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Apparition des sentiments nationaux en Europe


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Bonjour 

Après avoir lu pas mal de choses sur les guerres qui ont, au cours de l'histoire, opposé les différentes puissances européennes, une chose me laisse perplexe: les sentiments nationaux. Je n'y comprend rien, absolument rien,je n'arrive pas à me représenter la chose.Leur émergence, leurs origines religieuses et culturelles, le sentiment national chez les élites, etc, j'ai du mal à trouver des sources exhaustives, et surtout les différents baratins que j'ai pu lire là dessus sont trop théoriques et manquent d'exemples. Quelle était l'importance, par exemple, du sentiment national en Prusse, en France, en Russie, et dans les petits états aussi (Brunswick, Saxe,...),quelles étaient les lignes de fracture géographique au sein de chaque état,quels étaient les moyens de "répandre" le sentiment national ("medias", propagande, évènements historiques "unificateurs"...), etc?  Comment se comportaient les populations vis à vis des armées étrangères? Pouvait-on se battre par nationalisme?

Merci d'avance =)

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Erf... j'ai mal posé ma question, désolé. Je parlais de l'influence des identités nationales sur la guerre et la diplomatie. En particulier la façon dont les populations réagissaient à la conscription, aux "nouvelles du front" ou aux occupations étrangères.

Et également les rapports entre identités nationales et affinités diplomatiques (l'alliance de la Russie et de la Serbie, par exemple, provient-elle de leur similitudes culturelles?ou simplement d'intérêts politiques communs?).

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Evidemment, en l'absence de témoignages live et de radios trottoirs généralisés à toutes les strates et en tous les lieux d'une société, il est difficile de ne pas avoir une vision caricaturale. Si l'on prend les guerres mondiales, on a même sans doute un pinacle de fausse représentation à cet égard: soit les populations étaient en majorité des masses d'abrutis croyant aux images d'Epinal et chantant les cantiques de la patrie, soit c'était en majorité des "rebelles/damnés de la terre/brave gens" qui crachaient sur la propagande, les élites et le patriotisme mais continuaient comme ils pouvaient parce qu'il n'y avait rien d'autres à faire. Avec dans les 2 cas des minorités de toutes sortes aux marges de ces grands ensembles. Dur de voir ça autrement qu'à l'aune de ces 2 types de caricatures, surtout avec les images que la littérature, la télé et les films nous ont foutu dans la tête.

Mais honnêtement, le sujet est gigantesque (surtout pour moi qui ait fait une année dessus en histoire politique à Scpo): je sais pas par où commencer à répondre.

Si tu pouvais limiter l'aire géographique et/ou la portion de temps....

Pour la Russie et la Serbie, c'est simple: dans leur cas, on est en plein dans le "mouvement des nationalités", l'un des 3 grands mouvements politiques du XIXème (avec le mouvement social et, évidemment, en réaction aux 2, le courant réactionnaire -au sens plein du terme- et traditionaliste). Appliqué à la question, ce mouvement donne la réponse: le panslavisme, une force bien réelle et accrue d'autant par le caractère religieux, et dans celui-ci, le rôle de pôle de "la 3ème Rome" pour les orthodoxes, et en fait surtout les orthodoxes slaves (voir la rivalité religieuse avec les Grecs). Le Tsar est le recours des slaves des Balkans, pris entre l'Empire ottoman et l'Empire austro-hongrois. Il y a une vraie révérence particulière des slaves orthodoxes des Balkans pour le Tsar qui n'est pourtant pas leur souverain, mais c'est la dimension particulière du panslavisme, mouvance en fait éminemment russe, qui est religieusement messianiste dans la sphère d'influence slave. C'est une force politique à ne pas mésestimer.

Evidemment, des logiques bien concrètes entrent aussi en jeu, mais il ne faut pas penser qu'elles font tout. La volonté éternelle des Russes de contrôler les détroits (donc de taper l'ottoman par tous les moyens) n'est pas absente du jeu, de même que la motivation religieuse de prendre Constantinople (pour les Romanov qui revendiquent l'héritage des Paléologues comme une mystique). Sans compter évidemment l'idéal d'unifier les balkans dans l'empire russe.

Mais les deux types d'objectifs se complètent, et se renforcent mutuellement; plus encore, on constate en fait qu'ils sont confondus, la motivation pragmatique étant teintée de mysticisme et la mystique s'étant vouée à des objectifs en fait pragmatiques. Mais il ne faut jamais, encore une fois, mésestimer la puissance énorme, dans la motivation des décideurs comme dans l'élan et l'imagerie populaire, du panslavisme messianique.

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Une chose qui m'intéresse particulièrement depuis quelques temps, c'est l'unité allemande. Comment le sentiment national allemand est-il apparu? est ce que les citoyens des petits états pré-impériaux (Saxe,bavière, Brunswick...) étaient attachés à ces états, un sentiment national existait-il au sein de ces états? Ou est-ce que ces derniers n'existaient que par la force et pour le profit des aristocrates qui les dirigeaient?Ces états-étaient-ils reconnus comme légitime par la population?Ou ces états n'existaient-ils que parcequ'ils étaient imposés par le haut, par des familles aristocrates qui considéraient ces états comme étant simplement des fiefs remplis de bouseux à taxer et à enrôler dans une armée?

J'ai lu ce qui a été écrit là dessus dans le topic "Identité nationale", mais la question est abordée superficiellement, tu intervient, Tancrède, pour expliquer les raisons qui ont permis à la Prusse d'unifier l'Allemagne (Lobbying etc), mais comment l'identité allemande est-elle née?Si les habitants de l'aire géographique allemande se méfiaient de la Prusse, comment le nationalisme allemand de la fin du XIXème siècle est-il apparu?Par la propagande?Ou existait-il déjà avant même l'unité allemande, de manière sous-jacente?

Je me suis également toujours demandé ce que les populations des anciens fiefs de l'époque féodale pensaient de leur suzerain; chaque fief avait-il sa propre identité nationale? Qui le cas échéant se manifesterait plus par un attachement au suzerain et à un culte de sa personnalité qu'à une adhésion à un ensemble culturel?(je doute que l'ensemble culturel du fief de Rognon-sur-Pégus était différent de celui du fief de Tartine-sur-Foin).Ou alors les populations se considéraient-elles comme appartenant au fief du suzerain auquel leur suzerain "direct" a prêté allégeance?(par exemple Geoffroy de machin chouette a prêté allégeance au duc de Bourgogne et donc les citoyens du fief de Geoffroy se considèrent comme citoyen du duché de Bourgogne?);

J'ai souvent eu l'impression en fait, que le gros de la populace,avant la "grande unification" d'après la guerre de cent ans, n'était qu'une masse informe et servile dominée par un Suzerain qui ne vit que pour lui même, et que la raison d'état se limitait aux intérêts (financiers, guerriers...) du suzerain.En gros, l'état n'avait aucune cohérence,aucune identité,aucune société organisée et rassemblée autour d'une identité commune; en gros la "structure étatique" du fief est imposée par le haut, par le suzerain, qui règne sur ce fief en vertu d'antiques lois féodales(il en a hérité et son père régnait dessus, il s'est marié, etc), c'est à dire que la seule légitimité dont il a besoin pour régner, c'est d'être accepté par les autres aristocrates comme un des leurs, c'est à dire d'avoir reçu le fief en accord avec le droit féodal(héritage, mariage, don d'un Suzerain de rang plus élevé...).

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Avant de répondre plus précisément, je ferais une remarque sur les monarchies. Le sentiment national tel que nous le comprenons aujourd'hui est une nouveauté du XIXème siècle (qui est en germe à la fin du XVIIIème) et il est lié à la modernité politique dans son ensemble, telle qu'elle apparaît à cette époque.

Ca ne veut pas dire qu'il n'y a pas de patriotisme/sentiment national avant, mais ce n'est pas le même lien, ce n'est pas un sentiment totalement de même nature, et le gros de la différence réside précisément dans la nature même de la monarchie et de ce qu'on appelle le traditionalisme, où, certes, une vision de soi en tant que "nation" ou royaume (/duché/domaine souverain) peut exister, avec la fierté/bonheur d'appartenance (qui est l'estime de soi collective) qui va avec. Mais le versant démonstratif et politique de l'appartenance est lui lié à la personne du souverain, de même que les rapports sociaux, les degrés de loyauté, de fidélité, de conscience du collectif par rapport à l'individu..... Sont radicalement différents.

La notion est dure à définir précisément, surtout dans les Etats-Nations tels que la France, l'Espagne et l'Angleterre où un sentiment/attachement/conscience national s'est plus développé en parallèle avec la monarchie.

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Disons que l'une des difficultés à vraiment bien clarifier un sujet aussi inquantifiable est que l'on ne peut trouver un nom vraiment arrêté, et encore moins des sous-catégories le composant: j'aimerais pouvoir faire un diagramme camembert disant que le "sentiment national", c'est x+y+z+a, et pouvoir bien séparer ces facteurs, mais ce serait vraiment trop artificiel. Et encore plus quand on essaie de le définir en dynamique, dans le temps long.

- Conscience de soi en tant que groupe large, au-delà des "pays" et "nations" qui composent la France ou un autre Etat: conjonctions d'intérêts, même de base (sécurité aux frontières, autorité-arbitre régulant les pouvoirs dans la société....), culture ou relative proximité culturelle, ou encore éléments communs de culture, même réduits, qui permettent de donner corps à l'ensemble. Mais aussi conscience d'une même direction politique qui forme le cadre à l'intérieur duquel on peut penser en collectif et définir un "nous" et un "les autres" inconsciemment.

- Sentiment d'appartenance à cet ensemble: conséquence du facteur précédent. On voit "nous", on voit "les autres", donc si le pays se fait enfiler par les autres, on partage le sentiment d'être agressé ou floué. Face à des voisins directement hostiles, ce fait est décuplé. C'est là aussi qu'émerge le besoin de matérialité incarnant directement le collectif: symboles, religion, monarchie, "services publics", événements, commémorations.... Toutes choses donnant dans l'environnement immédiat de chacun (c'est encore plus vrai au temps jadis, avant les communications modernes, la bagnole....) une réalité concrète et incarnée de la collectivité. C'est aussi là que peut apparaître le "sens", une direction fondamentale, une "mission" voire un messianisme assigné au collectif et justifiant son mode de pouvoir et de rapports sociaux.

- contenu du "pacte social" et rapport au dit contenu dans le temps: très délicat à mettre en peu de mots (on a quand même écit des bibliothèques là-dessus). C'est l'adaptation de la perception du collectifs dans chaque compartiment de la société, que ce soient des régions, des villes, des classes sociales, des cultures.... Bref, chacun s'approprie différemment l'idée du collectif et interagit avec lui (avec la part culture commune, avec l'autorité, avec l'appareil étatique, avec les grands personnages et leur action, avec les grands groupes de l'ensemble....). C'est ce qui se passe après la fondation et l'affirmation de l'ensemble qui, dans la plupart des cas, ne rêvons pas, a avant tout été un fait de violence et de pouvoir. Comme les autres, les rois de France ont "taillé la France à coups d'épées" pour qu'il y ait une France, et l'ont maintenue d'une poigne de fer (quand ils le pouvaient) pour qu'elle reste un ensemble.

Sinon, pour le cas allemand, avant de commencer (j'avoue, je délaie, ça risque d'être long), je ferais une remarque liée aussi à la petite polémique que j'ai eu-dessus sur le topic identité nationale. Le pangermanisme, intellectuel et völkisch (ça veut pas dire intello et populo, mais plutôt réfléchi et imaginaire/psychologique/affectif) est une construction totalement artificiel, en aucun cas une espèce de "nation naturelle" séparée par l'histoire. En ce domaine, le pangermanisme est d'ailleurs similaire à l'un de ses rejetons directs, né aussi en Allemagne, le sionisme, qui est un nationalisme à l'allemande (né d'intellectuels juifs allemands) qui a aussi inventé une nation historique et naturelle a posteriori, avec une conception et une idéologie raciale qu'on voit aujourd'hui évoluer lentement vers le racialisme en Israël, comme il l'a fait en son temps en Allemagne.

Pourquoi ces limites pour l'Allemagne? Pourquoi pas aussi la Scandinavie, les Pays-Bas, les Allemands de la Volga, l'Angleterre?Voire même la Bourgogne, la Provence et la Lorraine entière, qui appartiennent historiquement au St Empire, auquel apparemment le pangermanisme se limite. Qu'est-ce qui définit alors, au XIXème siècle, un "Allemand"? La race existe peu, voire pas, et il y a une grande variété dans l'espace du St Empire. Il n'y a alors pas de culture commune ni d'histoire réellement partagée, et la référence à un âge d'or des lointaines peuplades germaniques (en fait, c'étaient des bandes très composites) déferlant sur Rome est une ânerie totale dont le plus mauvais historien ne voudrait pas. Rien que la religion définissaient 2 aires de civilisation différentes, et la prééminence du droit écrit ou du droit coutumier a de même défini 2 aires dont la vision de l'Etat, de la société, de sa régulation et des rapports sociaux sont assez radicalement différentes.

Les langues, unifiées/écrasées arbitrairement dans le Hochdeutsch créé pour l'occasion (un genre d'esperanto régional), présentaient encore moins de niveaux de commonalités que les langues latines entre elles.

A ce titre, au nom du passé commun dans l'Empire, de l'attachement au principe d'Etat et de liberté, mais régulée dans la Cité, de la primauté du droit écrit.... On aurait pu promouvoir, avec bien plus de légitimité et de fondements réels, un nationalisme latin ayant pour but d'unifier les territoires allant du Portugal à la Roumanie, avec une langue déjà existante, le latin.

La construction de l'Allemagne est de nature bien plus artificielle que ça! Depuis l'origine en fait, la Germanie est une invention: c'est César qui l'a arbitrairement "décrétée" pour la différencier de sa conquête, les Gaules, dont il a soudain déterminé qu'ellês étaient un territoire unique (ce qui est faux: c'était une mosaïque de nations celtes) qui s'arrêtait au Rhin (au-delà duquel il était un peu sous-équipé pour aller). Au-delà, désormais, était des "germains" ce qui veut juste dire "les cousins", parce qu'en fait, il n'y avait pas vraiment de différences entre "Germains" et Celtes.

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Mais d'un point de vue plus militaire, comment les gens réagissaient à une occupation étrangère? A une levée en masse obligatoire?

Les guerillas type guerre d'espagne étaient-elles fréquentes?Si non,quels sont facteurs qui ont poussé les espagnols à se rebeller contre le joug de l'occupation française?

En fait j'ai du mal à m'imaginer comment les gens s'inséraient dans le contexte politique et diplomatique de l'époque, quel était leur rapport à l'état et à la guerre.

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En fait j'ai du mal à m'imaginer comment les gens s'inséraient dans le contexte politique et diplomatique de l'époque, quel était leur rapport à l'état et à la guerre.

Avant même ça, il faudrait voir aussi une autre chose: le rapport à la mort, qui n'était radicalement pas le même qu'aujourd'hui. Mais il faudrait que tu me précises l'époque et la zone.

Les guerillas type guerre d'espagne étaient-elles fréquentes?Si non,quels sont facteurs qui ont poussé les espagnols à se rebeller contre le joug de l'occupation française?

La religion avant tout: les guérillas espagnoles se sont soulevées certes en raison de l'invasion étrangère, mais elles n'auraient pas atteint le dixième de leur intensité (je parle en termes de la "guerre totale" qu'elles ont fait) et de leurs effectifs si cela avait été juste pour ça. Les exactions des troupes françaises ont aussi joué leur rôle dans l'indignation et les réactions hostiles, mais là encore, on n'a pas un quart de l'explication du phénomène. Et la capacité de soulèvement des élites aristocratiques n'explique pas non plus un dixième de la chose. Le retournement d'une partie des élites modernistes et nationalistes, initialement et pendant un moment favorables à la France (surtout en catalogne) a  joué déjà un peu plus.

Mais le plus gros, le facteur absolument décisif dans la mobilisation des énergies, et ce qu'on peut appeler un vrai soulèvement idéologique, c'est le rôle du clergé, et bien moins le haut clergé que le bas clergé de campagne, ignorant et obtus, traditionaliste et antirépublicain, réellement fanatique, qui absout les brigands qui deviendriont si utiles dans la guérilla, force la mobilisation des hommes et des jeunes, jette des anathèmes, multiplie les prêches incendiaires à la moindre occasion, dispense les bénédictions, décrète la guerre sainte....

En france, on a eu la même chose, en Vendée et en Bretagne surtout, mais on pourrait en fait utiliser le modèle des Guerres de Religion, avec le rôle du bas clergé et des ordres religieux dans les mobilisations populaires catholiques (les protestants ont d'ailleurs fait pareil) qui ont donné lieu à d'odieux massacres. les églises françaises pendant les guerres de religion sont des centres d'endoctrinement et de fanatisme, comme les églises espagnoles des années 1808-1814.

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Comme zone et comme époque, je parlais précisément de l'Europe du XVIème au XIXème siècle.J'ai l'impression que la plupart des guerres qui ont eu lieu sur ce théâtre et à cette période n'ont pas eu de volet insurrectionnel, je me trompe?(guerre de sept ans, guerre de succession d'Autriche,guerres de Silésie, pour ne citer que les premières qui me viennent à l'esprit).

Et la guerre de Trente ans?Je sais que ça a été un conflit terrible qui a dévasté le saint empire, mais est-ce que cela tenait de la haine inter-religieuse au sein de la populace (comme la guerre civile entre chiites et sunnites en Irak au moment des pics de violence de 2005/2006)?

Ou s'agissait-il plutôt de luttes purement politiques, ayant la religion pour prétexte, et ne mettant qu'en jeu la noblesse et le haut clergé?En gros, la guerre de Trente ans était-elle purement une guerre conventionnelle, ou y-avait-t-il aussi une composante "guerre civile" entre pécors fanatiques catholiques et protestants?

En fait je sais qu'il y a eu de nombreuses batailles et épisodes de guerre conventionnelle drant la guerre de Trente ans, mettant en jeu les différentes puissances européennes et les différents états allemands, mais la populace a-t-elle aussi prit part à cette guerre?De quelle manière réagissait-elle? Civils catholiques et protestants s'entretuaient-ils de manière généralisée à coup de fourche en marge des affrontements conventionnels?

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Et la guerre de Trente ans?Je sais que ça a été un conflit terrible qui a dévasté le saint empire, mais est-ce que cela tenait de la haine inter-religieuse au sein de la populace (comme la guerre civile entre chiites et sunnites en Irak au moment des pics de violence de 2005/2006)?

Ou s'agissait-il plutôt de luttes purement politiques, ayant la religion pour prétexte, et ne mettant qu'en jeu la noblesse et le haut clergé?En gros, la guerre de Trente ans était-elle purement une guerre conventionnelle, ou y-avait-t-il aussi une composante "guerre civile" entre pécors fanatiques catholiques et protestants?

Pour qu'elle soit une guerre civile, il eut fallu que l'espace allemand soit un Etat et une société, ce qui n'était pas le cas: seule un jugement a posteriori lui a parfois donné une gueule de guerre civile.

C'est authentiquement une Guerre de Religion, mais comme toujours, de multiples logiques s'y greffent:

- princes indépendants contre trône impérial, et particulièrement la puissance des Habsbourgs

- reliquats du vieil affrontement entre Guelfes et Guibelins qui, s'il ne se posait plus exactement en ces termes, avait laissé des lignes de fracture durables

- querelles et rivalités particulières multiples entre les Etats du St Empire, de nature domaniale et féodale: il y en a des milliers qui toutes servent d'aiguillon accentuant les tensions et influant sur les alliances ponctuelles

- intérêts de la France et d'autres (notamment la Suède, alors dans sa période impériale) à encourager des belligérants

- conflit franco-espagnol qui se greffe à la logique générale

- jonction avec d'autres conflits existants, et avant tout la "Guerre de 80 ans" pour l'indépendance hollandaise, toujours active sur la frontière, aussi religieuse, entre les Pays-Bas espagnols et les Provinces-Unies

Et fondamentalement, la logique religieuse était aussi une logique de pouvoir, nombre de princes souverains ayant changé de religion pour nier l'autorité du pape et de l'empereur (et certainement pas par conviction) et entraîné, ou forcé, la conversion totale ou partielle de leurs populations.

Donc sur cette période, tu trouveras de la guerre "conventionnelle" aussi bien que des massacres spontanés, et plus encore, alors que le conflit est durable, des armées se comportant de façon odieuse dans des pays ravagés n'ayant plus assez de ressources pour les nourrir et éviter les pillages. L'Alsace occupée par l'armée mercenaire de Bernard de Saxe-Weimar (sur laquelle Richelieu fera une "OPA hostile" passant par l'assassinat du chef) a notamment vécu une des périodes les plus noires de son histoire, perdant la moitié de sa population et ressemblant, selon les témoignages, à une région dévastée par l'apocalypse.

Les armées, en outre, atteignent des tailles qui les rendent proprement insoutenables par une région particulière (alors qu'lles ne sont que dans une région à la fois), et les Etats sont toujours plus à court de moyens; elles laissent donc des couloirs de dévastation partout. Et les populations n'ont plus toujours besoin du prétexte religieux pour se disputer les restes.

Mais la logique religieuse, de même que les nouvelles contraintes et logiques de la guerre, ainsi que l'habituel absence de scrupules des chefs de guerre (surtout les "entrepreneurs de guerre", chefs privés levant des armées sur commande ou à leur compte, derniers condottieres d'Europe) et des troupes (encore plus agressives en raison des conditions très dures et de la rareté des ressources), ont poussé à un niveau de violence rarement constaté.

Côté mouvements populatires, tu auras du massacre religieux, du massacre d'étrangers, du massacre d'unités militaires, ciblé (religion, camp adverse) ou irraisonné (réaction aveugle suite à une répression ou un raid), du soulèvement genre émeute de la faim, colère ou vraie jacquerie, du brigandage de subsistances ou professionel (comme en Somalie: certains groupes arrivent à se structurer et s'organisent en pros) qui sévit contre des villages entiers (genre bandes d'écorcheurs)....

J'ai l'impression que la plupart des guerres qui ont eu lieu sur ce théâtre et à cette période n'ont pas eu de volet insurrectionnel, je me trompe?(guerre de sept ans, guerre de succession d'Autriche,guerres de Silésie, pour ne citer que les premières qui me viennent à l'esprit).

Effectivement pas de la même nature au XVIIIème siècle (et même au XVIIème après la Guerre de trente Ans): on est dans un contexte non apaisé, mais ordonné par les traités de Westphalie, ce ne sont pas des guerres de rupture d'un ordre fondamental (type guerre de Cent Ans, Guerre de Trente Ans, Guerres de la Révolution et de l'Empire, Guerres Mondiales, et plus loin avant, Guerre du Péloponèse, Guerre Civile Romaine). Elles arrivent dans un cadre global défini et accepté, et notamment matérialisé par le droit public premier droit international, sorti des traités de Wesphalie.

Ca n'empêche pas d'innombrables "émotions" populaires, jacqueries, émeutes de la faim et soulèvements locaux contre un occupant et/ou une armée trop ravageuse et pillarde (y compris si c'est l'armée de son propre pays), avec parfois de vraies conséquences. Dans un contexte de guerre, elles sont fréquentes, omniprésentes et inévitables à l'époque, surtout considérant la dureté des caractères. On peut parler d'insurrections, mais elles sont le plus souvent localisées et rarement "idéologiques".

La France a d'ailleurs eut l'immense chance d'avoir, entre les Traités des Pyrénées et la Révolution, quasiment aucun ravage de guerre sur son sol, résultat de la conception Louis-Quatorzienne, en fait très défensive contrairement à ce qu'on en dit. Ca n'a pas empêché des protestations violentes et émeutes contre le recrutement forcé, la pression fiscale ou la famine (quoique la France n'en ait plus eu sur la période: quelques disettes, mais pas de famine) cependant. Mais c'était limité, sauf dans quelques cas particuliers, notamment les Camisards pendant la Guerre de Sept Ans.

Des violences contre le recrutement forcé n'ont jamais été autre chose que locales jusqu'à l'apparition de systèmes de conscription massifs. En France, pendant la révolution, la chose fut dure à passer et déclencha les guerres de Vendée et de Bretagne. Là, l'idéologie a pu se greffer là-dessus et parfois créer de violents conflits d'une ampleur supérieure. Mais sous Napoléon, la conscription s'est plutôt bien passée dans l'ensemble, avec de bons "rendements" même en 1815, le tout avec l'appui et la participation active du clergé, rallié depuis le Concordat.

Mais ta vision des guerres en dentelles sans insurrection est fausse: les populations n'étaient pas faites de moutons passifs se laissant tondre. C'est juste qu'ils n'ont pas eu droit à beaucoup de couverture par l'histoire écrite, par rapport à l'histoire politique et internationale. Mais quand des régions se font piller et massacrer, il est rare qu'elles apprécient et qu'une partie ne se mette pas à trucider.

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Pour reprendre le sujet, on ne peut parler de début/naissance/amorce de sentiments/consciences nationaux (et donc "d'identité" en gestation):

- avant les deux premières Guerres de Cent Ans pour la France

- avant la deuxième Guerre de Cent Ans (1337-1453) pour l'Angleterre

- avant la dernière partie de la Reconquista pour l'Espagne

- avant l'âge d'or de l'Empire ottoman (règne de Soliman) et l'occupation quasi totale pour la Hongrie

- avant les 2ème et 3ème partages et le Premier Empire pour la Pologne

- avant la toute fin du XVIIIème siècle pour l'Allemagne, et en fait plutôt les années suivant le traité de Vienne

- avant la Révolution et l'Empire pour la Grèce

- avant le Premier Empire pour l'Italie

- avant les lendemains du traité de Vienne et le développement des idées nationales chez les Slaves des Balkans

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