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Messages posté(e)s par DMZ

  1. il y a 14 minutes, ARPA a dit :

    Honnêtement, vu toutes tes connaissances de la seconde guerre mondiale (le nom des acteurs et ou ils se trouvent en particulier), je pense que c'est plus crédible que tu aies au moins la quarantaine. A moins d'être un étudiant en histoire, je ne suis pas que beaucoup de jeunes de 20 ans connaissent Dewointe, Mathis, Dewavrin ou Cassin. On a presque l'impression que le retour dans le passé a été prémédité et que tu as révisé.

    Oui, tu as raison, un moins de trente ans aura moins de connaissances et je m'étais fait la même réflexion. Je pensais donc à une personne de 35-40 ans dans mon histoire.

    Et je n'ai presque pas révisé (j'avoue pour Dewavrin...), j'essaie de jouer le jeu et de me fier à mes souvenirs immédiats quand j'écris un chapitre (je ne me souvenais réellement plus de la date exacte de la signature de l'armistice). Je ne vérifie qu'à posteriori pour respecter la trame temporelle initiale quand l'action se déroule.

    Mais, comme je l'ai indiqué précédemment, je cherche plus une vraisemblance générale qui porte le récit que le respect de la "vérité" historique.

    il y a 20 minutes, ARPA a dit :

    Bon, vu l'uchronie, ce ne serait pas absurde que tu aies 80 ans avant de remonter dans le passé et que tu te retrouves dans le corps d'un jeune homme de 20 ans...

    Quatre-vingts ans, comme tu y vas... Idée intéressante au demeurant que ce changement d'âge.

    Mais on peut réécrire tout le texte avec un personnage ayant la cinquantaine ou la soixantaine, ce sera juste plus simple pour lui pour justifier son statut de civil et ses connaissances un peu encyclopédiques.

  2. Devoirs à la maison

    Dimanche 9 juillet - Pas de rendez-vous aujourd'hui, une journée pour souffler, je quitte ma pension de famille pour déposer le dossier chez Jean Monnet et vais ensuite faire un tour à Hyde Park puis visiter Londres. Je me rempli de toutes ces images de la ville avant les destructions.

    L'après-midi est consacrée à la rédaction de mon premier projet. La première urgence technologique est de contrer la Kriegsmarine, flotte de surface et sous-marins. Je ne vais pas interférer avec les engins en cours de développement, je verrai plus tard si je peux pousser le Hedgehog qui va faire très mal aux U-boot.

    En attendant, je vois deux type d'armes capables de faire beaucoup de dégâts : la torpille filo-guidée ou auto-guidée et le missile filo-guidé, radio-guidé ou auto-guidé par radar. La torpille est hors de portée technologique pour le moment, il me faut plus d'assise financière,  de capacité de développement et d'accès aux technologies militaires. Le missile, en revanche, est paradoxalement plus simple à fabriquer pour qui en connaît les principes et les réalisations opérationnelles. Pour commencer, je vais réaliser une bombe planante en acier avec des tuyaux de poêle. Le passage au missile consistera à lui adjoindre deux propulseurs à poudre latéraux. Le corps central contiendra le câble de guidage qui se déroulera au fur et à mesure de la progression du missile, avec les tuyères latérales, le câble souffrira ainsi très peu des gaz brûlants. Si on veut avoir une portée de 2.000 m à 600 km/h, il faut 12 secondes de poussée. Avec un corps de 60 cm de diamètre, il faut 1.200 tours de câble pour faire les 2.000 m, si on lui suppose un diamètre de 4 mm, il faut un mètre de longueur pour le stocker sur quatre rangs. Un appareil lançant le missile à 360 km/h parcourra 1.200 m en 12 secondes, le tir pourra donc avoir lieu à 3.000 m de la cible, limitant le risque de son artillerie anti-aérienne pour le lanceur. Tout cela est cohérent.

    Si je me fais un petit planning, je vais compter un mois pour obtenir le financement nécessaire, contacter un ingénieur aéronautique et un ingénieur chimiste (pour la poudre du moteur fusée) et trouver un atelier avec quelques ouvriers. Quinze jours de plus pour faire les premiers dessins et lancer les approvisionnement. Mettons un mois pour réaliser la première bombe planante, ce qui nous amène à  fin septembre. En parallèle, je vais chercher à obtenir un appareil porteur pour les essais. Le plus simple, "administrativement" parlant, serait de prendre un appareil de l'Armée de l'air ou de l'Aéronautique navale stocké quelque part en Grande-Bretagne, s'agissant d'appareil français, il n'y a rien à demander à la RAF, enfin si l'autorisation de vol... L'autre solution, plus sure, consiste à avoir un appareil opérationnel, un Blenheim par exemple, mais le Bomber Command ou le Coastal Command accepteront-ils de laisser faire ces essais ? Avec la fin de la bataille de France, le Bomber Command n'a plus beaucoup d'activité, les bombardements d'envergure sur l'Allemagne ne sont pas encore d'actualité mais il va bientôt falloir faire des raids sur les rassemblements de péniches de débarquement à Boulogne, Calais... Le Coastal Command pourrait être beaucoup plus intéressé par un tel engin mais il est très sollicité pour protéger les approches des îles britanniques et la Mer du Nord. Enfin on verra, il faudra faire intervenir le niveau politique. On va tenter les deux approches en parallèle en demandant tout de suite à préparer un bimoteur des FAFL pour ça, s'il y a un Boston disponible, ce serai le Graal.

    Sachant que je n'aurai certainement pas accès à une soufflerie, la mise au point risque de prendre du temps, comptons un mois et au moins dix lancements rien que pour avoir un engin volant correctement et ne perturbant pas trop l'avion porteur donc fin octobre.
    Avec quelques électroniciens, nous devrions pouvoir mettre au point le guidage pour la même date ce qui pourrait donner un engin opérationnel vers la fin de l'année.
    Toujours dans le même temps, on développera les moteurs-fusées à poudre. Le principe est simple : un carburant solide moulé dans le corps avec une empreinte en étoile à l'intérieur pour stabiliser la combustion, le développement ne prendra pas longtemps. La difficulté sera la stabilité de vol une fois les propulseurs montés sur le planeur, trois mois d'essais ne seront pas de trop pour y arriver, ce qui donnerait une mise au point vers le début de l'année 41.

    Nous avons donc une équipe d'une vingtaine de personnes à payer pendant six mois avant qu'un contrat de production puisse être décroché. Plus l'atelier, les outils, la matière... ça devrait être faisable.

    Si les première engins sortent en février, un Squadron devrait être opérationnel en mai pour s'occuper du Bismarck.

    La soirée est consacrée à un deuxième projet, celui lié à l'Afrique Équatoriale Française qui va bientôt rejoindre la France Libre. Il y a une exploitation forestière importante qui a perdu ses débouchés en Europe. Y implanter une industrie aéronautique et navale aura les avantages de relancer l'exploitation forestière, d'industrialiser l'AEF, de fournir des patrouilleurs, des navires de servitude et des barges de débarquement, éventuellement de produire des avions de transport (le Potez Po 620-650 remotorisé avec des groupes américains, Pratt & Whitney Twin Wasp ou Wright Cyclone, et éventuellement agrandi) et de liaison et d'écolage (Caudron Phalène par exemple), de fournir des baraques préfabriquées (baraques Adrian ou équivalent) et de préparer la reconstruction de la France avec des logements provisoires (qui sont faits pour durer comme chacun le sait).

    Il faut installer ou développer scieries et usines de contreplaqué puis chantiers navals et usines aéronautique. Les plans des vedettes lance-torpilles seront fournis par les Anglais ainsi que les moteurs Merlin, la production sera faite en fonction des besoins. Les plans des barges de débarquement sont assez simples  à refaire et elles se contentent d'un moteur de voiture ou de camion, une petite pré-série sera faite sur fonds propres et proposée à la Royal Navy et aux FNFL. L'AEF basculera à l'automne, trois mois pour installer les usines et approvisionner les moteurs et accessoires et un mois pour lancer les premières unités qui seront disponibles en février 1941.

    Pour le Potez 650, si les plans peuvent être obtenus et quelques cadres et ouvriers transférés en AEF, la production pourrait monter en charge dès le printemps 1941. On peut aussi commencer à fabriquer des planeurs intermédiaires entre le Horsa et le Waco à partir du Po 650. Ça ferait gagner deux ans pour le développement de la force aéroportée, ce qui est considérable ; avec 2.000 planeurs d'une capacité de 20 hommes ou une tonne de matériel, on peut imaginer la mise sur pied de quatre divisions dès 1942. Ici aussi, la construction et l'octroi de licences va financer l'équipe et les investissements.

    Dans tous les cas, il faudrait faire envoyer le personnel nécessaire depuis la métropole avant le basculement d’allégeance, soit en août ou septembre au plus tard. Après, il faudra s'orienter vers la Grande-Bretagne ou les États-Unis, ce qui ne va pas être simple. Potez a fait évacuer une grande partie de son personnel devant l'avance allemande, il doit en rester encore pas mal dans le sud, on doit y envoyer une mission au plus vite. La difficulté étant toutefois de ne pas interférer avec le ralliement de l'AEF.

    Un dernier projet serait de fabriquer des parachutes directionnels en employant de la main-d’œuvre féminine dans les comptoirs indiens qui vont, eux aussi, basculer rapidement vers la France Libre. Petite production pour un marché de niche, les opérations de commando, mais à forte valeur ajoutée. Quand je pense que je suis en train de planifier un enrichissement sur la guerre j'en suis malade mais il faut bien financer les actions que je projette et me faire reconnaître comme un interlocuteur valable... Et puis montrer aux territoire restés fidèles à Vichy que la France Libre va de l'avant et participe avec profit à l'effort de guerre allié peut en faire réfléchir plus d'un, peut-être l'Opération Torch se passera-t-elle mieux. Ne pas sous-estimer la puissance de la propagande : "Vous aviez à choisir entre le déshonneur de cesser le combat ou la difficulté de continuer la guerre à partir de l'Empire, vous avez choisi le déshonneur et la guerre vous rattrapera." Winston a tellement pompé que je ne me sens aucune honte à le faire...

    Plan d'action :
    - Continuer la recherche de financement (contacter au plus vite Émile Mathis aux États-Unis) ;
    - Mettre en place une filière d'évacuation (voir avec Dewavrin mais pourquoi pas le Surcouf qui mettrait 48 heures en surface pour faire Camargue - Gibraltar ; en se tassant un peu, il doit pouvoir emmener plus de cinquante personnes à la fois, voire une centaine ; il dispose de deux canots et peut en embarquer plus encore dans son hangar) ;
    - Identifier et localiser en zone libre les personnes pouvant servir ces projets (équipes Potez, Breguet, Latécoère, arsenal de Toulon..., voir avec Dewavrin également) ;
    - Les approcher et les sonder sur leur volonté de continuer à l'étranger (préparer le processus) ;

    Il est presque onze heures du soir quand j'arrête de travailler, je jette un coup d’œil au magnifique ciel nocturne dans le black-out londonien puis vais me coucher.

     

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  3. Le nerf de la guerre

    Samedi 6 juillet - Je profite de mon passage à Londres pour contacter Jean Monnet que je veux solliciter à propos du financement de mes projets. Je parviens à obtenir une entrevue à son domicile le soir même. Je fais de même avec René Cassin, cette fois en me recommandant de De Gaulle. Je compte sur eux pour me mettre en relation avec les hommes politiques britanniques, Churchill en tête.

    Je rencontre le capitaine Dewavrin dans la matinée, je choisis à cette occasion le pseudonyme de Chronos, personne ne me connaîtra pus sous mon nom réel. Comme je sais que sa préoccupation est de monter un service de renseignement en France occupée ou non occupée, je lui parle d'Henri à Lyon (sans lui donner encore de nom) et propose un embryon d'organisation (cloisonnement, règles de communication, règles de disparition en cas de capture d'un membre) des cellules de renseignement de manière à limiter le plus vite possible les risques d'infiltration et de démantèlement des réseaux mis en place.

    J'évoque la possibilité technique d'installer des émetteurs très basses fréquences ou très hautes fréquences pour envoyer des messages sans craindre l'interception allemande. Il va falloir vérifier mais je suis à peu près certain qu'au dessous de 20 kHz, il n'y a plus aucune transmission radio, il n'y a donc probablement pas non plus d'écoute, il faudrait mettre en place une antenne de trois éléments (radiateur, réflecteur et directeur) de quelques kilomètres de longueur. La forêt de Paimpont me semble être tout à fait adaptée. Une alternative est d'utiliser les ondes décimétriques avec une antenne parabolique du côté de Cherbourg (le cap Gris-Nez est bien plus proche mais la région va être beaucoup plus difficile d'accès). Ces fréquences ne seront pas utilisés ni même connues par les Allemands avant longtemps et la très forte directivité du faisceau les rendront difficile à intercepter.

    Dewavrin est très intéressé par tous ces éléments et veut tout de suite contacter Henri. Je propose d'envoyer un agent prendre contact avec lui en lui parlant d'un petit prince et d'une rose en lui expliquant que j'ai convenu de ce message juste avant mon envol. Nous discutons alors de la mise en place d'un premier réseau de contact avec la mise en place des messages personnels via la BBC pour le flux entre la GB et la France et la nécessité de contacter les Britanniques pour valider la faisabilité de l'émetteur TBF pour le retour. Il va se charger de me mettre en contact avec les bons interlocuteurs. Je lui parle du comité Tizard bien que je sache que ce n'est plus lui qui en est en charge ; qui donc l'a remplacé, je ne me souviens plus... En tous cas, je vais rapidement avoir un contact technique avec les Anglais, j'avance vite.

    Dans l'après-midi, je prépare une présentation "Power Point" pour Jean Monnet. Un carton à dessin et des feuilles format A3 (ou l'équivalent british de l'époque, quelque chose comme du "quart d'aigle"). Quelques schémas techniques pour illustrer ma présentation et montrer que je maîtrise le volet technique. Quelques figures présentant l'organisation que je souhaite mettre en place : cellule de veille, bureau d'étude, atelier de production - je ne veux pas faire de production dans un premier temps, la création de prototype devant suffire à obtenir des contrats de royalties. Dix "slides" plus les figures, deux minutes par "slide", je peux torcher ma présentation en vingt minutes, assez pour être bien compris, pas trop pour ne pas le noyer mais le bonhomme est très intelligent, il ne devrait y avoir aucun problème de compréhension. Aller droit au but, ne pas chercher à finasser.

    À l'heure dite, je me présente chez Monnet qui me reçoit de manière affable mais me demande tout de suite l'objet de ma visite. Je ne perds pas de temps et lui déroule ma présentation (je me garde bien de parler de De Gaulle, je sais qu'il n'a pas les mêmes vues que lui à l'époque). Je lui expose les principaux projets que j'ai en tête et lui indique leur coût approximatif en personnel (je ne sais pas si le FTE, Full Time Equivalent, est d'usage courant à l'époque, je parierais que non). J'ai besoin d'un financement avec un retour sur investissement sur un an, lui qui a été banquier, peut-il m'aider avec ses contacts ?

    Monnet a écouté très attentivement, s'il a été surpris, il n'en a rien montré. Il me bombarde de questions sur les projets mais j'ai bien préparé mon sujet, je ne me laisse pas déstabiliser. Au bout de trois quarts d'heure, il me remercie et m'informe qu'il a d'autres engagements, il doit interrompre notre discussion. Il me recontactera dans quelques jours, peut-il avoir la présentation ? - Oui, bien sûr, sauf ce qui a trait aux éléments techniques, je vous en ferai parvenir une copie demain à la première heure par courrier (toujours prévoir une copie pour chaque participant, tu le sais pourtant, erreur de débutant ! Ah, ça manque les clefs USB...)

    Je n'ai pas eu le temps de lui demander des recommandations pour ses contacts britanniques mais j'aurai certainement l'occasion de le revoir. Retour à la pension qui m'héberge, je dois faire ce soir une copie de la présentation et un dossier plus conséquent pour l'accompagner.

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  4. Un nuage de fumée

    Vendredi 5 juillet - Je poireaute depuis plus d'une heure dans l'antichambre et je vois passer des gens affairés qui entrent et sortent du bureau de l'homme du moment. Je serais mieux dehors par ce beau soleil d'été à arpenter les rues de Londres avant le Blitz. Enfin on me fait signe et je suis introduit dans un bureau enfumé (que fait Évin ?). De Gaulle termine une communication téléphonique et j'attends une fois de plus patiemment. Il se tourne enfin vers moi.
    " On me dit que vous avez des informations importantes à me communiquer.
    - Oui mon général, mais elles sont extrêmement confidentielles, pouvez-vous m'accorder cinq minutes en tête-à-tête ?"
    Après une seconde d'hésitation, il fait un signe à la personne présente qui sort non sans avoir eu un mouvement d'agacement très net.

    "Je vous écoute.
    - J'étais à la tête d'une organisation de veille technologique et stratégique en France qui m'a permis de voir venir un certain nombre d'évolutions techniques et politiques mais, n'ayant pas à l'époque les relais pour les utiliser, ces informations n'ont malheureusement été d'aucun secours pour personne. Compte tenu des circonstances, je vous propose de mettre ces connaissances et ces techniques au service de la France Libre pour lui permettre de retrouver rapidement la place qui lui est due.
    Pour vous donner un échantillon de ce dont je suis capable, je pourrais aussi bien vous parler de votre action à Montcornet que des prouesses de décryptage des équipes polonaises et françaises ou maintenant britanniques, ou bien du système de veille par détection électromagnétique de nos amis anglais qui est autrement avancé au plan organisationnel que ce que nous avons tenté de mettre en place et qui nous a tant fait défaut depuis le 10 mai, alors même que nous avions une avance technologique sur ce point, que nous leur avons fourni à ce sujet un équipement qui les a étonné et qui va leur faire gagner un temps précieux.
    Je peux enfin vous parler de la puissance de l'énergie atomique sur laquelle un certain nombre de savants, à commencer par Irène et Frédéric Joliot-Curie, travaillent en ce moment. Cette énergie permettra de remplacer toutes les centrales électriques françaises et aussi de créer une arme d'une puissance de destruction inimaginable. Sa maîtrise est d'une importance capitale pour tous les pays disposant d'une technologie avancée.
    Vous comprenez maintenant pourquoi j'ai souhaité vous parler confidentiellement et qu'il est nécessaire que le moins de personnes possible soit au courant de mon existence et de mon action.
    - En effet, je comprend fort bien et je vais vous adresser au capitaine Dewavrin qui a la responsabilité du 2e Bureau. Vous lui rendrez compte à lui seul mais parlez moi de cette nouvelle arme.
    - Les travaux des savants, commencés au début du siècle par Pierre et Marie Curie en particulier, ont abouti à la conclusion qu'avec une très faible quantité de certain matériaux, de l'ordre de quelques kilogrammes, on peut obtenir des énergies comparables à celles produites par des dizaines de tonnes de carburant ou d'explosif classiques. Bien entendu, les travaux théoriques et la mise en œuvre industrielle vont encore prendre des années mais les résultats sont inconcevables et d'une importance stratégique que je vous laisse imaginer. En l'absence de laboratoires modernes, le pays étant occupé, la France ne peut malheureusement se lancer dans cette course mais mettre en place une équipe continuant le travail théorique nous évitera de perdre trop de terrain par rapport aux Britanniques qui ont un projet en cours.
    Dans le domaine des armes plus conventionnelles, j'ai à ma disposition un certain nombre de techniques qui pourraient aboutir à des engins opérationnels plus rapidement. Je pourrais les donner aux Britanniques, et je le ferai pour certaines d'entre elles, mais il serait bon que nous puissions les exploiter nous-même. Pour cela, il nous faut des hommes, des installations et des crédits. J'ai bien conscience de la difficulté extrême que cela représente mais l’enjeu est considérable : si nous parvenons à fournir quelques unes de ces innovations à nos alliés, la position de la France sera notablement renforcée et nous pourrions même en tirer des bénéfices financiers substantiels.
    - Votre proposition est alléchante mais il y a loin de la coupe aux lèvres, nous n'avons aucun moyen financier.
    - J'ai quelques idées pour obtenir ces financement : il y a l'or de la Banque de France qui a été convoyé aux États-Unis, que la France libre soit reconnue comme légitime et elle est solvable. Il y a aussi l'investissement privé, certain industriels français sont actuellement aux U. S. A. pour discuter de la continuation de leurs activités, Émile Dewoitine en tête qu'il ne faudrait pas laisser rentrer en France sans l'avoir contacté ; j'ai des propositions très concrètes à lui faire.
    - Cela dépasse les prérogatives de Dewavrin et nous n'avons pas encore de ministre des finances ni de l'industrie.
    - Puis-je me recommander de vous pour contacter les savants, ingénieurs et industriels en vue de mettre en place cette industrie nationale en exil ?
    - Vous avez mon aval."
    L'entrevue est terminée et je sors gonflé à bloc : je vais dépendre du futur colonel Passy et je peux monter ma cellule de veille, c'est inespéré. Reste à expliquer à Passy que je dois avoir un accès direct aux Britanniques et qu'il me faut débaucher des gens en France occupée, ça reste encore nébuleux !

    Note de l'auteur : vous me trouverez probablement un peu (beaucoup ?) trop optimiste mais je rétorquerai que l'époque était au culot et qu'il n'y avait pas grand chose d'autre à répondre à qui voulait aller de l'avant que : "Faites donc". Je ne prétends pas que cet échange soit très réaliste ni totalement représentatif de l'époque mais il faut que j'avance dans mon récit donc je fais comme si. D'autres rencontres ou d'autres échanges auraient pu amener à des résultats similaires...

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  5. On souffle et on réfléchit

    Jeudi 4 juillet - J'arrive à destination au petit matin alors que la nouvelle de Mers-el-Kébir se répand. Ça a un avantage pour moi qui passe totalement inaperçu, j'avais un peu peur de rencontrer quelqu'un plus curieux et plus informé qui aurait pu avoir des soupçons. L'ambiance n'est pas à la fête et les gars s'engueulent, pour ou contre les Rosbifs. Bon, Churchill s'est aliéné les Français mais a rassuré Roosevelt et l'échec des négociations est quand même du côté français mais je ferme bien entendu ma gueule.

    Le camp de Trentham Hall est grandiose et désolé, Le hall a été détruit avant la première guerre mondiale et les jardins sont dans un piteux état mais le domaine et les bâtiments restants sont extraordinaires bien qu'assez délabrés. Mais je ne compte pas rester longtemps, il faut aller de l'avant. Certes, je pourrais rester dans mon coin et attendre que ça se passe sans chercher à changer les choses parce que ça risquerait de créer des situations préjudiciables à la cause alliée mais je suis là, j'ai déjà interféré avec la trame historique et la théorie du chaos me dit que ces petites variations vont rapidement engendrer de grands changements. J'ai échangé trois mots avec un légionnaire, ça l'a peut-être empêché de rencontrer un autre soldat qui l'aurait aidé à Bir-Hakeim à repousser une des nombreuses attaques et le camps tombera un jour plus tôt, diminuant la capacité de Montgomery à tenir lors de la première bataille d'El-Alamein... Papillon du désert. Donc pas de scrupule !

    Il faut que je vois un responsable, je vais tenter le tout pour le tout. On vient me chercher pour mon enrôlement dans les Forces françaises libres. Au grand étonnement de mon interlocuteur, je lui annonce que je ne suis pas venu pour me battre mais pour aider directement le général De Gaulle avec ma formation d'ingénieur et certaines informations confidentielles que je possède. Le sergent en réfère à un lieutenant à qui ma position ne plaît pas du tout et qui cherche à me faire changer d'avis. Il me propose même, au vu de ma performance pour rallier l'Angleterre, de me faire passer dans la RAF bien que je sente que ce n'est pas de gaîté de cœur. Je n'en démords pas et insiste pour être rapidement présenté à un proche collaborateur du général. Après un sermon sur les besoin impérieux de rebâtir une armée française forte auquel je ne répond pas pour ne pas braquer mon interlocuteur, celui-ci cède et m'annonce qu'il va voir ce qu'il peut faire. Ça ne me convient pas, ça risque de prendre trop de temps dans la pagaille ambiante. Je fais celui qui est un peu perdu, absence de parcours militaire oblige, et lui demande quelques précisions sur le règlement du camp. Trop heureux de pouvoir reprendre la main, il m'assène un certain nombre d'informations et de règles que je prends telles qu'elles, je ferai le tri plus tard. Je veux surtout avoir des renseignements sur les personnes responsables et il fini par me donner quelques noms. C'est le moment d'appliquer quelques notions de manipulation mentale pour l'amener à me faire gagner du temps, il est assez réceptif et au bout d'un quart d'heure, il est persuadé d'avoir réussi à me convaincre d'aller voir le commandant du camp...

    La rencontre avec celui-ci est plus cordiale, il comprend mieux mon désir d'aider en fonction de mes capacités même si lui aussi a pour premier objectif de reconstituer une force armée conséquente. Mais comme je sais qu'il doit déjà se battre pour que la discipline soit maintenue, je n'ai qu'à l'orienter doucement dans cette voie pour qu'il s'épanche et oublie de me mettre la pression. Il est rapidement convenu que je partirai pour Londres dès demain. Heureusement pour moi que le contre-espionnage ne fonctionne pas correctement sinon les contradictions entre mes premières déclarations et mon statu actuel d'ingénieur auraient pu me coûter cher. En attendant, j'ai droit à un uniforme pour remplacer mes vêtements plus que défraîchis et peut prendre une première douche depuis près de quinze jours, ça n'est vraiment pas du luxe !

    Après le repas du soir, j'ai enfin le loisir de penser à la suite des événements. Établissons une nouvelle liste de priorités.

    J'ai donc réussi la première phase de mon programme : je suis en Grande-Bretagne et je vais rencontrer des hauts responsables.

    Que vais-je dire à De Gaulle ? En fait, mon objectif est plutôt Churchill, il va falloir jouer serré pour ne pas désappointer le grand homme (enfin, pas si grand, je suis bien de ma génération et, jusqu'à présent, je dépasse tous mes interlocuteurs d'une demi-tête au moins). Je vais lui vendre l'après-guerre et lui expliquer que j'ai besoin du support du Royaume-Uni pour ça. Il faut que je récupère Émile Dewoitine, qui est aux U. S. A. actuellement pour discuter avec Ford, avant qu'il ne rentre en France ; De Gaulle devrait y être sensible.

    Côté opérations militaires, je ne vais pas intervenir pour le moment, il sera temps de jouer de mes connaissances cet hiver avec l'opération Compass en Libye. Si j'ai obtenu l'oreille de Churchill, il faudrait le pousser à terminer l'invasion et supprimer toute menace au sud de la Méditerranée. Le risque est que l'Axe ne veuille reprendre la main et attaque Gibraltar ou l'AFN. Dans le second cas, c'est tout bénéfice car ça remettrait l'Empire français dans la guerre. Si les Allemands s'attaquent à Gibraltar, ça va faire basculer le Portugal, créer le syndrome des guerres napoléoniennes et donner des bases aux Açores, pas mauvais non plus. De plus, Noguès va avoir peur d'une invasion espagnole et être éventuellement plus sensible à une reprise des hostilités. À creuser.

    Côté technique, avec Dewoitine je pourrais créer un jet efficace pour peu que j'ai accès à un turboréacteur. Il faut retrouver Planniol, Szydlowski et Anxionnaz. Il faut aussi retrouver la trace de Hurel qui travaillait avec je ne sais plus qui sur une bombe guidée (à ce sujet, les Allemands vont mettre la main sur ces travaux et s'en servir pour leurs engins, il faut mettre au point les contre-mesures). Il faut que je retrouve tous les noms des acteurs de l'époque, un petit tour dans les publications aéronautiques devraient me rafraîchir la mémoire. Il faut rechercher Coanda et Leduc aussi. Il y aura ensuite les Funny Hobart pour lesquels j'ai quelques idées complémentaires, la première urgence étant le déminage (char fléau et "poêle à frire").

    Avec l'équipe Dewoitine et compagnie, je pourrai développer quelques missiles guidés ou non. Missiles air-sol (pousser le développement du Mosquito, au passage), bombes ou missiles air-sol guidés par télévision (chercher Henri de France), bombes planante ou missiles guidés par radar (Exocet contre Bismarck). Torpilles anti-sous-marins filoguidées à sonar actif. Sans oublier l'hélicoptère pour lequel l'équipe Breguet sera indispensable.

    Enfin, La Bombe ! Non que ça m'enchante de participer à la prolifération nucléaire mais elle est déjà en route et en parler à De Gaulle me sera précieux : la Grandeur de la France, tout ça, tout ça, il va mordre à l'hameçon et je pourrai faire passer tout le reste. Je vais d'ailleurs me présenter comme ça : je fais de la veille technologique et c'est la raison pour laquelle je n'en ai parlé à personne, préférant me faire passer pour un simple ouvrier qualifié, voire un ingénieur dans une usine de construction mécanique. Je vais donc lui demander les moyens de remonter une équipe de veille et de proposition techniques, tout en créant un conglomérat militaro-industriel au Canada ou aux U. S. A. aux capitaux français ; demander l'aide d'Émile Mathis qui, sinon, va y créer une usine de fabrication d'obus et recenser les autres industriels ou banquiers français qui pourraient y participer.

    Voilà, j'ai déjà un programme très chargé. Et encore, je n'ai pas parlé de la fabrication d'ordinateurs pour lesquels il va me falloir une grosse équipe de cerveaux bien faits. Sachant que les ingénieurs en tous genres vont être accaparés par les tâches de développement ou de production et qu'il s'agit d'une technologie entièrement nouvelle, je vais avoir du mal à la monter. À moins que... Oui, c'est ça ! Je vais embaucher des femmes. Comme on part de zéro ou presque, une tête bien faite, c'est la clef ! Monter une filière d'émigration à partir de la zone libre et de l'Empire, voire plus tard de la zone occupée. Comme il va s'agir de non combattants, je ne vais pas attirer l'attention. Je vais passer des annonces pour des dactylos ayant une bonne culture générale et je ferai passer des tests de logique. On va avoir en France une industrie informatique 100 % féminine, trop drôle !

    Liaison radio très basse fréquence ou très haute fréquence pour les communication de la Résistance vers l'Angleterre, codage polynomial à coefficients premiers... il y a encore beaucoup à faire mais ce sera ma monnaie d'échange avec les Britanniques. Ouh là ! Trop crevé, moi. Je vais continuer à rêver de tout ça...

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  6. Le 08/08/2021 à 21:18, ARPA a dit :

    Ce qui me dérangeait avec une intervention à ce moment de la guerre, c'est qu'on risque d'aider les anglais plutôt que les français...

    L'idée est de faire en sorte que l'aide technique reste dans des mains françaises, ce sera toujours ça de pris à la libération.

    Le 08/08/2021 à 21:18, ARPA a dit :

    Je sais que ça permet d'éviter de parler allemand 50 ans plus tard, mais si c'est pour parler anglais et remplacer le Coca par du thé...

    Moi, ça ne me dérange pas de remplacer le Coca par le thé, bien au contraire :wink:

    Le 08/08/2021 à 21:18, ARPA a dit :

    La seconde guerre mondiale s'est relativement bien terminée pour la France (on est dans le camps des vainqueurs et on n'est pas mis sous tutelle étrangère), à cause de Vichy et en l'absence d'une résistance significative, une victoire trop rapide risquerait de placer la France au même niveau que l'Autriche.

    Enfin, est-ce que ce serait grave ?  L'essentiel c'est peut-être de sauver des vies (et presque 70 millions dont des français) quitte à ce que la France perde un peu de poids politique à court terme.

    En fait, c'est surtout sur cette partie que j'essaierai d'intervenir. Mais ce sera à long terme après avoir réussi à passer la seconde guerre mondiale.

    Relativement bien terminé ? On peut en discuter... Mais faut-il se focaliser sur la grandeur de la France ? Après tout, si la France perd de son aura, elle sera peut-être obligée de lâcher ses colonies plus vite, sans guerre.

    Bien d'accord sur l'objectif mais c'est aussi pour ça qu'il faut se trouver de la légitimité. Si on ne fait rien durant la guerre, on est automatiquement hors-jeu après.

    Le 08/08/2021 à 21:18, ARPA a dit :

    D'angleterre, j'essaierai peut-être de passer dans une colonie française libre pour permettre de faire des progrès technologique pour la France. Mais les gains risquent d'être modestes.

    Les colonies françaises libre, avant 1943, y'en a pas des masses... Vaut mieux jouer une carte en GB.

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  7. Il y a 2 heures, Hirondelle a dit :

    @DMZ

    Réellement agréable à lire, sobre et expressif, un grand bravo.

    Malheureusement la période est peu propice si tu veux trouver des partenaires de jeu.

    C’est le moment d’ajouter du romanesque : rencontre une femme, une scientifique, ou la jeune épouse d’un vieux vieux Lord anglais. Dans un cas comme dans l’autre ça devrait t’amener devant les portes que tu veux pousser.

    Merci.

    Faire intervenir une femme est tentant mais je ne suis pas certain d'être assez bon rédacteur pour ça. Je vais quand même garder l'idée et voir ce que je peux faire.

    Mais l'histoire romancée n'est qu'un prétexte pour explorer la situation proposée. Je ne voudrais pas artificiellement m'écarter de l'exercice proposé et il est peu probable qu'une telle situation se présente. Mais qui sait...

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  8.  

    Il y a 4 heures, Lame a dit :

    Bienvenue! Tu peux nous en dire plus?

    Je participe (très modestement) à la FTL : https://1940lafrancecontinue.org/ après avoir lu les ouvrages publiés et où j'ai posté quelques uchronies parallèles, en particulier une sur le Loire-Nieuport 161 que je vous resservirai certainement.

    J'ai quelques idées en réserve...

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  9. À votre avis, maintenant que je suis en GB, qu'est-ce que je fais ?

    Il me faut une stratégie pour contacter les décideurs.

    Dois-je commencer à distiller quelques informations confidentielles pour soulever l'intérêt ? Si oui, ai-je laissé passer ma chance avec l'officier qui a mené son enquête ?

    Sinon, comment faire ?

    Et dans quel domaine intervenir ?

    La stratégie militaire me semble hors de propos. Ils sont déjà suffisamment à s'engueuler et je n'aurais aucune légitimité même si je décortique la Campagne de Norvège ou de France. Je vais juste éveiller des soupçons sur ma potentielle trahison. Comment ai-je eu accès à ces infos ? Je ne peux être qu'un espion. Et puis dès que les premières modifications de la trame temporelles auront eu lieu, la divergence va anéantir toute capacité de prévision.

    Pearl Harbor, les Philippines et Singapour me semblent quand même dignes d'intérêt. Casser l'IJN et contrer l'IJA à ce moment là va monstrueusement raccourcir la guerre. Mais attention à ne pas faire sortir la flotte US pour qu'elle soit coulée en eaux profondes.

    Les avancées technologiques peuvent être plus productives. J'en vois au moins deux qui ont du sens : l'ordinateur et l'avion à réaction.

    Proposer à Turing le schéma d'une unité centrale et la faire réaliser en relais puis en tubes électroniques et proposer le transistor à effet de champ (qui a déjà été inventé dans l'entre-deux guerre mais totalement oublié). Avec une bonne programmation, casser les codes Enigma serait beaucoup plus aisé. Tiens, au passage, leur donner le codage moderne avec des polynômes aux nombres premiers rendrait le renseignement allemand quasi aveugle.

    Proposer un appareil delta (faudrait retrouver Payen) ou quelque chose ressemblant au F5. En tous cas avec des ailes en flèche, des réacteurs dans le fuselage et des prises d'air latérales.

    Il y a aussi les missiles à guidage radar ou télévision. Avec une priorité absolue, ils peuvent encore sortir pour la fin de la Bataille d'Angleterre mais ce serait donner de mauvaises idées à ceux d'en face pour s'opposer aux bombardements stratégiques alliés. En revanche, les avoir à disposition pour contrer les V1 serait top. Disposer de missiles anti-navire en mai 41 pour intercepter le Bismarck dans le Détroit du Danemark sans avoir à venir à portée de tir serai top. Ici un engin guidé à vue par radio serait suffisant. Les Swordfish ou les Bleinhem ferait l'affaire. Idem pour attaquer de loin les sous-marins (guidage radar dans ce cas). Des bombes guidées pour attaquer les objectifs ponctuels, en particulier lors du débarquement, feraient du bon boulot.

    Un dernier point serait l'utilisation de micro-ondes pour établir un lien téléphonique permanent unidirectionnel indétectable avec la France occupée. Mais il faudrait convaincre les Britanniques d'installer un klystron en France avec les risques de découvertes par les Allemands... Pourtant quels gains en capacité de transmission et en sécurité des opérateurs !

    D'autres idées ?

    Restera le problème de l'identification d'un éventuel double occulte de l'autre côté. Et, plus encore, de sa neutralisation.

    Comment se rendre compte d'altérations de l'Histoire quand on joue avec le feu soi-même ?

    Sur les grosses opérations, ça va se voir : si le Bismarck altère notablement sa mission, si Malte est prise... Mais au niveau opérationnel, je serais bien incapable de voir quoi que ce soit.

    Plus facile sur les aspects technologiques : radars centimétriques, codage Enigma plus performant (encore que je ne sais plus quand les Allemands ont ajouté des rotors)...

    Quand à contrer ça, c'est mission impossible. Il faudrait s'ouvrir de ce problème à un Turing ou un Tizard pour qu'ils le prenne en compte dans leur course technologique.

    Il y a également le problème de la solution finale. Comment s'y opposer efficacement ?

    Restera le long terme : décolonisation, guerres civiles en tous genres, droits de l'homme, progrès social... et le problème de la pollution, de la surpopulation et du réchauffement anthropique. Il y a le temps de traiter tous ces problèmes mais comment les aborder et surtout convaincre les décideurs et les citoyens ?

    En fait, dans cette situation, la pression psychologique est monstrueuse et je comprend ceux qui se recroquevillent dans leur coin en attendant que ça se passe. Mais laisseriez-vous quand même les choses aller ainsi ?

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  10. Colonies de vacance à la mer

    Mercredi 3 juillet - Deux heures du matin, les lueurs de Paris sur la droite comme prévu, mon plan de vol est respecté. La jauge est à un tiers, ça va être juste pour l'Angleterre, il faut prendre une décision. Si je me pose de nuit dans la région, ça n'ira pas sans casse, je risque de me faire chopper par une unité allemande et, dans le meilleur des cas, je suis en zone occupée ! J'aurais dû prévoir des terrains de secours. Quel con. J'ai les plages du débarquement, en particulier Omaha ou Utah, les plus dégagées, il y a des roches sur les autres que je ne sais pas positionner. Je n'ai pas non plus les horaires ni les coefficients de marée. Bon, on fait comme ça, je vais continuer vers Le Havre en obliquant un peu à droite et aviser à ce moment. Richesse au minimum, vitesse 280 km/h (je crois que c'est comme ça que les japonnais ont fait avec leurs Zéro pour attaquer le SE asiatique le 8 décembre 41). J'attends. Trois quarts d'heure plus tard, la côte se dessine et l'estuaire de la Seine est bien visible légèrement à gauche. La jauge un peu au dessous d'un quart, je tente le coup : plein nord !

    Quatre heures trente, la côte britannique se dessine droit devant alors que le ciel blanchit au nord-est. La jauge est à zéro. Mille cinq-cent mètres d'altitude, finesse 10, je pourrai faire 15 kilomètres quand le moteur va caler... Ce qu'il fait après avoir eu quelques ratés, je vais me choisir une plage anglaise et non pas normande, si j'y arrive. Vitesse minimum pour avoir la finesse max, penser aux volets en finale, cette fois, pas comme au décollage, c'est pour ça que j'ai roulé si longtemps. Le Caudron plane bien, l'altitude décroît lentement. Je resserre mon harnais, verrière ouverte. Je n'ai aucune idée de l'étalonnage de l'alti, il va falloir évaluer la hauteur mais une légère brume flotte sous moi. On serre les fesses et on continue. Pour autant que j'ai pu en juger, la mer est calme, c'est bon pour l'amerrissage mais je n'aurai aucune information de hauteur. J'ai de la chance, j'arrive au niveau de falaises (je vérifierai plus tard qu'il s'agit de Beachy Head), je peux continuer à les voir au dessus de la brume, je m'aligne sur la falaise à l'est du cap qui m'oblige à faire un virage moins prononcé. Je devine les terres qui s'abaissent sur ma gauche puis tout s'estompe. Je ne vois plus la côte, je suis trop bas ; il ne faut pas que je rentre dans les terres, je n'aurai pas assez de hauteur pour faire une quelconque manœuvre d'approche, je garde ce cap qui doit être grossièrement parallèle au rivage. Volet à fond, vitesse minimum, des secondes interminables puis la vision fugitive du sol, j'ai juste le temps d'arrondir et, tout de suite après, le choc. 

    Courte glissade dans des gerbes d'écumes, je suis encore en mer, et presque immédiatement, l'avion s'immobilise, je suis projeté en avant mais retenu par mon harnais que je parviens à ôter rapidement et je me hisse sur l'aile. Si l'appareil n'a pas tourné - vite un coup d’œil au compas, c'est bon - la terre est sur la gauche. Je garde mes chaussures de jogging que j'avais remis au moment du décollage et me prépare à me débarrasser de mes vêtements en ne gardant que ma tenue de sport enfilés en dessous, je serai plus à l'aise pour nager. Mais j'entends un bruit de moteur quelque part devant, une patrouille de routine ou bien la surveillance aérienne les a déjà prévenu ? En tout cas, ils m'ont peut-être entendu tomber mais j'en doute vu le bruit qu'ils font. Un projecteur : ils me cherchent, la deuxième hypothèse doit être la bonne. Je hurle mais j'ai l'impression que ça ne sert à rien. Le bruit diminue mais n'a pas l'air de s'éloigner, ils ont ralenti, je recommence à crier. L'étrave apparaît et je vois des armes se pointer sur moi. "French! Help me!" Les armes ne se baissent pas et la vedette avance prudemment. Je lève les bras bien hauts, les mains ouvertes, en continuant à crier "French!". J'ai déjà les genoux sous l'eau quand quatre mains m'agrippent et me hissent. Ils me fouillent, je donne mon nom, mon vrai nom, de toutes manières il ne leur indiquera rien, et leur explique mon évasion depuis Lyon. Je me présente comme à Henri : un pilote amateur (ce qui n'est pas loin de la vérité) qui a voulu rejoindre De Gaulle après avoir entendu son appel.

    8 heures - Je suis interrogé depuis une heure par des officiers britanniques. Je raconte mon parcours réel, j'ai juste enlevé 80 ans à toutes les dates de mon CV et leur dit j'étais ouvrier qualifié chez Peugeot à Montbéliard, ça va me permettre d'expliquer que je n'ai pas été mobilisé, je me serais vite coupé si je m'étais inventé un parcours militaire. Ils semblent gober mon histoire car malgré de nombreuses questions, je reste cohérent. J'ai pris garde de parler en français tout le long, un travailleur de mon niveau n'est pas sensé connaître l'anglais à l'époque mais ce que j'entends me sert à me positionner. Enfin ils me lâchent et je peux bénéficier d'un repas chaud. N'étant pas trop mouillé, ils n'ont pas jugé utile de me donner des vêtements secs, ça m'arrange, je peux garder mon jogging en sous-vêtements, ça pourrait me servir plus tard. Tout ce que je veux maintenant c'est dormir alors quand ils m’emmènent dans une baraque du camp où j'ai eu droit à cet interrogatoire, je me laisse tomber sur un lit de camp et m'endors immédiatement.

    À trois heures de l'après-midi, un capitaine français viens me réveiller pour me faire à nouveau raconter mon histoire. Il connaît visiblement la région de Mulhouse mais je peux lui donner suffisamment de détails pour rester crédible, heureusement que j'aime les vieilles pierres et que je connais donc un peu l'histoire de la ville. Mes capacités de pilotage l'intéressent et il me pose quelques questions à ce sujet, je lui répond que je suis novice car une de mes connaissances avait un Pou du ciel et m'a fait voler deux ou trois fois sans que j'ai aucune qualification, je ne m'étends pas sur Flight Simulator... J'en profite pour lui poser des question sur ce général De Gaulle que je ne connais pas et dont j'ai entendu par hasard l'appel le 19 juin - le 18, vous êtes sûr ? Dépend-il du gouvernement du Maréchal Pétain ? Je n'ai pas bien compris car je n'ai plus eu beaucoup d'info à partir du moment où je me suis mis en route. Il m'explique patiemment que le Maréchal a abdiqué l'honneur et que seuls les Français présent en Angleterre continuent la lutte mais que nous seront bientôt majoritaires et allons revenir chasser l'occupant sous peu. Bel optimisme !

    Transfert dans la soirée vers un autre camp regroupant des troupes françaises.

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  11. Courrier de nuit

    Mercredi 26 juin - Saint-Martin-en-Bresse - J'ai trouvé une ferme qui a besoin de main-d’œuvre pour les moissons, travail contre nourriture et un peu de paille dans le grenier. Un peu à l'écart de la route de Dole à Chalon, il n'y a pas trop de réfugiés, les combats ont épargné le village et je sais que les rares soldats allemands présent vont bientôt se retirer un peu au nord. Il faut que je trouve un moyen d'aller à Lyon le plus vite possible avant que les contrôles d'identité ne deviennent tatillons. Je profite de ce répit pour me forger divers identités en fonction des circonstances.

    Dimanche 30 juin - J'ai remercié la fermière ce matin, j'ai un peu mauvaise conscience de ne pas l'avoir plus aidé mais si je reste là, je vais peut-être survivre simplement à la guerre sans avoir servi à rien si ce n'est à la fermière qui a l'air d'avoir des vues sur moi... Je ne peux simplement pas laisser faire un certain nombre de choses et en France métropolitaine, je ne serais d'aucune utilité à court terme. La fermière ne m'en a pas trop voulu et m'a même donné un fromage de chèvre et un peu de pain, j'ai aussi un couteau et des souliers un peu petits mais je serai plus présentable en ville. Chalon est à quinze bornes mais la gare est du mauvais côté de la ligne de démarcation. Je ne pense pas que celle-ci soit encore fermée mais se serait trop bête de se retrouver piégé là-bas. Il faut que je réédite la descente de rivière jusqu'à au moins Tournus pour y prendre un train vers le sud. Si je me souviens bien, le trafic a dû reprendre.

    Dans l'après-midi, je trouve une péniche qui va vers Lyon, on ne pouvait rêver mieux. Le marinier est content d'avoir quelqu'un qui sais reconnaître l'avant de l'arrière de son bateau et j'ai promis d'aider au déchargement, on sais pas s'il y aura des ouvriers au port.

    Lundi 1er juillet - Lyon - Le déchargement est terminé à midi et le patron m'a donné un billet, je ne sais pas ce que ça représente, pas grand chose sans doute, d'autant que les prix vont certainement flamber, un repas probablement. Mais j'ai mangé une dernière fois à bord avant de partir et je me dirige maintenant vers Bron. Je suis certain qu'il y aura des Allemands sur le terrain mais aussi des pilotes français, on va voir ce qu'on peut faire. Avec mon petit pactole, j'ai pu prendre le tramway, autant de temps et de fatigue économisés. Je suis aux abords du terrain de Bron en milieu d'après-midi et je commence à repérer les lieux de loin. Je cherche quelqu'un qui y travaille, un mécano de préférence. À cinq heures, des hommes quittent le terrain et certain se dirigent vers le café du coin. J'y entre et prends un ballon de rouge au comptoir. Ayant entendu les gars parler boutique, je les aborde : "Je travaillais dans une usine dans le Nord, je m'y connais un peu en mécanique, vous pensez qu'il y aurait du boulot dans votre aérodrome ? Je n'ai plus un rond et ma maison est détruite, faut que je me débrouille." Les types compatissent mais sont désolés, il n'y a plus d'activité au terrain et les Allemands contrôlent tout et interdisent tous les vols. Ils me payent un verre et on discute, ils me demande ce que j'ai vu durant mon exode. Je brode sur les récits que j'ai lu, l'incendie des dépôts de carburant, les mitraillages des files de réfugiés. Mais ils me coupent rapidement, ils ont déjà entendu trop de fois ces histoires. Je les oriente vers leur activité et ils se laissent aller : plus beaucoup de travail, les pilotes consignés, les dégâts aux hangars tous neufs... J'apprends où se trouvent les pilotes et quels avions restent au terrain. Comme je le craignais, il ne reste plus de pilote polonais et la Luftwaffe occupe les lieux. Mais il y a un Caudron 714 criblé de balles à côté des hangars mais en état de vol semble-t-il. Les Polonais se sont plaints de manque de fiabilité, en particulier au niveau du vilebrequin, donc vérifier le niveau d'huile et ne pas forcer sur la mécanique. Les autres reproches concernent le combat, ça ne m'intéresse pas pour ce que je veux faire. L'autonomie était d'au moins huit cent kilomètres, plus que suffisant pour aller en Grande-Bretagne. Donc c'est jouable mais il faudra vérifier : les pneus, je ne pourrai décoller s'ils ne sont pas correctement gonflés, le niveau d'essence et d'huile, faire une prévol pour s'assurer que les plans fixes sont correctement fixés (en particulier l'empennage), les plan mobiles sans blocage et les gouvernes effectives ; quoi d'autre ? Je pense que c'est le minimum vital pour partir. Alors quel plan pour s'approcher et démarrer le moteur ? Je vais avoir besoin d'une complicité. Dangereux par les temps qui courent. Les pilotes ne doivent pas être faciles à approcher et les mécanos sont potentiellement en ligne avec le discours de Pétain.

    Changement de tactique, je retourne au comptoir et redemande un verre. J'engage alors la conversation avec la patronne, elle a la trentaine et, comme pour beaucoup, sans nouvelle de son mari au front. Il est dans les chasseurs alpins. Est-il allé en Norvège ? Oui. Elle est surprise que je sois au courant mais je lui dis que mon unité devait y aller aussi mais est restée en Écosse avant de revenir en France, que j'ai réussi à échapper à l'encerclement après l'annonce de l'armistice en trouvant des habits civils et qu'avec un peu de chance son mari aura réussi à en faire autant (je n'en crois rien mais elle me paraît réceptive à mes déboires, il faut que je lui donne un peu d'espoir si je veux de l'aide). Je prends un risque mais pourquoi irait-elle me dénoncer et à qui ? Ni aux Allemands qu'on ne peux pas encore piffer, ni aux gendarmes car je ne présente de danger pour personne. Je lui ressers l'histoire du travail que je cherche, pour des raisons différentes cette fois, et pose des questions sur le terrain. J'obtiens des informations similaires bien que moins précises mais je fais dévier la conversation sur les mécanos. J'en apprends bien vite assez pour savoir qu'il y en a quatre au moins qui ne décollèrent pas. Je reprends un ballon et passe à un autre sujet, le ravitaillement qui la rend encore plus volubile (on commence à manquer de pas mal de choses) et lui fait vite oublier ma curiosité aérienne.

    Huit heures, les travailleurs quittent l'un après l'autre ou en groupes le café. Je sort sur les pas d'un des mécanos désignés et chemine un moment dans sa direction. Après deux cent mètres, je me rapproche et lui demande s'il ne connaîtrait pas un abris pour la nuit. Il me répond par la négative et j'entre tout de suite dans le vif du sujet : "Le Caudron est-il bien en état de vol ?" Il recule d'un pas et me regarde attentivement. "Tu veux te barrer ? - Oui - Tu es pilote ? - J'ai fait quelques vols sur Pou." Un grand silence. "Viens !"

    Henri m'emmène chez lui mais, avant d'entrer, je lui demande s'il est marié. À sa réponse positive, je lui dis que je ne veux pas mettre en péril sa famille si on faisait le lien entre ma tentative et lui. Il réfléchit puis : "je prends le risque". Il me présentera comme un collègue mécano du nord qui va passer une seule nuit à la maison avant de continuer vers le sud. Je préfère ça, moins sa femme en saura, mieux cela vaudra. En fait j'ai tort car elle semble aussi remontée que lui mais j'en resterai quand même là. après le repas, on fait rapidement le point : j'irai au café demain matin en prétextant que j'attends une réponse pour le boulot au terrain. Pendant ce temps, il jettera un coup d’œil au 714 et vérifiera huile, essence et gouvernes. S'il manque d'essence, il pourra en siphonner dans les épaves, il est sûr qu'il y en aura assez pour au moins un demi plein. Restera le moteur mais on ne peux pas faire d'essai. Il repassera ensuite au café pour me dire où il en est. Il s'appuiera sur un ami en cas de besoin. Ayant mis tout au point, nous nous couchons, moi sur une couverture sur le sol de leur petite salle à manger.

    Mardi 2 juillet - Onze heures, Henri revient et me déclare qu'il a confiance dans l'appareil, qu'il y a assez de batterie pour démarrer mais qu'il faudra compléter l'huile et qu'il n'y a presque plus d'essence, il ne peux pas garantir que le réservoir de carburant n'a pas de fuite. Aïe, je n'avais pas pensé à ça, sans faire le plein, difficile de le savoir... Il va récupérer essence et huile à midi quand tout le monde fait la pause et stockera le tout à proximité du Caudron. On fera les pleins et regonflera les pneus juste avant de lancer le moulin. Rendez-vous à dix heures ce soir sur le côté est du terrain. Je vais faire un tour en ville en attendant.

    La nuit est tombée et Henri me rejoint enfin. J'ai marché dans les rues de Lyon toute la journée, j'ai évité de prendre les tramways ou les bus car, bien qu'on ne soit pas encore dans la période la plus sombre, autant éviter de prendre un risque de se faire contrôler dans un lieu clos. L'entrée sur le terrain ne pose pas de problème, la sécurité n'était pas le point fort des terrains de l'AdA en 1940. Nous nous glissons vers le Caudron et faisons rapidement les pleins. La vache, il est en effet criblé d'éclats. Henri m'a indiqué hier où se trouvaient les principales commandes, je les revoie avec lui à la lueur d'un briquet. Je lui dit d'écouter la BBC et d'attendre des nouvelles du petit prince et de sa rose (c'est tout ce à quoi j'ai pensé comme message personnel, je ne sais même pas quand ils seront mis en place) et me glisse dans le cockpit. Il gonfle l'hélice (j'aurais vu ça au moins une fois dans ma vie), dégomme le moteur en la tournant, richesse, contact, démarreur, le moteur hoquette puis tourne. J'ai bien repéré les lieux et j'ai la place de rouler et décoller dans l'axe, il n'y a pas de vent. Hélice au petit pas, je mets les gaz progressivement car je n'ai pas le temps de faire chauffer le moteur, il ne faudrait pas caler. Le roulage parait interminable. La queue se lève, je maintiens l'appareil au sol tout en jouant doucement sur la richesse. Enfin assez de vitesse, je tire délicatement sur le manche et les secousses cessent, j'ai décollé. En prenant progressivement de l'altitude, je mets le cap au 320. Sans matériel de navigation, il m'est impossible d'être précis mais ça devrait me faire passer un peu au sud de Paris dont je n'aimerais pas tâter les défenses même s'il y a peu de chances qu'elles aient une quelconque efficacité de nuit et aborder la Manche du côté du Calvados. Je rentre le train - ouf, ça marche -, monte à 1.500 m et passe au grand pas, c'est assez pour passer largement tous les reliefs et doit me donner une croisière relativement économique. Vitesse : 300 km/h. Température moteur, OK. Pression huile, OK. Niveau essence, 3/4 de plein, c'est tout ce que nous avons pu faire mais il ne semble pas que le niveau baisse trop vite, il ne doit pas y avoir de fuite ou alors pas trop importante. La lune n'est pas encore levée et l'obscurité me protège. Le black-out n'a plus cours et je vois les lumières de Lyon. Je n'ai pas pu me procurer de carte, pas même une Michelin, il va falloir faire appel à mes souvenirs de géographie de l'école primaire... Bon, je devrais voir les lueurs de Paris sur la droite dans une heure et demie, c'est le premier point indiscutable. Chartres sur la gauche un peu plus tard si je suis sur le bon cap et Caen une demi-heure après. Il n'y aura pas de lune cette nuit mais je devrais arriver en vue des côtes anglaises à peu près une heure avant le lever du soleil, ça devrait aller pour l'atterrissage.

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  12. Randonnée pédestre mais pas culinaire

    Nous sommes donc jeudi 20 juin 1940. Il est dix heures trente du matin (j'ai piqué la montre du pauvre gars, j'en aurai besoin ; j'ai noté son matricule, si je peux, je la rendrai à sa famille après la guerre), depuis une demi-heure, mon abruti de chef doit gueuler parce que je suis en retard, ou alors j'ai un double qui continue ? Arrête, faut pas penser à ça sinon tu vas péter un câble, t'as pas besoin de ça. Non, ne pas penser à Jasmine non plus !... Allez, on se concentre. Bon, dimanche, il y aura peut-être une messe au village voisin, bonne occasion de se cacher dans la foule et prendre des infos locales ; attention, y'aura sans doute beaucoup plus de fake news que d'infos utiles (fais gaffe à ton langage, mec !)

    Je vais partir tout de suite, je connais bien le coin, y'a le GR qui passe à trois kilomètre, les chemins doivent déjà exister et je le connais sur plus de vingt bornes, y compris les fermes, faut en profiter. Ah oui, y'a la ferme du trou machin, qu'est-ce qu'ils avaient dit sur l'aïeul qui avait fait quoi ? C'est peut-être une entrée en matière qui va me permettre d'obtenir un peu de pain et des infos fiables sur la région à l'époque.

    Où vais-je dormir, à propos, dans les bois, bien sûr et puis fin juin a été sec, si je me souviens bien, pas de problème dans l'immédiat. Allez, en route, mauvaise troupe !

    Après le bois, il y a un grand champ qui donne sur la rivière et, au delà, le GR qui passe en bordure du village de P... Faudra essayer de trouver du linge qui sèche, sinon entrer dans les maisons. Pas cool mais indispensable. J'espère que le champ a été remembré, ça fera beaucoup plus de haies où se cacher (j'te foutrais un anti-char derrière chacune...)

    12h45 - Je suis parvenu au GR sans difficulté, il n'y a personne dans les champs qui sont en effet bien plus petits et morcelés qu'à mon époque, il y a bien un chemin de terre à l'emplacement du GR.

    15h10 - J'arrive au village de P... Le bruit de combats sporadiques s'est rapproché et il semble y avoir un certain trafic. Il me faudrait des jumelles et une carte, tant pis pour la couverture. Là ! Du linge sur un fil. Mais c'est trop dangereux en plein jour. Je ne peux pas faire autrement, il faut attendre la nuit, six heures de perdues. Pour le moment, je n'ai pas vu la lune de la journée, on ne doit pas être loin de la pleine lune, je pourrai continuer au moins la moitié de la nuit. On se repose.

    20h30 - Toujours de l'activité dans le village mais le linge n'a pas bougé. J'y vais et je verrai si une maison a une porte arrière ouverte.

    21h30 - Habillé de frais, les vêtements sont à peu près à ma taille, je n'ai pas tro pl'air d'un déserteur, une livre de pain un peu rassis dans une musette, une couverture roulée en bandoulière, je reprends la route. Pas de rencontre intempestive et la pleine lune se lève en effet à l'est, j'en aurai pour toute la nuit. J'ai gobé un œuf et bu à la gourde du soldat, j'ai dormi une partie de l'après-midi, je pète la forme. Enfin, faut se le dire et puis je n'ai pas le choix.

    21 juin - 5 heures : On s'arrête, j'ai dû parcourir une vingtaine de kilomètres et le GR ne m'a pratiquement pas fait défaut. Mais maintenant, je ne le connais plus et il va falloir reprendre la route avec tous les dangers que cela comporte. On verra la nuit prochaine, maintenant c'est repos et je chercherai de la nourriture un peu plus tard. Mes chaussures de jogging m'ont bien aidé mais elle vont devenir trop voyantes, il me faut des souliers du cru. Je vais commencer à durcir ma voûte plantaire pour pouvoir marcher pieds-nus si besoin. J'ai préféré éviter le père Alphonse, même si j'avais une partie de son histoire, je ne me sentais pas de l'aborder comme ça. Je garde ça dans un coin si je suis obligé de rebrousser chemin.

    21 juin - Tard le soir (ma montre s'est arrêtée, il faut que je pense à la remontrer tous les jours), je reprends la route. Je n'ai rien trouvé à manger aujourd'hui dans les environs. Il va falloir être plus efficace. Mais l'armistice est pour dans deux jours (c'est bien le 23 ? il va falloir me souvenir des dates exactes d'un certain nombre d'événements) je pourrai sortir après mais pas me montrer aux Allemands qui ont fait prisonniers des soldats jusqu'après cette date en contravention avec l'armistice. Est-ce que je pourrais prendre comme couverture une unité quelconque ? Non, je me ferais prendre tout de suite dès qu'on confrontera mon témoignage. Faut trouver autre chose. Réfugié belge venant d'un village du sud des Ardennes, Bouillon, ça va aller, c'est proche de la frontière et suffisamment loin de la frontière allemande, il est donc normal que j'ai eu le temps de me lancer sur la route et de me retrouver dans le coin à cette date. J'ai reçu mon ordre de mobilisation le 11 mai, mais il m'a été impossible, et pour cause, de rejoindre mon régiment. Ce sont les gendarmes qui m'ont dit de me barrer car les Allemands étaient déjà là.

    22 juin - Lever du soleil, j'ai marché toute la nuit en me cachant à chaque passage de convoi, heureusement encore assez peu nombreux, les rares camions de la Wehrmacht doivent être plus à l'ouest ou au sud et les unités hippomobiles ne sont probablement pas loin derrière mais je dois avoir encore un peu d'avance. Il faudra traverser les nationales entre Nancy et Dijon et la nationale 6 bien perpendiculairement. Je n'ai pas dû progresser de plus de quinze kilomètre, je suis en retard sur mon planning. En attendant, dodo.

    Midi - Il faut que je revois mes plans car je ne suis qu'à l'entrée de Gray et il me reste 55 bornes pour Dijon. Il me faut un vélo et une carte sinon je n'arriverai à rien. En attendant, je vais longer la Saône par le chemin de halage. C'est probablement plus sûr que la route en ce moment et je suis dans la bonne direction.

    Nombreuses troupes passant dans Gray. Je passe inaperçu, pieds nus, mal rasé, fatigué et en me voûtant au milieu des réfugiés. Je reste sur la rive gauche et je prend le chemin de halage. Coup de chance, enfin, une barcasse à moitié pleine d'eau (le niveau n'est pas très haut, elle doit encore être à peu près étanche) à la sortie de la ville, je me planque dans les buissons un peu plus loin et j'attends la nuit. Il n'y a pas de rame, il me faut au moins une perche, je passe une partie de l'après-midi à chercher une branche adéquate. Je suis paré à 9 heures.

    La descente se passe bien, il n'y a pas trop de courant et je peux rester à peu près dans le milieu de la rivière. Je dois aller un peu plus vite qu'à pieds.

    23 juin - 5 heures - J'ai longé un bois toute la fin de nuit, pas besoin de se préoccuper de l'ennemi pendant  ce temps.  J'ai passé deux écluses (en portant la barque, pas moyen de faire autrement) et me suis échoué un certain nombre de fois, je suis crevé et j'ai les jambes trempées. J'accoste entre les arbres pour me reposer. Je vois un village à un ou deux kilomètres, je vais essayer d'avoir un peu de nourriture.

    11 heures - Broye-Aubigney-Montseugny - La radio a annoncé la signature de l'armistice hier (je me suis trompé d'un jour) qui prendra effet après signature avec les Italiens (ce sera dans deux jours si je me souviens bien). Il faut que je continue. J'obtiens un peu de pain et je repars à 15 heures.

    24 juin - 2 heures - J'arrive à Auxonne, je vais me poser un peu.

    Onze heures - J'ai enfin obtenu un peu de pain à une distribution de la mairie. Je reprends ma navigation.

    18 heures - Saint-Jean-de-Losne, c'est ici que je dois choisir, le canal de Bourgogne vers Dijon-Lonvic ou continuer sur la Saône pour arriver en zone Nono. Faire un vol direct vers l'Angleterre est très tentant mais c'est complètement aléatoire. Il faudrait : se glisser sur le terrain, dans l'euphorie de la victoire, ça doit être faisable mais c'est un premier risque ; trouver un appareil, il y en a certainement mais ils seront gardés ; être sûr que les pleins sont faits et démarrer les moteurs (un monomoteur n'aura pas l'autonomie) ; après, c'est simple : plein gaz et cap au NNW. Bon, ce n'est pas possible, sans compter mon état de fatigue. Je tenterai plutôt ça à Lyon Bron. Deux heures de pose et je repars. En fin de nuit à Seurre. Je récupère un peu de pain vers onze heures et à nouveau sur la Saône.

    25 juin - Enfin Verdun-sur-le-Doubs au lever du soleil. Je suis à proximité de la future limite de la ligne de démarcation. Il était temps, je suis épuisé. Je vais chercher une ferme en Bresse pour proposer mes services, histoire de me reposer et de me remplumer. Il est trop tard pour Mers-el-Kebir, c'est con mais je n'y peux rien. Je ne vois d'ailleurs pas comment j'aurais pu changer la donne. Faut réfléchir sur le plus long terme.

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  13. Une belle journée d'été

    Bon, nous sommes le 20 juin 1940, un soldat jeune, bouche ouvert, tête nue, et la nuque baignant dans le frais cresson bleu, dort ; et c'est moi qui commence à avoir des sueurs froides dans le dos malgré la chaleur estivale (y'a encore des saisons, mon brave monsieur, c'est pas encore la faute à la bombe)... Va falloir que je réagisse vite, moi, sinon je vais avoir cinq ans de problèmes, si pas plus !

    On a dit qu'on ne paniquait pas. JE NE PANIQUE PAS !!!!

    On se calme, on se pose, on réfléchit, on établit une première liste de priorité :
    1) Rester en vie.
    Faut pas se faire descendre par erreur ou accident. Je vais me planquer dans le petit bois, même s'il a changé en 70 ans, je le connais et, s'il n'y a personne, j'y serai à l'abri pour établir mon plan d'action. Y'a quand même ces chenilles qui se rapprochent, si c'est des Chleuhs qui nettoient le terrain, je suis mal avec mon survet à empiècements fluo. Allez, au fond des buissons et tant pis pour mes vêtements, c'est que du Décath'. Un coup d’œil à mon smartphone... ah, c'est vrai, je l'ai laissé à la maison tout à l'heure.
    Faut pas se faire tuer comme ennemi. Va falloir trouver des vêtements de l'époque pour ne pas attirer l'attention, une identité et une raison plausibles de se trouver dans le coin, une explication de ma situation militaire (à court terme et avant d'avoir mieux, je pourrais toujours jouer au fou en me mettant à poil, je sais que plusieurs asiles ont été laissés à eux mêmes et que les internés se sont échappés).
    Faut trouver de quoi survivre. Je vais commencer par les rations du soldat, sa gourde, je les planquerai dans un premier temps pour ne pas me faire reprocher de détrousser les morts (encore que je ne pense pas que ce soit ce qui préoccupe le plus les gens ("amis" ou "ennemis") en ce moment et puis je ne prends aucun effet personnel !). Ensuite je sais que je peux tenir une semaine sans boire et un mois sans manger. J'ai le temps de voir d'autant que chaque village a sa fontaine.

    Les véhicules passent, c'est bien des Allemands, c'est normal ici et aujourd'hui, va falloir être prudent.

    Bon, c'est bien, je peux me poser et continuer ma liste
    2) S'extraire de la zone des combats.
    3) Rejoindre la future zone libre.
    4) Passer en Angleterre si possible.
    5) Chercher à contacter un responsable, je peux toujours aller voir De Gaulle qui cherche du monde mais faudra se trouver une couverture (c'est le monde à l'envers...) On verra à ce moment pourquoi, à quoi et comment aider.

    6) MERDE ! Et si je n'étais pas le seul ? Si jamais il y a un fondu qui se retrouve dans la même situation de l'autre côté du Rhin et qui se met à aider le petit moustachu, on est mal de chez mal. Il faut au plus vite monter une cellule de veille qui va m'aider à identifier d'éventuelles altérations. Faut que j'accélère cette première phase. Je pars cette nuit au plus tard.

    Plan de route

    J'ai deux solutions : passer par le Morvan, les Allemands nettoient le nord-est et bouclent la frontière suisse, les combats vers Lyon sont durs, trop risqué de passer par là ; et si je me planque au sud du canal du centre, je suis du bon côté de la ligne de démarcation et je n'ai pas à passer la ligne de front. Ou alors piquer un avion et voler de nuit vers la Grande-Bretagne, je ne risque rien de la Flak ou de la chasse ; ça va me faire gagner du temps mais si j'ai suffisamment de notions de pilotage (et je sais que la manette des gaz est "à l'envers") saurais-je démarrer le moteur ? Bon, on verra si l'occasion se présente. Première étape donc, Dijon Lonvic. Beaucoup de casse sur ce terrain mais y'a peut être encore un ou deux appareils en état de vol. - Ouai ! c'est ça ! T'as qu'à croire qu'il en reste... - Ou alors je pique carrément un Messer ? - Non mais ça va pas ? Arrête un peu de déconner, y'a pas mieux pour se faire gauler ! - Mais justement, qui irait penser à un coup aussi tordu ? Y'a un coup à tenter, non ? - Mais tu ne parles même pas allemand ! - Faut y aller au culot, j'te dis. - Bon d'accord. Mais au moindre problème ou s'il y a trop de monde sur le terrain, je me casse ! - Oh ! Ça va ! calme toi, on va voir et on prend la décision sur place. Te bille pas, on trouvera bien un moyen. - T'es un grand malade, j'te dis ! On va s'faire choper.

    Faut que je me calme sinon ça va partir en vrille. Je vais me mettre en route en évitant les grands axes. Quarante kilomètres par jour, trois jours pour Dijon, deux de plus pour être au sud de Chalon. Dans six jours au plus, je suis à l'abri.

    Question : arme ou pas arme ? Si j'ai une arme, ma couverture de fou ne tient plus. Pas d'arme ! De toutes manières, où en trouver ? Aïe, c'est la même chose pour les cartes, dommage, ça m'aurait bien aidé mais je dois pouvoir me débrouiller sans (heureusement que je ne suis pas de la génération GPS).

    *****

    Petit aparté : quel âge ai-je ? Si j'ai mon âge actuel avec mes cheveux gris, pas besoin de couverture. Le dos voûté et on n'en parle plus, je fais partie des millions de déplacés qui ont tout perdu et qui cherchent à rejoindre une vague nièce dans le Sud-est.

    Si j'ai entre vingt et trente-cinq ans, faut me trouver un meilleur alibi parce qu'avec ma forme de marathonien, la couverture du fou risque de ne pas tenir trop longtemps. On va prendre cette hypothèse pour la présente histoire, sinon c'est trop facile.

    Je verrai plus tard la version plus âgée.

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