Pour les techniques aéronautiques, il en va de même, de nombreuses techniques existent à l'époque mais on ne sais pas les utiliser de manière optimum. La loi des aires est connue mais pas bien comprise et peu appliquée, la compression à l'approche de la vitesse du son commence juste à être approchée sur les hélices... il me suffit d'en parler pour que les ingénieurs puissent s'en emparer et les manipuler. Pour prendre un autre exemple, j'aurais été champion du monde de vol à voile en 1940 alors que je n'étais qu'un pilote très moyen cinquante ans plus tard, je peux donc facilement expliquer les ascendances thermiques, le vol de pente, le vol d'onde à mes coreligionnaires de l'époque qui n'ont aucune raison de moins comprendre ça que moi quand je l'ai appris.
  9. En fait, je me suis créé une règle : « Quand j'écris, je ne me réfère qu'à ce dont je me souviens et je m'interdis de consulter la moindre référence, je vérifie ensuite ce qui se passe le jour même et qui étaient réellement mes interlocuteurs pour rester dans la cohérence historique ». Bon, j'avoue, je triche parfois un tout petit peu mais vraiment à la marge. Ce qui fait que quand je me fais une liste de courses, je m'y tiens car je considère que c'est ce à quoi j'aurais pensé à ce moment. Bien sûr, c'est arbitraire et une idée pourrait venir à un autre moment ou pour une autre raison mais le but est de ne pas chercher à faire un Best Case mais de répondre honnêtement à l'énoncé : « Qu'auriez-vous fait si vous vous étiez retrouvé en juin 1940 avec vos connaissances du XXIe siècle mais sans votre smartphone ». Sinon je reprends toutes les opérations une à une et je déplace une compagnie ici (en Crète au hasard mais bon, là je me souviens donc je saurai où intervenir), une escouade là et la guerre est finie en six mois... Même chose pour les innovations technologiques, trop facile. Ça a l'avantage de rester dans une certaine improvisation et me met à l'épreuve avec les risques d'erreurs possibles (voir les Big Wing ou la date de l'armistice). Et si j'ai une vision globale de ce que je veux faire, je me retrouve aujourd'hui bloqué à Bletchley Park alors que je voudrais être en France., je subis ma propre histoire. Dans ce cas, ça devient un boulevard, y'a plus beaucoup d'intérêt, autant le laisser faire tout seul ! Non, le risque est bien d'avoir un alter ego passé par le même trou de ver que moi mais moins bien disposé... Faut faire des adaptations et choisir des espèces locales pour remplacer même si ce n'est pas évident pour le spruce. Encore que le Po 62-65 avait des longerons en acier, de mémoire,duralumin donc on doit pouvoir substituer d'autres essences pour le reste du spruce. Les cadres en alliage d'alu peuvent être remplacés par de l'acier ou du bois, l'entoilage par du contreplaqué. Ce sera plus lourd mais pas tant que ça. Quand à l'ensemble des pièces, elle devra de toutes manières venir des USA, moteurs, réservoirs, hélices, trains, pneus, instruments, boulonnerie... Pour le contreplaqué, l'AOF était le premier producteur mondial en 1939 pour voir son marché s'effondrer avec la guerre (l'Allemagne et l'Europe centrale étaient de gros clients). Donc il faut implanter des usines en AEF, ce qui sera fait juste après guerre, ou s'emparer de la Côte d'Ivoire, ce qui sera plus simple que le Sénégal et mettra une forte pression sur ce dernier ; c'est la solution que je préfère car elle est plus rapide et plus incitative pour les autres territoires de l'Empire, je pense donc suggérer à De Gaulle de lancer en septembre l'opération Menace contre Abidjan plutôt que Dakar. Pour revenir au Po 65, je pense donc à une version "de brousse" avec un maximum de bois tropicaux et un peu d'acier. Si c'est trop compliqué ou sans objet du fait de la disponibilité du C-47, je me rabattrais sur la version planeur qui précédera de toutes manières la version motorisée et qui n'aura pas d'équivalent GB ou US avant deux ans.
  10. Pfff ! Une femme, un méchant, de l'action, des rebondissements, un suspens haletant... Vous me prenez pour Ian Fleming, Agatha Christie et H. G. Wells réunis ? Ch'fais c'que j'peux ! Tiens, c'est une idée, Wells est encore vivant pendant la guerre, si j'allais lui rendre visite pour lui demander ce qu'il pense de la situation et comment il s'en sortirait ? J'ai raté Rosny aîné de peu mais Barjavel se fera une joie de me faire la leçon sur la catastrophe annoncée. Surtout si je lui parle du dérèglement climatique anthropique à venir. J'aurais dû faire ça, vendre des idées à des auteurs bien en vue, 50-50 mon bon monsieur. Cela étant, pour faire simple, si un néo-nazi ayant quelques connaissances techniques ou historiques réussit à contacter des responsables allemands, j'ai déjà une liste longue comme le bras des ennuis qui vont nous tomber sur le coin de la gueule en moins de temps qu'il ne faut pour l'écrire et pas la moindre idée de comment le contrer, sauf s'il fait le fier-à-bras. À suivre...
  11. Des essais ont été faits dès avant guerre pour le ravitaillement en vol mais la mise au point a été très longue. Des appareils à très long rayon d'action seront beaucoup plus rapidement disponibles, le PBY Catalina, par exemple.
  12. Ah, je l'avais oublié celle là. Bah, il se débrouilleront sans moi sur ce coup. Je pense toutefois augmenter la pratique des RETEX, en particulier côté français, ce qui devrait faire gagner beaucoup de temps sur la montée en efficacité. En route pour la vie de château Mardi 11 juillet - Je quitte Duxford en fin d'après-midi sans avoir le temps de faire mes adieux à Bader pour retrouver Churchill, celui-ci ayant visiblement eu un retour de mes échanges avec celui-là. Il me reçoit plus cordialement que ce matin et me présente celui que j'ai déjà reconnu comme Alan Turing. Visiblement, je peux aller sur un terrain de la RAF mais Bletchley Park m'est encore interdit. Turing n'est pas prolixe, ça tombe bien, nous allons gagner du temps. Je commence donc par une très rapide description de la machine Enigma, ça manque de précision mais ça suffit à le convaincre que je ne suis pas le premier venu. Je lui parle alors du codage utilisant des polynômes à coefficient premiers, ici aussi, mes cours sont loin et je ne peux donner que les principes mais il percute tout de suite et voit visiblement ce qui peut en sortir. Il indique brièvement à Churchill qu'il pense que ce type de codage doit être absolument incassable avec des moyens humains. Je lui souhaite in petto bon courage tout de même pour la factorisation des nombres premiers nécessaires, je ne sais pas où on en est à cette époque. Je lui parle alors de la « Bombe » et lui annonce que j'ai quelques idées pour réaliser une machine permettant d'accélérer les traitements nécessaires. Je me tourne vers Churchill : « Avant d'aller plus loin, je souhaite discuter des droits afférents à ce que je vais présenter ». J'ai pour toute réponse un grognement que je prends pour une invitation à continuer. « Ce que je vais dévoiler ne pourra être partagé avec d'autres entités que Bletchley Park sans mon autorisation, y compris avec les Américains. Je veux la propriété exclusive de ce que je vais présenter maintenant et la propriété conjointe de tout ce qui en découlera durant la guerre. Je m'engage à ne divulguer ces informations à quiconque jusqu'à la victoire mais me réserve le droit de continuer les recherches de mon côté en partageant de même les informations avec vous. - Et pour quelles raisons accepterions-nous cet étrange marché ? - Je suis parfaitement au courant des potentialités commerciales qui peuvent en découler et, si je suis prêt à les partager avec le Royaume-Uni, j'entends que la France n'en soit dépossédée en aucune manière. - Mr. Turing, pensez-vous que nous puissions faire confiance à ce gentleman ? - La première information qu'il vient de partager est déjà d'une inestimable valeur. - Deal ! » Je décris alors les principes de base d'un ordinateur : unité arithmétique et logique, jeu d'instructions, mémoire, entrées-sorties, programme. Turing m'écoute avec une complète attention et me bombarde de questions à peine ai-je terminé. Je lui répond autant que je le peux et lui propose de planifier au plus vite une réunion de travail. Derrière nous, je sens Churchill qui oscille entre un intérêt pour la joute qui a lieu dans son antre et une impatience grandissante. Il nous interrompt brusquement en demandant à Turing si mes informations ont la moindre valeur. Turing lui répond que je suis très en avance sur lui et que nous devons absolument travailler ensemble. Churchill nous congédie alors et nous envoient à Bletchley Park, j'obtiens tout de même de pouvoir contacter mon supérieur, le capitaine Dewavrin, avec qui je dois mettre au point la tournée en zone non occupée (mais je me garde bien d'évoquer cette éventualité devant mon hôte). « Mr. Churchill, Serait-il possible de rencontrer également un membre du comité Tizard ? » Je crois qu'il va exploser, il explose en effet : « Me prendriez-vous pour votre secrétaire pour me demander d'organiser vos rendez-vous ? » Je sors rapidement sans insister mais je l'entends aboyer un ordre pour qu'on m'en trouve une. J'ai droit à un téléphone dans l'antichambre. « Mon capitaine, Chronos au rapport. - Mais qu'est-ce vous foutiez toute la journée, Nom de Dieu, je vous attendais ! - Désolé mon capitaine, j'ai été retenu par Churchill. - Vous vous foutez... Qu'est-ce que vous faites avec lui ? - Encore désolé mon capitaine, c'est relativement confidentiel et je ne peux m'étendre dessus au téléphone., ça va me faire gagner un peu de temps mais il va me falloir trouver une explication qui tienne la route. Pouvons-nous en reparler jeudi, je vais avoir peu de temps libre demain. - Il ne faudrait pas vous croire au dessus de la hiérarchie, j'attends des explications sérieuses et soyez sans faute à 8 heures dans mon bureau. - À vos ordres mon capitaine ». Pfou !... La hiérarchie de l'armée, ça me gave un peu, qu'est-ce qu'ils ont tous à gueuler, à croire qu'on est en guerre, on dirait ma boîte avec mon con de chef. Merde, les souvenirs me reviennent, j'ai à nouveau le blues malgré le beau succès que je viens d'obtenir. Repasser à autre chose, vite. Continuer à s'occuper l'esprit est le meilleur remède. Nous arrivons au village de Bletchley à minuit passé et je change encore une fois de piaule, une chambre a été réquisitionnée pour moi chez l'habitant. Turing veut me présenter tout de suite à ses collègues mais à lui aussi je demande une discrétion absolue, il devra pour le moment être mon seul interlocuteur, je vais probablement pouvoir être moins strict ici, compte tenu des mesures de sécurité et de confidentialité mais n'allons pas trop vite. Il est trop tard pour souper, je vais encore une fois me coucher le ventre vide. Bon, on verra demain...
  13. Ça ne va pas me faciliter le travail... Il faudra faire de la reverse ingénierie à partir d'un modèle existant pour reconstituer les plans. En fait, pour réaliser un appareil sommaire, il n'est pas forcement besoin de techniques élaborées, il faut surtout une flopée de dessinateurs et d'ingénieurs. Ça tombe bien, c'est ce que je veux faire, organiser une évasion massive. À partir de ce bureau d'étude, on pourra monter en compétences pour dessiner un jet, des missiles... puisque j'ai les connaissances de base qui leur permettront de plancher sur des projets viables. Si refaire un Po 65 est trop compliqué pour démarrer (encore que), on commencera par un planeur de la même taille. Le problème est que si je connais les noms et les réalisations des constructeurs de l'époque (Amiot, Bloch, Breguet, Dewoitine, Fauvel, Hurel, l'Escaille, Morane-Saulnier, Payen, Potez, Wibault...), je ne sais rien ou ne me souviens plus de ceux des responsables des bureaux d'études ou des principaux ingénieurs, je dois donc faire une recherche préalable (et je n'ai pas la Bibliothèque nationale sous la main) pour les identifier. Mais je devrais rapidement tomber sur le nom de Louis Corroler. À noter que le rôle d'Indaéro n'a peut-être pas été très glamour, il a surtout été mis en place pour traiter de la coopération industrielle avec l'occupant en plus de maintenir une industrie aéronautique. Que certaines personnes s'en soit servi pour escamoter tel ou tel ou essayer de faire des projets clandestins ne fut qu'anecdotique. Mais c'est ma chance de pouvoir arriver à un moment où toute activité de conception ou de construction aéronautique est interdite en France occupée ou non occupée par la convention d'armistice, je vais avoir des arguments pour susciter des candidats au voyage. J'ai un autre avantage, je sais qui faisait de bons avions et qui des bouses sans avoir les préjugés de l'époque, je peux directement aller voir mes préférés. Bof, c'est pas si galère que ça. L'article Wikipédia parle de la théorie mais en pratique, on peut faire un certain nombre d'approximations et commencer par déterminer expérimentalement le centre de gravité d'un appareil par pesée. Quand on voit que les consignes données aux pécheurs bretons allant dans les années 50 pêcher en Mauritanie et prenant un Constellation pour rentrer en France étaient : « Messieurs les pêcheurs sont priés de se rendre au bar (situé à l'arrière de l'appareil) deux par deux (c'est un équipage complet qui rentrait) pour éviter de déséquilibre l'avion. » on se dit qu'il y a de la marge. Quand on connait le point de sustentation d'un appareil et le poids des groupes motopropulseurs, il est aisé d'en remplacer un par l'autre. C'est un poil plus compliqué au niveau dynamique mais rien qu'une campagne d'essais de soufflerie (hors de question ici avant un moment) ou en vol (à commencer par des sauts de puce) ne puisse résoudre.
  14. Bien d'accord mais je ne sais pas si je vais être à la hauteur. J'y réfléchis mais je n'ai pas encore la trame. Il faudrait tout d'abord que je me fasse un timing mais je connais beaucoup moins bien les arcanes du haut commandement allemand. Comment un ingénieur néo-nazi parachuté en civil dans le nord-est de la France (y'a pas de raison qu'il ait plus de chance que moi) peut réussir à remonter la chaîne hiérarchique sans se faire prendre comme déserteur anti-nazi réfugié en France et en combien de temps ? Je suis actuellement sur une hypothèse d'un mois pour arriver à avoir une oreille à un niveau élevé mais je ne vois pas comment approcher le Führer. À moins de se faire passer pour un mage extra-lucide ? Vos avis ? À quelle date des altérations de la trame historique peuvent-elles arriver du côté de l'Axe ?
  15. Four à micro-ondes, trop compliqué (non, je rigole, en fait c'est très simple), je préfère acheter des éditions originales de Tintin... Plus quelques investissements immobiliers dans le centre des grandes villes (Paris, Lyon, Marseille, Lille, Aix-en-Provence...) Mais je pourrais aussi tenter un prix Nobel de médecine avec l'ADN par exemple. Ou proposer à Peugeot le principe de la 205 et de l'Espace (un peu plus tard). Bon, ce n'est pas encore le sujet, revenons à nos moutons.
  16. Je me demande si je n'ai pas vu le concept de bombardier d'eau dans une revue américaine d'avant guerre... Mais de toutes manières, il y a déjà assez à éteindre pour le moment pour se préoccuper de l'après-guerre Pour les revenus d'après-guerre, je crois que je vais me contenter de subventionner la parution d'Asterix le Gaulois en fondant une société avec Uderzo et Goscinny (je leur laisserai 24,5 % à chacun et totale liberté éditoriale).
  17. « Vic » ou « Rotte » Mardi 11 juillet - 7 heures 30 - Pas moyen de dormir cette nuit, entre Churchill qui m'a fait tirer du lit à minuit et demi et l'arrivée au terrain vers six heures, j'ai un peu la tête dans l'c*l quand on vient me réveiller à l'heure des poules. « Commodore Douglas Bader, I presume? - What's the hell! And How do you know my name? » Un grand gaillard d'officier en tenue de vol se tient debout devant moi manifestement sur des jambes artificielles. Je me suis toujours demandé comment il faisait pour piloter comme ça. « C'est un honneur pour moi de vous rencontrer. - Pour moi, une source d'ennuis. Mais ça attise ma curiosité, pourquoi le vieux lion veut-il que je discute avec vous ? J'ai du Boche à casser, ce matin. - Seriez-vous assez aimable pour me donner votre avis sur deux ou trois sujets que je souhaiterais vous présenter ? - Allons en discuter autour d'une tasse de café. » Enfin une réaction sensée, pourvu qu'il n'y ait pas un « scramble » d'ici là... À ma demande, nous ne restons pas au mess et nous retirons dans sa carrée pour boire un café qui n'est pas ce qu'on fait de mieux. J'ai juste eu le temps de saluer de loin quelques pilotes canadiens du squadron qu'il vient de prendre en charge. Après avoir rapidement narré mon vol Lyon - Beachy Head, j'embraye par les commandes du Spitfire à haute vitesse, ne sont-elles pas dures et inefficaces ? Il acquiesce et me demande, bien entendu, d'où je tiens ça. Je lui indique que je suis un passionné d'aéronautique et que j'étudie tout ce qui peut me tomber sous la main, j'en ai déduit un certain nombre de choses. Je lui propose de demander à un pilote d'essai de participer à de vrais combats pour le lui faire constater et de voir l'opportunité de remplacer les entoilages des ailerons par un revêtement rigide. Il est maintenant convaincu que j'ai des choses intéressantes à dire, j'ai toute son attention. J'évoque la tactique de la « Rotte » allemande et lui demande ce qu'il en pense, il n'avait pas songé au problème et me demande en retour à quoi je veux en venir. Je lui rappelle la difficulté de tenir la formation à trois en virage serré, le fait que deux appareils sur trois sont en couverture et donc moins disponibles pour l'attaque des appareils ennemis. La formation lâche permet aussi plus de souplesse et moins de stress. J'insiste sur le fait que passer en formation à deux permet d'avoir immédiatement l'équivalent de cinquante pour cent de chasseurs en plus : six chasseurs donnent deux « Vic » donc deux chasseurs leaders contre trois « Rotte » donc trois chasseurs leaders. Tout ceci agrémenté de grands gestes des deux mains pour illustrer les manœuvres. Je conclus en rappelant que les Finlandais l'appliquent depuis longtemps et ont fait des cartons lors de la Guerre d'hiver malgré l'utilisation d'appareils obsolètes. Bader a suivi avec attention tout l'exposé mais ne pose aucune question, je passe aux sujets suivants. Il n'a pas piloté le Boulton-Paul Defiant mais comprend parfaitement le problème quand je lui demande sous quel angle il l'attaquerait, il convient que c'est du suicide que d'envoyer ces appareils sans escorte et que des squadrons mixtes Defiant - Hurricane pourraient avoir une bien meilleure efficacité tant que tous les pilotes ne pourront pas tous avoir des Spitfire ou des Hurricane. Il ne connaît pas non plus le Whirlwind et ne peut donner son avis sur le problème de vitesse et d'hélice, il reconnaît toutefois qu'un appareil possédant quatre cannons de 20 mm est parfait pour attaquer les bombardiers ou les chasseurs lourds, il doute comme moi qu'il puisse avoir la maniabilité nécessaire pour engager les Bf 109, et qu'il serait dommage de se priver d'une telle arme. Vient alors le cas des « Big Wings » et je me rends rapidement compte que ma mémoire m'a fait défaut : ce n'est pas Hugh Dowding qui contestait cette approche mais Keith Park du 11 Group qui avait en face de lui Trafford Leigh-Mallory du 12 Group, le promoteur de ces formations... et Douglas Bader. Mauvaise pioche ! S'engage alors un vif échange dans lequel je suis bien forcé de reconnaître que les grandes formations permettent une concentration de moyens favorable à la défense mais je maintiens que le manque de profondeur stratégique de la Grande-Bretagne empêchera longtemps encore de réaliser ces larges rassemblements à temps pour intercepter les incursions ennemies, il vaut mieux privilégier dans un premier temps la flexibilité donnée par l'envoi des squadrons individuellement même si les pertes causées par l'infériorité numérique sont plus importantes. Nous restons sur nos positions et il me propose d'aller voir ses appareils. Je peux toucher un Hurricane dans son jus, c'est bien plus émouvant que dans un musée. Je lui demande alors l'autorisation de me retirer dans mes quartiers en lui expliquant que, compte tenu de ma fonction, moins de personnes je rencontrerai, mieux je me porterai, en particuliers des pilotes risquant d'être fait prisonniers par les Allemands. Il acquiesce et me raccompagne, mes repas me seront servis dans ma chambre en attendant qu'on le débarrasse de moi bien qu'il se dise curieux de me voir au manche d'un Hurricane. Je le remercie de cette proposition (purement formelle, je le sais) que je me vois contraint de décliner... et me retire. Vais-je pouvoir enfin dormir ? Non, les sirènes hurlent bientôt et j'entends rapidement le bruit caractéristique des Merlins qu'on démarre. Je me poste sur le pas de la porte du demi-tonneau et contemple le spectacle, la sentinelle ne me fait pas de remarque, Bader a dû lui donner des consignes. Les Hurricane décollent par trois mais je vois un groupe de deux s'élancer parmi les premiers, l'un d'eux portant un « A », ce doit être celui de Bader, va-t-il essayer la formation à un seul ailier ? C'est en effet le cas, je le saurai une heure plus tard quand il repassera me débriefer. Quel honneur ! Il pense qu'il y a quelques ajustements à faire mais cela semble prometteur, son ailier a en effet, de son propre aveu, eu moins de mal à le suivre que d'habitude. Et à son tour de mimer la bataille... Je pose quelques questions sur sa tactique et la position de son ailier, il me semble qu'il continue à lui demander de le serrer de trop près, je crois me souvenir que les Allemands peuvent avoir jusqu'à cent mètres d'écart, je lui en fait la remarque et il me répond qu'il va le tester et retourne au mess arroser sa victoire sur un Do 17 avec ses pilotes.
  18. Ne pas marcher sur la queue d'un lion en colère Mardi 11 juillet - Une heure du matin « Qui êtes-vous ? - Je suis un Masaï et je dois rapporter une dépouille de lion pour devenir un homme. » Je me tiens debout, seul devant un Churchill qui me dévisage comme un bouledogue n'ayant pas mangé depuis trois jours, je m'attendais à une réaction de ce genre et décide d'en prendre mon parti. « Et je suis le lion que vous devez tuer ? - Ce n'est pas de votre dépouille mortelle dont j'ai besoin, dis-je avec un sourire en coin. Je me contenterai de votre aide." Il se détend un peu, m'invite à m’asseoir et se verse un whisky. » Je ne savais pas que René Cassin avait eu une entrevue avec lui la veille au soir, le diable est avec moi. J'apprendrai plus tard qu'il (Cassin, pas le diable) a eu un mouvement de recul quand Churchill a lu mon message et l'a dardé d'un regard furibard avant de lui demander qui lui avait remis cette missive puis de lui intimer l'ordre de n'en jamais parler à personne. « Que savez-vous de tout ceci et comment l'avez-vous appris ? - Peu importe, monsieur le Premier ministre, j'ai mes sources que je ne dévoilerai à personne, pas même à vous. Ce qui important est que je dispose d'informations et surtout d'analyses stratégiques qui peuvent grandement aider. Si vous êtes preneur, je suis à votre disposition. » Mon anglais n'est pas parfait, loin de là, mais suffit à cette conversation en tête-à-tête et le français de mon interlocuteur est tel que je n'ai aucun complexe. « Savez-vous bien ce que vous avez évoqué dans votre signature ? Insiste-t-il. - Les opérations visant à interrompre le trafic de fer en mer Baltique dont la seconde aurait pu être menée à partir d'un navire qui fut perdu lors de la dernière opération évoquée malgré un avertissement à l'Amirauté de la part de Bletchley Park. » Je n'ai pas besoin de détailler l'opération Catherine, délirant projet d'envoi de cuirassés surprotégés à travers le Kattegatt et le Skagerak pour détruire tout ce qui bougeait en Baltique, l'opération Paul de minage par voie aérienne des approches de Luleå, le port suédois d'exportation du minerai vers l'Allemagne dans le golfe de Botnie, à laquelle le Glorious aurait pu prendre part aux dires d'un auteur du XXIe siècle et qui est peut-être la raison de son retour précipité et isolé à Scapa Flow, ni l'opération Alphabet de rembarquement des troupes ayant repris Narvik. Mais si Churchill se redresse et me regarde avec une nouvelle acuité, Bletchley Park en est assurément la cause, comment diable suis-je au courant ? « Je ne vous répondrai pas non plus sur le dernier point évoqué, reprends-je avant qu'il ne formule sa question, mais sachez qu'il s'agit pour moi du point capital de ma visite. J'ai besoin de contacter rapidement les personnes qui y travaillent, je peux leur donner de l'aide sur Ultra." Il se dresse d'un bon, que je connaisse Bletchley Park est une chose mais Ultra ! "Donnez-moi une seule raison de ne pas vous faire fusiller sur le champ ! - Peut-être devriez-vous demander à l'Intelligence Service ce dont nous avons parlé hier avec le capitaine Dewavrin ? » Je joue avec le feu mais l'homme est trop curieux et je pense pouvoir l'amener à discuter sérieusement. « Admettons pour le moment. Que savez-vous ? Que voulez-vous ? » Ouf ! Je peux enfin exposer mes projets : un code incassable avec les moyens actuels, une machine permettant de casser plus facilement Enigma, des engins guidés pouvant augmenter de manière phénoménale la précision sur des cibles marines ou sous-marines et la possibilité d'échanger ultérieurement avec lui sur des sujets stratégiques sachant, en premier lieu, que je supporte complètement Hugh Dowding dans sa conception de la défense des Îles Britanniques mais qu'il faudrait que les patrouilles passent à deux appareils au lieu de trois et que les Defiant soit protégés des attaques de face. Comme je m'y attendais, Churchill est attentif et je vois son cerveau travailler à toutes vitesse, ses petites cellules grises dirait un Belge amateur de Shakespeare. Les projets délirants sont ce qu'il affectionne le plus et je lui donne de la matière. Il hésite pourtant, qu'est-ce qui lui prouve que je ne raconte pas n'importe quoi ? J'ai pourtant parlé de projets et opérations top secrets. « Le plus simple serait peut-être que je rencontre un officier du Fighter Command et un mathématicien pour exposer mes premières idées ? Un Squadron leader et Alan Turing par exemple. » Cette proposition de bon sens lui convient mais je dois rester à sa disposition (je traduis sous stricte surveillance) en attendant. Peu après, une escorte militaire me conduit en effet courtoisement vers un terrain de la Royal Air Force où je suis invité par un officier à me reposer dans une petite pièce gardé par un homme en arme, je lui exprime toute ma reconnaissance de prendre un tel soin de ma sécurité face à la menace d'invasion, il ne se déride pas pour autant. La Luftwaffe en est encore à attaquer les convois en Manche et Mer du Nord et quelques bombardements de docks, je ne risque rien, un peu de repos me fera du bien.
  19. Champs de lavande et grosse déprime Lundi 10 juillet - 18 heures 30 - Nouvelle réunion impromptue avec Dewavrin et deux officiers de l'Intelligence Service. Dewavrin, ancien officier du génie, a avancé sur la transmission très basse fréquence et confirme la faisabilité de principe ainsi que le choix d'une fréquence la plus basse possible pour éviter les écoutes allemandes. Je propose le plateau de Valensole qui est assez grand et correctement orienté pour recevoir des éléments d'antenne d'une quinzaine de kilomètres pour une fréquence de dix kilo-cycles par seconde (10 kHz). Une antenne yagi-uda de trois éléments permettra, avec une puissance ridicule, d'émettre un signal qui pourra être reçu dans le centre de l'Angleterre par une autre antenne yagi-uda de cinq à sept éléments pour augmenter le gain. Après vérification, une localisation au sud-ouest d'Oxford serait propice car relativement peu peuplée. La proximité de la célèbre université et de ses ressources intellectuelles est un atout pour le projet. D'autres lieux possibles sont le plateau d'Albion, les Causses, l'Aubrac, le Vercors mais les zones disponibles sont plus petites et les fréquences utilisées devront être plus élevée. J'insiste pour le Vercors et propose d'y préparer l'installation d'un émetteur orienté vers l'ouest qui pourra être reçu aux Açores, ça nous donnerait une solution de secours et (mais je n'en parle pas encore) donner une liaison fiable avec le futur maquis. Le théorème de Nyquist-Shannon (qui n'est pas encore postulé) dit que l'on peut transmettre jusqu'à 5.000 informations unitaire par seconde à la fréquence de 10 kHz ce qui correspondrait à huit cent caractères par seconde pour un code à six bits (64 caractères possibles) soit un peu moins d'une page de texte. Même si on divise par dix ce débit pour limiter l'étalement en fréquence, on a cinq pages à la minute, ce qui donne un volume énorme en transmission continue (7.200 pages par jour). Les premiers travaux à demander aux chercheurs seront de mettre au point une technique de modulation minimisant le spectre d'émission pour éviter que des fréquences parasites trop élevées dénoncent la station et d'étudier une antenne ayant un bon rendement bien qu'étant posée au sol (la sécheresse du sol des Alpes de Haute-Provence aidera à minimiser les pertes mais la situation sera plus compliquée en Angleterre). Le codage des messages se fera par une bande de papier perforée qui sera lue par un genre de téléscripteur qui modulera alors la fréquence d'émission. Tout ceci nécessitera une petite équipe d'une demi douzaine de personnes, il faut prévoir une couverture, une petite fabrique de quelque chose (distillerie de lavande par exemple) ou simplement une ferme si nous arrivons à trouver des personnes dignes de confiance mais je me méfie des histoires de famille qui pourraient tout faire capoter. Il faut également mettre en place une procédure pour recueillir les informations et les transmettre de manière sure à la station d'émission, il est hors de question de mettre celle-ci en danger par cette voie, mieux vaut perdre tout un réseau de renseignement que la station elle-même (je commence à me faire horreur avec mon cynisme). Nous échangeons diverses hypothèses sans trouver de bonne formule et les Anglais promettent de travailler dessus. J'ai mon idée, il faut que je contacte Keller mais il est hors de question d'en parler à qui que ce soit au risque de mettre en danger la future "source K". Je vais lui demander la possibilité de poser une ligne télégraphique dédiée vers Valensole, elle pourra lui être utile quand il aura réalisé son interception des communications téléphoniques. Une fabrique se faisant installer le téléphone passera inaperçue (au prétexte que son propriétaire a des relations haut placées qui lui ont permis d'obtenir rapidement une telle ligne). Je suggérerai plus tard d'envoyer des opérateurs radios pour que les Allemands ne cherchent pas comment les renseignements obtenus en France occupée sont réellement transmis au Royaume-Uni. Alors que cette station très basse fréquence avait entre autres pour but d'économiser des vies, voilà que je vais envoyer des gens à la torture et à la mort pour simplement couvrir une opération, c'est proprement insupportable, je ne sais pas combien de temps je vais encore pouvoir me regarder en face. Je dîne seul une fois encore, nous sommes convenus avec Dewavrin de ne pas nous montrer ensemble en public, ça n'améliore pas mon humeur.
  20. Alea jacta est Lundi 10 juillet - 10 heures - Réunion de travail avec Dewavrin. Je lui expose mes projets : 1) Trouver un lieu pour installer un émetteur radio très basse fréquence (moins de 10 kHz, ce qui nécessite une antenne de 15 km de long) ; 2) Me faire déposer par Lysander dans le fin fond de la Creuse (façon de parler, il va falloir déterminer un lieu isolé, pourrais-je avoir toutes les cartes de France, à défaut de carte d'état-major, les cartes Michelin me suffiront ?) ; 3) Faire la tournée des bureaux d'étude aéronautique ; 4) Identifier les bons candidats et les envoyer sur la côte méditerranéenne pour les faire récupérer par le Surcouf (Il y a eu du grabuge lors de la prise de contrôle par la RN mais je me porte garant des officiers et matelots qui vont rester à bord. - Comment êtes-vous au courant de ça ? - Désolé, ça fait partie des mes sources protégées auquel même vous n'aurez pas accès...) ; 5) Créer un premier réseau de renseignement avec Henri, il me faut le nom d'un contact à Lyon qui puisse en être le chef, avez-vous cela ? Un peu d'argent me sera nécessaire, bien sur. Avant le départ : 1) Il faut contacter l'Intelligence Service pour mettre au point l'émetteur très basse fréquence (technique, opérateurs, procédures...) ; 2) Il faut que nous préparions une mission aux U. S. A. pour rencontrer Mathis et Dewoitine et leur demander de collaborer (je n'ai pas confiance en Dewoitine qui joue trop cavalier seul et peut retourner sa veste à tout moment, je préférerais ne contacter que Mathis ; si ça se passe bien avec lui, nous en resterons là) ; 3) Préparer une mission vers l'AEF pour aider Félix Éboué et mettre en place une infrastructure industrielle du bois (achat de machines aux U. S. A. et embauche de techniciens pour la mise en route). Je ne peux m'occuper de ça tout seul, avons-nous des personnes qui puissent prendre en charge chacune de ces tâches ? J'ai débité tout ça d'un trait sans lui laisser le temps de souffler, il accuse le coup et je vois bien qu'il se prépare à me rappeler qui est le chef. Je le devance : " Je n'ai aucune envie d'empiéter sur vos prérogatives ni sur votre autorité et je reste bien conscient que je suis sous vos ordres. Mais j'ai besoin d'aller vite sur ces sujets pour les raisons que je vous ai expliquées. Je désire en outre plus que tout rester totalement dans l'ombre, si vous pouviez être le seul à qui j'ai à faire, ça me conviendrait parfaitement mais il y a deux ou trois choses que je suis le seul à pouvoir faire du fait des informations dont je dispose et que je ne peux, en aucun cas et encore une fois, partager avec quiconque. J'ai partagé avec vous tout ce qui était possible et je continuerai à le faire. Utilisez-moi et empochez tous les bénéfices, ça me convient très bien. - Et qu'est-ce que j'ai à y gagner, selon vous ? - Vous devez remonter un service de renseignement en France, je vous donne une première porte d'entrée et nous avons déjà travaillé aux procédures pour atténuer les risques (1). Je vous ai donné des éléments à partager avec l'Intelligence Service qui va donc dépendre de nous, ce qui renforce notre position vis-à-vis d'eux. De plus, j'élargis le périmètre de notre action en préparant un renouveau industriel de la France Libre, ce qui va donner des leviers à De Gaulle. Nous avons tous les deux tout à gagner à ce que mes projets se réalisent le mieux possible." Il rumine un moment puis sa figure s'éclaire un peu : " D'accord, je vous suis tant que vous jouez le jeu, mettons-nous au travail et voyons comment répondre à vos attentes." S'en suit une séance de plus de deux heures où nous explorons chaque point en détail. 14 heures - Je n'ai même pas eu le temps d'avaler quoi que ce soit avant de me présenter devant René Cassin. Je lui expose rapidement que je souhaite voir, avec l'aval du général De Gaulle, certains hauts responsables britanniques, en particulier Churchill. Il hausse un sourcil et me répond : " Le Premier ministre n'est pas facile à rencontrer, vous imaginez sans peine qu'il est un peu débordé et ne peux accéder à toutes les demandes. Avez-vous un motif précis que je puisse évoquer ? - Je m'en rend bien compte, monsieur, je vous prierai donc de bien vouloir lui remettre en main propre un message que je vais rédiger pour lui si vous aviez l'obligeance de me fournir un papier et une plume. S'il ne donne pas suite, je n'insisterai pas. Je vous demande simplement de lui remettre personnellement (j'insiste sur le mot) ce message le plus rapidement possible et de vous assurer qu'il est le seul à en prendre connaissance." René Cassin, intrigué, me pousse une feuille et un stylo sur son bureau et se recule un peu par discrétion. Je rédige rapidement : "Mister Prime Minister, Will it be possible to have a short discussion toghether. Your sincerly, Glorious Catherine Paul Alphabet" René Cassin me promet de faire son possible, il me recontactera dès qu'il aura remis le pli. Je sors essoré et me réfugie dans un pub. Il n'y a plus qu'à attendre. (1) Structure pyramidale : un agent n'a que trois contacts : son supérieur et deux autres agents qu'il a recruté. Personne n'a de connaissance globale d'un réseau. Chaque agent détermine un lieu où se planquer en cas de problème. Si un agent disparaît, ses trois contacts doivent en faire autant après avoir prévenu, si possible, ses propres contacts. Un agent pris doit donc essayer de tenir au moins 24 heures avant de parler sous la torture. Boîtes aux lettres : chaque paire d'agents détermine comment échanger, par le biais de boîtes aux lettres de préférence pour ne jamais être physiquement en contact. Signal "homme mort" : un système de communication doit être mis en place entre chaque paire d'agents pour s'assurer que son correspondant n'est pas menacé, un signal quotidien est placé en évidence et son absence montre un problème : agent arrêté ou en fuite.
  21. J'ai un atout dans ma manche...
  22. Choix cornélien Lundi 10 juillet - Je dois voir Dewavrin ce matin, j'ai un rendez-vous avec Cassin cet a près-midi. Et je me réveille avec une pensée lancinante : "Quelle est la priorité ?" Il y a les batailles et opérations en cours ou à venir à proche échéance : bataille d'Angleterre, protection de Malte, invasion de la Libye italienne, bataille de Crète, bataille de l'Atlantique. Je peux apporter des informations stratégiques cruciales sur pas mal de batailles et opérations à proche échéance: Bataille d'Angleterre : - C'est Hugh Dowding qui a raison, il faut engager les Squadron de chasseurs au fur et à mesure sans chercher à réaliser des concentrations qui prennent trop de temps ; - La formation en paire des Allemands est largement supérieure à la formation à trois en V des Franco-britanniques ; - Les Paul Boulton Defiant sont des proies faciles en attaque par devant, il faut leur adjoindre des armes de plan (ça risque de prendre du temps) ou faire des patrouilles mixtes Hurricane-Defiant qui pourraient être très difficiles à contrer ; en tout cas, ne pas les envoyer seuls pour éviter la perte d'équipages ; - Le Westland Whirlwind est un excellent appareil qui sera desservi par son hélice, il faut garder la Rotol du deuxième prototype. Protection de Malte : - Le renforcement de Malte sera de plus en plus difficile, il faudrait le faire immédiatement avec des Gloster Gladiator qui ne seront d'aucune utilité dans la bataille d'Angleterre et des réserves d'essence aviation que l'on dispersera ; - Mais il faut impérativement les protéger dans des abris individuels de préférence couverts ; - Et mettre en place un mode opératoire à chaque renforcement aérien : couverture aérienne dès l'approche, ravitaillement et réarmement immédiat des renforts, mise à l'abri immédiat des appareils ne pouvant redécoller immédiatement. Invasion de la Libye italienne : - Préparer une suite à l'opération Compass pour s'assurer de la totalité de la Libye ; - Cela sans divertir trop tôt des forces pour la Grèce ; - Mais en décidant préalablement quoi faire au contact de la Tunisie. Bataille de Crète : - Prévoir un renforcement conséquent des terrains d'aviation ; - Engager plus de forces aériennes (chasseurs et bombardiers anti-navire). Bataille de l'Atlantique : - Contrer la tactique de meute (je ne sais pas encore comment) ; - Pousser la réalisation de cargo-porte-avions. Il faut noter que si la Libye tombe, le cours de la guerre en Europe va être complètement changé. On peut penser que l'invasion de la Grèce et des Balkans se fera de manière proche de la réalité historique sauf si on parvient à convaincre la Yougoslavie et la Grèce de ne pas résister frontalement aux Allemands mais de se replier et de préparer des actions de retardement et de guérilla, l'exemple de la Pologne, de la Norvège et de la France pourrait aider à convaincre. L'invasion de l'URSS aura certainement lieu dans tous les cas de figures et il faudrait trouver le moyen de convaincre Staline... mais n'anticipons pas plus. Pour tout cela, il me faut rencontrer et convaincre Churchill, rude tâche. D'un autre côté, il y a tous les projets technologiques et industriels sur lesquels j'ai commencé à travailler. C'est un énorme morceau et il va même falloir retourner en France pour exfiltrer des ingénieurs et techniciens. Sans compter le volet informatique qui me tient à cœur et qui peut aider à raccourcir la guerre avec le potentiel de décryptage des communications Enigma même quand les Allemands augmenteront le nombre de rotors. Un dernier point à étudier : Tarente. Si l'attaque n'a pas lieu, les Japonnais ne feront très probablement pas Pearl Harbor car il n'auront pas d'exemple sous les yeux. Est-ce un bien ? D'un côté la flotte américaine s'en tire mieux mais tout l'effort de l'IJN est reporté sur le sud-est asiatique et la Regia Marina reste une menace (fleet in being) pour la Royal Navy. Non, on n'en parlera pas et de toutes manières, il n'y a à peu près aucune chance de convaincre d'abandonner cette attaque, je ne peux tout simplement pas parler de PH. Renforcer l'attaque peut au contraire trouver tout son sens. Pour Pearl Harbor, il y a le temps de voir venir et pourquoi pas le Surcouf à nouveau ? Je vais tenter de rencontrer Churchill le temps de planifier mon départ pour la France. Je verrai la réception... Dernier point, le ralliement des territoires de l'Empire. Peut-on améliorer les chose ? Il y a l'Indochine où Catroux peut jouer un rôle mais il lui sera difficile de contrer l'establishment qui est pétainiste. De plus, il faut vendre le projet à Roosevelt pour obtenir immédiatement des moyens pour contrer les Japonnais et les Thaïlandais car le Royaume-Unis ne pourra rien faire à ce moment. C'est loin d'être gagné et pourtant quel gain ! Voir avec De Gaulle si on peut vendre l'autonomie à Ho-chi-min. Et réfléchir à L'AOF qui serait un point de bascule colossal.
  23. Bonne idée mais je ne l'ai pas eu, je ne l'utiliserai donc pas C'est bien mon intention car il s'agirait d'un tournant majeur dans la guerre, j'y pense depuis plusieurs jours mais je ne vois pas encore comment parvenir à convaincre Churchill. Or il ne faut pas rater cette occasion, elle ne se représentera pas et je vais y jouer ma crédibilité. À suivre...
  24. Mon personnage, c'est moi, avec mes connaissances réelles ; je ne suis pas très fort en chimie (ça me barbait vraiment au lycée) et je n'ai que des connaissances basiques en médecine (Urgence, Docteur House...), je suis quand même secouriste, ça pourra aider. Le bazooka est intéressant mais, bizarrement, je n'y avais pas songé. Je ne le sortirai donc pas immédiatement (j'ai décidé de ne pas tricher) mais il est plus que probable que j'y aurais pensé à un moment ou un autre. En revanche, je pensais aux missiles sol-sol filo-guidés (pourquoi faire simple...) qui ont quand même une bien meilleure précision (celle du bazooka était vraiment médiocre). Quand à l'AK 47, les Américains ont des armes (mitraillette Thomson, carabine M1...) qui sont tout-à-fait adaptées, pas besoin à mon avis de déployer de l'énergie pour changer les choses à ce niveau.
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