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Souveraineté alimentaire de la France


Wallaby
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https://www.lenouvelespritpublic.fr/podcasts/389 (5 mars 2023)

Béatrice Giblin :

Le modèle que nous avons le plus fréquemment en tête est celui d’une exploitation familiale de quelques dizaines d’hectares, qui fait de la polyculture et aussi des vaches, et qui a fait des efforts colossaux au cours du XXème siècle. A la fin de la première guerre mondiale, la France importait beaucoup de produits agricoles. A la fin du siècle, elle était devenue exportatrice. Et pourtant, c’est ce modèle qui se trouve en fin de cycle. Comme le disait Marc-Olivier, il s’agit de s’adapter et d’en inventer un autre. Mais le deuil de l’exploitation familiale, dont le modèle était bien réparti sur l’ensemble du territoire, est difficile. Même si on sait très bien qu’un grand céréalier de la Beauce n’a rien à voir avec un éleveur montagnard.

Deux grandes questions se posent. La première est démographique, car la proportion d’agriculteurs âgés (qui vont s’arrêter de travailler dans les vingt prochaines années) est grande : presque la moitié. Qui va reprendre cela ? Et sous quelle forme ? La seconde est foncière : de grandes sociétés achètent les terres, et la paysannerie est dépossédée. Les agriculteurs qui s’arrêtent de travailler ont de petites retraites, on comprend donc qu’ils vendent au plus offrant.

Lionel Zinsou :

Pourquoi passer sous silence le fait que les défis sont en fait des opportunités, et que nous ne sommes pas en attente d’une transformation de l’agriculture française, mais en sommes les témoins ?

D’abord, depuis 2019 (avant le Covid, donc) la valeur de la production agricole en France a augmenté de 25%. Certes, c’est un effet de prix et pas simplement de volume (les volumes baissent un peu pour l’élevage et augmentent pour les cultures) mais tout de même.
Ensuite, quand il y a des sécheresses, comme ce fut le cas en 2022, il y a des pertes de volume (sauf pour les fruits et le vin). Mais il y a une loi économique toute simple : quand il y a une pénurie agricole, la perte est plus que compensée par la hausse des prix. Si l’on en croit les comptes prévisionnels de l’agriculture française de l’Insee, la situation de 2022 c’est : +17% de valeur de la production, contre +12% pour les coûts. On peut donc gloser sur le prix des engrais à cause des prix du gaz, mais il n’en reste pas moins que le revenu agricole s’est renforcé, puisque l’augmentation des coûts est inférieure aux gains qu’entraîne la hausse des prix des producteurs. Par conséquent il y a des capacités de s’adapter.
En revanche il faut être sensible aux inégalités. Si vous faites des bovins pour la viande, vous gagnez très peu. Si vous en faites pour le lait, un tout petit peu plus. Pour les grandes cultures, sensiblement plus. Évidemment, si vous avez une grande exploitation, vous avez une rente différentielle considérable, parce que l’agriculture en Union européenne est soutenue à 40% de sa valeur ajoutée, ce qui est beaucoup plus que la moyenne mondiale. Or c’est essentiellement une aide au produit. C’est pourquoi les grandes exploitations à fort rendement s’en sortent bien mieux que les petites. Les grandes cultures ont progressé, mais ce qui a progressé le plus vite, c’est le bio. Il se trouve que cela s’arrête en 2022-2023, mais parce que ce sont des produits plus chers, avec des marges plus élevées. Mais je me crains de devoir corriger Marc-Olivier : quand le consommateur paye 4€ son kilo de pommes bio, il y a 1,20€ pour le producteur, plutôt qu’1€. Il est prouvé que le bio est bien plus rentable pour le producteur. Mais il se trouve que nous sommes en contrainte de pouvoir d’achat. Au lieu d’augmenter de 15% à 20% par an, on a observé un tassement en 2022, parce qu’il s’agit de produits chers.
Ce qui rapporte le plus, c’est l’arboriculture et le maraîchage. Les inégalités sont donc très grandes entre faire des vaches pour la viande, ou faire des fruits et légumes, mais cela ne justifie pas de raisonner comme si la situation était socialement dégradée pour tous.
Mais il y a plus important que cela. Le fait qu’il n’y ait plus que 400.000 agriculteurs a permis de transférer vers les autres secteurs de l’économie énormément de compétences et de capitaux. En réalité toute la croissance française des Trente glorieuses tient à des transferts similaires, permis par les gains de productivité agricole. Et cela continue. En trente ans, les exploitations françaises sont passées à une moyenne de 70 hectares, ce qui est un seuil de viabilité, cela permet notamment de mettre en œuvre les nouvelles technologies. La compétence a aujourd’hui beaucoup progressé : plus de 55% des agriculteurs sont titulaires de diplômes spécialisés : baccalauréat agricole et plus. Et puis la population agricole est appelée à se rajeunir. Pour le moment, elle est en moyenne un peu moins vieille que celle des autres secteurs d’emploi, mais elle sera régénérée, avec l’arrivée de nouvelles compétences, et de très nombreuses technologies nouvelles à mettre en œuvre.

François Bujon de l’Estang :

La transition agricole française consistera à définir et implanter le modèle sociétal qui succèdera à l’exploitation familiale. Il s’agira d’assurer intelligemment la relève des générations. La grande difficulté des exploitants agricoles qui se retirent est la transmission ou la vente de leur exploitation. Il y a un problème de formation professionnelle, mais aussi d’accès aux financements permettant d’acquérir des exploitations, et enfin il faut empêcher la disparition des terres agricoles. Ce seront vraisemblablement les priorités pour les années qui viennent.
Un deuxième axe d’action consistera à restaurer la compétitivité de notre modèle économique. La France était une grande ferme qui nourrissait la population du pays ; voir que les importations augmentent, y compris dans des domaines qui étaient d’excellence il n’y a pas si longtemps (comme les fruits et légumes) est très frappant. Pour cela, il faudra se pencher sur les problèmes énergétiques que rencontrent de nombreux exploitants, et aider la production nationale.

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