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Le Croissant sanglant de 1529


Rochambeau
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Ou on voit l'effet délétère que peut subir une coalition disparate aux intérêts divergents face à une puissance unique qui fait bloc

Même si ca se termine par des victoires dans les 2 cas c'est passé pas loin; Or derrière Vienne il n'y a plus rien avant d'arriver dans les plaines allemandes ou en Italie (dans les 2 cas des principautés hostiles les unes aux autres et eclatées du point de vue du pouvoir)

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Même si ca se termine par des victoires dans les 2 cas c'est passé pas loin; Or derrière Vienne il n'y a plus rien avant d'arriver dans les plaines allemandes ou en Italie (dans les 2 cas des principautés hostiles les unes aux autres et eclatées du point de vue du pouvoir)

Dans les 2 cas, il y a un pouvoir, et c'est le même: les Habsbourgs, en l'occurrence Charles Quint. L'Italie est à ce moment déjà largement passée sous la houlette des Habsbourgs, et Charles Quint dispose de suffisamment de "capital politique" (ressources en numéraires, troupes permanentes, territoires réellement maîtrisés) pour fédérer une coalition contre un adversaire si hostile et énorme, du moins dans le cas où Vienne tombe, parce que là, même les plus hostiles au contrôle impérial seraient amenés à baisser de 3 tons. D'autre part, face à une telle situation, la France aurait été aussi de fait contrainte de la jouer "camp chrétien".

Autre complication, plus pratique, pour les Ottomans: passé Vienne, ils auraient commencé à être en extension assez grave, avec impossibilité de faire une campagne éclair (en plus pas tellement dans leur culture militaire: l'empire ottoman conquiert méthodiquement), dans une Europe occidentale densément peuplée, avec beaucoup d'endroits à prendre, de lieux à contrôler (points de passage....). Et l'armée ottomane n'a pas un élément permanent si énorme: elle doit mobiliser chaque saison une part très importante de son effectif, et conserve des contraintes importantes ailleurs vu l'étendue de l'empire et ses multiples frontières. Conquérir l'Europe centrale aurait été un autre jeu pour eux, de très longue haleine.

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Il y a effectivement ce facteur : les Ottomans ne peuvent pas aller plus loin.

Vienne se situait déjà à la limite de leur rayon d'action. Car les Turcs et leurs alliés ont une conception de la guerre assez particulière, avec des campagnes ne pouvant être organisées que durant de brèves périodes. On sonne le rassemblement, on rassemble tout le monde à Istanbul ou Andrinople, on part vers l'ouest et une fois parvenu en septembre-octobre, on repart dans l'autre sens avec le gros des troupes.

Pour faire simple, les Ottomans ne peuvent réellement se battre que durant deux voire trois mois en Europe. Une fois la fin de l'été arrivée, tout le monde s'en va. La plupart des soldats reviennent dans leurs champs, et les corps d'élite dans leurs casernes. Ce qui signifie qu'il ne peut y avoir d'exploitation d'une victoire avant le printemps ou l'été suivant. Ainsi, après la bataille de Mohacs, en 1526 : bien que l'armée hongroise ait été détruite, les Ottomans n'ont pas vraiment profité de cet avantage et sont rentrés chez eux, revenant les années suivantes conquérir l'ancien royaume désormais à terre.

Dans l'hypothèse où Vienne serait tombée, les Ottomans devaient non seulement faire face à ce problème, mais aussi et surtout à la difficulté de tenir une ville ravagée, loin de chez eux, au bout de leurs lignes logistiques, et en pleine mauvaise saison, le tout au milieu d'une population hostile, du moins pas ravie du tout. Une vraie gageure. Cela signifiait immobiliser des troupes (qui n'auraient pas été contentes), dépenser des sommes considérables (rien que pour remettre en état les défenses de Vienne) et éventuellement faire face à des contre-attaques.

Avec les Ottomans à Vienne, il est effectivement fort possible que, comme lors de l'attaque d'Otrante, les Italiens, avec la bénédiction du pape, aient pu enterrer leurs différends et rassembler des troupes. Il est également tout à fait envisageable que des Etats jusque-là très discrets ou attentistes, comme Venise, aient pu avoir dans l'idée d'en profiter pour aller faire quelques raids en mer Egée et pourquoi pas récupérer quelques territoires. Du côté des Perses, ça aurait été moins évident, mais pourquoi pas ?

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Vienne se situait déjà à la limite de leur rayon d'action

Je ne pense pas

Qu'ils soient étirés nous sommes d'accord. Qu'ils doivent s'arrêter là, moins convaincus. Mais il est vrai que cela aurait nécessité de fortifier la prise et le contrôle sur la région

Pour faire simple, les Ottomans ne peuvent réellement se battre que durant deux voire trois mois en Europe. Une fois la fin de l'été arrivée, tout le monde s'en va. La plupart des soldats reviennent dans leurs champs, et les corps d'élite dans leurs casernes

N'est ce pas le cas de toutes les armées à l'époque qui ne sont que semi-permanentes

Autre complication, plus pratique, pour les Ottomans: passé Vienne, ils auraient commencé à être en extension assez grave, avec impossibilité de faire une campagne éclair (en plus pas tellement dans leur culture militaire: l'empire ottoman conquiert méthodiquement), dans une Europe occidentale densément peuplée, avec beaucoup d'endroits à prendre, de lieux à contrôler (points de passage....). Et l'armée ottomane n'a pas un élément permanent si énorme: elle doit mobiliser chaque saison une part très importante de son effectif, et conserve des contraintes importantes ailleurs vu l'étendue de l'empire et ses multiples frontières. Conquérir l'Europe centrale aurait été un autre jeu pour eux, de très longue haleine.

Très vrai mais les différents Sultans ont quand même su calculer le moment le plus propice. C'est quand même une part non négligeable de l'armée qui part en Autriche (laissant de facto les frontières découvertes). Ceci est permis par une baisse de l'hostilité à l'Est (Perse) qui de toute façon s'essouffle. Le centre de gravité vers lequel penche les ottomans c'est bien l'Ouest (le Caucase est pourri, la Perse c'est encore un gros morceau, l'ouest apparait divisé notamment par le double jeu de François Ier)

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On sonne le rassemblement, on rassemble tout le monde à Istanbul ou Andrinople, on part vers l'ouest et une fois parvenu en septembre-octobre, on repart dans l'autre sens avec le gros des troupes.

En 1529? Les potentats d'Italie ne sont déjà plus tellement des potentats pour beaucoup d'entre eux: les Espagnols ont déjà le contrôle direct ou indirect de l'essentiel, et la papauté a été abaissée (sac de Rome en 1527, qui est aussi une mise au pas de l'Eglise même s'il n'a pas été voulu par l'empereur) et Charles Quint a les mains largement libres. A ce stade de son règne, son autorité est large, ses moyens sont importants.

On sonne le rassemblement, on rassemble tout le monde à Istanbul ou Andrinople, on part vers l'ouest et une fois parvenu en septembre-octobre, on repart dans l'autre sens avec le gros des troupes.

Leurs grands sièges ont quand même souvent duré plus que les 3 moins dont tu parles, et leur méthodisme, cause principale de la lenteur de leur conquête, implique entre autres choses d'installer de grandes bases logistiques proches des fronts. Leurs lignes sont-elles si étirées à Vienne? Sans doute en partie en raison du gigantisme des armées de campagne ottomanes nécessaires pour une telle conquête, mais les distances ne sont pas si énormes avec les grandes forteresses qu'ils ont en Hongrie ou en Croatie par exemple. C'est le processus de mobilisation qui est le plus problématique cependant, comme tu le dis: il faut garder le contrôle de l'empire, pas tout mettre sur un seul front, et un sultan ne peut mobiliser à l'année tant de monde que ça. Si je me souviens bien, les seules troupes permanentes (Kapikulu, l'armée personnelle du sultan, pas "l'host" impérial), même à l'époque de Soliman, sont les Janissaires (infanterie) et les "6 divisions" de cavalerie (dont surtout les Sipahis), ainsi que les cavaliers légers Akincis. Un point particulier de ces troupes permanentes est qu'il y avait en plus un grand ensemble de troupes "cadres" non combattantes mais qui fournissaient une capacité permanente et professionnelle de commandement, de soutien (maintenance des matériels, train d'armée) et d'appui (artillerie, artillerie de siège, mineurs et sapeurs) pour la totalité de l'armée impériale quand elle était rassemblée. Ces troupes permanentes sont de très grande qualité.

Mais au global, c'est pas forcément énorme: les Janissaires à cette période ne pèsent pas plus qu'une petite dizaine de milliers d'hommes, et la cavalerie est au plus dans les mêmes eaux. Les armées provinciales, fonctionnant sur un régime féodal, pèsent nettement plus lourd dans l'effectif, et là la qualité est très inégale, avec une bonne frange qui sont plutôt des amateurs. Mais la force globale d'une armée ottomane est énorme avant tout en raison de l'encadrement central professionnel qui peut contrôler cette masse, l'articuler et la soutenir. Surtout à cette époque où les armées occidentales ont de ce côté beaucoup moins de capacité, même si une armée occidentale présentera sur le champ de bataille une plus grande qualité moyenne d'unités. Même les armées française et espagnole, les 2 seules "grandes" armées occidentales de l'époque avec un Etat central fort, une bureaucratie.... N'ont pas un pareil degré de professionalisme et de développement du commandement et de l'organisation.

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N'est ce pas le cas de toutes les armées à l'époque qui ne sont que semi-permanentes

Oui et non, je pense. Les armées semi-permanentes occidentales se battent bien moins loin. Pour les Français par exemple, c'est au pire l'Italie, éventuellement les Pays-Bas des Habsbourg. Les Anglais vont en Irlande ou éventuellement traversent la Manche. Les Ottomans eux font plusieurs centaines de km.

Leurs grands sièges ont quand même souvent duré plus que les 3 moins dont tu parles, et leur méthodisme, cause principale de la lenteur de leur conquête, implique entre autres choses d'installer de grandes bases logistiques proches des fronts. Leurs lignes sont-elles si étirées à Vienne? Sans doute en partie en raison du gigantisme des armées de campagne ottomanes nécessaires pour une telle conquête, mais les distances ne sont pas si énormes avec les grandes forteresses qu'ils ont en Hongrie ou en Croatie par exemple

C'est fort possible. Encore qu'en 1529, ils ne doivent pas avoir grand chose au niveau des bases logistiques en Hongrie. Leur conquête y est très récente. En revanche, ils peuvent sans doute s'appuyer sur Belgrade, la grande forteresse ottomane des Balkans.

Il est vrai aussi que la décision d'attaquer Vienne a été prise assez tard par les Ottomans, et que le siège de Vienne a débuté fin septembre. Ca n'a pas arrangé les choses, et cela a aussi permis aux Impériaux de renforcer leurs défenses, notamment en rappelant des soldats expérimentés d'Italie.

Mais au global, c'est pas forcément énorme: les Janissaires à cette période ne pèsent pas plus qu'une petite dizaine de milliers d'hommes, et la cavalerie est au plus dans les mêmes eaux.

Pour Mohacs, les estimations sont variables. Dans l'Atlas des Guerres de la Renaissance (traduction d'un ouvrage britannique paru en 2001), l'auteur, Thomas F.Arnold, parle de 70 000 hommes, dont 35 000 spahis et 15 000 janissaires. Le Wikipedia anglophone évoque une fourchette comprise entre 55 000 et plus de 100 000 hommes. Idem pour le hongrois.

Lors du siège de Rhodes, en 1522, le même ouvrage parle de 100 000 hommes, dont 60 000 sapeurs et 10 000 jannissaires. Mais il s'agit ici d'une opération beaucoup plus proche du coeur du territoire ottoman, et de l'Anatolie.

Après, comme tu le soulignes, il y a beaucoup de monde autour, entre les administratifs et les irréguliers, difficilement quantifiables.

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Pour Mohacs, les estimations sont variables. Dans l'Atlas des Guerres de la Renaissance (traduction d'un ouvrage britannique paru en 2001), l'auteur, Thomas F.Arnold, parle de 70 000 hommes, dont 35 000 spahis et 15 000 janissaires. Le Wikipedia anglophone évoque une fourchette comprise entre 55 000 et plus de 100 000 hommes. Idem pour le hongrois.

Lors du siège de Rhodes, en 1522, le même ouvrage parle de 100 000 hommes, dont 60 000 sapeurs et 10 000 jannissaires. Mais il s'agit ici d'une opération beaucoup plus proche du coeur du territoire ottoman, et de l'Anatolie.

Très délicat, et j'ai été regardé le Wiki anglophone qui se contredit (entre ce qui est écrit dans l'encart à part du texte à droite, et ce qui est dit dans le fil du texte), mais je suis positif: à l'époque de Soliman, les Janissaires n'ont pas dépassé les 15 000h grand total. Dans les comptes d'armées de campagne, outre les aléas des chroniqueurs, avec leurs impératifs divers, leur lyrisme éventuel, leur inexpertise fréquente, leur éloignement de l'événement.... On trouve aussi des confusions; ici, il est fréquent que les autres troupes "impériales" (kapikulu) soient toutes englobées dans le même panier. Du coup, les troupes pro de soutien et appui (notamment les artilleurs et leur train) sont souvent assimilées aux janissaires dont elles avaient par ailleurs le statut.

Mais l'infanterie permanente, les janissaires proprement dits, à l'époque de Soliman, ce sont environs 150 à 160 Ortas (équivalent d'une compagnie) comptant entre 50 et 100h, et au moment du siège de Vienne, le corps est en cours de développement, et sans doute pas encore à ce chiffre. 10 000 semblent un compromis raisonnable. Faut pas oublier que l'empire ottoman est très peu militarisé pour une entité de cette taille, et encore plus quand on parle de troupes permanentes. Les irréguliers constituent une part énorme des moyens de contrôle du sultan qui ne dispose directement que de peu de troupes et repose sur les levées féodales pour ses campagnes (ses troupes permanentes servant aux campagnes contre les féodaux qui mouftent :lol:). 

Pour les sipahis, il faut faire attention: les sipahis sont une des "6 divisions" de la cavalerie impériale, soit le nom d'une unité. Mais le terme "siphahi" qualifie aussi la cavalerie de province, en fait la cavalerie féodale qui est composée des propriétaires terriens et de la noblesse provinciale, et forme la majorité des effectifs ottomans. Donc quand on dit "sipahi", il faut bien décomposer les 2, parce que les Siphahis de la cavalerie impériale, eux, ne pesaient pas si lourd; si les "6 divisions" devaient représenter peut-être 10 000h, cette élite ne pouvait donc qu'en représenter environs un 6ème, soit dans les 1600-1700h.

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Pour les sipahis, il faut faire attention: les sipahis sont une des "6 divisions" de la cavalerie impériale, soit le nom d'une unité. Mais le terme "siphahi" qualifie aussi la cavalerie de province, en fait la cavalerie féodale qui est composée des propriétaires terriens et de la noblesse provinciale, et forme la majorité des effectifs ottomans. Donc quand on dit "sipahi", il faut bien décomposer les 2, parce que les Siphahis de la cavalerie impériale, eux, ne pesaient pas si lourd; si les "6 divisions" devaient représenter peut-être 10 000h, cette élite ne pouvait donc qu'en représenter environs un 6ème, soit dans les 1600-1700h.

Je plussoie pour la simplification. J'imagine que beaucoup d'auteurs ont simplifié les choses, en désignant spahis ou sipahis toutes les forces de cavalerie légère ottomanes. Donc, on mélange les unités d'élite et les irréguliers, les sipahis, les bachi-bouzouks, les Albanais et tous les autres, et on obtient de gros effectifs.

Ca nous donnerait en très gros 20 000 réguliers (janissaires, sipahis, artilleurs...) pour tout l'empire ? Plus quelques milliers de marins ?

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Je dirais plutôt dans les 30 000, à la louche: autour de 16-17 000 pour les 2 corps de bataille infanterie-cavalerie (j'ai un chiffre d'environs 6000 cavaliers des "6 divisions" autour de 1520), auxquels on ajoute la cavalerie légère Akinçi, et surtout ce "corps de soutien et d'appui" qui, pour être capable d'encadrer, appuyer et soutenir une armée de campagne ottomane au complet, devait mine de rien peser son poids, même si évidemment il recrutait aussi pour une campagne de la main d'oeuvre en propre. Encadrer 30 à 40 000 mineurs, sapeurs, tringlots, servants d'armée.... Surtout dans une armée exigeante sur ce plan, ça se fait pas avec 2 pelés et 3 tondus, ou un ou deux experts ici et là. Rien que le corps d'artillerie devait représenter du monde, et il était particulièrement soigné par les Ottomans depuis au moins Bayezid Ier. Un exemple simple: malgré le nombre énorme d'irréguliers et de levées peu entraînées, les camps ottomans étaient réputés pour leur hygiène, leur organisation et leur ordre. C'est donc qu'il y avait des pros -et en grand nombre- pour s'en occuper.

Donc quelque chose de l'ordre des 30 000h tout confondu ne me semble pas excessif: ça représenterait autour de 10% de la totalité des forces ottomanes, réguliers, féodaux/levées et irréguliers compris (une bonne partie de ces chiffres inclue des non-combattants/semi-combattants, ainsi que des éléments absolument fixes, non appelés à faire campagne hors de leur zone). Ajoutes-y la marine dont je ne connais pas le système mais qui comportait une part de marins permanents et une infanterie de marine (les levents) dont une part devait aussi être permanente. Au global, l'empire ottoman est très peu militarisé, et une partie de ses "forces" ne sont pas réellement à sa disposition, dépendant plus du potentat local, ce qui, dans certaines provinces, surtout en Afrique du Nord, amènera vite des statuts de semi-indépendance de fait.

Il ne faut pas oublier en outre que tous les janissaires ne sont pas des combattants, même si la très grande majorité l'est: il y a des ortas administratives, des ortas de soutien et appui (musiciens -les plus vieux orchestres militaires du monde-, logisticiens....) en plus des ortas de combattants (qui malgré leur discipline et leur organisation, ne sont pas harmonisées dans leur format). Les Cebecis, en particulier, sont le bataillon d'armuriers, de gardes et de tringlots chargés du soutien direct aux janissaires (ils ont le statut de janissaires).

L'armée provinciale, pour résumer, ce sont les "Timariotes" (ou Sipahis timariotes, d'où la confusion) pour la cavalerie (la cavalerie "féodale" turque, celle des propriétaires terriens), les Azabs pour l'infanterie, la logistique et les travaux (genre de conscription/semi-mercenariat, qui fournit surtout de la main d'oeuvre, plus du tout des combattants de valeur après le XVème siècle) et les Sehrat Kulu pour les frontières (des semi-irréguliers). Ajoutes-y les unités propres à certaines régions avec un fort potentat, et tu as l'essentiel du tableau.

Les Timariotes forment la clé des effectifs de campagne: pendant une bonne période, ils ont constitué un système féodal efficace, maintenant un bon niveau de qualité et de discipline et permettant au sultan de disposer d'une cavalerie comptant au total dans les 50 000h (pas tous mobilisables en un endroit) bien structurés auxquels s'ajoutaient des effectifs complémentaires de qualité correcte, les cebelus (des fantassins je crois), et des valets d'armée/non-combattants (les gulams), amenés par les timariotes qui avaient les moyens de financer plus que leur seul équipement.

La longue période d'expansion continue et le développement d'une armée permanente professionnelle propre au sultan me semblent les 2 facteurs explicatifs du fait que ce système féodal n'ait pas prématurément dégénéré: le sultant pouvait châtier n'importe quelle province qui moufterait même dans son entier, et tant que l'empire était à l'attaque, les titulaires de fiefs avaient intérêt à bien s'entraîner individuellement et en unités, à développer leurs moyens (notamment en effectifs de cebelus) pour se faire valoir en campagne, éventuellement gagner de nouvelles terres (plus grandes que les anciennes), avancer leur carrière.... Et tant que l'empire croissait, y'en avait pour tout le monde.

De ce fait, je regarde le système féodal des timariotes, qui n'est qu'un système féodal reflétant une évolution sédentaire d'un peuple initialement nomade (à ce titre, on peut voir une certaine proximité avec d'autres peuples cavaliers comme les perses), et je peux conclure qu'il s'agit d'une féodalité qui a duré de façon stable plus longtemps qu'ailleurs, précisément parce que le souverain gardait des moyens propres et parce que l'expansion limitait les penchants naturels de la féodalité. L'organisation des timariotes est de ce fait restée très structurée et solide comme institution: les timariotes d'une même zone se regroupent en Alays (compagnies avec un Alay Bey à leur tête), les Alays d'une même région sont groupés en Sanjaks (régiments dirigés par un Sanjak Bey) et les Sanjaks d'une province sont commandés par un Beylerbey (chef des chefs, ou quelque chose comme ça, militairement des "chefs de division").

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J'ai un lien intéressant sur les janissaires, mais en roumain:

http://www.descopera.ro/cultura/2706895-copiii-lui-allah-ienicerii

Grosso modo, le nom vient du turc Yeni-Ceri, qui veux dire "armée nouvelle".

La provenance est la jeunesse balkanique ou caucasienne; sous Mourad I, d'abord sous forme de mercenaires et prisonniers de guerre - un cinquième des prisonniers de guerre devait être reversé au sultan par leur propriétaires, ou s'ils avait moins de cinq, payer 25 aspres (un cinquième des 125 aspres, le prix d'un esclave prisonnier). Cette taxe s'appelait "Pendjik" (un cinquième) et le corps d'armée crée le "Pendjik-oglani", qui fut la prémisse du corps des janissaires".

Ensuite on est passé au système "Devsirme" (transmutation). Il y avait un système de recrutement (mi-volontaire, mi-obligatoire) d'enfants chrétiens (bulgares, grecques, arméniens, serbes, albanais, géorgiens, bosniaques - ensuite des roumains, polonais et ukrainiens) avec des critères stricts.

Par l'intermédiaire des autochtones notables ou du clergé, des familles ayant minimum deux enfants devaient "donner" celui le plus robuste - pas acceptés: les orphelins, les pauvres, les circonscrits, les mariés, les chauves, les trop ambitieux et ceux qui parlaient déjà le turc.

Certains étaient gardés pour le sérail, la majorité envoyés en instruction (Adjemi Oglan - école des "bleus").

Ils avait leur propre uniforme, musique et marches militaires. Ils était payés directement par la sultan et constituaient une armée permanente. Ils étaient Kapikulu (esclave de la Porte).

L'auteur donne le chiffre de 100 à 200.000 effectifs permanents. 165 Orta (régiments) du temps de Soliman le Magnifique à 195 plus tard (donc une moyenne de 900 janissaires par Orta)

Par temps de paix, ils étaient consignés dans leur cantonnements, avec un rôle de policiers et pompiers.

Quand un d'eux mourrait, sa fortune était partagée parmi les camarades de régiment (La Main du Mort).

Après le service militaire, ils devenaient instituteurs ou administrateurs et avait une pension de l'état.

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L'auteur donne le chiffre de 100 à 200.000 effectifs permanents. 165 Orta (régiments) du temps de Soliman le Magnifique à 195 plus tard (donc une moyenne de 900 janissaires par Orta

Sauf que quand tu regardes d'un peu plus près, tu te rends compte que c'est impossible. Les Ortas étaient plutôt des compagnies, généralement entre 50 et 100h, et l'empire n'aurait jamais pu soutenir une armée permanente de 100 000 fantassins, ce qui aurait représenté plus du tiers de sa capacité maximale de mobilisation, tous types de troupes confondus. Les Kapikulus, et les Janissaires en particulier, étaient des pros permanents qui avaient une paie régulière, mais aussi un système de retraite, un équipement entièrement payé, un système de casernement moderne (ça coûte des pépètes), évidemment un financement de leurs frais d'activité (entretien, entraînement....), avec en plus le coût du système de formation qui concernait des tranches d'âges allant de l'enfance à l'âge d'incorporation, notamment afin de garantir la permanence des effectifs. Et ce en plus d'un système féodal à entretenir, d'une marine permanente, d'un entretien d'un système de routes et de forteresses/bases logistiques et des autres dépenses de l'Etat (notamment la bureaucratie), le tout pour un empire fonctionnant sur le mode féodal, qui suppose un coût lourd de corruption/retenue par les potentats locaux.

L'empire ottoman n'aurait pas eu le quart du dixième des moyens d'entretenir 100 000 janissaires dans le système tel qu'il fonctionnait au XVIème siècle (après, il y a dégénérescence du corps des janissaires, et une "expansion" de l'appellation qui finit par qualifier toutes les troupes régulières turques). C'est une élite restreinte. Ce serait comme dire que l'armée espagnole du XVIème siècle n'a que des "tercios" et que tous les tercios sont comme les "tercios viejos", alors que les tercios ne forment qu'une partie minoritaire de l'armée espagnole pendant longtemps, et que parmi eux, les tercios viejos (la vraie élite, ceux qui ont fait la réputation) qui sont les seuls en grande partie permanents, ne sont que 7 au maximum (mais représentent une part hallucinante du budget militaire).... Et ce malgré tout l'or et l'argent des Amériques.

Les Etats d'alors ne sont pas extrêmement monétarisés et surtout pas très développés: leurs capacités de financement sont très limitées et leur capacité à avoir de vastes troupes permanentes est réduite. L'empire ottoman au XVIème siècle a la particularité d'avoir une armée permanente, et surtout une "complète" incluant une capacité professionnelle d'organisation, de conduite, d'appui et de soutien d'armées en campagnes, ce qui fait sa force par rapport aux quelques pays occidentaux qui ont aussi des troupes permanentes. S'il avait eu 100 000 janissaires à un moment donné, l'occident aurait pas fait un pli.

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De ce fait, je regarde le système féodal des timariotes, qui n'est qu'un système féodal reflétant une évolution sédentaire d'un peuple initialement nomade (à ce titre, on peut voir une certaine proximité avec d'autres peuples cavaliers comme les perses), et je peux conclure qu'il s'agit d'une féodalité qui a duré de façon stable plus longtemps qu'ailleurs, précisément parce que le souverain gardait des moyens propres et parce que l'expansion limitait les penchants naturels de la féodalité.

Parler de "féodalité" par comparaison avec l'Europe est difficile: les tenanciers de terres en échange d'une obligation militaire ne sont pas une classe (comme la noblesse), leur statut est révocable à volonté, les paysans ne sont pas liés à eux, et surtout, la charge n'est pas héritable. :lol: Même chose pour les charge de gouverneur, jusque la dynastie albanaise en Egypte (à une époque où l'empire est décadent et perd rapidement le contrôle de ses provinces). Le terme "féodal" porte le risque de contre-sens assez importants.

L'avantage de ce système, avec les moyens en propre dont dispose le sultan, est de limiter les risques de dislocation de l'empire en interne, risques dus au principe de paiement de la prestation militaire par concession d'une rente terrienne. La conquête alimente ce système. Le gros inconvénient du système est que la révocabilité du statut amène à un sous investissement dans les terres et en technologie: si le pouvoir central peut retirer la concession, il n'y a aucun intérêt à investir pour le compte de son sucesseur. Cela explique le retard technologique pris par l'empire ottoman après le XVIIème siècle et l'échec des nombreuses réformes, alors que l'empire était une des puissances les plus avancées d'Europe au XVIème siècle.

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Parler de "féodalité" par comparaison avec l'Europe est difficile: les tenanciers de terres en échange d'une obligation militaire ne sont pas une classe (comme la noblesse), leur statut est révocable à volonté, les paysans ne sont pas liés à eux

La non hérédité de ces charges sont pourtant le principe de base de la féodalité européenne occidentale: c'est le système redéfini et rénové par Charlemagne (il existait sous une forme moins définie sous les Mérovingiens). Les paysans sont liés à une terre, selon différents statuts, et seuls les hommes libres (il y en a de divers types) et propriétaires peuvent "bouger". Le problème vient de la dégénérescence du système carolingien, dès Louis le Pieux, et de l'éclatement de l'empire, qui rend ce qui reste des Etats centraux qui en résulte incapable d'empêcher les tenanciers seigneuriaux de non seulement transmettre héréditairement leur tenure, qui devient propriété de fait, mais en plus de redéfinir les cartes administratives en regroupant des domaines (ou tentant de le faire) par unions matrimoniales (qui n'auraient pu avoir d'impact sur l'organisation territoriale sous Charlemagne), rachats ou conflits privés.

L'appartenance de toute un pan de la population à la terre (et non au seigneur) date même d'avant les mérovingiens, puisqu'il s'agit d'une évolution issue entre autre du colonat du bas empire romain. C'est un des points de différences, par exemple, entre le servage et l'esclavage.

Mais l'appropriation durable de terres par une aristocratie de droit ou de fait, s'arrogeant de plus en plus une capacité militaire (à mesure que celle du souverain baisse), a confondu ces notions dans la réalité.

La féodalité ottomane a mieux marché, entre autre parce que le "centre" (le sultan) a pu garder une marge de manoeuvre propre (ses troupes personnelles) lui permettant d'être nettement plus puissant que le plus puissant de ses vassaux, et parce que l'expansion continue a pu lui permettre de continuellement distribuer des terres à des obligés et clients de ce fait satisfaits. L'arrêt de l'expansion carolingienne et la mort de Charlemagne, ainsi que le problème de culture (notamment sur la notion d'inaliénabilité/indivisibilité du territoire impérial et les modes de succession) encore non résolu entre la noblesse franque (dont Charlemagne lui-même, qui n'a pu ou voulu réellement trancher) et l'Eglise, ont sérieusement compromis la stabilisation de l'édifice carolingien qui n'a ensuite connu que des troubles.

La conquête alimente ce système. Le gros inconvénient du système est que la révocabilité du statut amène à un sous investissement dans les terres et en technologie: si le pouvoir central peut retirer la concession, il n'y a aucun intérêt à investir pour le compte de son sucesseur.

Oui et non, parce que dans les faits, l'hérédité domine, et c'est toujours un peu plus vrai à mesure que tu t'éloignes géographiquement du centre. Mais c'est une hérédité qui reste de ce fait sous l'autorité du sultan qui a les moyens de la gérer. Il y a aussi à voir, dans un tel système, avec des phénomènes culturels: culture guerrière des tenanciers aux dépends d'une culture "managériale/patrimoniale", avec nombre de féodaux qui voient leurs possibilités d'avancement via l'expansion (qui, source de stabilité du système, le condamne aussi par ailleurs en limitant le développement) et consacrent donc leurs ressources au recrutement de troupes, à leur équipement (cher pour la grande majorité des féodaux qui sont avant tout de petits propriétaires/tenanciers). L'expansion alimente le système de stabilité politique en permettant au sultan de garder sa clientèle (en tout cas un nombre suffisant) satisfaite et sous contrôle, mais elle n'est pas favorable au système économique interne.

Autre élément culturel: le mode de contrôle des populations (surtout vis-à-vis des non musulmans), le traitement parfois brutal des populations, notamment par les troupes irrégulières de frontières et de l'intérieur (avec comme sinistre exemple, les Bachi Bouzouks, rattachés au statut d'Azab): avantage économico-militaire puisqu'il limite énormément les coûts et permet de disposer d'importants effectifs; il a l'inconvénient d'être mal contrôlable, de rendre le gouvernement impopulaire dans de nombreux endroits (avant tout en Europe, où d'importantes populations chrétiennes -déjà sous un statut inférieur- demeurent et sont de fait des provinces proches de la ligne de front, donc saturées de ces troupes), de constituer une source de mécontentement par cette conscription forcée, d'entretenir l'insécurité sur les routes, de représenter des déprédations un peu partout (pas forcément toujours nombreuses, mais marquantes = climat d'insécurité, moindre visibilité économique).

Là, la faiblesse des institutions centrales en terme de troupes et forces de sécurité permanentes et régulées fait peser son poids. Le système a les inconvénients de ses avantages. Mais tant que la conquête est continue et importante, il peut tenir. Quand elle s'arrête ou ralentit, les gros problèmes commencent. 

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