@ARPA
L'Otan est une organisation avant tout politique. IL n'est pas utile de rappeler son origine. Il est ensuite évident d'adapter les protocoles quand les opérations communes se multiplient. Mais d'où viennent ces protocoles et qui a véritablement intérêt à l'homogénéisation ? Qui doit s'adapter ? Qui préfère finalement en passer par le donneur d'ordre pour s'équiper plutôt que de se fatiguer à construire où acheter du matériel non homologué qu'il faudra standardiser ?
Il faut bien comprendre qu'un ordre géopolitique n'a rien d'immuable, comme sans doute on le voit en direct en ce moment. La seule question qui se pose quand on dirige un pays et qu'on a la préoccupation de ses intérêts, c'est est ce que cet ordre géopolitique nous est favorable. C'est ce que font les américains et désormais les puissances émergentes comme la Chine et la Russie. Or l'Europe et, dans cet ensemble, la France, évacue de plus en plus cette question à la fois économiquement et politiquement : TINA (there's no alternative). Le résultat est que nous abandonnons notre indépendance et que bientôt les dirigeants français, si nous continuons dans cette direction, se diront qu'il est trop coûteux de produire nous-même de l'équipement militaire et que les américains sont gentiment disposés à nous en founir et à terminer une prise de contrôle qui leur est nécessaire pour ne pas être isolés. Plus que cela, nous délèguerons peut-être complètement notre sécurité à des intervenants extérieurs, soit contrôlés par des citoyens étrangers, soit même par des multinationales, pour ce qui est le mercenariat façon ACADEMI, de triste réputation en Irak et désormais en Ukraine.
Pour en revenir au Rafale et montrer que tout cela n'est pas hors-sujet, il est essentiel de comprendre que la dimension politique, depuis la création d'un appareil, jusqu'à sa vente et éventuellement à l'export, dépend grandement de choix politiques. Il n'y a bien sûr pas d'exclusive, l'aspect technique étant essentiel. Mais aujourd'hui la tendance de rapprochement avec l'Otan fait que l'orientation politique détermine le futur de la défense française, bien plus que le relatif appauvrissement du pays (qui n'a jamais été aussi riche en passant). Le choix du maximum d'indépendance n'est plus la priorité. Notre industrie sera bradée puisque c'est le marché qui décidera et que bien évidemment nous n'avons pas la taille critique ni désormais l'influence politique, pour cause puisque complètement alignés, pour survivre. La pérennité d'une industrie de défense ne dépend pas des exportations, mais de savoir si oui ou non un Etat veut et peut construire lui-même son équipement. Les militaires de nos armées doivent aujourd'hui comprendre que ce n'est plus le cas. Ce n'est pas parce que les allocs familiales bouffent le budget de la défense comme peut-être certains le croient mais bien parce que la volonté politique n'y est plus.
Est-ce que les passionnés et les gens du métier qui lisent ce blog et particuliètrement ce fil, se foutent qu'on perde un savoir faire reconnu et la possibilité de choisir nous-même quelle politique extérieure nous voulons mener ? Bien sûr que non à ce que j'ai lu ici. Mais parfois, j'ai l'impression que tous les liens ne sont pas faits. Le Rafale sera notre dernier avion si nous ne choisissons pas une orientation plus indépendante, celle qui nous a permis en partie de vendre des avions auparavant, ce qui fait ma transition pour répondre à Klem.
Bien sûr le produit lui-même, ses capacités etc, sont déterminants dans son succès à l'export, à la fois en terme d'adaptation à un marché, et aussi en matière de géopolitique. Les avions précédents de Dassault étaient sans doute plus simples que le Rafale et correspondaient à une clientèle de pays moyens désireux d'avoir un bon équipement pas trop cher et de ne pas dépendre exclusivement des USA ou de la Russie (ah tiens, le non alignement). Mais on peut penser aussi que les Etats-Unis, sans nous faciliter la tâche, ne tiquaient pas trop parce que les avions en question, bien que de grande qualité, ne concurrençaient pas leurs produits haut de gamme. Ce n'est plus le cas avec le Rafale. L'offensive F35 n'est tout de même pas anodine. Elle n'est bien sûr pas dirigés contre le Rafale, mais bien contre toute vélléité occidentale de vouloir promouvoir une industrie aéronautique indépendante. On a vu que, si l'aspect technique pose pour le moins question en ce moment, l'objectif politique lui est en passe d'être réussi.
Ensuite et encore une fois, le Rafale est avant tout un instrument de défense nationale. L'export est un bonus, du moins si on raisonne indépendance avant tout. C'est bien pourquoi, s'il est évident que le personnel militaire doit faire son possible pour avoir le matériel qu'il juge pertinent, le choix en revient aux citoyens et donc aux politiques, quand ils les représentent bien. Heureusement donc que le F18 n'a pas été acheté pour la Marine puisque le projet Rafale en aurait souffert. Nous sommes parfois obligés de nous équiper d'appareils allogènes, cela n'a rien d'infâmant quand il n'y a pas d'autres choix possible. Mais il faut bien comprendre que la défense d'un pays, s'il s'estime indépendant ne peut pas dépendre quasi entièrement des choix d'un autre pays, qui souvent n'a pas les mêmes intérêts. Une fois encore, la défense est une question politique. Le Rafale est un instrument politique, pas un joujou très cher pour faire plaisir aux pilotes. La guerre relève du politique, le but étant bien sûr de concilier l'impératif de protection des citoyens, selon les choix qu'ils auront fait, avec la qualité du matériel qui permet, elle, le succès des opérations et la survie de nos militaires.
En conclusion de ce très long post, je réaffirme donc que la participation pleine et entière de la France à l'Otan joue contre notre industrie militaire,le Rafale et ses successeurs éventuels, nos emplois et surtout contre nos intérêts, à moins de penser que nous avons strictement les mêmes que ceux des Etats-Unis, et que nous pouvons dépendre entièrement d'eux. Ca se discute bien sûr, mais il ne me semble pas que les français aient eu à s'exprimer sur cette question comme sur bien d'autres. L'export n'est pas le problème du Rafale sur un plan technique ou financier. Ce qui est le problème c'est l'absence de volonté de maintenir réellement une industrie aéronautique militaire, alors même que nous avons les compétences pour le faire. S'aligner sur l'Otan, c'est autant de raisons en moins de vouloir l'affirmer. Ne nous inquiétons pas, les Etats-Unis s'occupent de tout...