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Messages posté(e)s par Wallaby

  1. Admettons à titre de pure hypothèse, que tout ce que disent John Kerry et Barack Obama ces derniers jours soit bien vu comme analyse, courageux comme décision, et suscite l'admiration à tous points de vue.

     

    Dans cette hypothèse, les Américains jouent leur partition et la jouent très bien comme d'excellents musiciens. Mais est-ce le rôle de la France d'être un perroquet qui n'a rien à dire à part répéter bêtement ce que disent les Américains et éventuellement les imiter, les singer ? Dans ce cas, à quoi sert la France ? La France ne sert à rien. La France est inutile. La France est une bonne à rien. Les Etats-Unis suffisent.

     

    Par contre il y a une autre hypothèse, qui était l'hypothèse Chirac-Villepin en 2003, qui est que la France a une autre partition à jouer, qui est d'être le chantre de la légalité internationale - entre autres choses : par exemple ne pas fracturer le monde dans une "guerre des civilisations". À travers ce que dit la France, quand ses serviteurs parlent avec courage et liberté, il y a beaucoup d'Etats qui se reconnaissent. Et pour les Etats-Unis, la France peut servir de radar captant les points de blocage, et donc les inflexions à ajouter à leurs politiques pour les rendre acceptables de façon beaucoup plus universelle.

     

    À noter que François Fillon s'est exprimé dans Paris Match pour dire quelque chose de relativement peu banal :

     

    « Quand nous étions tous deux Premiers ministres, nous avons travaillé ensemble et résolu plusieurs sujets même sur fond de profonds désaccords. Poutine est quelqu’un avec qui on peut discuter à condition de respecter son point de vue et d’accepter au moins de l’entendre », affirme M. Fillon, dans une interview à Paris Match mise en ligne mardi.

     

    « Je ne lui ai pas parlé récemment, j’aurai l’occasion de le faire dans quelques semaines puisque j’irai en Russie et je le verrai. Je lui redirai ce que je lui dis depuis 2 ans sur le sujet, à savoir que la Russie se grandirait en étant le vrai moteur de la recherche d’une solution en Syrie », ajoute-t-il

    http://www.ouest-france.fr/ofdernmin_-Syrie.-Fillon-pour-une-reunion-a-Geneve-sous-l-egide-de-l-ONU_6346-2223422-fils-tous_filDMA.Htm (27 août 2013)

  2. Il a été dit (par exemple ici : http://www.cfr.org/iraq/war-necessity-war-choice/p18273 ) à propos de la guerre d'Irak de 2003 qu'elle était une "guerre par choix" en contraste avec la guerre d'Irak de 1991 qui était une "guerre par nécessité". Les Etats-Unis sont-ils en train de renouer en Syrie avec les "guerres par choix" ?

     

    Il est dit qu'il faut "punir" pour dissuader de l'utilisation d'armes chimiques. Si ce principe est un bon principe, pourquoi est-ce que cela ne fait pas déjà 5 ans, 10 ans, 15 ans qu'on essaie de mettre cela dans un traité et de faire ratifier les pays ? Même s'il y a des difficultés, et qu'il y a des pays difficiles à convaincre de signer, c'est toujours utile de rassembler les pays qui sont pour, de les compter et, ensemble, de faire pression diplomatiquement sur les pays réticents pour les convaincre de signer. Quelle est donc la justification pour ne pas avoir lancé cette mise au net du droit international dans ce domaine ?

     

    Y a-t-il vraiment un risque de banalisation de l'emploi des armes chimiques si on ne fait rien ? Est-ce que les nuages chimiques vont exploser partout sur la planète ? J'ai l'impression que ce risque est faible parce que les pays sont déjà responsabilisés à travers le traité existant par lequel ils s'engagent à ne pas en fabriquer et à détruire les stocks existants. Le risque ne peut provenir que des 8 pays qui ne veulent pas signer le traité existant. On pourrait faire pression pour les faire signer : l'Angola, le Sud Soudan, ce n'est peut-être pas la mer à boire.

     

    En revanche il y a un risque de banalisation du recours à la guerre sans accord du conseil de sécurité de l'ONU. N'est-ce pas une menace bien plus sérieuse pour la paix dans le monde dans les 15 prochaines années ?

     

    Entre ces deux risques - banalisation des armes chimiques et banalisation du recours à la guerre sans passer par la case diplomatie, lequel est le plus grand ?

     

    Enfin du point de vue de l’intérêt national français, zapper le conseil de sécurité, c'est scier la branche sur laquelle on est assis. Le siège de membre permanent du conseil de sécurité est un levier de puissance pour la France. La France saborde son levier de puissance. Les gens qui se demandaient ce que cette moyenne puissance déclinante faisait encore sur son siège permanent doivent suivre cela avec le sourire en coin.

     

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  3. Je comprend et j'approuve la position qui consiste à punir sans renverser le régime afin de dissuader les régimes du monde entier de recourir à ce genre d'arme contre des civils dans cette guerre et dans les guerres futures. L'exemple des années 20 est vraiment pas pertinent :rolleyes:

     

    Ce n'est pas prévu par le droit international. On ne peut pas inventer du droit international sur un coup de tête parce que ça nous arrange. Il faut en discuter avec tous les pays et si tous les pays sont d'accord et signent alors cela devient le droit international et on peut l'appliquer.

     

    Par exemple il y a une convention sur le génocide qui dit clairement que dès qu'un pays commet un génocide les autres pays doivent l'attaquer pour lui faire cesser son génocide. C'est clair.

     

    Pour l'utilisation d'armes chimiques on pourrait envisager un traité similaire. Mais il faut faire les choses dans l'ordre. Premièrement rédiger un traité. Deuxièmement le faire ratifier par les Etats. Troisièmement le mettre en application.

  4. Dans les années 1920, les Espagnols ont gazé des civils rifains dans la guerre du Rif. Aujourd'hui les Espagnols n'ont probablement plus d'armes chimiques et ils sont probablement très loin de recourir à nouveau à cet acte. Pourtant personne ne les a puni.

     

    De toute façon j'ai du mal à comprendre le concept de punir quelqu'un d'avoir tué des femmes et des enfants en tuant d'autres femmes et d'autres enfants.

  5. Mais tu as raison de signaler que nous n'avons personne qui évoque simplement une perspective de sortie "par le haut" : Bachar el Assad a refusé jusqu'à présent tout compromis et toute discussion, une bonne partie de ses oppositions aussi et encore récemment. Les armes vont parler faute de perspectives politiques. Pas bon ça...

    C'est le contraire. C'est la Coalition nationale des forces de l'opposition et de la révolution qui refuse de parler avec Bachar ou ses ministres ou ses ambassadeurs. C'est inscrit dans le texte fondateur de la coalition que le régime doit être renversé. À partir de là il n'y a pas de dialogue possible.

    Référence : article 5 de l'accord de Doha, 8-11 novembre 2012 http://www.etilaf.org/en/about/documents/doha.html : "Not to engage in dialogue or discussions with the current regime." / Ne pas engager le dialogue ou de discussions avec le régime actuel.

  6. http://www.dw.de/us-uk-strike-against-assad-carries-high-risks/a-17045736 (27 août 2013)

    Paul Rogers, expert britannique émet l'hypothèse d'une opération américaine très limitée (une « frappe de démonstration contre un équipement de tel ou tel type du régime, centre de renseignement ou centre de commandement ») donc la participation de la France et de la Grande Bretagne est « très improbable ». Les conséquences à soupeser sont selon lui la possibilité que les armes chimiques continuent d'être utilisées, que les faucons iraniens fassent pression pour hâter la fabrication d'une bombe atomique, qu'Al Nusra et les autres islamistes se renforcent.

    http://www.dw.de/brzezinski-syria-strategy-is-a-well-kept-secret/a-17045802 (27 août 2013)

    Zbigniew Brzesinski dénonce l'absence de stratégie et estime qu'une coalition réduite aux USA, à la France et à la Grande Bretagne est trop étroite et maladroite politiquement, évoquant le vieux colonialisme.

  7. http://www.telegraph.co.uk/news/worldnews/middleeast/syria/10267108/British-fears-grow-over-legal-justification-for-Syria-strike.html (26 août 2013)

     

    Un député conservateur, John Baron, demande que le parlement britannique soit consulté (et de le convoquer, car on doit être en période de vacance parlementaire) sur la question syrienne.

     

    Un spécialiste de droit international a dit sur BBC Radio 4 : « La difficulté ici est qu'il n'y a pas de menace, à ce que j'ai pu comprendre, pesant sur la sécurité du Royaume-Uni ou des États-Unis et donc sur quelle base [légale] pouvons-nous intervenir ? »

     

    http://www.telegraph.co.uk/news/worldnews/middleeast/syria/10267019/MPs-demand-a-vote-on-Syria-as-No10-considers-recalling-Parliament.html (27 août 2013)

     

    50 parlementaires ont signé une motion demandant à David Cameron de rappeler le parlement pour débattre de la Syrie. David Cameron prendra sa décision de rappeler ou pas le parlement mardi (aujourd'hui). Une source de Downing Street a dit que le premier ministre était clair quant à son intention que les parlementaires puissent s'exprimer. Mais un débat ne veut pas forcément dire un vote.

  8. http://nationalinterest.org/commentary/the-real-syria-problem-8965 (27 août 2013)

     

    L'ancien sénateur Gary Hart est un démocrate qui a failli à quelques voix près être l'adversaire de Ronald Reagan à l'élection présidentielle de 1984. Il dit ceci :

    Nous pourrions choisir de punir Assad pour avoir utilisé des armes chimiques sur son propre peuple, quoique je ne me souvienne pas que nous l'ayons fait pour Saddam Hussein dans les années 1980, et cela nous soulagera. Mais cela ne résoudra rien dans le long terme. À moins de vouloir tuer un grand nombre de gens et de rester en Syrie pour beaucoup plus longtemps qu'en Irak ou en Afghanistan, nous ne pouvons pas déterminer le résultat de cette guerre civile.

    http://nationalinterest.org/commentary/syria-intervention-anticipating-russias-response-8964?page=1 (27 août 2013)

    Pour la Russie, un embourbement américain en Syrie aurait quelques avantages :

    Une focalisation renouvelée des États-Unis sur le Moyen-Orient met fin à la possibilité que Washington pourrait allouer le temps, l'attention et les ressources pour se focaliser sur la tentative de la Russie de réintégrer l'ancienne Union Soviétique sous le leadership régional de Moscou (il va sans dire que cela mettrait un terme effectif à tout "pivot américain vers l'Asie" à l'horizon visible).

     

    J'ai l'impression qu'on a déjà fait le tour des différents arguments pour ou contre une intervention en Syrie lors de la précédente alerte chimique au mois de Mai. Au lieu de paraphraser des choses déjà dites, autant faire carrément des copiers-collers piqures de rappel. Par exemple :

     

    Il y a un grand article très complet sur l'attitude de l'administration américaine dans cette crise, partagée entre les plus interventionnistes qui se posent la question "que se passera-t-il si on ne fait rien" et Obama et ses proches collaborateurs qui se posent la question "que se passera-t-il si on fait quelque chose", dans le New Yorker du 13 mai : « Une mince ligne rouge : au beau milieu du débat sur la Syrie à la Maison Blanche » par Dexter Filkins http://www.newyorker.com/reporting/2013/05/13/130513fa_fact_filkins?currentPage=1

    Est-ce qu'il est possible de faire des « frappes ciblées » sur des armes chimiques ? Tant qu'elles n'ont pas été mélangées ? Mais après ?

    Je traduis Dexter Filkins, dont j'avais donné la référence plus haut : http://www.newyorker.com/reporting/2013/05/13/130513fa_fact_filkins?currentPage=7

    Samore [Gary Samore, ancien conseiller d'Obama pour les armes de destruction massive] a dit que ces bombes au sarin, qui typiquement contiennent d'énormes quantités d'agents chimiques, sont probablement toujours en état d'amorçage [depuis décembre 2012, lorsque les renseignements Américains ont observé des préparatifs de chargements dans des avions]. « Le sarin est une arme binaire : une fois que c'est mélangé, vous ne pouvez pas le démélanger », dit-il.

    [...]

    « Bombarder les installations pourrait entraîner de nombreuses pertes civiles et la dispersion de nuages de produits chimiques mortels. Et il n'existe aucune garantie qu'une campagne de bombardements pourrait détruire tous les sites. Que ferions-nous ensuite ? », dit-il.

    Dans un éditorial paru le 5 juin dans le journal canadien Globe and Mail ( http://www.theglobeandmail.com/commentary/why-amplify-syrias-arms-race/article12351362/ ), Lysiane Gagnon écrit :

    Heureusement, Mr Obama a tiré les leçons de l'Afghanistan et de la Libye. Il est calmement revenu en arrière sur une précédente déclaration fracassante sur la "ligne rouge" qui serait franchie si le gouvernement syrien utilisait les armes chimiques, et il veut donner une chance à la conférence de Genève avant d'élever la voix : une position raisonnable à laquelle font écho le ministre canadien des affaires étrangères John Baird et son homologue allemand Guido Westerwelle.

    La seule façon de mettre fin à la souffrance de la population de Syrie est la diplomatie, pas d'ajouter à la guerre.

    http://www.ladepeche.fr/article/2013/06/06/1643650-syrie-la-preuve-des-armes-chimiques-et-apres.html

    Jean-Claude Allard, directeur de recherche à l'Institut de relations internationales et stratégiques (Iris) :

    Plusieurs tonnes d’armes chimiques sont disséminées dans le pays et une intervention des forces spéciales pour contrôler sur place serait une opération trop délicate à mener par les Américains. Quant à une intervention militaire contre l’armée syrienne, c’est-à-dire contre la Syrie, serait une opération d’ampleur avec les États-Unis en première ligne. ça me paraît improbable car Obama veut plutôt sortir de la spirale infernale dans laquelle est engagée l’armée américaine dans cette région depuis 2001. Quant à la France, elle est engluée au Mali et ce n’est pas après avoir annoncé la suppression de 24 000 soldats qu’on peut se permettre d’aller fanfaronner sur la scène internationale.

  9. Le débat sur la légalité onusienne d'une guerre est un non sens. Ca na jamais compter.Le droit de véto des 5 grand n'est pas fait pour permettre a un membre d'empécher la politique étrangère ou militaire des autre mais pour ètre sur qu'aucun d'eux n'aura les moyen de les faire chiez a l'ONU. Si la France doit avoir l'avale de moscou pour entamé une guerre  alors nous ne sommes plus un état souverain. cette doctrine de la résolution comme saint graal c'est ridicule, c'est pratique pour l'affichage publique mais pour le reste c'est du vent.

    Je ne suis pas d'accord. Faire une guerre sans une résolution de l'ONU c'est commettre une guerre d'agression et c'est s'exposer à être condamné comme les responsables politiques et militaires du Japon aux procès de Tokyo en 1946-1948 sous le chef d'inculpation de "crime contre la paix", et c'est exposer le pays à être obligé à payer des indemnités de guerre comme l'Allemagne après la première guerre mondiale, ou comme la France après le traité de Paris de 1815 ou après la guerre franco-prussienne de 1870-1871.

  10. Je parle des représentations de la population (pas des élites un peu averties, et encore l'influence des lieux communs ...). Tout le monde sait qu'on s'est fait ratiboiser en 40, et en particulier en Europe centrale.

    Cause avec un polonais c'est éloquent. Ajoute à ça le fait que depuis 1945 ils subissent fortement l'influence britannique bien plus que la tradition francophile (2e population immigrée en Angleterre je crois, au moins 400 000 polonais, et tous les polonais ayant fait des études supérieures sont anglophones)

    Il y a un long chemin à faire ne serait ce que pour concurrencer la vision anglo saxonne du monde chez nos partenaires européens ...

    Ils nous prennent un peu pour des dingues qui n'ont pas compris le sens de l'histoire  :lol:

    Je suis tombé sur l'article suivant écrit par une Polonaise dans le Wall Street Journal : http://online.wsj.com/article/SB10001424052702304520804576347103961409090.html (27 mai 2011), citée par http://nationalinterest.org/commentary/poland-america-need-fresh-start-8949 (26 août 2013). Cela biaise la perspective, puisque pour être publié dans le Wall Street Journal il faut que ce soit une journaliste polonaise bien compatible avec la vision généralement néoconservatrice-bushiste des choses - voyant à mal l'opposition franco-allemande à la guerre d'Irak de 2003 par exemple - donc pas forcément représentative des Polonais en général. Pour situer le personnage, cette Aleksandra Kulczuga est décrite à la fin de l'article comme subventionnée par la fondation Robert Novak - Phillips, et il me semble que c'est le même Robert Novak que celui qui est à l'origine de l'affaire Plame : http://fr.wikipedia.org/wiki/Affaire_Plame

    Tous ces caveats faits, voilà ce qu'elle dit :

     

    » La Pologne, contrairement à l'Allemagne et la France, déploie ses soldats dans la guerre [d'Afghanistan] en attendant d'eux sans réserve qu'ils vont trouver et tuer des ennemis combattants. Le ministre français des affaires étrangères Bernard Kouchner a été sans équivoque l'an dernier dans sa réponse à l'appel de Mr. Obama pour une montée en puissance (surge) des effectifs : « nous ne voulons pas envoyer plus de troupes au combat ».

    Si l'on regarde dans http://en.wikipedia.org/wiki/Coalition_casualties_in_Afghanistan#French le nombre de morts en Afghanistan on trouve les chiffres suivants :

    France : 88 (et 725 blessés)

    Allemagne : 53 (et 245 blessés)

    Pologne : 39 (et 231 blessés)

    Donc il n'y a pas photo.

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  11. http://nationalinterest.org/commentary/glenn-greenwald-dismantles-the-press-8928 (22 août 2013)

    Ce court article révèle - aux gens comme moi qui ne le savaient pas - que Glenn Greenwald, le journaliste américain contacté par Edward Snowden, n'a pas une mais deux bêtes noires : d'une part les États qui mettent en péril les libertés, mais aussi et peut-être surtout, une certaine presse occidentale. Et l'auteur de pointer vers deux articles écrits par Greenwald. Le premier est un article écrit dans le National Interest en 2008 qui s'en prenait à la Perilous Punditocracy - titre difficile à traduire en respectant l'allitération : le « Péril du Pouvoir des Pontes de la Presse » - et à son dernier article paru le 21 août 2013 dans le Guardian et que je traduis ci-dessous :

    http://www.theguardian.com/commentisfree/2013/aug/21/sending-message-miranda-gchq-nsa (21 août 2013)

    « Envoyer un message » : ce que les États-Unis et le Royaume-Uni tentent de faire

    Les journalistes fidèles aux États semblent croire que leur devoir est de se soumettre poliment aux tactiques d'intimidation des fonctionnaires des gouvernements.

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    Restes d'un disque dur et d'un Macbook qui ont contenu l'information fuitée par Edward Snowden vers le Guardian et qui fut détruit à la demande du gouvernement du Royaume-Uni. Photographie : Roger Tooth.

    Le rédacteur en chef Alan Rusbridger a rendu publique lundi soir la nouvelle remarquable que les autorités du Royaume-Uni ont menacé le Guardian d'une injonction de restriction préalable, s'ils ne détruisaient pas tous les matériaux fournis par Edward Snowden, puis ont envoyé des agents au sous-sol des bureaux du journal pour superviser la destruction physique des disques durs. Le Guardian fournit plus de détails sur cette opération aujourd'hui, et Chris Hayes a interviewé le rédacteur en chef du Guardian à ce sujet pour MSNBC hier soir. Comme l'explique Rusbridger, ce comportement était aussi inepte que barbare : puisqu'on est en 2013 et non en 1958, détruire un exemplaire d'un dossier de presse ne les détruit pas tous, et comme le Guardian a avec lui de multiples correspondants qui en ont des copies, ils n'ont rien réussi à part se montrer oppressifs et ce, de façon incompétente.

    Mais transmettre un message barbare d'intimidation est exactement ce que le Royaume-Uni et ses supérieurs dans l'État de sécurité nationale américain tentent d'accomplir presque dans chacune de leurs actions sur ce sujet. Lundi dernier, le journaliste de Reuters Mark Hosenball a écrit la chose suivante sur la garde à vue de 9 heures de mon conjoint sous les provisions d'une loi antiterroriste, le tout en en informant la Maison Blanche au préalable :

    » Un fonctionnaire sécuritaire américain a dit à Reuters que l'un des principaux buts de la garde à vue et de l'interrogatoire de Miranda effectués par le Royaume-Uni était d'envoyer un message aux récipiendaires des documents Snowden, y compris le Guardian leur disant que le gouvernement britannique était sérieux dans son effort de couper les fuites.

    Je voudrais faire un premier commentaire à ce sujet. Lundi, Reuters m'a refait la même chose qu'il y a un mois, à savoir qu'ils ont encore considérablement déformé les commentaires que j'avais faits dans une interview - donnée en portugais à 5 heures du matin à l'aéroport de Rio alors que j'attendais le retour à la maison de mon conjoint après sa libération finale - pour fabriquer le titre sensationnel que je « menaçais » le gouvernement britannique avec du journalisme de « vengeance ». Cela n'avait même pas vaguement à voir avec ce que j'avais dit ou fait, comme je l'ai expliqué ce soir dans une interview donnée à CNN (voir la deuxième partie).

    Mais se consacrer à enquêter sur les malfaisantes activités d'espionnage secret d'un grand gouvernement - ce qui est ce que j'ai fait, cela s'appelle du « journalisme », non de la « vengeance ». Comme l'a expliqué le commentaire en une du Washington Post d'Andrea Peterson, « non, Greenwald ne s'est pas "consacré à la vengeance", il a dit qu'il faisait son boulot ». Elle ajoute :

     

    » Ce qu'a voulu dire Greenwald semble être qu'il était déterminé à ne pas se laisser apeurer par l'intimidation. Greenwald et le Guardian ont déjà publié des documents décrivant les programmes de surveillance en Grande Bretagne et il affirme depuis longtemps son intention de continuer. Ce faisant, il n'accomplit pas une "vengeance", il fait juste son boulot.

    Mais voici la remarque la plus importante : les gouvernements américain et britannique vont partout dans le monde pour sans cesse y menacer des gens. C'est leur modus operandi. Ils emprisonnent les lanceurs d'alertes. Ils essaient de mettre le journalisme au rang des crimes et délits. Ils ont menacé le Guardian d'une injonction de restriction préalable puis l'ont forcé à fracasser physiquement leurs disques durs dans un sous-sol. Ils ont mis en détention mon conjoint sous les provisions d'une loi antiterroriste, ils ont à plusieurs reprises menacé de le mettre en examen, et l'ont forcé à donner ses mots de passe pour toutes sortes d'information de nature à envahir la sphère personnelle - des pratiques que même l'un des auteurs de cette loi antiterroriste juge illégales, et que le Comité de Protection des Journalistes a qualifié hier de « dernier exemple d'une liste de faits inquiétante de harcèlement officiel contre le Guardian à propos de ses reportages sur les fuites Snowden », et que Human Rights Watch estime avoir été fait « dans l'intention d'intimider Greenwald et d'autres journalistes qui enquêtent sur les abus de surveillance ». Et cela ne porte que sur ce qu'ils ont fait récemment : cela ne dit rien des invasions, bombardements, extraditions, tortures, abus du secret dont ce duo revanchard est responsable dans la dernière décennie.

    Mais dans la minute où quelqu'un refuse de s'y soumettre veulement, ou se lève pour y faire face, des hordes de partisans de l'autoritarisme - conduits par les journalistes fidèles aux États - commencent immédiatement à objecter : comment osez-vous élever la voix contre l'empire ? Comment osez-vous ne pas faire la révérence à la Reine ni remercier le gouvernement du Royaume-Uni pour ses bienfaits ? Les gouvernements américain et britannique sont apparemment autorisés à aller partout et tenter d'intimider brutalement quiconque, y compris des journalistes, « pour envoyer un message aux récipiendaires des documents Snowden, y compris le Guardian », comme le rédige Reuters - mais personne n'a le droit de leur envoyer un message de réponse. C'est un double standard que personne ne devrait accepter.

    Si le but poursuivi par le Royaume-Uni en détenant mon conjoint était - comme ils le prétendent maintenant - de protéger le public du terrorisme en saisissant des documents qu'ils le soupçonnaient de détenir (et pourquoi auraient-ils soupçonné cela ?), cela leur aurait pris neuf minutes, pas neuf heures. Pareillement, le Royaume-Uni savait pertinemment que forcer le Guardian à détruire ses disques durs n'accomplirait rien en termes de stopper les reportages : comme le leur a dit le Guardian, il y a des copies multiples de par le monde. Le seul but de tout cela, manifestement, est d'intimider. Comme le dit l'ACLU du Massachusetts :

     

    » La seule vraie vengeance qui se manifeste à l'instant présent ne vient pas de Glenn Greenwald. Elle vient de l'État.

    Mais pour les journalistes fidèles à l'État, protester contre les méthodes barbares et agressives de l'État est hors de question. C'est seulement quand des défis combatifs sont portés par ceux qui apportent la transparence et la mise de l'État en face de son obligation de rendre des comptes qu'ils s'énervent et se sentent concernés. Comme l'a écrit Digby hier soir : « maints journalistes de l'élite semblent rejoindre les rangs de la répression gouvernementale de la presse libre au lieu de pratiquer la défiance et de protéger leurs propres prérogatives ». C'est qu'ils croient au journalisme servile et non au journalisme contradictoire. Je ne crois qu'à ce dernier.

  12. http://www.rferl.org/content/chaos-end-arab-spring/25082994.html (22 août 2013)

    John Esposito, islamologue, prof à l'université de Georgetown dit ce qui lui passe par la tête : ne coupons pas les cheveux en quatre : la Révolution américaine (1775-1783) forme un tout avec la guerre de Sécession (1861-1865), l'un ne va pas sans l'autre et réciproquement. Voilà qui va certainement donner le moral aux Égyptiens et autres acteurs des printemps arabes et autres colombes de la paix !

  13. http://nationalinterest.org/video/syria-the-smart-way-america-get-involved-8943 (24 août 2013)

    C'est une interview vidéo de Lincoln Bloomfield. Au départ je ne savais pas qui c'était, mais il a une façon de parler en s'appuyant sur ce qui semble être le vécu de son expérience dans le gouvernement Reagan à l'époque de l'intervention au Liban, en se méfiant des options purement militaires et en voulant remettre de la politique dans le débat, en s'opposant très poliment à Obama et avec grand respect pour le chef d'État major des armées Martin Dempsey, que j'ai fini par me farcir les 5 pages de son article de "Plan pour la Syrie" :

    http://nationalinterest.org/commentary/plan-syria-8924 (21 août 2013)

    Et là, c'est déception sur déception. Avec l'accent mis sur la diplomatie, je m'étais illusionné en pensant que cela pouvait être quasiment un plan de paix avec des options de sortie pour Bachar El-Assad. Mais c'est un plan de guerre. C'est bourré de contradictions. Dans ses 5 grands buts A-B-C-D-E, il met dans C) "chercher à empêcher les extrémistes sunnites (...) d'avoir une influence dans la Syrie post-Assad". Et c'est contredit quelques lignes plus loin par "Les Etats-Unis devraient armer la résistance syrienne organisée, en prenant le risque calculé que les djihadistes internationaux ne trouveront pas une place durable dans la Syrie d'après le conflit". On aménage une sortie "honorable" pour Bachar, mais simultanément on agite une mise en examen pour crime de guerre. Les deux choses sont compatibles ? Faisant miroiter "un état final de l'après-conflit où les droits des femmes et des minorités religieuses et ethniques seront protégées et où le système électoral restera participatif et compétitif" ou encore "multiethnique, basé sur le droit et la gestion transparente", il donne l'impression de ne pas comprendre que cela a un air de déjà vu par rapport à l'Afghanistan et l'Irak, et qu'on ne voit pas pourquoi ce qui n'a pas réussi dans ces deux pays réussirait en Syrie (sans parler de l'Égypte). Il est lui-même très ambigu vis à vis de la minorité alaouite, puisqu'il emploie l'expression "régime alaouite", et définit comme cible de bombardement - certes ciblé - l'"infrastructure considérée comme importante pour les communautés alaouites dans le nord de la Syrie". Et à la dernière page on découvre que le monsieur a travaillé pour pas moins de 5 gouvernements républicains. Donc cela semble inclure George W. Bush. On a l'impression que c'est un avocat de la guerre d'Irak de 2003 qui ressasse et recycle le même discours en changeant à peine quelques mots.

    C'est intéressant malgré tout de savoir ce qui se dit dans le camp Républicain. Ses quelques paroles plutôt favorables à l'ONU sont toujours bonnes à prendre même s'il n'hésite pas à se passer d'une résolution du conseil de sécurité. Cela change un peu de l'époque où le camp Républicain décrivait l'ONU comme un gadget inutile qui fait perdre de l'argent au contribuable, dans la logique de la rupture des Etats-Unis avec l'UNESCO.

    Il me semble aussi qu'il faut sauver la question importante qu'il pose dans la vidéo : l'interdiction des armes chimiques est un grand principe de la communauté internationale, qui date de la première guerre mondiale. Si on laisse faire, n'est-ce pas une terrible régression ?

    D'après http://www.ipsnews.net/2012/12/chemical-arms-treaty-holdouts-include-volatile-syria/ (décembre 2012) il y a 8 pays qui restent en dehors la convention internationale sur les armes chimiques :

    Angola, Égypte, Israel, Birmanie, Corée du Nord, Somalie, Sud Soudan et Syrie.

    Puisque Lincoln Bloomfield agite les grands principes, il aurait été intéressant que la question lui soit posée dans la vidéo et qu'on puisse voir sa réaction : que fait-on du principe de souveraineté des États tel qu'il a été exposé par Stefan Talmon, notamment sur le fondement de la résolution des Nations Unies sur les relations amicales de 1970 : (voir mon message http://www.air-defense.net/forum/topic/12467-guerre-civile-en-syrie/?view=findpost&p=675946 ) ?

    Une question aussi qui me turlupine est de savoir si les Etats-Unis ont eu toute la fermeté nécessaire lorsque c'était Saddam Hussein qui utilisait des armes chimiques.

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  14. Vu que la donne change un peu, ils mettent la pression, histoire de pimenter les négociations et de voir les réactions, si il y en a d'autres

    qui arrivent, çà confirmera une préparation, même si la diplomatie n'est pas encore en échec.

     

    http://www.lepoint.fr/monde/syrie-washington-deploie-des-troupes-en-mediterranee-24-08-2013-1716890_24.php

    Les journalistes du Point ne manquent pas d'imagination pour exagérer les signes donnés par Washington. Il s'agit de frégates lance missiles qui sont déjà sur place (la seule nouvelle c'est que le USS Mahan va rester plus longtemps ce qui fait qu'il y aura 4 frégates pendant plus longtemps au lieu de retomber à 3 comme prévu initialement), et cela devient « Washington déploie des troupes en Méditerranée ». Pour le grand public, et pour les experts aussi, j'imagine, « déployer des troupes » veut dire faire un débarquement. Déployer des navires n'est pas déployer des troupes.

  15. http://www.vice.com/fr/read/epidemie-dheroine-en-amerique-du-nord (23 août 2013)

    [Au quartier de Downtown Eastside, à Vancouver], la star de la série Glee, Corey Monteith, [y] a été retrouvée morte, des suites d'une combinaison d'héroïne et d'alcool. Mais les décès liés à l’héroïne ne sont pas réservés aux célébrités, à Vancouver. Le nombre de jeunes consommateurs d'héroïne a augmenté dans de nombreuses villes nord-américaines, et certains fonctionnaires pensent aujourd’hui que nous nous apprêtons à vivre une nouvelle épidémie, comme dans les années 1980.

  16. http://nationalinterest.org/commentary/between-russia-china-demographic-time-bomb-8938 (23 août 2013)

    C'est un article qui défend l'idée que non seulement le rapprochement entre la Chine et la Russie - qui est un rapprochement de circonstance, pour faire perdre de leur superbe aux Etats-Unis - n'est pas inéluctable, mais pourrait s'inverser avec la réapparition d'un conflit territorial. Pour l'auteur, la Chine risque tôt ou tard de revendiquer la Sibérie Orientale qui était la province maritime de la Mandchourie avant le « siècle de l'humiliation de la Chine » [par les Occidentaux, les Russes, et les Japonais] (1850-1950), et il faut s'attendre à voir dans la presse de Pékin des articles d'historiens utilisant leur "liberté d'expression" pour remettre en cause les « traités inégaux » de 1858 et 1860 qui ont consacré la souveraineté russe sur la Sibérie Orientale. Personnellement, je ne suis pas sûr d'être convaincu par l'argument du vide démographique, car s'il est vrai que la démographie russe est faible, il me semble aussi que les analystes soulignent souvent que la Chine commence dès maintenant à songer au vieillissement de sa population qui aura lieu dès la fin du XXIe siècle.

  17. http://www.jpost.com/Middle-East/Yemen-Al-Qaida-plot-to-change-face-of-history-led-to-US-scare-324062 (23 août 2013)

    Le président yéménite a dit vendredi à la télé que la décision par les Etats-Unis de fermer toutes ses ambassades dans la région début août était le résultat d'une écoute où Wuhayshi promettait à Zawahri une attaque qui « changerait le cours de l'histoire ».

    http://www.lemonde.fr/international/article/2013/08/09/glenn-greenwald-le-blogueur-derriere-les-revelations-sur-les-ecoutes-de-la-nsa_3459435_3210.html (9 août 2013)

    Portrait de Glenn Greenwald, le journaliste américain publié par le journal anglais The Guardian, qui a été contacté par Edward Snowden.

    Le Guardian s'allie au New York Times pour bosser sur les docs Snowden http://t.co/aCyB5YIkP9

    — Martin Untersinger (@martin_u)

    August 23, 2013
    (23 août 2013)

    Le Guardian s'allie au New York Times pour bosser sur les docs Snowden : http://www.buzzfeed.com/bensmith/new-york-times-guardian-snowden (23 août 2013)

     

    La décision de publier les révélations concernant les services secrets britanniques conjointement avec le New York Times pourrait donner au Guardian un levier supplémentaire dans sa bataille avec le gouvernement britannique, qui tente d'empêcher la publication des reportages. Cela pourrait avoir un lien avec les protections plus fortes de la liberté d'expression et de la liberté de la presse sous les provisions du Premier Amendement de la constitution américaine.

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