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La guerre du Paraguay : l'archétype de la guerre suicidaire


Grognard
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Un sujet est attribué aux guerres les plus stupides ou aux guerres oubliées, mais la guerre du Paraguay ou guerre de la Triple Alliance tient une place particulière. Prenez un dicateur sud américain mégalomane et sanguinaire, qui veut conquérir le monde, un peuple soumis mais patriote, et des adversaires sans pitié, et vous obtenez la guerre la plus sanglante de l'histoire du continent, une sorte de seconde guerre mondiale avec un Hitler qui ne meurt pas dans son bunker mais dans la jungle. C'est la guerre de la Triple Alliance.

En 1864, dans cette Amérique du Sud en plein Far Ouest, au moment où l'Argentine et le Bresil ne sont que de petits Etats pionniers qui massacrent leurs indiens (et se massacrent entre eux au passage), le Paraguay se dévelloppe dans leur flanc, comptant 400 000 habitants. Ce petit pays, où les indiens sont encore majoritaires grace à la protection des jésuites durant la colonisation espagnole, se dévelloppe et dispose depuis toujours d'une unité nationale et ethnique, les habitants étant soudés par la langue guarani, toujours parlée de nos jours. Mais pas de chance, il fut dirigé par des chefs tous plus ubuesques les uns que les autres : Francia, puis les Lopez père et fils. En 1862, le colonel Lopez, fils de son père, arrive au pouvoir et s'auto-promeut maréchal. Pris par la folie des grandeurs, il multiplie les provocations contre le Brésil, alors en guerre contre l'Uruguay.

En Décembre 1864, l'heure a sonné, et le Paraguay envahit le Mato Grosso. Ce plateau peu peuplé constitue l'un des angles morts du Brésil alors peuplé de 10 millions d'habitants. Malgrès quelques succès au début, les paraguayens se trouvent bloqués, et projetent de lancer une offensive vers le Sud Est du Brésil. Pour cela, ils doivent passer par le territoire argentin. C'est ainsi qu'en Mars 1865, le Paraguay traverse le Parana et lance en même temps son offensive sur Corrientes. Les argentins sont pris au dépourvu, perdent Corrientes, mais se reprennent grace à l'arrivée de renforts brésiliens. A l'époque, l'Argentine compte moins de deux millions d'habitants et ne peut engager autant de forces que le Brésil. Le front principal devient donc celui de la vallée du Paraguay alors la seule voie de communication dans cette région (et la route la plus directe vers Ascucion), une guerre de tranchée dont le but est de remonter le Paraguay et de prendre les forts sur le fleuve pour permettre aux navires de guerre d'avancer. L'Uruguay alors devenu pro-brésilien se joint alors au conflit en envoyant 5000 hommes.

Le Paraguay ne peut gagner sur le long terme. Submergé par le nombre, il combat avec des moyens limités, ne pouvant recevoir d'armement à cause de son enclavement. C'est donc une lutte jusqu'au bout que lance le maréchal Lopez, lançant des des contre offensives suicidaires pour reprendre les positions alliées (dont la bataille de Tuyuti, la plus sanglante de toute la guerre). Lopez lance la guerre totale, il mobilise tous les hommes, sans exception, laissant ainsi les femmes diriger l'économie. Il ordonne aussi régulièrement le massacre de prisonniers et la déportation des populations occupées. La réciprocité sera évidemment appliquée...

Mais Lopez, c'est aussi un régime de terreur pour les paraguayens eux même. Il arrête des notables sans reproche pour dissuader toute opposition (méthode appliquée plus tard à plus grande échelle par l'ami Joe), fait de son anniversaire (le 24 Juillet) une fête nationale où on distibue des bonbons aux enfants, lance des souscriptions nationales pour s'offir des banquets et des épées serties de diamant. Mais Lopez sait aussi faire valoir ses qualités. Courageux, il se rend régulièrement sur le front, parle guarani à ses hommes et soutient qu'il fera la guerre jusqu'au bout.

Mais tout le monde sait que la guerre est perdue. L'ambassadeur français s'en rend compte dès 1866.

En 1868, la prise du fort d'Humaita est un tournant dans la guerre. Le dernier fort sur le paraguay tombe aux mains des alliés, leur ouvrant la route vers Asucion. En décembre 1868, la capitale est prise par les alliés, qui décretent la fin de l'escenciel des opérations. Mais Lopez ne s'avoue pas vaincu. Il part faire la guerrilla dans la jungle avec 10 000 enfants soldats, les seuls survivants du cet holocauste. Il va résister jusqu'en 1870 où, traqué jusqu'au bout, il succombe aux balles alliées à Cerro Carra.

Avec sa mort s'achève la guerre de la Triple Alliance, la guerre la plus sanglante qu'ait connu l'Amérique du Sud. L'Argentine et le Brésil sont durement éprouvés par la guerre. Mais le Paraguay est anéanti, perdant 80% de sa population masculine. Il doit moins ce chiffre atroce aux massacres alliés qu'aux tactiques d'attaques à outrance menée par son armée. C'est la première guerre mondiale avant l'heure. Seuls les prisonniers et les déserteurs ont survécu, ce qui explique le peu de récits de ces soldats honteux de ne pas être morts comme "tous les autres". Asuncion restera occupée jusqu'en 1876, et le Paraguay deviendra ainsi l'ombre de lui même, perdant des territoires aux argentins et brésiliens, mais échappant à l'annexion totale.

Le maréchal Lopez, pourtant le grand responsable de ce désastre, fera un retour triomphal dans la mémoire paraguayenne lors de la guerre du Chaco, où il incarnera le patriotisme et la ténacité face à l'envahisseur (ici bolivien), jusqu'à être réhabilité aujourd'hui.

"Les leçons que nous tirons de l'histoire... c'est que nous ne tirons aucune leçon de l'histoire."

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une petite erreur : c'est 90 % de la population masculin du Paraguay qui est morte dans cette guerre.

Pour le Paraguay, c'est aussi une catastrophe économique. Alors qu'avant la guerre ce pays était aussi avancé techniquement et industriellement que l'Allemagne, toute son économie a été anéanti et 150 ans plus tard il ne s'est toujours pas remis de cette guerre.

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Toute la littérature brésilienne que j'ai pu lire sur cette guerre donne bien ces chiffres.

Cette guerre a également eu pas mal d'influence sur le Brésil :

les troupes brésiliennes du début de la guerre étaient exclusivement blanches.

Devant le niveau des pertes ont été progressivement incorporés de troupes métisses et noires.

Evidemment, après la guerre, ceux-ci ont demandé plus de droits politiques.

D'un point de vue social, les troupes noires qui venait des régions agricoles ( où, même si l'esclavage avait déjà été aboli, la réalité montrait que peu de chose avait changé ) sont parties dans les villes, ce qui est à l'origine de la création des favelas.

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