Aller au contenu
AIR-DEFENSE.NET

1962 : La France et les accords de Nassau


aigle
 Share

Messages recommandés

Connaissant très mal le contenu et l'histoire de la "spécial relationship" entre les Etats Unis et le Royaume Uni et en particulier les accords de Nassau, j'ai trouvé ceci sur le site de la BBC (je pense qu'il s'agit d'un article de 1962):

"President Kennedy and British Prime Minister Harold Macmillan have announced the formation of a multilateral Nato nuclear force after talks in Nassau, in the Bahamas. The agreement means the United States will sell Polaris missiles to the UK. The President has made a similar offer to France in the hope of establishing a tripartite nuclear deterrent against the countries of the Eastern Bloc.

President Kennedy also sent a letter to France's President Charles de Gaulle offering to sell Polaris as well as provide technical support.  It is hoped this will not only heal the current rift between France and Britain over Mr Macmillan's "special relationship" with the US and Britain's wish to enter the EEC, but also strengthen Nato as a whole and allow France a greater role within it. If France rejects the agreement, it will still be valid between Britain and America. "

La BBC ajoute le commentaire suivant (contemporain) :

"France eventually declined America's offer of Polaris and the multilateral Nato nuclear agreement was signed without France in January 1963. In his desire for independence from the Superpowers and a major role on the world stage, De Gaulle ensured that France developed its own nuclear arsenal. It also withdrew its military bodies from Nato command in 1966 but remained in the alliance's political councils.

The Nassau agreement cemented the Anglo-American "special relationship" that had developed during the Second World War. But the deal confirmed De Gaulle's belief that Britain was a Trojan horse which would allow America a voice in Europe. For this reason he vetoed Britain's application for membership of the European Economic Community in 1963 and again in 1967. "

Pour quelle raison exacte le général a-t-il rejeté l'offre américaine qui semblait correspondre à son voeu de "directoire" à trois (F, GB et USA) qu'il avait proposé en 1958 ? est-ce parce que la livraison des polaris était subordonné à la création de la force multilatérale (MLF) ? mais la MLF n'a jamais vu le jour et la Royal navy a bien reçu les polaris ?

Ou bien est-ce parce que les accords de Nassau plaçent les armes atomiques anglaises sous contrôle du SACEUR sauf "quand les intérêts nationaux supremes du Royaume sont en jeu" ?

Bref ce qu'a refusé le Président français, est-ce la contrepartie imposée par Kennedy : une intégration nucléaire privant la France de toute souplesse dans l'emploi des armes atomiques ? ou bien refusait il à la base l'idée d'acquérir des armes américaines privant la France de son indépendance technologique et industrielle ?

Ou bien l'offre de Kennedy était dénuée de sincérité et visait simplement à brider la volonté d'indépendance du Général ?

G H Soutou dans "l'alliance incertaine" établit un lien entre la signature très rapide du traité franco-allemand en janvier 1963 - sorte de réaction d'Adenauer et du Général contre l'alliance anglo-américaine. Mais il ne dit pas un mot de l'offre adressée par les deux anglo-saxons au Général ! Il a pourtant travaillé sur les archives de MAE ...

Lien vers le commentaire
Partager sur d’autres sites

Alors que l'on a refusé l'installation de missiles Thor en France en 1958 - avec raison vu leur courte carrière et la décision de Kennedy de les ferrailler avant méme la crise de Cuba de 62 - et que l'on se prépare a mettre sur pied sa propre force de Frappe, je ne voit pas pourquoi on irait se remettre au bon vouloir de Washington,

Lien vers le commentaire
Partager sur d’autres sites

  • 2 weeks later...

J'ai trouvé des éléments de réponse intéressants dans un livre de Pagedas : "Anglo-American Strategic relations and the French Problem 1960-1963".

Il souligne que l'accession de la france à l'arme nucléaire a alimenté la réflexion et les échanges à Washington et Londres pour redéfinir leurs relations politiques et militaires avec la France. Il met en avant les contradictions propres à chacune des trois puissances.

Pour les Anglais (Macmillan), la position est très difficile. La crise économique latente et la décolonisation remettent en cause la position de grande puissance du Royaume-Uni, surtout aux yeux des Etats Unis (qui, avec Kennedy, sont prêts à saborder la relation spéciale vue comme un héritage dépassé de la guerre). Londres poursuit deux buts paradoxaux : sur le plan stratégique, la pérennisation de la relation spéciale (notamment sous la forme du transfert de technologies militaires secrètes et coûteuses) - sur le plan économique l'adhésion à la CEE. Macmillan pense que ces deux buts ne sont pas incompatibles et que le transfert de secrets nucléaires à la France serait même de nature à faciliter la réalisation de ces deux buts, quitte à élargir à la France la relation spéciale anglo-américaine. Les secrets nucléaires étant en en fait d'origine américaine.

Pour les Etats Unis, les problèmes sont différents. Ils sont liés d'abord à la peur d'être entrainés dans un conflit européen du aux maladresses des vieux Etats européens alors même que la puissance nucléaire soviétique se développe rapidement et crée un risque de bombardement nucléaire du territoire américain. Ils sont ensuite affaiblis par leurs divisions internes notamment entre un State department particulièrement méfiant à l'égrde de l'Europe - y compris de l'Angleterre en raison  de son déclin impérial et économique - et un Department of defense - plus réaliste et plus respectueux des Européens (avec néanmoins un grand écart entre l'US Army et l'USAF assez europhiles et une US Navy nettement plus méfiante). Les ingérences de la Maison Blanche et du Congrès compliquant et rigidifiant nettement la prise de décision...ce qui rend difficile toute négociation subtile et secrète par nature.

Pour la France, le dessein du général est assez clair. Avec l'arme atomique et la fin de la guerre d'Algérie, le Général de Gaulle veut établir une alliance militaire assez souple et relativement égalitaire avec Londres et Washington tandis qu'avec la CEE à 6,  il veut établir une forme de "leadership" français sur l'Europe continentale permettant de rééquilibrer le poids économique des Etats Unis (ce dont nul ne veut - sauf peut-être Adenauer).

De Gaulle a été très brutal en 1963 avec les Anglo-saxons car il avait le sentiment d'être parvenu à un compromis avec eux à l'été 1962. Il eut ensuite le sentiment d'avoir été trahi...

A Nassau, Macmillan acculé par la déroute technologique du Blue Streak puis du Skybolt accepte d'acheter des missiles américains (polaris) qui seront placés sous commandement atlantique c'est-à-dire américains (avec une réserve limitée au cas où "des interêts nationaux suprêmes sont en cause") et accepte la MLF. Pour De Gaulle, cela signifie que ni Londres ni Washington ne sont prêts après 3 ans de négociation à construire une alliance franco-anglo-américaine équilibrée. Dès lors la France va devoir développer sa force de frappe avec ses propres moyens et développer la solidarité des Etats d'Europe continentale à partir d'un axe franco-allemand.

Cela étant la France ne romps pas les ponts : le Concorde ou le Jaguar sont les traces des discussions de 1962 qui incluaient aussi un volet nucléaire resté secret jusqu'au XXIè siècle.

Lien vers le commentaire
Partager sur d’autres sites

Ce serrait à vérifier, mais je crois que la proposition américaine de vente de Polaris était plus ou moins associé à l'arrêt des recherche nucléaire en France.

En 62, la France (contrairement à l'Angleterre) n'avait pas encore de bombe H. Donc en réalité les Américains nous proposaient d'avoir (pour pas très cher) une force nucléaire "tactique" basé sur des missiles performant (sur SNLE ou à terre) mais limité à des ogives de très faible puissance. Dans ces condition, je ne suis pas sur que la dissuasion nucléaire française aurait été crédible face à l'URSS en cas d'absence de soutient américain.

Lien vers le commentaire
Partager sur d’autres sites

  • 4 weeks later...

Si je suis Pagedas, Macmillan (contre l'avis du Foreign office mais avec l'accord du ministry of defense) a dit à de Gaulle à Champs en juin 1962 puis à rambouillet en Récembre : "le Royaume Uni ne peut renoncer à l'indépendance de sa force atomique même si le lanceur est vendu par les Etats Unis et si les Etats Unis mettent des conditions inacceptables à la vente, l'Angleterre préfera travailler avec la France pour mettre au point vecteurs et têtes nucléaires". Après Champs eurent lieu des contacts entre militaires et  industriels des deux pays au sujet notamment des futurs SNLE.

A Rambouillet De Gaulle a indiqué que quel que soit l'éventel accord conclu sur le nucléaire, il refuserait l'entrée de la GB dans la CEE.

A Nassau, Macmillan était acculé : il savait que la France mettrait son veto à sa candidature européenne...et risquait en outre de perdre la relation special avec Washington en échange d'une coopération bien fragile avec une France bien moins avancée sur le plan nucléaire! Nul n'imaginait alors la formidable réussite du programme français entre 1960 et 1980.

L'accord conclu a semblé admissible par les Anglais : livraison de missiles à prix d'ami, possibilité de les retirer du commandement OTAN "lorsqu'un interêt suprême est en jeu", maintien d'une unité nationale (têtes, vecteurs et SNLE servis par des équipages anglais). Les concessions faites aux Américains (commandement OTAN, intégration des SNLE à la future MLF) ont semblé mineures et utiles...

L'idée de proposer à la France d'avoir le même régime que les Anglais paraissait de nature à répondre à ce qui semblait être une revendication guallienne fondamentale : l'égalité entre F et GB.

En fait pour de Gaulle, Nassau a marginalisé la force anglaise : dépendante technologiquement des Etats Unis et stratégiquement de l'OTAN (SACEUR : un général américain) au sein d'une MLF regroupant les moyens européens mais non américains - conclusions : moyennant quelques prudences de pure forme, l'Angleterre a perdu son indépendance nucléaire et par suite diplomatique. Or ce que voulait De Gaulle n'était pas l'égalité avec Londres dans un statut subordonné mais l'indépendance avec une alliance tendant à l'égalité avec les Etats Unis...

L'erreur de De Gaulle est tactique : à Champs il est sans doute passé tout prêt d'un accord historique avec Macmillan (entrée de la GB dans la CEE en échange d'une coopération nucléaire franco-britannique). Mais d'un autre côté sur le plan stratégique, un tel accord aurait il pu durer ? le parlement, le parti conservateur, le Foreign office auraient ils accepté que l'Angleterre renonce à son tropisme atlantique au profit d'un partenariat avec la France, pays finalement tenu pour secondaire depuis 1940.

La réconciliation franco-allemande avait finalement des bases plus solides (le vaincu de 1940+ le vaincu de 1945) et représentait une formule plus durable ..

Lien vers le commentaire
Partager sur d’autres sites

Rejoindre la conversation

Vous pouvez publier maintenant et vous inscrire plus tard. Si vous avez un compte, connectez-vous maintenant pour publier avec votre compte.

Invité
Répondre à ce sujet…

×   Collé en tant que texte enrichi.   Restaurer la mise en forme

  Seulement 75 émoticônes maximum sont autorisées.

×   Votre lien a été automatiquement intégré.   Afficher plutôt comme un lien

×   Votre contenu précédent a été rétabli.   Vider l’éditeur

×   Vous ne pouvez pas directement coller des images. Envoyez-les depuis votre ordinateur ou insérez-les depuis une URL.

 Share

  • Statistiques des membres

    5 962
    Total des membres
    1 749
    Maximum en ligne
    Mathieu
    Membre le plus récent
    Mathieu
    Inscription
  • Statistiques des forums

    21,5k
    Total des sujets
    1,7m
    Total des messages
  • Statistiques des blogs

    4
    Total des blogs
    3
    Total des billets
×
×
  • Créer...