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Le blocage tactique au XIXème siècle


Tancrède
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Un sujet précis, une fois n'est pas coutume.

 

La lecture du dernier Guerre & Histoire m'a ramené sur un problème récurrent de conceptualisation/visualisation des combats au XIXème siècle militaire/géopolitique, cette péride de transition qui va du Congrès de Vienne (1814-1815) à 1914. Je fais référence, pour ceux qui l'ont lu, le lisent ou le liront, à l'article critique sur la réalité tactique de la guerre de Sécession, à savoir le constat que, sur le champ de bataille proprement dit, hors des innovations logistiques, stratégiques, organisationnelles, industrielles, techniques.... La conduite des troupes et des combats a pas vraiment été du grand art. Les raisons sont nombreuses: du très faible niveau quantitatif et qualitatif de l'encadrement à la formation sommaire, de la létalité accrue de certaines armes (surtout relativement à d'autres) à la difficulté en général du terrain (souvent très compartimenté), en passant par la taille importante des armées de masse (accrue de fait par le turnover rapide via une mortalité/indisponibilité grandissante), il y a beaucoup de facteurs pour expliquer que malgré toutes les représentations idéalisées de cette guerre par les ricains (surtout le sentimentalisme insistant à mort sur le courage.... Obérant les réalités techniques), sur un plan d'analyse militaire, ce soit moins folichon.

 

L'article pointe notamment le cas de l'infanterie: le sujet présent concerne aussi les autres armes, mais l'on connaît mieux l'inadaptation croissante de la cavalerie (sauf dans des rôles de plus en plus circonscrits: mobilité de fantassins montés, reconnaissance, poursuite) et la létalité exponentielle de l'artillerie. En revanche, et c'est là le point de ce sujet pour moi, l'infanterie au XIXème siècle, dans son utilisation tactique, me pose un énorme problème de représentation. L'article de G&H pointe la très faible capacité de l'infanterie des 2 camps dans la guerre de sécession: même si elle repose sur des règlements issus de la période napoléonienne (anachronique), elle est de toute façon incapable d'en adopter les évolutions (passages de ligne, plusieurs formations et les conversions entre elles, mouvements par rapport à d'autres unités....) vu les faiblesses de l'encadrement et de l'entraînement, mais aussi de la réflexion tactique face aux évolutions des armements.

 

Et voilà le truc: au XIXème, et on le constatera autant en 1870 que dans les premiers mois de la guerre de 14, les portées, les cadences et la létalité en général des armes augmentent, la taille des armées augmente, mais le "logiciel" de la période précédente (époque moderne et révolution/empire) reste la référence, et semble même le rester d'autant plus obstinément qu'un conservatisme obtus et idéologique s'empare souvent de la caste des officiers supérieurs, surtout au niveau tactique (les innovateurs importants étant soit des techniciens de l'armement, soit des chefs tactiques de bas échelon, soit des penseurs et opérationnels dans des fonctions "supérieures" telle la logistique et le travail d'EM). L'idéologie et l'imagerie des guerres napoléoniennes polluent les esprits partout (pas qu'en Europe), et c'est pas les bons morceaux et les vraies leçons qui sont gardées: Napoléon est déformé et Clausewitz mal compris, mais l'imagerie de la grande charge, elle, tient lieu de pensée.

 

Coincés dans ce paradigme d'un logiciel d'un autre temps, fait pour un autre champ de bataille, juxtaposé avec une ère d'énormes progrès constants de l'armement et de massification des armées (avec en plus un changement culturel et social des hommes et unités), les armées de cette époque ont un problème de fonctionnement sur le terrain, qui mène à des pertes effarantes, des mauvais usages de l'armement, des dispositifs ridicules et des rigidités sans nombre.
Et j'ai du mal à me représenter à quoi le combat ressemblait dans nombre de ces guerres: la guerre de Crimée, la guerre de 1870 ou la guerre prusso autrichienne.... Si encore le schéma napoléonien peut marcher et correspond encore aux batailles et matériels des années 1820 à 1840, c'est après que j'ai du mal.

 

Comment s'articulaient les unités? Comment "fonctionnait" pratiquement un dispositif d'armée au combat? La charge marchait elle encore? A quoi ressemblait le contact. Etait-ce encore des rangs d'oignons s'alignant les uns les autres en se relayant pour exécuter un tir continu? Pourquoi y'a t-il eu une telle résistance à la généralisation du tir couché que la réalité des armements induisait pourtant comme une nécessité des les années 1850? Comment marchait la "friction" entre unités d'une armée, et entre deux armées opposées?

 

Qu'en pensez-vous? Avez-vous du mal aussi à essayer de visualiser à quoi ressemblent deux dispositifs militaires organisés se foutant sur la gueule à cette époque?

 

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Qu'en pensez-vous? Avez-vous du mal aussi à essayer de visualiser à quoi ressemblent deux dispositifs militaires organisés se foutant sur la gueule à cette époque?

 

Le problème, c'est que comme tu l'as souligné, les armées de l'époque n'étaient pas adaptée à leur matériel. La bataille aboutit à un massacre ou à une boucherie, mais pas à une "simple" guerre.

On a deux armées qui s'affrontent comme à l'époque napoléonienne sauf qu'au lieu d'avoir une cadence d'un ou deux coups par minutes, il ne faut plus que quelques secondes pour recharger. Les batailles rangées se finissaient souvent par une charge, mais alors qu'il ne fallait attendre que deux ou trois slaves à l'époque napoléonienne, il faudrait maintenant compter sur plusieurs dizaines.

 

Il y a quelques années j'avais lu que la guerre de sécession US avait été la guerre la plus meurtrière parce que c'était aussi la guerre concentrant la plus forte puissance de feu au km². 

 

J'ai l'impression qu'on a assisté à des guerres un peu bizarre avec des troupes se déplaçant à l'ancienne mais avec une puissance de feu "moderne". Bon, il faut aussi reconnaitre qu'entre 1850 et 1914, il n'y a pas eu tant de véritables guerres. Il y a eu beaucoup de guerres coloniales qui ont permis aux "petites" armées européennes de conquérir des empires face à des armées obsolètes. Les vrai batailles entre deux armées modernes ont conclus par des massacres ou par des résultats plus ou moins surprenant (enfin non conformes au classement théorique des armées)

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je pense qu'on doit prendre en compte un facteur humain ,enfin du point des chefs et de celui de la troupe .

 

du point de vue des chefs ,l'amélioration des armements et là pour les aidés à arrivé plus vite à leur fin ,mais sans changé quoi que se soit du point de vue tactique .

 

on devait gardé le côté "héroïque" et image qu'on y gagnerait .

 

pour la guerre de sécession ,s'est sûrement sa que veulent aussi les les généraux et officier supérieur .

 

pour la troupe s'est assez nouveau au vu de la masse ,une troupe qui n'a pas connu l'époque napoléonienne ,donc pas de point de comparaison sur si la tactique est pas la bonne et que l'armement à évolué .

 

on parle souvent des batailles Napoléonienne mais on en retient que les capacités tactique ,sans oublié que s'était sanglant .

 

la guerre de sécession ou d'autres on retient surtout que le côté sanglant ...

 

mais les généraux comme je le dit s'en foutent un peu dans le sens ou comme je l'explique plus haut l'évolution des armements n'est là que pour abrégé la bataille ,pas à modifié le côté tactique ,ou l'on pourrait perdre le prestige de meneur de cette bataille .

 

on accepte les pertes comme si s'était rien du tout ,et pour la troupe s'est inévitable car elle est déjà prête dans la "tête" ,car on se bat comme sa depuis longtemps car dans l'imaginaire des gens on se représente la guerre comme sa ,2 armées face à face comme à l'époque napoléonienne ,sans prendre en compte l'évolution du matos  .

 

 

le fait aussi d'une médiatisation pas vraiment embedded pousse aussi à se que dans les populations reste dans cette vision ou et bien s'est la guerre comme dans le temps passé  ,mais plus coûteuse en vie humaine .

 

d'ailleurs ,on peu même se posé la question aussi dans se sens ,les soldats de métier ,Brits ou Français qui combattent dans les colonies sont peut-être les plus à même d'être conscient que face à des armées de type africaine ou asiatique sa ne sera pas la même limonade en face d'une armée occidentale .

 

et pourtant ,ses unités se plieront à la tactique classique face aux allemands en 1914 .

 

les Brits qui ont affronté les Boers ont peut-être eu la possibilité d'imaginé se que pourrait donné une guerre "moderne" ,tranchée et armement plus évolué .

mais sa n'a pas l'air d'avoir était le cas en terme d'adaptation en 1914 .

 

on a l'impression que l'on a fait que se décalé ,en témoignant sur l'évolution de l'armée Brits pro qui s'est agrandi pour atteindre le niveau de capacité à supporté les pertes comme l'avait les Français en 1916 dans cette guerre industrielle ,loin du schéma pragmatique d'adapté la tactique d'un conflit moderne évitant les pertes .

 

on le voit lors de la bataille de la Somme en 1916 .

 

on montre aux allemands qu'on peu faire face en terme de capacité à avoir de la casse .

 

en 1914 ,l'industrialisation va tellement plus vite en comparaison des capacités de renouvelé la troupe qu'on commence à réagir une fois qu'on aura stabilisé le front ,jusqu'à se qu'on se pose les questions au vu de la réaction des troupes en 1917 .

 

mon post est un peu brouillon ,mais je pense que s'est l'ouverture des esprits de ceux qui subissent en bas ,et des politiques en haut qui fait qu'on évolue en demandant des comptes aux généraux .

 

avant 1914 ,les politiques veulent du résultat ,et demande des comptes aux généraux en cas de défaite ,sans prendre en compte l'horreur des pertes car on reste sur le principe qu'une guerre sa ressemble à celle de Napoléon au niveau des batailles .

 

un exemple tout con ,les Brits ont fait évolué leur tenue ,passant du rouge aux kaki pendant la guerre des Boers ,en 1914 la tenue et le matos sont très moderne dans leur conception et côté pratique ,un soldat a tout dans son paquetage pour tenir (mun ,bouffe ,effet pratique ,pansement  etc ... ) et bien on l'envoie quand même monté à l'assaut ,chargé comme des mules en marchant en ligne sans courir ... face à des nids de mitrailleuse même pas détruit .

on croit encore que l'artillerie à tout détruit .

 

on évolue après 1917 dans la tactique et surtout car on revient sur une guerre de mouvement .

 

mais sur le fond ,s'est aussi la distance des généraux par rapport aux combats qui jouent aussi ,on le voit après l'ère Napoléonienne ,car l'ennemi on le tire de plus loin ,donc on se retrouve encore plus loin des unités au contacte .

 

enfin si vous voyez se que je veux expliqué .

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Le problème, c'est que comme tu l'as souligné, les armées de l'époque n'étaient pas adaptée à leur matériel. La bataille aboutit à un massacre ou à une boucherie, mais pas à une "simple" guerre.

On a deux armées qui s'affrontent comme à l'époque napoléonienne sauf qu'au lieu d'avoir une cadence d'un ou deux coups par minutes, il ne faut plus que quelques secondes pour recharger. Les batailles rangées se finissaient souvent par une charge, mais alors qu'il ne fallait attendre que deux ou trois slaves à l'époque napoléonienne, il faudrait maintenant compter sur plusieurs dizaines.

 

Il y a quelques années j'avais lu que la guerre de sécession US avait été la guerre la plus meurtrière parce que c'était aussi la guerre concentrant la plus forte puissance de feu au km².

 

J'ai l'impression qu'on a assisté à des guerres un peu bizarre avec des troupes se déplaçant à l'ancienne mais avec une puissance de feu "moderne". Bon, il faut aussi reconnaitre qu'entre 1850 et 1914, il n'y a pas eu tant de véritables guerres. Il y a eu beaucoup de guerres coloniales qui ont permis aux "petites" armées européennes de conquérir des empires face à des armées obsolètes. Les vrai batailles entre deux armées modernes ont conclus par des massacres ou par des résultats plus ou moins surprenant (enfin non conformes au classement théorique des armées)

 

 

 

La guerre franco-autrichienne me semble un excellent exemple de massacre idiot, un summum de logiciel napoléonien (au code mal rédigé et partiel) et de puissance de feu disproportionnée, même si on parle pas encore d'armes à répétition.

Et pour la guerre de sécession, la mortalité me semble aussi liée au fait de la faible qualification des troupes et de la faiblesse de l'encadrement: la plupart des batailles voient de longs "stand offs" de lignes d'infanterie étirées (pour maximiser la puissance de feu j'imagine) s'arrosant sans qu'une rupture puisse réellement avoir lieu. Le feu défensif est devenu trop dense, les possibilités de manoeuvre de ces troupes sont trop limitées (en tirailleurs, en petits paquets, en mouvements de flancs ou en charge) vu leur faiblesse qualitative (entraînement, coordination, encadrement, doctrine) et les distances se sont accrues via l'augmentation des portées (un débordement réclame plus de champ, par exemple, une charge est nécessairement plus longue sous un feu plus dense....).

Et cet accroissement des distances se conjuge avec la faiblesse de l'encadrement et un autre problème grave: il y a plus de distance, mais pas de nouveaux moyens de communication sur le champ de bataille! On est toujours à la voix et aux signaux visuels et sonores (musique), comme dans l'antiquité! Comment coordonner une manoeuvre rapide avec ça? Comment même coordonner plusieurs unités d'infanterie, ou garder le contrôle d'une unité d'infanterie? La situation tactique réclamerait qu'on l'éparpille, mais il deviendrait impossible d'en faire quelque chose pour la manoeuvre. Sauf peut-être, dans une certaine mesure, à avoir des cadres de contact, bas officiers et sous offs,  très autonomisés, donc très formés ET bénéficiant d'une doctrine de commandement et d'une doctrine tactique adaptées. La mentalité du XIXème siècle, autoritaire et paternaliste, méprisant le soldat de base et le sous off, s'y prête mal, et encore plus dans les armées de masse. Mais même une décentralisation du commandement ne résoudrait pas le problème de coordination de plusieurs bataillons, encore moins d'une armée de campagne.

De toute façon, vu le niveau de formation des troupes et cadres, et vu la "considération" pour le soldat et le sous off, ça pouvait rien donner.

Modifié par Tancrède
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Et j'ai du mal à me représenter à quoi le combat ressemblait dans nombre de ces guerres: la guerre de Crimée, la guerre de 1870 ou la guerre prusso autrichienne.... Si encore le schéma napoléonien peut marcher et correspond encore aux batailles et matériels des années 1820 à 1840, c'est après que j'ai du mal.

 

Comment s'articulaient les unités? Comment "fonctionnait" pratiquement un dispositif d'armée au combat? La charge marchait elle encore? A quoi ressemblait le contact. Etait-ce encore des rangs d'oignons s'alignant les uns les autres en se relayant pour exécuter un tir continu? Pourquoi y'a t-il eu une telle résistance à la généralisation du tir couché que la réalité des armements induisait pourtant comme une nécessité des les années 1850? Comment marchait la "friction" entre unités d'une armée, et entre deux armées opposées?

 

Qu'en pensez-vous? Avez-vous du mal aussi à essayer de visualiser à quoi ressemblent deux dispositifs militaires organisés se foutant sur la gueule à cette époque?

Je vais essayer de faire un topo rapide sur le XIX° siècle et, uniquement sur l'infanterie (la période étant déjà assez longue et ce sujet, vaste).

 

Des années 1815 à Sadowa (1866), le modèle tactique et stratégique ne change pas en Europe, sauf en Prusse (et, je crois, en Angleterre, on l'on garde et adapte le modèle linéaire de Frederic II).

 

En stratégie, on retrouve toujours les 3 principes de bases de Napoléon: rapidité, mouvement et concentration des forces.

 

En tactique c'est toujours plus ou moins le même schéma: des nuées de tirailleurs en avant (souvent sur 2 lignes espacées) et sur les flancs d’un bataillon pour "attendrir" l'ennemi. Le bataillon (4 à 500 hommes) peut se mettre en colonne pour charger, ou en lignes serrées pour défendre (qui tire à très courte distance). La charge à la baïonnette est ce qui est le plus privilégié

 

Vers 1807 / 1815, alors que chaque armées copient le modèle français, afin d'éviter l'impasse tactique, les français cherchent à "alourdir" ses colonnes en réduisant le nombre de tirailleurs (pour plus de puissance de chocs), elle regroupe un régiment ou une brigade (ce nouveau modèle sera abandonnée après 1815).

 

Inversement, les prussiens, tout en gardant les tirailleurs, divisent leurs bataillons en compagnies 200-250 hommes, en recherchant souplesse et agilité. Ce schéma est assez critiqué par les autres armées: manque de puissance d'attaque, de feu, Pb de commandement et de coordination, "éparpillement" de l’unité.

 

Techniquement, entre les années 1820 et début 50, les seuls changements majeurs provient de

l’adoption progressive des percuteurs à amorce (plus fiable que les silex), et des fusils à canon rayés qui double la portée usuelle des armes (on passe d'environ 80-100 m à 150-200 m) avec une meilleure précision. Mais la fabrication lente (semi-artisanale), et les stocks de guerre encore bien fournit, freinent leur généralisation. Ces fusils deviennent la norme vers la fin années 1840 / début années 50.

 

Ces armes, bien que plus létales, ne le sont pas assez pour remettre la tactique en question. C’est ce que l’on voit en Italie ou Crimée avec des victoires « laborieuses » et très meurtrières. Au niveau tactique, on commence de plus en plus à s’abriter sur le terrain (derrière : un mur, un talus, un pli de terrain, une maison, des arbres...).

 

Durant les années 1850, les armées intègrent, progressivement, les changements techniques de la fin des années 40. En Allemagne, on s'équipe du fusil à un coup Dreyse, avec chargement par la culasse d’une munition (balle ovoïde, cartouche papier avec poudre et amorce inclus) et percuteur à aiguille. La portée des tirs utiles va jusqu'à 600m max, la précision augmente encore, et surtout, la cadence de tir passe de 2-3 coups/min (chargement par la bouche) à 6-8 coups/min.

 

Parallèlement, dans le reste de l'Europe, on adopte la balle de type Minié: balle conique qui se charge par la bouche. Outre son coût réduit, elle permet des tirs usuels jusqu'à 700-800m (voir plus de 1000m si canon est bien usiné), avec une plus grande précision que le Dreyse, une plus grande puissance d’impact (il est dit que ces balles pouvaient traverser un homme de part en part et en atteindre un autre, derrière). Beaucoup pensent, que, malgré la faible cadence de tir, les fantassins (avec Minié) descendront ceux équipés de Dreyse bien avant qu’ils ne tirent.

 

Les armées d’Europe, à tort, ne tirent pas d'enseignement de la guerre de sécession, seuls les prussiens le font partiellement: l'utilisation de chemins de fer (concentration de forces, logistique) et la cavalerie (abandon des charges, au sabre ou à la lance). Armée de fusils à répétition ou à un coup, la cavalerie reste utile pour les raids, reconnaissances et coups de main. Ils notent qu’elle s'apparente de plus en plus à une infanterie montée.

 

Après la guerre austro-prussienne et Sadowa (1866), il est clair que la colonne de bataillon est beaucoup trop vulnérables aux tirs nourris et précis des Dreyse. Les Minié n’ont pas eu l’efficacité escomptée: avec le chargement par la culasse, les tireurs, avec les Dreyse, peuvent faire feu et recharger couchés ou avec un genou à terre, et sont donc moins vulnérable aux tirs ennemi.

 

Après cet épisode, toutes les armées abandonnèrent la charge en colonne de bataillon et commence à copier le modèle et l’équipement prussien.

 

En France, on attribue la victoire prussienne au Dreyse. On adopte donc, en urgence, le fusil Chassepot, qui garde le même principe mais est mieux conçu. Sa munition associe le principe de la douille en papier avec une balle conique (semblable au Minié). Il se révèle bien supérieur au Dreyse: cadence de tir est supérieur (10 coups/min), portée utile de plus de 1000m.

 

Côté organisation, on copie le fractionnement en compagnie, mais, on garde toute la structure de commandement: le commandant de bataillon continue de tout gérer seul et à la voix (ce qui va se révéler trop lent et difficile), alors que chez les prussiens, le capitaine de compagnie a un rôle prépondérant. Il dispose d’une véritable indépendance tactique; son commandant de bataillon se contentant de lui donner une direction de mouvement, une zone d’action ou de défense.

Alors que toutes les décisions stratégiques passent par Napoléon III, côté prussien, c’est l’Etat-major qui gère prèsque tout.

 

 Côté tactique, malgré que les fusillades deviennent prépondérantes, les français privilégient, encore, le principe des charges à la baïonnette (d'infanterie ou de cavalerie), alors que les prussiens privilégient plus le feu des armes (surtout des canons).

 

Après la guerre de 1870-71, toutes les armées se mettent à l’heure allemande. Les fusils passent à la cartouche métallique. Le canon avec chargement par la culasse avec obus creux percutant, si efficace en France, est généralisé. Les mitrailleuses (arrivées dans les années 1860), équipent petit à petit, la plupart des armées. Bien que encore encombrantes, en étant bien utilisées, elles se sont révélées très efficace.

 

On peut noter que les préceptes stratégique de napoléon restent toujours d'actualité (rapidité, mouvement, concentration), et le resteront jusqu'en 1914.

 

A partir des années 1880, les armées privilégient de plus en plus les lignes de tirailleurs échelonnées, formations moins vulnérables aux tirs ennemis.

 

Fin années 1880-90 les fusils à répétition arrivent en masse. Ils utilisent la poudre sans fumée, ce qui permet de tutoyer des portées maximales de 2000m (Certains fusils sont équipés de lunette pour les trieurs d’élites). 

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Merci pour la contribution.

En tactique c'est toujours plus ou moins le même schéma: des nuées de tirailleurs en avant (souvent sur 2 lignes espacées) et sur les flancs d’un bataillon pour "attendrir" l'ennemi. Le bataillon (4 à 500 hommes) peut se mettre en colonne pour charger, ou en lignes serrées pour défendre (qui tire à très courte distance). La charge à la baïonnette est ce qui est le plus privilégié

 

Vers 1807 / 1815, alors que chaque armées copient le modèle français, afin d'éviter l'impasse tactique, les français cherchent à "alourdir" ses colonnes en réduisant le nombre de tirailleurs (pour plus de puissance de chocs), elle regroupe un régiment ou une brigade (ce nouveau modèle sera abandonnée après 1815).

 

Inversement, les prussiens, tout en gardant les tirailleurs, divisent leurs bataillons en compagnies 200-250 hommes, en recherchant souplesse et agilité. Ce schéma est assez critiqué par les autres armées: manque de puissance d'attaque, de feu, Pb de commandement et de coordination, "éparpillement" de l’unité.

 

J'essaie de trouver des proportions fiables de tirailleurs et lignards dans les dispositifs les plus utilisés. Avant 1815, la Grande Armée a innové en allant jusqu'à 1/3 (plus souvent 1/4) de "légers" (entendre: les unités légères sans compter la compagnie de voltigeurs de chaque bataillon de ligne) par rapport à l'infanterie de ligne dans ses dispositifs de bataille, ce qui souligne par ailleurs le suremploi des légers, la proportion de ces bataillons par rapport à ceux de ligne étant plus basse que ça. Les "nuées" de tirailleurs devaient effectivement être très nombreuses, car à l'écran devant la ligne, plus souvent fourni par les voltigeurs des bataillons de ligne (mais aussi alimentés par les bataillons légers), il faut ajouter l'importance des flancs, tenue par les bataillons légers qui font les tirailleurs et l'essentiel de la manoeuvre latérale.

Cependant, il me semblait que les bataillons tendaient plus vers les 1000h en effectifs théoriques que vers les 500: déjà à Waterloo, les bataillons français sont présentés comme étant en grave sous effectifs parce qu'ils tournent autour de 400-500h en moyenne; le bataillon français, depuis 1803, est à 6 compagnies -dont 2 d'élite- essayant de tendre vers 140h, ce qui le différencie des autres armées, plus gros et plus subdivisés, les unités de ligne opérant encore avant tout leur subdivisions comme "sections de tir" d'un bataillon aligné (les Cies sont donc les "portions de front" d'un bataillon qui doivent être encadrées pour orchestrer le relai du tir, relayer les ordres et tenir le groupe contre la panique, soit une conception statique et disciplinaire de l'encadrement). Renforcer les compagnies (dont l'effectif type, avant cette période révolutionnaire -et encore pendant dans pas mal d'armées-, se situait entre 50 et 90h) et en réduire le nombre (un bataillon ainsi conçu comme "groupe de sections de tir", pensé pour la ligne, en alignait une dizaine, voire plus), c'est adopter un fonctionnement fait pour la manoeuvre avant tout, et reposant plus sur un encadrement immédiat chargé de nettement plus que jouer les serre files et les transmissions d'ordre du haut vers le bas.

Le XIXème siècle, moins stressé sur les effectifs que pendant la période napoléonienne qui sollicite à mort certaines armées, n'a pas changé, ce me semble, cette donne "idéale" du bataillon essayant de tendre vers les 1000h. Il les avait rarement, évidemment, mais la moyenne doit cependant plus tourner entre 800 et 900.

 

Plus généralement, ce qui me frappe au XIXème siècle est le rôle de la ligne et son maintien, autant par conservatisme culturel que par réalisme par rapport aux moyens de "command and control" effectifs sur le terrain: comment coordonner des compagnies quand il n'y a que la voix? Comment coordonner des bataillons? Comment même tenir un corps d'armée et essayer de le faire manoeuvrer? Le dispositif en ligne, donc avoir une armée sur un espace restreint, reste en fait la seule solution et constitue une contrainte croissante face à la létalité, en progrès rapide, des armes. Est-ce la vraie impasse de la période 1850-1914? Le seul remède, très imparfait, est-il dans un développement de l'instruction et de l'effectif des cadres (officiers ET sous offs) dont la proportion doit nécessairement croître, ce qui se voit le plus dans l'armée prussienne, puis allemande? Avec comme défaut corollaire, tant que n'existe aucun système de transmission comme la radio (ou un cadre très strict de définition d'aires de déploiement et d'objectifs), les défauts vus chez les Allemands en 1870, à savoir des chefs d'unités (du bataillon au corps d'armée) mal coordonnés, fonçant assez aveuglément vers l'avant quoiqu'il arrive et subissant des pertes effroyables (ce que Moltke condamne). En face, outre des problèmes culturels/idéologiques dans le corps des officiers et leur mode de commandement, comme leur doctrine, la "réponse" inconsciente à ce problème sans doute peu ou pas formulé à l'époque, est la tendance à la défensive pour garder un dispositif tactique cohérent, l'avantage de cette réponse étant observé dans la létalité des unités d'infanterie française (multipliée en plus par le Chassepot).

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Cependant, il me semblait que les bataillons tendaient plus vers les 1000h en effectifs théoriques que vers les 500: déjà à Waterloo, les bataillons français sont présentés comme étant en grave sous effectifs parce qu'ils tournent autour de 400-500h en moyenne;

En effet, vers la fin des guerres Napoléonniennes, il y a bien un accroissement des effectifs des bataillons en absorbant des voltigeur/tirailleurs.

 

Pour les prussiens, leurs bataillons sont divisés en 4 compagnies. Ce qui nous donne des bataillons à 800-1000 hommes, assez proche, numériquement de ceux des français (après effectifs théoriques ou pratiques, j'avoue ne pas trop savoir)

 

Comment coordonner des compagnies quand il n'y a que la voix? Comment coordonner des bataillons? Comment même tenir un corps d'armée et essayer de le faire manoeuvrer? Le dispositif en ligne, donc avoir une armée sur un espace restreint, reste en fait la seule solution et constitue une contrainte croissante face à la létalité, en progrès rapide, des armes. Est-ce la vraie impasse de la période 1850-1914?

Les problèmes de commandement apparaissent dès l'Empire: les tirailleurs sont, déjà, sur des lignes trop étirés pour être bien gérer à la voix: il est difficile les faires manoeuvrer ou stopper, le tir en salves n'est plus possible (reste deux ordres: "feu à volonté" ou "cesser le feu").

 

En 1870-71, comme à la fin de la guerre de secession, le télégraphe est abondament utilisé pour commander les armées, le reste se fait par estafettes/messagers, d'ou l'importance de l'Etat-Major. Il n'est, d'ailleurs, pratiquement plus possible de commander une armée comme le faisait Napoléon, le chef d'armée est devenu trop exposée et le champs de bataille est trop étendu.

 

 

La période de blocage tactique se fait déjà sentir durant la fin de la guerre de secession, et surtout durant celle de 1870-71. La puissance de feu moderne est telle qu'elle arrête presque toutes les attaques importantes. Les colonnes de compagnies deviennent secondaires, puisque dépendantes du résultat de la fusillade entre tirailleurs pour attaquer. Pire, on commence à y piocher des soldats pour combler les pertes chez les 1°. Bref, l'érosion des forces dédiés à l'attaque devient évidente.

 

Le blocage tactique devient préoccupant dans les années 1880, avec des fantassins armés en fusils à répetition, la défensive devient prédominante, les "colonnes" disparaissent et sont remplacés par les "réserves". Il ne reste plus que la nuée de tirailleurs (plus ou moins alignés), comme organisation tactique.

 

Les armées se posent, alors, toutes les mêmes questions: comment déloger l'ennemi à couvert (ou retranché) derrière son mur de feu ? Comment, avec des effectifs dispersés, obtenir une supériorité numérique locale?

 

En France, une solution (théorique) prendre forme: la nuée de tirailleurs est sensée avancer par bon rapides (50-100m) en alternance avec des fusillades (pour reprendre du souffle et "user" l'adversaire), jusqu'à devant la ligne défensive ennemie, le tout avec le renfort de petits groupes de soutient, puis des petits groupes de la reserve pour l'assaut final.

 

Même si l'idée est remanié ultérieurement, on verra toute l'efficacité de ce genre de tactique en 1914, devant les mitrailleuses et tranchées allemandes, et sera vite abandonnée. Dès lors, le blocage tactique deviendra réellement définitif.

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En effet, vers la fin des guerres Napoléonniennes, il y a bien un accroissement des effectifs des bataillons en absorbant des voltigeur/tirailleurs.

 

Pas vers la fin: cette différenciation des métiers au sein des bataillons de ligne survient dans la période d'entraînement du Camp de Boulogne, avec la série de règlements et refontes (y compris de l'armement) de 1803-1805 qui remoulent profondément l'armée française, profitant des nombreux retex des années révolutionnaires (il n'y a alors pas eu de refonte de l'armée depuis le grand amalgame de Carnot en 1794), de l'extrême qualité des troupes d'alors (taux de vétérans énormes, élan révolutionnaire, discipline, bons cadres) et de l'immense terrain de manoeuvre que fut le Camp de Boulogne (à la fréquence d'excercices et manoeuvres inégalée à l'époque -et de loin). La taille des compagnies change, renonçant définitivement au modèle de la "portion de front" d'un bataillon, pour devenir une unité à potentiel manoeuvrant (l'effectif s'accroît vers les 120), l'encadrement s'accroît, le nombre de compagnies par bataillon descend à 9 de 120h (le passage à 6 de 140h se fait en 1808), avec 7 de fusilliers, une de grenadiers et une de voltigeurs, système qui par ailleurs est calqué dans les bataillons légers où on trouve 7 compagnies de chasseurs, 1 de carabiniers (fantassins légers travaillant une capacité de choc, les rapprochant des grenadiers) et 1 de voltigeurs. Le passage à 6 compagnies par bataillon est du autant à l'énorme attrition des campagnes de Prusse et de Pologne qu'aux besoins croissants et aux retex soulignant la nécessité de renforcer les compagnies et d'accroître leur capacité de manoeuvre.

 

le reste se fait par estafettes/messagers, d'ou l'importance de l'Etat-Major.

 

Oui, l'extrême faiblesse de ce système s'accroît encore avec l'extension de la taille des dispositifs, la rapidité croissante des batailles et le niveau de mouvement. On ne compte plus, dans l'historiographie, les estafettes prises par l'ennemi (même sur des distances étonnamment courtes, sur le champ de bataille même), tuées/blessées, ou plus souvent, perdues/ralenties par la confusion et l'absence de visibilité. La coordination tactique devient quasi impossible et, dans les faits, les chefs de bataillons, ou au moins de brigades/divisions, sont assez isolés, en tout cas irrégulièrement informés/intégrés dans le dispositif qui ne fonctionne pas en flux constants, ou même fréquents.

 

La période de blocage tactique se fait déjà sentir durant la fin de la guerre de secession, et surtout durant celle de 1870-71. La puissance de feu moderne est telle qu'elle arrête presque toutes les attaques importantes. Les colonnes de compagnies deviennent secondaires, puisque dépendantes du résultat de la fusillade entre tirailleurs pour attaquer. Pire, on commence à y piocher des soldats pour combler les pertes chez les 1°. Bref, l'érosion des forces dédiés à l'attaque devient évidente.

 

L'apparition de la mitrailleuse, même en nombre anecdotique, a fait dire à Moltke que l'attaque était morte, la défensive étant désormais trop supérieure vu les champs de tir couverts, la létalité des munitions et les cadences. Au final, cette impasse dans le combat de l'infanterie, sans cesse croissante, ne sera (partiellement) résolue que dans le dernier tiers de la 1ère guerre mondiale.

 

 

 

En fait, mon point initial concernait plus l'aspect des combats, et plus précisément de l'infanterie, désormais omniprésente, dans les guerres du milieu du XIXème siècle: le combat "napoléonien" (aucun problème pour visualiser celui-là) dure jusqu'aux années 1840, grosso modo, mais les combats des guerres de Crimée et d'Italie, j'ai du mal à les visualiser, de même que ceux de la guerre de Sécession, cas plus compréhensible vu le bordel que c'était, avant tout du à des considérations purement américaines ("amateurisme" à grande échelle avec des effectifs importants et des armes terriblement meurtrières). Comment, selon ceux qui peuvent connaître, se déroulait la "friction"? Comment une bataille s'engageait? Quelle répartion des rôles de fait pour les légers et les lignards vu les changements imposés par les nouveautés techniques et les impasses constatées? Y'en avait-il encore une si nette que ça? Les lignards opéraient-ils encore réellement en ligne, pour le tir, pour la tenue d'une ligne de bataille, pour la charge (ce qui souligne le retour en arrière après 1870, avec le moment de "l'attaque à outrance" qui correspond à un resserrement idéologique et un amoindrissement de la réflexion)? Y avait-il encore un corps à corps (généralement suite à une charge) hors des sièges et assauts de positions fortifiées?

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 Comment, selon ceux qui peuvent connaître, se déroulait la "friction"? Comment une bataille s'engageait? Quelle répartion des rôles de fait pour les légers et les lignards vu les changements imposés par les nouveautés techniques et les impasses constatées? Y'en avait-il encore une si nette que ça? Les lignards opéraient-ils encore réellement en ligne, pour le tir, pour la tenue d'une ligne de bataille, pour la charge (ce qui souligne le retour en arrière après 1870, avec le moment de "l'attaque à outrance" qui correspond à un resserrement idéologique et un amoindrissement de la réflexion)? Y avait-il encore un corps à corps (généralement suite à une charge) hors des sièges et assauts de positions fortifiées?

Les batailles en Italie ou Crimée ne sont pas différentes de celles de l'époque de Napoléon, idem pour celles du début de la guerre de secession.

Je pense que notre illustre Empereur aurait pu, sans problème, reprendre un commandement sans être, du tout, dépaysé ou "has been" !

 

Si tu as un peu de patience, voici le récit de H. Dunant qui décrit la bataille de Soférino (1859)

 

http://fr.wikisource.org/wiki/Un_souvenir_de_Solf%C3%A9rino

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Intéressant, je ne sais pas s'il y a de la réserve à apporter sur ce témoignage, mais on peut noter plusieurs choses:

 

- il évoque un front de 5 lieues, ce qui semble exagéré malgré les effectifs évoqués et la profondeur apparente des lignes: la lieue française est alors d'environs 4km (elle a changé suivant les époques), et la lieue suisse d'environs 5km. Entre 20 et 25km pour 300 000h, ça semble beaucoup, et ça ne recoupe pas les cartes que j'ai pu voir, à moins qu'il parle de l'ordre de marche arrivant sur les lieux, ou qu'il prenne en compte la totalité des dispositifs, le combat lui-même n'ayant lieu que sur une petite portion de cette distance

 

- le terrain, très sectionné par le relief et les aménagements agricoles et les constructions, accroît l'espace temps de la bataille, donc réduit les possibilités de communication/coordination déjà quasiment nulles au-delà de l'échelon des unités élémentaires, ou au maximum, des unités de manoeuvre de base (brigade, division). C'est une bataille de colonels et de capitaines. Et évidemment, le mouvement de ces unités en est aussi gravement handicapé -ce qui est commun à toutes les batailles de l'histoire-, mais face à une densité et une létalité du feu qui, si elle n'est pas encore la pire du siècle, est sans précédent. Le rapport entre le handicap imposé par le terrain et la létalité du feu est, lui, une nouveauté par le niveau qu'il atteint: le moindre ralentissement, le moindre goulot d'étranglement (une haie, une barrière....) coûte plus cher qu'avant. D'où une létalité qui a du choquer à l'époque: la Crimée, pourtant pas loin, n'avait pas produit cela, même si elle n'a pas non plus vu déployer de telles forces concentrées en une fois.

 

- 18h de bataille en tout (9h à un endroit, 15h à l'autre.... C'est contrasté suivant l'endroit): impasse tactique et immensité des effectifs doivent expliquer l'essentiel d'une telle durée

 

- il n'y a pas vraiment apparence de tactique, passé le déploiement: ça semble souligner l'impossibilité pratique de coordonner une action quelconque avec un pareil dispositif. On se rappelle déjà les difficultés même de Napoléon dès que les armées commençaient à avoisiner les 80 à 100 000h. Le terme "bataille" est déjà plutôt une expression englobante pour plutôt parler de plusieurs combats relativement proches, et dans les faits quasiment indépendants, ou en tout cas qui n'influent réellement les uns sur les autres que si l'un d'eux voit une rupture non seulement nette, mais permettant de convoyer des réserves fraîches en quantité dans la brêche occasionnée. Dans le cas de Solferino, ça n'a pas vraiment été le cas

 

- les dispositifs de cette taille ne sont vraiment que des alignements quasiment sans fin, avec une importante profondeur permettant de combler les brêches; une affaire réellement statique qui se traduit de fait par un acharnement à faire du bodycount, par impossibilité de faire autre chose, jusqu'à ce que l'un des deux décide qu'il en a assez. Le mouvement ne survient qu'à l'échelon de l'unité élémentaire, voire plus bas, pour des assauts sur positions, des points de contact entre unités qui avancent....

 

- on constate aussi, comme tu le soulignes, que les cadences de feu, l'accroissement des portées, de la létalité et de la précision, sont encore insuffisants pour réellement bloquer les unités de ligne, qu'il s'agisse du feu des lignards ou de celui des légers disséminés partout: les champs de tir sont encore "traversables" par des avances et des charges, pour peu que les unités soient suffisamment solides et encadrées (sans doute aussi parce qu'au milieu de ce gigantisme, elles n'ont nulle par ailleurs où aller), sans être décimés bien avant le contact. Sans doute aussi l'effectif disponible et concentré en un endroit (130 000h côté français, un peu moins en face) permet-il ce genre d'occurrence. Mais à l'arrivée, le corps à corps est encore une réalité pour les unités de ligne, pas juste pour des "unités de pointe".

 

Bref, la puissance d'arrêt du feu, artillerie comprise, est encore insuffisante, même si elle coûte désormais très cher. Absurdement cher: y'a t-il même possibilité de victoire tactique réellement décisive entre des armées de niveau relativement comparable? On voit ici le changement qu'a du représenter 1870 côté armement, avec le Chassepot d'un côté, et l'artillerie Krupp de l'autre (sans parler des effectifs, de l'esprit suicidairement offensif des généraux de corps allemands, et de la maestria de Moltke à concentrer ses forces à l'échelon opératique), même si là aussi, les proportions de pertes semblent un coût démesuré qui n'a du pouvoir être accepté que par le côté net de la victoire; on rappellera que les Allemands commençaient à hésiter et douter dès la fin 1870 et qu'une autre stratégie française aurait pu obtenir un résultat moins éclatant pour Bismarck, une paix plus blanche (ou moins noire) en travaillant cet aspect des choses.

 

C'est une bataille "napoléonienne", mais une comme Borodino ou Leipzig: la grande boucherie avec des armées plus que bien trop grandes pour être réellement "maniées". Et c'est la version 2.0 vu les progrès quand même réels de la létalité du feu, des fusils comme des canons. Cadences nettement supérieures (même si pas dramatiquement), létalité des munitions, fiabilité (on oublie qu'à la période précédente, la puissance de pénétration des balles est faible, occasionnant beaucoup de "touche sans trop de mal", et que les fusils font souvent long feu) et portées sont nettement plus méchantes. L'obus explosif est plus répandu, la mitraille plus abondante. Bref, même si les dispositifs n'étaient pas si énormes, la fluidité serait au mieux identique à celle de la période napoléonienne (cad faible au-delà d'armées de 50-70 000h) du fait d'un "C3I" quasi inerte; mais cela se produit alors qu'en revanche, la létalité du feu, et l'espace sur lequel il est létal (portées, cadences et fiabilité), sont très nettement accrus. Si on y ajoute un certain manque d'imagination de chefs englués dans des méconceptions caricaturales sur la "bataille napoléonienne", méprisant l'intellect et assez étroits d'esprits en général (le "facteur culturel"), on a l'explication du niveau de pertes et de la relative impasse tactique.

 

Je m'étonne franchement que le corps à corps soit encore si généralisé: j'aurais pensé que la densité du feu entre deux lignes serait déjà suffisante pour l'empêcher en terrain ouvert. Je ne sais pas à quel point le récit de Dunant est fidèle ou exagéré, mais l'extrême agressivité semble aussi un produit de cette situation et de cette létalité: les fantassins ont du couvrir plus de terrain en zone dangereuse (portée accrue), et dans une zone dangereuse plus dangereuse qu'avant (densité du feu accrue). Ca doit énerver. Et le mouvement impulsé par la ligne dans des dispositifs aussi massifs doit empêcher de faire des prisonniers, mais aussi de retraiter facilement, ce qui là encore doit pousser les esprits aux extrêmes.

On a en fait moins l'impression d'unités qui se reforment sans cesse après avoir encaissé (quoique ça doive arriver jusqu'à une certaine proportion de perte et un certain niveau d'épuisement individuel) que d'unités décimées remplacées par d'autres plus fraîches, dans un concert mutuel d'écrasement par le feu, où aucune rupture réelle ne peut arriver avant qu'un des camps épuise ses réserves. Les distances à couvrir pour ça, imposées par les portées, la densité du feu et la taille des armées, commencent à dépasser les possibilités d'un fantassin à pied (percer ou flanquer, pour prendre en enfilade ou par derrière), et encore plus d'unités constituées devant rester ensemble: pour qu'une telle manoeuvre marche sans que le contourné ait le temps de réagir, il faudrait une furtivité impossible à créer. Mais la puissance de feu de l'artillerie (ou des unités de ligne), à moins d'un grand déséquilibre entre les 2 belligérants, n'est pas encore capable de créer cette rupture déjà hors de portée du fantassin.

Modifié par Tancrède
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Voici un autre récit, cette fois sur la bataille de Sadowa (1866). Ecrit par Paul de Katow (écrivain et correspondant de guerre du Monde Illustré, suivant l'armée prussienne).

 

http://aufildesmotsetdelhistoire.unblog.fr/2013/07/07/le-3-juillet-1866-%E2%80%93-la-bataille-de-sadowa/

 

 

Cette bataille, est souvent citée comme étant un des moments clé du basculement tactique du XIX°s, symbolisant la fin du modèle de guerre type napoléonien.

 

Elle démontre que la puissance de feu l'artillerie, mais aussi des fusils à tirs rapides Dresye, l'emportent, maintenant, sur les charges à la baïonnette et les fusils à chargement par la bouche, même récent (type Minié).

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