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L'armée romaine tardive et l'armée byzantine


Tancrède
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Les Limitanei ou Riparienses: l'armée des frontières

Cadre d'emploi: le limès

On les appelle Limitanei quand ils sont sur une frontière "normale", et Riparienses quand le frontière suit un fleuve: bref, les Riparienses sont les soldats sur le Limès rhénan et le Limès danubien. A partir du début du Vème siècle, on les appelle Castellani ou Burgari (littéralement "châtelains), ce qui traduit une moindre mobilité et un recentrage sur la garnison, du moins en occident (l'orient garde l'ancien concept en raison de sa topographie).

Le Limès, qui est leur outil de travail, est très varié: j'engage à regarder sa version la plus fortifiée qui est le Mur d'Hadrien, mur hallucinant ponctué de nombreuses tours, mais aussi de petits forts et de grands camps, auxquels s'ajoutent des poste avancés. Sur le Rhin, la construction dans la profondeur est tellement forte qu'elle se voit encore aujourd'hui: la ligne de partage entre Wallons et Flamands suit quasiment au mètre près son tracé, et la toponymie comme la géographie des villes, villages et lieux-dits en découle directement.

Le Limès, c'est généralement une série de fortins (les burgi) et de camps (castella) à portée de vue les uns des autres, des horizons dégagés pour le repérage, des obstacles disséminés, beaucoup de routes pour les mouvements rapides et les communications, avec des stations routières fortifiées pour les relais de postes et de chevaux.

Et Constantin établit la défense en profondeur sur une épaisseur allant jusqu'à 200km quand le théâtre l'y autorise: 200km "d'épaisseur" de forts et villes fortifiées qui sont les points d'appui de diocèse et de provinces, voire de préfectures. Leur rôle est de contrer les petits raids et de repérer et "filtrer" les ennemis en plus grands nombres.

On notera que cette stratégie implique le sacrifice pratique des 100 à 150 bornes derrière la frontière, en cas d'invasion importante: les paysans les désertent, et seules les agglomérations fortifiées subsistent. On peuple ces régions avec des colons barbares acceptés dans l'empire, avec charge pour eux de participer à la défense.

Sur le Danube, on voit aussi des constructions spectaculaires comme les "Portes de Fer" en Serbie: la densité de forts est énorme, l'embouchure de plusieurs affluents du Danube est fortifiée de grands murs (2km!), ce qui bouche les axes naturels d'invasion par les vallées. Des forts avancés sont disposés sur la rive gauche du Danube, et on voit même des écluses fortifiées et de véritables murs mobiles flottants (blindés en métal!) sur le Danube.

A l'inverse, en Afrique, c'est le filtrage qui prédomine: peu d'hommes peuvent contrôler de vastes espaces. Les itinéraires sont peu nombreux et connus, contraints par le manque d'eau.

Il faut aussi mentionner que cette défense concerne aussi les côtes: les ports sont fortifiés, et un dispositif en profondeur plus réduit existe, avec des grandes villes fortifiées comme point d'appui (voir les muraille partiellement romaines du Mans ou de Nantes). Ces dispositifs sont là pour contrer les raids maritimes de peuples comme les Saxons, les Bataves ou les Francs. Leur densité est surtout élevée en Manche et sur la côte bretonne, mais aussi en Mer Noire et en Méditerranée orientale.

Opérations

Leur mode d'opérations est la "défense en avant", même si le concept global est à la défense en profondeur, et les fortifications sont faites pour inciter à garder l'esprit offensif des opérations coups de poing limitées (ou des grandes offensives des comitatenses à l'occasion): ponts fortifiés et navires armés sur les fleuves gardent cet esprit, de même que l'absence d'un mur continu. Les Limitanei ne sont nullement de simples gardes-frontières, mais bien des militaires constamment sollicités.

La création des pseudocomitatenses révèle que leurs qualités militaires sont bien réelles, même si, à partir du Vème siècle, en occident, le recrutement ne leur envoie plus que des recrues de second choix, et que leur statut est rabaissé (avec leur paie): cela correspond à l'affaissement de l'empire d'occident, surtout après la crise de l'an 410. Ils sont alors composés de paysans réquisitionnés (souvent des lètes et fédérés installés localement et n'appartenant pas aux élites guerrières des peuples fédérés).

Hors de ce point particulier à l'occident après 410, il s'agit de troupes très efficaces, qui héritent des noms de légions du Haut Empire. La discipline en est élevée, de même que l'entraînement.

Unités

Ils sont organisés en:

- petites Légions d'infanterie d'environs 1200h

- cohortes de 5 à 600h, héritières des cohortes d'auxiliaires du Haut Empire

- ailes miliaires (1000h) de cavalerie. Il y a environs 13 ailes miliaires pour l'empire d'orient à la fin du IVème siècle, plus 4 ailes miliaires de dromadaires, mais elles sont réparties.

- ailes quingénaires (500h) de cavalerie: ce sont les subdivisions opérationnelles des précédentes. leur unité de base est le cunei (coin).

- flottilles fluviales sur le Rhin et le Danube, qui agissent de concert avec la Marine. 600 navires patrouilleurs (portant de 8 à 30h) parcourent le seul Rhin! Le Danube en aurait 700

Chaque légion, cohorte ou aile a des unités spécialisées très entraînées: exploratores (renseignement stratégique), speculatores (reconnaissance opérationnelle), cartographes, procursatores (reconnaissance de combat ou avant-garde, présente aussi chez les comitatenses)

Avec eux, en arrière, opèrent des unités de lètes et de Sarmates (en fait, l'appellation est devenue générique pour dire cavalier) pour la sécurité et la police des arrières du dispositif. Il y a aussi des milices urbaines dans les villes fortifiées, pour l'autodéfense.

Les Comitatenses

Mobilité stratégique

Juste histoire de causer en termes concrets et non dans le vide.

- cavalerie: 80km par jour en unités constituées

- infanterie: 40km par jour (50 à 60 à marche forcée ou "pas allongé") en unités constituées. C'est elle la référence, pas la cavalerie

- convois de chariots: 60 km par jour

- tour de l'empire en termes militaires (tour de la Méditerranée en partant de Gibraltar pour aller à Tanger): 347 jours

- Gibraltar-Adriatique: 75 jours

- Milan (grande base des Palatins d'occident)-Strasbourg: 40 jours

- Constantinople-frontière danubienne immédiate: 22 jours

Organisation

L'empereur est le chef suprême: à partir de Dioclétien, les empereurs sont, beaucoup plus qu'avant, des militaires. L'empereur commande les Limitanei via les préfectures: ce sont des institutions liées aux 4 grandes régions et à leurs subdivisions, donc une chaîne de commandement géographique, ce qui permet l'adaptation au terrain.

Le comitatus, lui, est purement hiérarchique, ce qui était le but de sa fondation: l'empereur commande directement au Magister Peditum (maître de l'infanterie) et au Magister Equitum (maître de la cavalerie) qui ne répondent qu'à lui et lui seul, et sont secondés par plusieurs Comes Rei Militaris (à différencier des Comes simples qui sont les commandants de théâtre). En-dessous d'eux se trouvent de nombreux grades militaires, dont les tribuns restent l'épine dorsale.

Les "corps" du comitatus:

- scholae palatina: la cavalerie de la garde impériale. Le top de l'élite.

- les légions palatines: l'infanterie lourde de la Garde Impériale.

- auxilia palatinae (auxiliaires palatins): l'infanterie d'accompagnement des légions palatines

- les legio comitatenses: infanterie lourde de l'armée mobile

- auxilia comitatenses: infanterie d'accomagnement de l'armée mobile

- vexillatio comitatenses: cavalerie d'accompagnement de l'armée mobile

- l'infanterie légère

- les unités de traits

On y ajoute les légions, auxilia et vexillations des pseudocomitatenses.

Les unités

la cavalerie est de 5 grands types dans le comitatus:

- scutaires (cavaliers avec lance, épée et boucliers, cuirassement quasi intégral): cavalerie lourde

- cavaliers archers (arc à double courbure, épée): cavalerie légère

- clibanaires ou cataphractaires (lance lourde et épée, cuirassement intégral du cavalier et du cheval): cavalerie ultra lourde, de rupture

- Eclaireurs (portant généralement lance et épée): cavalerie légère

- quelques unités de cavalerie indigènes (de spécialités plus particulières, généralement légers): les Sarrasins (javelots et sabres) sont les plus célébrés, mais aussi les Huns (arc et épée) et les Maures (épée) et les Alains (lanciers)

Infanterie:

- légions: infanterie lourde avec lance d'arrêt, cotte de maille (ou armure d'écailles) bouclier et épée lourde. Ils ont souvent 2 javelots en plus, à lancer au début

- auxilia: fantassins d'assaut (même armement que les légions, mais une armure moins lourde). Ils peuvent aussi avoir des javelots

- vélites, exculcatores et procursatores: fantassins légers (javelots, javelots lourds, épée et coutelas) employés pour la reconnaissance et la poursuite, mais aussi pour le harcèlement pendant la bataille (notamment au début d'un engagement, ils sont au premier rang pour lancer plusieurs javelots chacun). Ils sont souvent chargés de la protection de l'empereur pendant la bataille, ce qui souligne qu'il ne s'agit pas d'auxiliaires de second rang

- archers, arbalétriers et frondeurs

Ces unités fonctionnent en binôme: une auxilia est toujours jumelée avec une légion. A noter que les légions et auxilia portent tous environs 5 dards plombés (plumbata: ce sont de mini javelots très efficaces) accrochés à leurs boucliers (arme de jet de plus de 30m de portée efficace), ainsi que, parfois, des clous (pour piéger le terrain contre la cavalerie). Les plumbata sont un perfectionnement du principe du fantassin romain qui lançait son pilum avant de combattre au glaive (la lance d'arrêt devait être distribuée si la situation l'exigeait, ce qui alourdissait la log et ralentissait la manoeuvre): chaque soldat a désormais 5 armes de jet, mais aussi une lance directement à sa disposition en plus de son épée.

Les boucliers sont aussi des armes, avec un umbo (demi-sphère de métal dur au centre) et des bords tranchants.

Les effectifs

Cavalerie:

- scholes: nom des grandes unités de cavalerie (500 à 1000h) de la garde impériale (les palatines) et des unités d'élite du comitatus

- vexillation: unité de format variable (200 à 500h) mais dont le point principal est d'être un corps autonome

- aile: la plupart sont des ailes quingénaires (500h), mais quelques miliaires subsistent localement. Elles sont subordonnées à une armée mobile

- cohorte: détachement de 60 à 120h

- coin: unité tactique de base, nommé en fonction de la capacité à former un triangle d'attaque (une petite quarantaine d'hommes)

C'est assez confus et les termes sont souvent employés avec libéralité, mélangeant les anciennes appellations (cohortes montées, ailes et turmes) aux nouveaux (scholes, vexillations et coins). De même, il y a peu de normalisation dans ces unités pour lesquelles le prélèvement d'effectifs pour constituer des corps à la carte est la règle.

Infanterie

- les Légions palatines de fantassins lourds: elles sont un cas particulier en ce qu'elles gardent un format proche des anciennes légions, avec un effectif tournant autour de 4500h. Elles sont peu nombreuses et il s'agit d'unités spécialisées et non plus d'armées complètes comme les Légions d'avant.

- les légions normales de fantassins lourds: gros bataillons de 800 à 1200h environs

- les auxilia de fantassins d'assaut: grosses cohortes ou bataillons de 500 (quingénaires) à 1000h (miliaires)

- les fantassins légers: grosses cohortes ou bataillons de 500 (quingénaires) à 1000h (miliaires)

- archer, arbalétriers et frondeurs: légions miliaires ou quingénaires

L'unité de base de l'infanterie est l'escouade de 11h (avec 2 contubernium de 5 et 6h) qui a récupéré le nom de manipules. Les cohortes ne comptent plus que 70 à 120h et représentent le premier échelon tactique: elles ont leurs propres enseignes, des dragons avec un cylindre de toile comme queue. Les Légions ont leurs propres aigles, et les auxilia des enseignes plus variées. De fait, les auxiliats et les Légions sont des unités assez similaires en équipement et formations: c'est l'usage qui voit plus fréquemment les auxiliats alléger leur armure et combattre plus fréquemment à l'épée, et les Légions garder leur lance d'arrêt et leur cotte de maille, mais l'entraînement est commun.

Les grandes unités

Elles sont rassemblées à la carte, selon les possibilités et les besoins du moment. Tout au plus peut-on noter le couplement en binômes permanents d'unités d'infanterie (1 Légion avec son auxiliat attitré, mais aussi des binômes d'auxiliats et des binômes de Légions), qui forment de petites brigades à partir desquelles on forme des corps expéditionnaires ou de plus larges unités.

Pour contrer les critiques de certains contemporains et historiens regrettant les légions de 6000h, il faut noter que ces unités, surtout d'infanterie, et cette propension à faire des grandes unités modulaires, correspondent à un usage de fait issu de l'armée du Haut Empire: la Légion de 6000h, on l'a vu, était rarement emlployée en tant que corps constitué, et les auxiliaires avaient le gros du boulot. Mais de fait, des détachements de Légions étaient créés et couplés à des unités d'auxiliaires spécialisés (cavaliers, fantassins légers, fantassins d'assaut, archers....) pour former des unités de campagne complètes, réduites et mobiles employées sous le nom détourné de cohortes mobiles, puis sous le nom de Légions. Ces détachements de 2000h (dont 1000 à 1200 fantassins légionnaires et auxiliaires) environs tendaient à devenir permanents, et le détachement de fantassin qui les composait a eu tendance à devenir la nouvelle Légion. Le format de 800 à 1200h n'est donc pas un hasard.

On pourrait rapprocher cette évolution de nos brigades interarmes jamais employées et du rôle de plus en plus permanent des GTIA qui tendent à devenir la norme opérationnelle. Les USA, avec leurs Brigade Combat Teams qui représentent, selon le type, entre 2 et 3 bataillons renforcés interarmes, en seraient du coup, dans ce schéma d'analyse, à un stade d'évolution opérationnelle et organisationnelle plus avancé.

Prochain chapitre (et dernier avant les engueul discussions): l'équipement et l'industrie d'armement. Les tactiques et les qualités combattantes, ça se diluera dans la parlotte.

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Bon, le sujet a pas l'air de faire florès  :'(.

Avant le matos et l'industrie d'armement, je vais évoquer brièvement les adversaires.

L'adversaire étatique

Le seul adversaire étatique significatif de l'époque est l'Empire perse sassanide; et encore n'a t-il pas vraiment de forces "de projection" lointaines. Avec lui, il s'agit d'une pure guerre aux frontières entre grandes armées classiques, avec des épisodes de guérilla et escarmouches par temps calmes. L'exemple type de la capacité de l'Empire perse à cette période réside dans l'invasion lancée contre Rome en 359 et contrée par l'Empereur Julien dit l'Apostat: les Perses lancent à cette occasion une armée parfaitement organisée de 100 000h. Fondée avant tout sur la cavalerie, cette armée est mobile et disciplinée, avec une forte capacité de feu, de choc et de manoeuvre: les cavaliers archers sont une composante cruciale, de même que la cavalerie clibanaire (cataphractaire), qui fonctionne en tandem étroit avec la première. Une cavalerie lourde et une légère plus classiques complètent le dispositif. L'infanterie est une composante faible chez les Perses, une arme qu'ils ne tiennent pas en haute estime, même si c'est avant tout l'infanterie romaine qui leur infligera de lourdes pertes et la défaite. La cavalerie romaine, sans doute plus en raison de sa faiblesse en effectifs, donc de sa capacité globale, qu'en raison de sa qualité, ne fera pas vraiment d'étincelles. On notera les critiques à l'égard des cataphractaires en particulier.

Il n'y a que contre la Perse qu'il ait fallu monter un corps expéditionnaire massif, à 3 reprises (dont une avortée à cause d'Andrinople): le plus exemplaire est le corps de 83 000h monté par Julien en 360.

Les peuples en mouvements

Les peuples germaniques, celtes et iraniens d'Europe forment, à partir du IIIème siècle, des vastes coalitions de peuples: quand on lit que "les Goths" ont fait çi ou ça à telle date, il faut en fait comprendre la chose sous l'angle de coalitions de peuples hétérogènes, rassemblés autour d'un peuple plus nombreux ou prééminent. Les Francs et Alamans sont plus des exceptions en ce qu'ils sont des coalitions de petits peuples sans réel groupe dominant. Dans ces peuples, l'infanterie légère et la cavalerie sont les armes prédominantes: il n'y a rien de comparables chez eux à l'infanterie romaine, outil long à créer et lourd à entretenir, impliquant un niveau de dépense, de préparation et de discipline hors de portées d'entités étatiques non sédentaires, prospères et stables. L'infanterie gothique à la défaite d'Andrinople s'est équipée à la romaine (sur les cadavres et dans les villes pillées, avec leurs arsenaux) et fut encadrée par des vétérans germaniques de l'armée romaine, mais elle n'a pas eu le dessus et aurait perdu rapidement sans les fautes de commadement de Valens, la disposition du terrain (avec un camp de chariots), et surtout sans le concours de la cavalerie gothique arrivée en cours de bataille.

Infanterie

On verra souvent mentionner une infanterie germanique disciplinée se rangeant en "mur de boucliers": on ne parle pas de la même catégorie de discipline. Y'a les petits joueurs avec leurs 2 tactiques (mur de bouclier et combat à peu près en rang), et y'a l'armée romaine: on n'est pas dans le même monde.

Dans l'absolu, leurs fantassins sont avant tout des fantassins légers évitant le combat rangé. L'infanterie lourde qui peut se développer ponctuellement n'a rien du corps professionnel romain, signe d'un Etat organisé. Mais à quelques moments, certains peuples, notamment gâce aux emprunts aux romains et à la présence de vétérans romains en leurs rangs, ont pu développer une infanterie capable de jouer l'enclume sur le champ de bataille, c'es-à-dire de tenir la ligne un moment, en phalange, afin de donner à la cavalerie le temps de flanquer pour emporter la décision. Il faut rappeler que le seul vrai cas où ce soit arrivé est Andrinople, et qu'il a des circopnstance particulières:

- présence de nombreux vétérans romains chez les Goths

- ralliements de soldats romains germaniques

- pillage de villes et d'arsenaux permettant l'équipement à une certaine échelle

- 2 ans de campagne continue avant la bataille d'Andrinople, avec suffisamment de vivres pour tenir: l'entraînement a pu être organisé en continu sur cette période

- motivation extrême: les Goths sont dos au Danube, avec les Huns derrière, qui les avaient initialement chassés

Cavalerie

La cavalerie babrare est très variée, même si sa qualité profite des innovations du temps et de l'étude de l'armée romaine: hors des Huns qui amènent leur savoir faire de cavaliers archers (avec une composante de choc en complément, dans la tradition turco-mongole), les Iraniens (Roxolans, Sarmates, Alains) ont étendu leur outil (jusqu'ici très orienté cavalerie lourde) à un trinôme cavalerie cataphractaire/cavalerie lourde/cavalerie légère de harcèlement (archers montés). Les Germains ont développé une cavalerie avant tout duale, mais très efficace: cavalerie lourde traditionnelle (choc à la lance, cavalier bien protégé) et cavalerie légère (lanciers et combattants à l'épée), mais pas d'archers montés ni de cataphractaires. Le modèle aristocratique de leurs sociétés s'accentue avec le développement de leur cavalerie, jusqu'ici embryonnaire, particulièrement de leur cavalerie lourde.

L'importance de la cavalerie est variables selon les peuples: Francs et Wisigoths sont avant tout des fantassins et la cavalerie est chez eux quasi exclusive à l'aristocratie. Les Ostrogoths, en revanche, sont avant tout un peuple de cavaliers lourds et légers (conséquence de leur longue résidence dans les plaines ukrainiennes): à Andrinople, il faut noter que les "Goths" sont en fait la jonction, après des siècles, des deux groupes gothiques, donnant à ce moment à ce peuple une bonne infanterie ET une forte cavalerie. Les Huns sont exclusivement des cavaliers, comme les peuples iraniens: ces peuples là vivent à cheval.

Des effectifs barbares massifs

A partir de la fin du IIIème siècle, les coalitions de peuples germaniques, celtes et iraniens rassemblent de vraies armées, une tendance qui s'accroît au Vème siècle, notamment autour des Vandales et des Huns: les oths de Radagaise, en 406, sont une masse de peuples en mouvement estimés autour de 350 à 400 000 personnes, dont près de 80 000 combattants. Les Alamans sont 35 000 combattants face à Julien l'Apostat en 357. Les Maures de Iaudès, dans les Aurès en 533, sont dans les 30 000 combattants. Au plus fort de leur coalition, les Huns doivent représenter une force de 80 000h (dont 40 à 50 000 Huns proprement dits, le reste étant d'autres peuples barbares).

Et pourtant, les forces romaines arrivent généralement à vaincre ces coalitions avec le niveau moyen de mobilisation, soit en rassemblant un corps expéditionnaire situé entre 15 et 20 000h, avec souvent un corps de renforts rassemblé en deuxième échelon (8000 à 15 000h), prêt à aller soutenir l'effort.

Conclusion

Mais le point des peuples barbares est qu'ils ont toujours eu l'initiative face à un empire sédentaire en défense: la possibilité de se concentrer en un point choisi, c'est eux qui l'ont! Les Romains ne peuvent que réagir et perfectionner au maximum leur dispositif de réaction rapide afin de rendre leur concentration la plus instantanée possible en réaction, et de reprendre l'initiative au niveau opérationnel, grâce à une capacité de manoeuvre, une efficacité et un art militaire infiniment plus développés que ceux de l'adversaire.

Face aux nouvelles menaces, les Romains ont inventé la défense élastique, tout simplement parce que la défense linéaire regrettée par nombre de contemporains et d'historiens aurait été d'une criminelle stupidité.

On mentionnera enfin les menaces nautiques des peuples de la Mer du Nord (Saxons, Bataves....): ces peuples vivant dans des zones côtières de landes et de marais ont peu de chevaux et des armées moins développées, et sont donc plus égalitaires, pas encore trop aristocratiques, et ne peuvent encore opérer de grandes concentrations.

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Bon, le sujet a pas l'air de faire florès  :'(.

gibbs:

se qu'il y a s'est que tu a plus que l'air de maîtriser se sujet ,tu développes super bien ,donc sans vouloir  jouer au suce-boule  :lol: j'apprend pas mal de truc sur cette période au niveau militaire et stratégie .avant j'avais un peu de mal à accrocher sur cette période du fait de n'avoir que des bribes d'éléments (le peu de bouquin sur le sujet que j'ai vu ne m'ont pas attiré ,ne me demande pas les noms je ne m'en rappelle pas s'est pour te dire  :lol:) ne parlant pas forcémment du côté guerrier,avec autant de détails sur la composition des armées ,mentalités ,objectifs ,qualité ou défaut de telle peuples etc..

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La Gaule ne fait pas exception à la baisse démographique, et il faut faire attention avec les épidémies: l'Empire n'en connaît pas de grande entre le IIème siècle après JC et le VIIème siècle. De facto,

Il y a eu la peste  de Cyprien  au 3ème siècle, pendant 10 ans, vers 250, qui a atteint l'europe  occidentale.

Sinon, c'est passionnant : j'attends la question  du matos, pour essayer de comprendre s'il  n'y a pas eu un faux pas penmettant aussi de comprendre la chute de 410

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Je développerai le matos et l'industrie après ce point précis, de même qu'une brève analyse globale force-faiblesse, plus personnelle.

Je voudrais parler de la défaite d'Andrinople, qui est le principal reproche fait à cette armée du Bas Empire: il s'agit du point épineux par excellence, alors autant commencer par le pire pour évacuer les critiques trop faciles.

Contexte d'Andrinople

La crise qui s'achève à Andrinople commence en 376 avec l'émigration forcée des Goths qu'il faut voir non comme un peuple germanique, mais comme un agglomérat de peuples germaniques, celtes (sans doute aussi slaves), iraniens et huns. Pour les Romains, un germain, c'est un barbare (qui peut d'ailleurs être aussi celte que Germain) qui habite en Germanie, c'est-à-dire "le pays d'à côté", soit l'Europe centrale entre Rhin et Danube. Les Goths sont en fait perçus comme un peuple migrant plus asiatique, vu qu'ils ont alors surtout vécu entre l'Ukraine et le nord des Balkans. Ils fuient leur dernier lieu de résidence, en Dacie et Scythie, c'est-à-dire la rive gauche du Danube au niveau de la Roumanie et de la Hongrie, sous la pression des migrations hunniques (eux aussi un composite de peuples agglomérés autour des Huns "historiques", des asiatiques turco-mongols: les huns ont beaucoup de germains, slaves et celtes, et d'ailleurs, "Attila" est un nom germain). Ostrogoths et Wisigoths sont des appellations romaines: les migrants de 376 sont une partie des peuples dits Goths, accompagnés d'autres peuples: ces deux groupes se qualifient eux-mêmes de Greuthunges (ostrogoths) et Thervingues (wisigoths).

Les Goths sont alors un peuple client de l'Empire Romain, trop nombreux pour vivre de leur agriculture limitée: ils dépendent des distributions de vivres romaines et du service armé rémunéré qu'ils louent à l'empire (c'est de là que vient leur aristocratie, des chefs organisant des unités louées clé en main à l'Empire, à une échelle de plus en plus grande), et leurs élites sont extrêmement romanisées, de même que les vétérans ayant servi dans l'armée romaine.

L'arrivée des Huns bouleverse cet équilibre précaire: l'affrontement est perçu comme sans intérêt car trop risqué (les Huns sont au moins aussi nombreux que les Goths), et surtout sans espoir de sortie rapide (leur économie fragile n'y survivra pas, et la famine, déjà proche en permanence, sera alors certaine).

L'Empereur Valens accueuille les wisigoths à bras ouverts (si l'on peut dire) et leur accorde l'asile politique, y voyant une aubaine pour repeupler les campagnes du nord des Balkans et de Panonnie, accroître les rentrées fiscales et étoffer l'armée. Les ostrogoths sont refusés par crainte du manque de capacités d'accueuil.

Mais le mécanisme se grippe par la corruption et l'incompétence de 2h: Lupicin, comte des Thraces, et Maxime, duc de Mésie, affament et dépouillent ces populations et font traîner en longueur la répartition des populations dans les campagnes pour ne pas froisser leurs amitiés locales (surtout les élites citadines), méfiantes à l'égard de ces masses de migrants (mais aussi essayant de se les répartir comme serfs pour leurs grands domaines plutôt que les laisser coloniser des zones vides). Pire encore, ces 2 fonctionnaires détournent l'aide de l'empereur et la revendent, ne laissant passer que des soutiens insuffisants et souvent avariés; par ailleurs, en accord avec les élites locales, ils ne procèdent pas aux réquisitions de réserves alimentaires des villes et grands domaines (pourtant partie de l'impôt impérial) que Valens avait demandé.

Là-dessus, ils contiennent les colères ponctuelles par une répression brutale et rameutent les troupes de la frontière danubienne pour cette répression: les ostrogoths en profitent pour passer le fleuve en douce.

Bref, tout est fait pour que ça pète grave. On en rajoute en refusant l'entrée des princes goths dans la ville de Marcianopolis pour acheter des vivres sur leurs deniers, et en refusant, à Andrinople, la fourniture de vivres pour une partie des Goths qui avaient accepté de traverser le Bosphore pour aller s'installer en Anatolie (sur ordre de Valens).

La révolte

Elle commence à Andrinople (massacre des citoyens constitués en milice, qui narguaient les Goths et leur refusaient l'achat de vivres): les Goths s'équipent sur leurs victimes, et surtout sur l'immense arsenal d'Andrinople.

Face à cela, la réaction de Lupicin et Maxime est à leur image: insuffisante, incapable et mesquine. Les renforts envoyés sont trop faibles et en ordre dispersé: ils sont massacrés. Les renforts envoyés d'occident (3000h) ne sont pas suffisants car, au même moment, l'occident affronte des mouvements massifs d'Alamans sur le Rhin. Une première bataille rangée a lieu à Salices (les Saules): c'est un match nul à lourdes pertes des 2 côtés, surtout dû à la faiblesse des effectifs romains et à l'incompétence des officiers, divisés, notamment entre occidentaux et orientaux. Une autre bataille a lieu quand le tribun Barzimaire se fait surprendre alors qu'il établit un campement sous les murs de Dibaltum (qui lui a refusé l'entrée et un soutien de vivres): il a sans doute moins de 4000h, épuisés en fin de journée de marche et encore aux travaux de terrassement, face à une armée gothique très supérieure (peut-être 10 000h). La faiblesse de la cavalerie romaine est sans doute ce qui a permis aux Goths de flanquer le corps de bataille qui tenait bon.

Une troisième bataille a lieu en Thrace: Frigerid, un général occidental, vainc un corps gothique important. De même, l'hiver 376-377 voit les Goths bloqués dans les montagnes balkaniques et subir des pertes sévères dans des séries de combats de harcèlement menés par Sébastien, un officier occidental expérimenté.

Il est à noter qu'à ce stade, beaucoup de groupes de mercenaires germains, huns et alains, alors dispatchés dans les Balkans et en route vers le Moyen Orient (ils avaient été engagés en 376 pour l'opération de Valens contre les Perses), ont rejoint la révolte: face à la violence des insurgés, les villes se sont fermées à ces mercenaires, et leur soutien a été coupé. Ils n'ont, en fait, pas le choix.

Le conflit traîne en 377, ravageant tout le nord de la péninsule balkanique, zone agricole, commerciale et industrielle (arsenaux notamment) très riche. Le relief rend les Goths insaisissable: les batailles sont souvent des batailles de rencontres, et les mouvements des Goths sont imprévisibles tant ils manquent d'objectifs précis.

Les Goths agissent en 3 ou 4 hordes, et sont dos au mur, ce qui leur donne du mordant.

En 378 arrive Valens lui-même, qui a du laisser le gros de ses effectifs en Syrie, face aux Perses, et revenir à marches forcées (36 jours de marche). Sans doute aussi vexé par les échecs que par la mise en doute de ses capacités par son neveu Gratien (empereur d'occident), mais aussi mal renseigné sur les Goths, il compose rapidement son armée et la fait marcher à la hâte.

Il localise un groupement de Goths, en fait la horde centrale à 7 jours de Constantinople (200 bornes). Il refuse d'attendre les renforts d'Anatolie, et surtout le corps expéditionnaire qui se rassemble en occident, lentement parce que la menace sur le Rhin retarde l'effort. Jaloux des succès de son neveu sur les Alamans et de ceux de Sébastien (maître de son infanterie), Valens décide de marcher sans même attendre les unités de son corps non encore parvenues à la station de Nikê, à l'est d'Andrinople.

Il ne fait qu'une reconnaissance rapide et fonce vers les Goths, sans beaucoup protéger ses lignes de ravitaillement (juste des cavaliers légers et des archers).

La bataille

Fondamentaux et prémices

La veille de la bataille, l'EM est divisé: Sébastien, maître de l'infanterie, veut attaquer, Victor (un sarmate), maître de la cavalerie, temporise (il a peu de cavalerie et veut attendre les renforts), et Valens tranche pour l'attaque précipitée, sans bien connaître l'adversaire.

La seule reco qui a eu lieu a établi la force des Goths à 10 000h, soit un peu moins que l'armée romaine (environs 12 000h, peut-être un peu plus).

La réalité est que les 10 000 Goths étaient en fait en partie des civils, retranchés dans un carrago, un cercle de chariots de plusieurs rangs d'épaisseur, à flanc de colline (vers le sommet), soit une position forte. Il ne devait alors pas y avoir plus de 4000 combattants goths, face à, vraissemblablement, environs 6000 fantassins romains, peut-être 3000 cavaliers et 2000 à 3000 archers et lanceurs de traits. Mais il y a aussi un corps de cavalerie gothique de plus de 5000h qui rôde pas loin, ce que Valens ne sait pas. A priori, les Goths n'ont aucune chance.

Mais là, ce sont les détails et les circonstances qui comptent:

- l'armée n'est pas si unie, avec notamment des frictions entre unités d'occident et d'orient, qui se querellent sur les problèmes de commandement

- il n'y a pas réellement de cavalerie: les 3000 cavaliers ne sont en fait que des scutaires-archers (archers montés de la Garde Impériale) et des turmae indigènes de sarrasins (archers montés): bref, aucune capacité de choc dans la cavalerie.

- les flancs gardes ne sont faits que d'archers: pas de capacités de choc non plus

- la cavalerie gothique, à ce stade, est faite d'archers montés (Huns), mais aussi de cataphractaires (Alains) et surtout d'une masse de scutaires (cavalerie lourde), soit une puissance de choc mobile considérable

- l'empereur n'a pas fait de vraie reconnaissance: il ne connaît pas le terrain ni le dispositif ennemi, et surtout il ne sait rien de la cavalerie adverse, pourtant facilement repérable si l'on envoie des éclaireurs sur les hauteurs (un éternel fondamental)

- il n'a pas mis de vraie protection sur les flancs, hors quelques archers

- il n'a pas fait reposer son armée qui a aligné les marches forcées depuis Constantinople

- il ne l'a pas fait ravitailler depuis la station de Nikê: alors même qu'on est dans un été aride dans une région montagneuse infestée de nuages de poussière, les hommes sont crevés et n'ont pas bu. Là-dessus, les Goths ont allumé des feux dans les champs avoisinants, pour accroître cette soif

- l'armée est sans ordres, de facto: Valens n'a pas donné d'ordre de bataille. Les soldats se sont donc alignés, par défaut, dans l'ordre de marche, c'est-à-dire une masse d'infanterie sans disposition particulière ni plan (une des grandes forces des Romains), encadrée par les deux ailes de cavalerie (qui ne sont en fait que des cavaliers légers)

- Valens n'a pas harangué ses hommes, ni ne les a informé de ce qui se passe: il en rajoute en laissant traîner l'affaire quand la ligne de bataille est prise. On procède à des échanges d'émissaires longs alors que les hommes sont crevés, assoiffés et énervés et qu'ils voient qu'ils peuvent l'emporter

Déroulement

Bref, tout a été fait pour annuler les avantages naturels des romains: on a sapé leur moral (ravito absent, pas de repos, pas de harangue, pas d'info, négociations longues et viles face à une situation qui semble facile) et on nie la culture stratégique et tactique, soit un des plus grands avantages romains (mauvaise composition de l'armée, pas de dispositif tactique, pas de plan).

Là-dessus, la bataille s'engage spontanément, par la rage accumulée d'une partie des soldats qui chargent des Goths fortifiés sur une hauteur dont il ne connaissent pas le dispositif. Et les Goths se battent dos au mur, avec leurs familles: la motivation du désespoir est forte.

Ce sont les archers montés qui engagent un harcèlement, en fait: ils semblent repoussés (en fait, ils retraitent selon leur tactique du hit and run), ce qui pousse les fantassins à charger le carrago. Les civils goths participent souvent comme archers à la défense.

Et tout se noue à ce moment: la cavalerie gothique surgit de derrière la crète. 5000 cavaliers, principalement faits pour le choc et la rupture, débaroulent à l'improviste et enveloppent les romains sur leur gauche, alors qu'ils sont en contrebas, au pied de la colline où se trouve le carragio. La cavalerie de l'aile gauche romaine fuit, évidemment (environs 1000 archers montés chargés de plus haut, par surprise, par 5000 cavaliers lourds), ce qui noue le drame: les fantassins sont pris de flanc et de face et bombardés d'en haut (du camp) et de flanc (Huns).

Pourtant, les témoignages concordent: malgré la situation, ils reculent mais ne fuient pas, combattent pied à pied face à des pertes terrifiantes.

Le problème est que la situation les presse les uns contre les autres: ils perdent graduellement leurs espacements (une des autres forces de la discipline et de l'ordre romain), nécessaires pour le combat individuel, ou même pour fuir. A ce stade, la presse est telle qu'elle les bloque: le bombardement de flèches les fauche par wagons dans cette masse.

En fin d'après-midi (l'affaire a commencé vers 15-16h), la déroute commence, sur la droite mal couverte par les Goths: la poursuite, comme toujours, est un massacre. L'Empereur Valens est tué pendant cette déroute.

Conclusion

Au final, c'est largement à cause du commandement que la bataille fut une défaite: une armée mal composée, une méconnaissance de l'ennemi et de la situation, la méconnaissance du terrain (qu'on a par ailleurs pas choisi), l'absence de reconnaissance et d'éclaireurs positionnés sur les hauteurs (surveillance du champ de bataille), l'absence de ravitaillement et de repos, la méconnaissance de la psychologie des combattants, l'absence d'ordres et d'organisation, l'absence de plan.... Tout a été fait pour enlever à l'armée romaine ses avantages, et la contraindre au combat dans les pires conditions. Bref, on a enlevé ses chances au comitatus. On n'a même pas établi de camp fortifié en arrière, pourtant une habitude romaine, pour constituer une position de repli.

On notera que même les contemporains critiques de l'armée duale, comme Ammien Marcellin, ne mettent nullement en question la qualité extrême des troupes (même les cavaliers légers, qui furent placés dans une situation impossible). Le fait est qu'il s'agit d'une défaite majeure de commandement: toute autre armée dans la même situation aurait subi un sort encore pire et craqué bien plus tôt. Il ne s'agit ni d'une conséquence d'un affaiblissement militaire romain, ni de l'affirmation de la prééminence de la cavalerie, qui inaugurerait le Moyen Age (avis très idéologique). L'infanterie romaine a été flanquée, comme elle le fut à Cannes, en 216 avant JC, face à Hannibal.

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Il y a eu la peste  de Cyprien  au 3ème siècle, pendant 10 ans, vers 250, qui a atteint l'europe  occidentale.

Sinon, c'est passionnant : j'attends la question  du matos, pour essayer de comprendre s'il  n'y a pas eu un faux pas penmettant aussi de comprendre la chute de 410

Oui, my bad sur la peste: j'ai mal calculé sur un commentaire de bouquin: entre 250 et le milieu du VIIème siècle (crise de l'Empire d'Orient, des années 630 aux années 720), les Romains n'ont pas connu de grandes épidémies. j'étais parti hâtivement sans regarder quelle était la dernière épidémie.

La question du matos n'expliquera pas la crise: le matos se porte très bien sur la période (tellement bien que les barbares aussi le veulent et son sur le cul quand ils voient des untiés romaines). La crise d'Andrinople a cependant posé un problème ponctuel: la prise de quelques grandes villes a vu, outre la rupture économique de lé région pendant quelques années, la rupture de la production d'armes des grands arsenaux des Balkans, accroissant le problème de la reformation des unités dans cette région et nécessitant le recours aux grandes unités constituées de barbares et prêtes à l'emploi (mais refusant de se soumettre à la discipline, de se fondre dans l'armée romaine et d'obéir à d'autres que leurs chefs). Théodose mettra une vingtaine d'années à s'en débarrasser dans l'empire d'orient, et ses successeurs enverront vers l'occident, qui ne pourra faire face (quand le loup est dans les frontières de l'empire, il y a peu de défenses), ceux qu'ils ne massacrera pas.

La grande crise de 406-410 est en fait le cauchemard stratégique romain (en l'occurrence pour le seul occident): trop d'ennemis en trop de points différents du front. Les Goths à l'est, avec de nombreux contingents de fédérés mercenaires, et les Vandales sur le Rhin (avec d'autres peuples agglomérés), plus des incursions de francs ripuaires et d'Alamans vers le sud du Rhin.

L'armée doit se fragmenter et ne peut faire face à la quantité d'adversaires (le contingent combattant des Vandales doit avoisiner les 80 000h, celui des Goths de Radagaise les 40 000h).

Andrinople en est une des causes indirectes car après leur victoire, les Goths ont conclu un deal avec l'empire: ils ne voulaient plus se séparer et ont été installés comme fédérés en Illyrie et Panonnie. Quand l'Empire d'Orient a commencé sa purge anti-barbare de l'armée, l'occident s'est trouvé avec une menace directe sur l'Italie, non protégée puisqu'ils étaient à l'intérieur des frontières.

Dans le même temps (de 378 aux années 390), ces unités constituées de barbares, désormais très vastes, étaient engagées pour redonner de la marge de manoeuvre aux Empereurs le temps que les effectifs réguliers se refassent, et ils s'installaient dans l'empire. mais plus encore, par leur puissance, ils devenaient des entités politiques concourant des divisions internes de l'empire et cherchant à se tailler des fiefs. Ils n'ontaucun moyen de détruire l'Etat romain, mais celui-ci n'arrive pas à s'en débarrasser, depuis qu'ils ne veulent plus être ventilés dans les provinces à coloniser. Des jeux de pouvoirs se font constamment, certains contingents barbares font des "batailles sans morts" avec des groupes d'envahisseurs qu'ils rallient pour peser plus....

Réactions et réussites diverses en occident et orient

Theodose a fini par réussir à s'en débarrasser en orient (par une série de victoires, mais aussi en les divisant, en concluant des deals séparés, et en les ventilant de l'Egypte à l'Illyrie), mais sans doute en réduisant la marge de manoeuvre de l'occident qui est alors dans une querelle politique ponctuelle, autour de la personne du général Stilicon. Celui-ci vainc les Goths de Radagaise (avec une armée elle-même faite pour moitié de contingents barbares) en 406.

Mais 406 est la grande année du gel du Rhin, qui voit les Vandales (avec des Alains et des Suèves principalement) envahir l'empire. Rien n'est fait pour les contrer: la priorité politique va à l'Italie. Résultat, les troupes de Gaule proclament un Empereur pour les Gaules, Constantin III: c'est la division. Les troupes d'Italie (30 000h) refusent de partir en Gaule combattre des Romains parce qu'il y a entre 20 et 30 000 mercenaires fédérés barbares en Italie du Nord, en qui ils n'ont aucune confiance.

L'empereur ne sauve son cul qu'en balançant Stilicon sous de fausses accusations (alors que le mec était plutôt le seul à tenir debout à ce moment): ce dernier est assassiné en 408, alors que l'armée entame le massacre des barbares fédérés d'Italie et de leur famille.

Et là arrivent les Goths implantés en illyrie, menés par le célèbre Alaric: il profite du bordel pour envahir l'Italie sous un prétexte foireux, et les fédérés barbares d'Italie survivants le rallient. Là, on parle de plus de 60 000h face à un comitatus romain de moins de 30 000h encore éparpillés suite au massacre des fédérés.

La grande crise de l'occident

En 410, on a donc une invasion majeure en Gaule, une guerre civile avec l'usurpation de Constantin III en Gaule et la rébellion des Goths d'Alaric en Italie. Inutile de dire que les ressources circulent moins. Et en 410, Alaric prend et pille Rome (de ce pillage là, elle se remet vite), inviolée depuis 7 siècles (la dernière fois, c'étaient les gaulois sénons, menés par Ambigat, aussi appelé Brennus -ce qui veut dire "chef"- qui lâcha le célèbre "Vae Victis", ou "malheur aux vaincus").

L'empereur d'occident ne peut régler la question qu'en luttant contre le mal par le mal: le recours aux barbares. La mort d'Alaric en 411 lui permet de "racheter" les Goths pour aller éliminer Constantin III en gaule et chasser les Vandales d'Espagne où ils viennent de s'installer.

Les Goths y vont (au passage, ils essaient de promouvoir un empereur fantoche), mais une rebellion du gouverneur d'Afrique les prive de leur soutien en blé: ils ravagent et occuppent le sud de la Gaule, puis l'Espagne, où ils se taillent un royaume qui n'est plus romain que pour la forme. Les Vandales passent en afrique et s'y taillent un royaume, qui conquerra aussi la Corse et la Sardaigne et lancera des raids sur l'Italie, depuis la Tunisie.

A partir de là commence le cycle destructeur de l'Empire d'occident, où les querelles internes entre empereurs et usurpateurs se nouent et se dénouent avec l'aide versatile de forts contingents barbares auxquels se joignent les Huns, qui s'unifient lentement à partir des années 420.

Pendant ce temps, les provinces communiquent moins entre elles: l'économie locale reste riche, mais le grand commerce est plus limité. Si les ravages des troupes qui passent sont durs, ils ne sont pas catastrophiques (l'économie agricole se remet vite, d'une année sur l'autre). Mais la confiance et la stabilité s'affaiblissent, les impôts produisent moins. Les jeux politiques conduisent à installer plus de fédérés, surtout en gaule: Alains et Burgondes sont les plus gros arrivants de cette période (années 440).

La seule stratégie de l'empire d'occident n'est alors plus que de combattre les fédérés par les fédérés: les Limitanei ne sont plus que des milices locales, souvent barbares, après 410, et le comitatus se réduit à mesure de la réduction des moyens de l'Etat. La machine de la fragmentation de l'empire d'occident est de facto irréversible dès lors que les Wisigoths s'installent en Espagne et en Acquitaine.

La décomposition

Et la fin est entérinée par la grande menace des Huns, qui apparaît dans les années 440 quand Attila les unifie (jusqu'ici, c'étaient des mercenaires plutôt favorables aux romains). Cette menace massive accélère le repli sur elles des provinces qui se tournent vers les fédérés, trop contents de se tailler des royaumes et de se mêlanger aux élites locales (déjà foncièrement anti-pouvoir central et antimilitaristes, je l'ai dit plus haut).

Quand la menace hunnique est repoussée en 451, et définitivement anéantie en 453, la division est entérinée, et le pouvoir central de l'empire d'occident est affaibli, contrôlant encore de vastes territoires mais de façon molle face aux ambitions barbares, et sans armée propre autre que les fédérés eux-mêmes. Dans les royaumes barbares, les citoyens romains sont interdits de porter les armes, le monopole allant aux barbares eux-mêmes; ils ont toutefois une notion accessible de la "citoyenneté", ce qui fait que nombre de soldats et citoyens romains intègrent leurs rangs en "devenant" barbares. Les Francs sont les plus intégrateurs de tous: tous les gallo-romains sont rapidement devenus citoyens francs (sauf les serfs).

Une exception cependant: la Marine. Dans les années 550 encore, dans les royaumes barbares, franc surtout: il y a une marine côtière opérant en uniforme romain. Les unités, face à la désintégration, en pouvaient plus être rapatriées, et ont continué à exister avec l'accord des barbares qui n'y voyaient pas une menace pour leur supprématie militaire. Et ils ont continué à former leurs successeurs. Il y a des unités constituées d'infanterie de marine, et même quelques unités d'auxiliats, qui se sont données aux Francs et continuent, 1 siècle après la chute, à opérer en unités constituées, sous étendard d'unité, équipement et uniforme romain du comitatus.

A l'opposé, l'Empire d'Orient est plus fort que jamais après 410, et lui passe un excellent Vème siècle, hors une petite inquiétude quand passe Attila, qui est facilement réorienté vers l'occident. Et l'armée d'orient commence à évoluer de son côté: la terminologie militaire devient uniquement grecque et la cavalerie se renforce nettement (on retient les leçons). Mais le modèle reste celui de l'armée duale: le comitatus et les Limitanei se portent bien, merci pour eux.

Conclusion

Même hors des périodes agressives, les barbares en unités constituées:

- ponctionnent gravement les finances disponibles pour l'armée: ils ne coûtent rien à former, mais coûtent beaucoup plus cher à l'entretien (ils sont bien mieux payés que les légionnaires). En même temps, ils sont quand même logés par l'habitant (ce qui pose problème) et sont nourris sur l'Annone, soient sur les réserves frumentaires impériales. Un mercenaire barbare immédiatement dispo, c'est 2 soldats romains qu'on ne formera pas

- causent des ravages locaux: indiscipline et intempérance font de leurs zones de garnisons des zones dangereuses. les frictions avec les soldats réguliers sont nombreuses (et les garnisons barbares sont souvent massacrées)

- sont détestées par les civils (qui n'aiment pas non plus beaucoup les militaires dont les casernements et le logement chez l'habitant ont souvent posé problème) et les militaires réguliers

Tant parce qu'ils sont devenus impossibles à virer en occident que parce qu'ils offrent une solution de facilité aux politiciens romains, ils deviennent vite incontournable, et la réaction qui a eu lieu en orient a été rendue impossible en occident par une conjonction très brutale de menaces très rapprochées dans le temps (dont quelques-unes envoyées par l'orient, comme coup de pute involontaire), de l'instabilité au sommet de l'Etat, et généralement l'assassinat de ceux qui ont essayé d'enrayer le mouvement, comme Stilicon ou, alors qu'il était bien trop tard, Aétius.

On notera quand même que dès 408, ce sont les provinces gauloises, espagnoles et panoniennes qui sont en partie occupées, c'est-à-dire les premières terres de recrutement de l'empire d'occident. la réaction ne pouvait plus facilement venir que des provinces intérieures (Italie, sud de la Gaule), c'est-à-dire des régions désormais très antimilitariste qui ont approuvé le recrutement de mercenaires, même si elles se plaignaient aussi de leur casernement et de leurs méfaits.

En fait, avec la désorganisation partielle des Gaules et des Espagne, l'abandon de la Bretagne (410-420), la sécession ponctuelle, mais malvenue de l'Afrique, et l'occupation de la Panonnie et de l'Illyrie par les Goths (fin du IVème siècle), c'est la capacité de recrutement de l'empire d'occident qui a disparu. Les Italiens, de qui aurait pu venir un redressement (les Grecs ont sur le faire avec Théodose, alors que l'antimilitarisme y était fort aussi), n'ont pas assez réagi à une crise qui, au fond, fut une conjonction d'événements très courte et non une longue décadence. La décadence, c'est plutôt la déliquescence de l'empire après ces années 406-410, qui n'est en fait qu'un mouvement de dépeçage rendu inéluctable, mais qui se fait graduellement tant l'Empire est une réalité encore vivante et profonde. Une armée organisée d'occident existe encore jusqu'aux années 420-430 en effectifs encore significatifs, aux côtés des limitanei (de fait devenus des paysans soldats ancrés à leur terroir) et d'une marine, mais dès les années 410, les barbares pèsent pour moitié dans le comitatus.

Si je caricature, on peut dire qu'on voit là la version extrême d'un communautarisme agressif: les unités constituées, accompagnées en fait de leur peuple (un regroupement familial un tantinet absolu  :lol:), ont refusé de se fondre dans l'empire tout en en désirant y vivre et en recevoir les bénéfices, sans même avoir l'intention de l'abattre (les barbares voulaient en faire partie, et même leurs princes y voulaient des fiefs, et plus encore s'insérer dans les hautes sphères de l'élite impériale). Mais ils ne voulaient plus jouer le jeu: ambitions, conservatisme, avidité, peur du changement, dégoût de certains abus, peur du rejet....

Les élites barbares, surtout franques, alaines, sarmates et gothiques, sont très romanisées, et il ne faut pas voir les groupes de soldats alains, goths, voire même hunniques, comme des hordes de pillards semant la désolation partout. Ils l'ont fait à l'occasion, localement, et d'autres (Vandales, pillards alamans et francs ripuaires, Huns sous Attila) sont de purs raiders extérieurs. Mais les fédérés sont souvent des groupes essayant de tirer tout ce qu'ils peuvent de l'empire sans vouloir voir qu'ils le foutent par terre.

Ce sont des contractors militaires suivant des chefs reconnus pour leur capacité à négocier de bons contrats. Là encore, si je caricature, on voit les méfaits de l'outsourcing militaire combiné à l'ambition humaine: si on laisse la bride trop lâche, l'animal s'emballe et échappe à tout contrôle.

Et en face, la réaction ne fut pas vraiment meilleure en général: corruption et incompétence à la base du problème initial, peur et rejet agressif en réaction, mais aussi solutions de facilité et courtesse de vue lamentables, rivalités politiciennes absurdes et ambitions égoïstes.... Et tout a commencé à Andrinople, à cause de 2 fonctionnaires corrompus et incompétents.

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Bon, allez, je me débarrasse de ça: allons-y pour le matos, l'industrie d'armement et l'équipement du troufion.

L'industrie d'armement

C'est LE secteur stratégique par excellence pour l'Empire, avec le transport de blé pour les distributions gratuites (aux 2 capitales, aux peuples barbares alliés limitrophes de l'Empire, et selon les nécessités économiques et politiques du moment). Aussi ce service est-il géré par l'administration la plus efficace de l'Empire Romain: L'Annone. Ce service d'intendance titanesque gère l'intendance impériale, civile et militaire, d'abord et avant tout pour les subsistances. Sur le volet militaire, c'est l'annone qui plannifie la production et la répartition des vivres dans les centres logistiques. Mais c'est aussi l'annone qui gère la production d'armement, le réseau de communications, les troupeaux de chevaux et le réseau de relais de postes.

Cette production est organisée dans le réseau des fabricae, les fabriques impériales, terme qui recouvre des multitudes d'ateliers généralistes ou spécialisés aussi bien que de gigantesques manufactures et dépôts d'armes dans les arsenaux des grandes villes ou de grands camps militaires.

Le niveau quantitatif de la production et des stocks est très élevé et s'adapte vite à la demande. L'Empereur pourvoit à tous les besoins: vêtements, casques, cuirasses, protections et armes sont fournis par l'Etat aux soldats.

Beaucoup d'artisans indépendants furent ainsi incorporés dans ce marché qui n'admet que le monopole: ils intègrent un réseau d'arsenaux standardisés avec une main-d'oeuvre semi-qualifiée et des centres d'excellence, produisant de très grandes séries d'effets militaires homogènes. Ces artisans militaires sont encadrés par des officiers et soldats du rang chargés du contrôle qualité, tant il y eut de fraudes sur la qualité du temps des ateliers privés.

Au niveau qualitatif, tous les commentaires contemporains s'accordent pour dire qu'elle est honorable, voire excellente. La facture est bonne, et surtout homogène, et l'aspect général est totalement standardisé. Au regard des armées du temps, Perses compris, les soldats romains sont suréquipés et, surtout, ne manquent de rien côté intendance.

Le matériel

On notera que, comme tout au long de son histoire, l'équipement romain a beaucoup évolué par emprunts aux différents adversaires renforcés: il s'approprie le matériel étranger et le produit selon ses propres critères de qualité, et l'adapte.

Les protections

L'un des changements les plus visibles par rapport au haut Empire est le changement du bouclier: le Légionnaire du Bas Empire a un bouclier rond et plat très résistant, fait de 2 couches de bois collées et pressées perpendiculairement. Le centre est recouvert d'un umbo, demi-sphère de fer servant à renforcer la rigidité de l'ensemble aussi bien qu'à servir d'arme de contact. La circonférence est recouverte d'un anneau de fer que les légionnaires aiguisent, afin que le bouclier soit là aussi une arme de combat individuel. Les fantassins lourds (piquiers et auxiliats) et légers (vélites), ainsi que les cavaliers lourds (scutaires) portent le bouclier. Ces boucliers sont peints, généralement aux couleurs de l'unité, et incluent des symboles chrétiens après Constantin. Chaque légionnaire a une housse de cuir pour emballer le bouclier pendant l'ordre de marche (afin de le garder sec et rigide), ce qui révèle une logistique impressionnante.

Les gens de trait et les cataphractaires (qui n'en ont pas besoin) n'en portent pas.

Les casques existent en modèles variés selon l'unité, mais les deux modèles principaux sont des emprunts aux peuples orientaux (Sarmates et Alains). Le premier est fait de 2 demi-calottes de métal rivetées par une bande de métal, avec des protèges-joues et un couvre-nuque métalliques reliés au casque par une charnière. Le second, plus lourd, est fait de plusieurs sections rivetées entre elles, de gros protèges-joues et d'un protège nuque très couvrant, et d'un nasal. Il y a d'autres modèles, mais qui sont plus des adaptations spécialisées de ces 2 modèles: les cataphractaires, par exemple, portent une version améliorée du premier modèle, auquel on a ajouté une grande crête et des bords saillants. Ils y ajoutent un masque en métal couvrant tout le visage. Ils sont tous argentés ou bronzés et sont fréquemment astiqués (de même que les cuirasses) pour impressionner l'ennemi.

On voit aussi des cagoules de maille.

Les protections corporelles sont multiples et varient selon l'unité pour les membres: les cataphractaires et cavaliers lourds portent des jambières lamellées et des protections aussi lamellées aux bras. Les articulations ont des particularités pour les unités très protégées: des liaisons de cotte de maille très fine ou bien de tissus tressés de façon très dense, existent pour assurer que l'aine, le cou ou les aisselles sont protégées. Mais on doit salement y suer.

Pour le tronc, on a:

- des cottes, ou hauberts, de maille (préférée par l'infanterie de piquiers et les cataphractaires)

- des cuirasses d'écaille (préférée par la cavalerie pour son bon rapport légèreté-efficacité): il s'agit d'écailles de métal recouvrant intégralement un gambison résistant, mais souple. Elle préfigure la broigne carolingienne

- des cuirasses lamellaires, évolution de la lorita segmentata: de longues et étroites bandes de métal superposées. Elle a la préférence des unités de cavalerie et d'infanterie lourde sur les marges orientales

- des gambisons de cuir, ou cuirasses de peaux (préférés par les fantassins des auxiliats, du moins dans les régions chaudes, donc plus en orient)

Généralement, le bassin est protégé par une évolution du ptérux (la jupette  :lol:): de larges lamelles de cuir avec une jupette de toile rigide, tout en laissant les mouvements libres, protègent les.... Choses importantes.

Le vêtement est désormais entièrement couvrant, fait de lin, de toile ou de laine (on fait attention aux saisons): tunique pour le haut, braies pour le bas, plus des bandes molassières pour les pieds et les chevilles, bien enserrées dans de hautes caligae. Celles-ci restent l'arme ultime du soldat romain, surtout celui du comitatus: il aligne les kilomètres, et cordonnier militaire reste un métier très actif sous le Bas Empire.

Les armes

Lance de cataphractaire: elle varie peu de la lance de cavalerie, sinon par le poids plus élevé de son fer et de la pointe arrière qui fait contreproids

Lance de cavalerie légère et lourde: elle doit faire dans les 3 mètres, avec une longue pointe épaisse et une petite pointe plombée en contrepoids à l'arrière

Lance d'infanterie: la hasta, ou contus, jusqu'ici arme secondaire des légionnaires, distribuable en cours de combat (et donc rarement utilisée), devient l'arme principale de l'infanterie, tout au moins de l'infanterie légionnaire dont le schéma de combat s'oriente plus vers un renouveau de la phalange grecque, plus articulée, manoeuvrable et encadrée, mais choisissant d'être plus fixe, constituant l'enclume de la ligne de bataille. C'est une grande et forte lance d'arrêt, faite pour le combat en formation et meurtrière contre la cavalerie (les Perses s'en souviennent), mesurant environs 2,8 à 3 mètres, avec un fer barbelé à la mode germanique.

Javelots de cavalerie et d'infanterie: il existe de nombreux modèles, comme le spiculum (1,88m), la lancea (javelot lourd de 1,88m avec un fer plus large) ou le verutum (1,12m), tous descendants du pilum s'inspirant d'emprunts barbares (taille et forme de la pointe, longueur et largeur du fer). Les vélites et fantassins légers, de même que beaucoup d'unités de cavalerie légère, les touchent au kilomètre, chaque soldat en ayant au minimum 5 ou 6 à tout moment.

Epée: le gladius de 50cm, arme d'estoc (avec 2 courts tranchants), a disparu au profit de la spatha, épée longue de 70 à 90cm à 2 tranchants longs, qui offre plus de puissance dans la taille (surtout à la cavalerie) et requiert une escrime plus complexe. L'épée médiévale est sa directe descendante. Les fantassins lourds (légions et auxiliats) et légers (vélites et autres), mais aussi les cavaliers lourds (cataphractaires et scutaires) et légers (archers et indigènes) l'utilisent tous (seuls certaines unités de sarrasins et maures portent des cimeterres)

Plumbatae: la grande innovation tactique de l'armée du Bas Empire. Ces "barbes de Mars" (mattiobarbulus ou martiobarbulus) sont un raffinement imaginé pour conserver aux fantassins légionnaires et auxiliats la puissance de feu que leur donnait le pilum, et qu'ils perdent avec l'arrivée de la lance. Même Végèce, détracteur de la nouvelle armée, vénère cette arme simple et redoutable. Il s'agit de dards plombés affectant la forme de petits javelots de 60cm, avec un lest central de plomb au milieu de la hampe, qui accroît la portée de l'arme (qui porte facilement à 30m, parfois jusqu'à 60). L'encombrement du légionnaire en est grandement réduit: chacun en porte 5 accrochés à son bouclier

Haches: C'est l'arme nouvelle du IVème siècle, qui devient très populaire chez les auxiliats et fantassins légers qui l'utilisent en couple avec l'épée. La forme dominante est celle de la hache marteau, qui sert aussi comme outil. On trouve aussi des haches plus arquées, faites pour crocheter les boucliers

Armes à distance: arcs à double courbure pour les archers lourds et cavaliers montés, arcs simples pour les archers légers, arbalètes, frondes

L'artillerie

Elle reste impressionnante, mais comme les autres armes, elle s'est spécialisée: elle est devenue une arme à part entière, comme l'infanterie lourde, légère et l'infanterie auxiliaire se sont plus ou moins nettement séparées et spécialisées là où, jadis, il s'agissait de légionnaires occuppant indifféremment ces rôles, de même qu'ils pouvaient être assignés à l'artillerie. Cette arme est cependant assez confondue avec le génie, tant leurs rôles sont confondus dans la guerre de siège

Balistes

Ces "tormenta" sont des balistes lances traits sur affût stabilisé (sur 2 axes, comme un canon de char  :lol:). Bref, une grosse arbalète méchante. C'est cet engin, en fait, qu'on appelle catapulte (mot grec). La taille peut varier (plus c'est grand, plus c'est puissant), et le tir est très précis (il y a une rampe métallique rénurée pour guider le trait); cette arme est servie par 3 hommes.

Manubaliste

C'est une baliste légère servie par un homme

Carrobalistes

Ce sont de grandes balistes sur affût mobile, tractées par des mulets et servies par 11h. Armes collectives des forces mobiles par excellence, elles sont utilisées pour la défense des camps et en arrière de l'infanterie lourde sur le champ de bataille.

L'artillerie de siège

L'onagre est la seule arme lourde emportée par une armée en mouvement: il s'agit d'une arme à torsion (la catapulte telle qu'on l'imagine en fait) mobile ou déposable, tractée par des mulets et servie par 8 à 10h. elle projette des boulets de pierre de 45 à 80kg, ou des paniers de poix et de bitume inflammables. En bataille, c'est le briseur de rangs par excellence, mais elle lourde à déployer.

D'autres machines peuvent être fabriquées pour un siège: machines à contrepoids, mantelets d'assaut, toits portables, tours mobiles (dont une version formidable, appelée Helépolis, avec 9 étages, des béliers, des machines de jet, d'énormes vérins de métal.... Un vrai tank géant), béliers couverts, tours d'assaut flottantes....

Voilà le gros du matos

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N'ont-ils pas eu une mutation  de retard, celle de la chevalerie lourde voire celle du mur de flèche anglais derrière le rideau  de l'infanterie?

Après tout c'est comme actuellement où la diffusion de  la technologie ne permet plus la suprématie absolue.

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Le mur de flèche (je sais pas si c'est la bonne expression) tel que l'inventent les Gallois n'apparaît que vers la toute fin du XIIIème siècle, et il dépend exclusivement de mecs qui s'entraînent toute leur vie, et avec le longbow qui plus est, arme qui n'apparaîtra pas non plus avant le XIIIème siècle. Ca laisse de la marge aux romains.

Ajoutons que, contrairement à toutes les infanteries du Moyen Age (milices de piquiers suisses ou nord-italiennes comprises), l'infanterie romaine est professionnelle, disciplinée, très encadrée et aguerrie, avec un grand nombre de dispositifs à sa disposition: la tortue et le coin (ou "tête de porc") sont 2 dispositions parmi des dizaines d'autres qu'ils savent exécuter pour se déplacer complètement couverts sur le champ de bataille. On ne parle pas des milices de piquiers suisses, assez disciplinées pour rester groupés sous le feu et progresser, mais bien d'une vraie infanterie professionnelle capable d'exécuter un grand nombre de manoeuvres différentes sous le feu, à l'appel d'un ordre en un ou deux mots seulement. Une telle chose ne réexistera pas en Europe avant la fin du XVIIIème siècle.

Donc les vagues d'archers, ils peuvent les affronter, comme ils l'ont prouvé face aux Perses qui précisément se reposent sur une masse d'archers à cheval (sans doute la moitié de leur cavalerie) et à pied. Et c'est l'infanterie qui a apporté la solution face aux Perses.

En revanche, la cavalerie fut toujours le grand point faible des Romains. Ils ont fait de la cavalerie lourde avec les cataphractaires: il y a 17 vexillations (j'utilise le terme unique: les scholes palatines sont comprises dedans) de cataphractaires/clibanaires recensés pour tout l'Empire, avec un effectif moyen de 500 à 600h, soit un total qui doit difficilement dépasser les 8500-9000h. Ce sont des unités hors de prix. C'est impressionnant, mais au regard de l'espace où il faut les répartir, du nombre d'adversaires potentiels et de la disponibilité moyenne, ça fait tout de suite moins, ce qui fait qu'à tout moment, je doute qu'un des deux empereurs ait pu disposer de beaucoup plus que 1000-1500 cataphractaires rapidement mobilisables en un endroit (basés près de la capitale, ou pouvant s'y rendre rapidement).

Mais les cataphractaires sont un débat: fut-ce une arme réellement efficace? Végèce soutient que non. Cependant, il ne faut pas oublier que l'Empire dispose aussi d'une cavalerie lourde importante, bien plus nombreuse que les cataphractaires: les scutaires. Ils doivent compter entre 15 000 et 19 000h. Et eux sont une excellente cavalerie lourde, forte et protégée, mais capable de manoeuvre, et surtout disposant d'une bonne puissance de choc et d'une bonne capacité de combat, avec un niveau de professionnalisme et de discipline très élevé.

Mais cela est en partie un faux débat: l'Empire n'a raté aucune mutation ni aucune innovation. Il est à l'origine de la plupart d'entre elles. Cette lecture disant que la cavalerie serait tout d'un coup devenue l'arme dans le vent, rendant l'infanterie inefficace, est totalement idéologique: je l'ai souligné plus haut à propos d'Andrinople. Cavalerie ou infanterie, ce qui gagne c'est la combinaison bien disciplinée et aguerrie, avec une bonne versatilité et surtout un bon commandement. Et l'infanterie (pour peu qu'elle soit variée), quand elle est bien encadrée, est insurpassable parce qu'elle offre une plus grande versatilité et plus de résistance.

L'infanterie romaine tardive n'est plus une masse unique où les fantassins lourds représentent plus de 75% du total: il s'agit d'une force plus variée, où notamment une archerie vraiment professionnelle (archers lourds, archers légers et arbalétriers) doit compter pour un quart des effectifs, quart auquel s'ajoutent les diverses troupes légères qui tous ont aussi une puissance de feu à distance (frondeurs, lanceurs de javelots), et bien sûr l'infanterie elle-même avec ses plumbatae. Question puissance de feu, y'a de quoi faire.

On doit y ajouter la cavalerie légère (archers et javeliniers à cheval, cavalerie indigène).

Si critique il y a à faire côté composition, je penche plus du côté du quantitatif que du qualitatif: la cavalerie pèse trop peu dans le total (environs 10 à 15% de l'effectif total de l'armée de terre). Je ne pense pas que cela ait empêché l'Empire de gagner des batailles: face aux Perses dont près des deux tiers de l'armée est à cheval (et une moitié sont des archers, donc une arme de harcèlement très disciplinée et efficace contre une infanterie moins mobile avec une cavalerie trop peu nombreuse pour aller déranger l'adversaire), la victoire romaine, notamment de Julien l'Apostat, fut sans appel, et les pertes romaines furent très modérées. Le barrage de flèches marche peu contre une infanterie bien protégée et surtout disciplinée, avec une bonne culture tactique.

A Andrinople, ce qui a manqué, et qui permet à trop de monde de décréter que c'est le "passage de flambeau" à la cavalerie, c'est que la cavalerie romaine s'est taillée et que c'est la cavalerie gothique qui a emporté la décision:

- mais, je l'ai dit, la cavalerie romaine, c'étaient des archers à cheval (réguliers et sarrasins), pas de la cavalerie faite pour la charge ou la mêlée; la cavalerie gothique était faite de cavalerie lourde, de cataphractaires alains, et d'archers huns. Le corps expéditionnaire avait été mal composé.

- la cavalerie gothique est arrivée après le début de la bataille, alors que l'infanterie romaine était déjà en train de combattre de face les fantassins goths retranchés dans leurs fortifications. Evidemment que les cavaliers goths les ont pris de flanc: c'est le fait de les flanquer qui emporte la décision, pas le fait que ce soient des cavaliers

Il est arrivé la même chose à Darius à Gaugamèles et aux Romains à Cannes: on n'en a pas déduit que la cavalerie était devenue l'arme absolue pour autant. Ce qui compte, c'est l'usage qu'on fait d'un dispositif tactique qui doit être aussi complet et solide que possible: Alexandre disposait d'une armée très variée où la phalange ne pesait que la moitié des effectifs, et il savait s'en servir. Ses successeurs macédoniens avaient de bonnes armées, mais de moins en moins variées, où la phalange s'est mise à peser plus des 2/3 de l'effectif: face à l'armée romaine plus versatile, ils ont perdu la souplesse qu'Alexandre savait garder.

Maintenant, la faiblesse romaine tardive en cavalerie (en quantité, pas en qualité) a pu limiter l'efficacité de leur dispositif tactique, ce que l'armée d'orient/byzantine a lentement corrigé à partir du Vème siècle.

mais fondamentalement à cette époque, s'il est vrai que le matériel romain se répand, dans une certaine mesure, ce n'est pas la "technologie" qui définit la force: la technique, la discipline, l'organisation et le commandement font plus la différence à ce moment. La technologie, c'est juste du matos inerte, pas des têtes chercheuses ou des supercalculateurs, ni même le feu grégeois qui arrivera plus tard chez les byzantins: à cette époque, aucune "technologie" ne donne un avantage net en soi. C'est l'organisation militaire, permise par un Etat stable et riche (ce qui donne le temps et l'espace pour former une armée professionnelle vaste et complète), qui fait toute la différence. Et c'est précisément ce qui est en danger avec Andrinople, et ce dont se remet l'Orient, mais pas l'Empire d'Occident.

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Ce qui est presque  paradoxal vu que ce sont les effectifs du comitatus d'orient qui ont été saigné pas ceux d'occident.

Le problème n'a t il pas plus été quand les barbares ont pu refusé de s'intégrer dans des unités romanisées ?

Si les 30000 auxiliaires fédérés en Italie avaient été plus fiables, la face en aurait peut-être été changée ?

Par contre je  ne me souviens plus pourquoi la tentative de reconquête de l'italie par l'empire  d'orient a finalement échoué.

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Selon moi, la tendance de fond, c'est que l'Occident, du fait d'un relatif affaiblissement démographique, donc économique, arrive tout juste à tenir ses effectifs face aux menaces qu'il a à gérer, à savoir dans son cas, et avant tour, le front du Rhin et, dans une certaine mesure, les côtes de la Manche et de l'Atlantique (Angleterre et moitié nord de la France) face aux raids maritimes saxons. Plus une part du Danube. Ce relatif affaiblissement n'a rien d'irréversible et l'Empire d'Occident est encore solide sur ses fondamentaux et assez riche pour durer le temps de remonter la pente démographique. Même la faiblesse du recrutement en Italie est largement compensée par le volontariat en Gaule, en Espagne, en Afrique, en Panonnie, en Norique et en Bretagne. Bref, il peut tenir, même face au déferlement des Vandales en 406: l'empereur a prouvé qu'avec le seul comitatus présent dans le nord de la Gaule (13 000h réunis à la hâte, incluant des forces des pseudocomitatus), il avait pu repousser une armée alamane évaluée entre 35 et 60 000h (ce dernier chiffre étant sans doute une exagération, mais un maximum allant jusqu'à 45-50 000h n'a rien de choquant).

Ca c'est pour la tendance de fond. Mais Andrinople change la donne pour l'Orient, pendant un temps: Théodose est obligé d'intégrer en masse des barbares parce que, même une fois la menace goth parée, les besoins restent les mêmes à toutes les frontières, y compris une situation très tendue face aux Perses, celle dont Valens a du se détourner. Théodose est obligé d'accélérer le recrutement pour l'armée régulière afin de reconstituer son comitatus le plus vite possible, chose qui ne peut se faire en moins d'une dizaine d'années vu le niveau de sollicitation permanente, les difficultés épisodiques du recrutement de qualité, la perte de richesse et de capacités de production momentanée avec le bordel que les années 376-382 ont foutu dans les Balkans.... Raisonnablement, le comitatus n'a pu se refaire qu'en une bonne vingtaine d'années, sans doute même plus étant donné que dans l'interstice, il a fallu payer (très cher) de vastes bandes de mercenaires, de véritables armées (les Goths en tête) pour pouvoir garder une marge de manoeuvre, investissement qui ralentit d'autant la reconstruction de la force d'action mobile propre de l'Empire.

Et en attendant, pour pouvoir opérer cette reconstruction, on accroît le recrutement de barbares dans le comitatus, chose à laquelle les Romains ne sont pas opposés: là, ce sont des hommes qui s'engagent individuellement et passent par la discipline et l'intégration normales (les barbares grimpent en proportion dans le comitatus, mais as au-delà d'un seuil alarmant). Il y a des réactions hostiles pour ce qui concerne le haut commandement, mais ça n'aura d'importance queplus tard. Là où c'est problématique, c'est la proportion d'unités barbares constituées dans le comitatus, engagées comme mercenaires sous le commandement de chefs particuliers, souvent appelés rois bien qu'en fait ils soient plus des chefs, sanctifiés selon des rites culturels propres (mais avec une double identité tant ils sont aussi romanisés): ce sont vraiment des condottieres comme dans l'Europe des XVème-XVIIème siècles.

Seulement, les dirigeants d'orients, malgré ce dont les accusent les critiques antibarbares, ne sont pas totalement tarés: ils n'ont pas le choix et doivent recruter ces hommes (tant par crainte qu'ils foutent le bordel dans l'empire, puisqu'ils y sont, que par besoin de disposer d'un corps d'intervention suffisant). Et comme ces groupes ne veulent plus se séparer et être dispatchés dans l'empire (leurs chefs aiment la puissance de négociation qu'ils ont, qui leur permet de s'insérer dans les jeux politiques et d'ambition de l'élite romaine, pour obtenir richesses, terres, titres et pouvoirs), les empereurs leur donnent aussi des territoires d'installation. A ce stade, il ne s'agit pas de domaines autonomes, mais de zones de garnisons assorties d'un statut et d'un paiement permanent (bien supérieur à celui des soldats réguliers).

Mais les empereurs d'orient cherchent graduellement à s'en débarrasser: on sépare les groupes dans la mesure du possible (mais ils restent en gros packs), mais surtout, on les éloigne graduellement, après chaque mission. Le deal que passe Théodose avec les Goths dans les années 380 les parque en Thrace. Puis après la répression des Goths par d'autres Goths (ceux qui ont passé un deal), on les case en Illyrie, puis encore après ça en Panonnie. Bref, on les envoie de plus en plus à l'ouest, au début du Vème siècle.

Et là est toute la merde pour l'occident: au début du Vème siècle, alors que le sommet de l'Etat de l'Empire d'Occident connaît un moment de querelles politiques internes comme l'Empire en a connu bien d'autres et dont il s'est toujours remis, on a en plus la conjonction totalement simultanée d'une menace de bandes de mercenaires goths ambitieux, pas aimés et turbulents aux portes de l'Italie (et à l'intérieur de l'Empire: il n'y a pas de fortifications, là), et de l'invasion vandale massive (de l'autre côté de l'empire d'occident). Le tout dans un contexte d'affaiblissement relatif des moyens disponibles (pas insurmontable, mais c'est du flux très tendu).

Le reste n'est que conséquences: la réaction antibarbare marche en orient et l'Etat reprend le contrôle et se débarrasse des mercenaires.... En les envoyant en occident (après les Goths, il y en a d'autres, qui les renforcent). La réaction antibarbare en occident, qui aurait pu marcher, se fait dans un tout autre contexte: un pouvoir momentanément divisé, 2 menaces immédiates (plus une plus relative en Afrique) en deux points éloignés du territoire (dont une à l'intérieur directement, et l'autre qui passe le Rhin facilement en raison de circonstances exceptionnelles).

Pour détail de fond: une province pillée, c'est une province qui ne paie pas d'impôts pendant un temps, ne recrute pas d'hommes pendant un temps et ne fabrique pas d'armes pendant un temps, alors même que les ressources sont tendues. Cela veut dire un accroissement, ou un comblement des trous moins rapide du comitatus. Quand une province est perdue, ou même qu'on est coupé d'elle parce qu'une autre, entre le centre et la province, est agressée, mathématiquement, le comitatus se réduira à terme. Et surtout, surtout, outre le problème des ressources dans l'absolu, il y a la temporalité: décider de former une unité, c'est un délai de plusieurs années (il faut la vouloir fort et longtemps, ce qui est le propre d'un Etat). Recruter un mercenaire, c'est clé en main, mais c'est renoncer à 2 soldats à terme.

Résultat: la dispute politique autour de Stilicon et du problème barbare affaiblit le pouvoir au moment où il ne faut pas. La présence goth en Italie entraîne le refus d'une part de l'opinion de laisser le comitatus partir pour aller assister la Gaule. Ce refus entraîne la sécession momentanée des Gaules avec Constantin III (rupture de l'impôt pendant un temps, querelles, mobilisations diverses). Cela contraint l'empereur à négocier avec les Goths pour les envoyer chasser le Vandale en Espagne (le comitatus gaulois ne les poursuit pas non plus, pour protéger son territoire). Ce mouvement, la peur des mercenaires et la faible réaction initiale du pouvoir face aux Vandales entraîne la sécession momentanée de l'Afrique. Du coup, les mercenaires goths, non nourris, se ivrent au pillage et deviennent plus ambitieus et colériques: ils prennent des territoires. Les Vandales, battus penadnt ce temps, passent en Afrique et s'y installent.

Et ainsi de suite.... Voilà pour moi la temporalité et la suite d'événements fortuits qui a entraîné la chute de l'empire d'occident; aucun de ces événements, séparément, n'aurait pu abattre l'empire. Même la conjonction de quelques-uns ne l'aurait pu. En poussant un peu, je dirais que même dans les années 410-420, un Empereur fort aurait pu redresser la barre comme cela avait été fait en Orient et comme l'empire romain l'avait déjà fait auparavant (je trouve la crise du IIIème siècle infiniment plus profonde et grave dans ses fondamentaux).

Mais il n'y a pas eu d'empereur fort et, sans doute, l'empire d'orient a un peu participé à la chute de son jumeau d'occident. Mais il s'agit vraiment avant tout d'une conjonction très rapprochée dans le temps d'événéments fortuits entre 400 et 410. pas de bol.

Une réaction qui illustre bien la chose: la Bretagne (l'Angleterre, donc) est, militairement totalement abandonnée en 410 (le retrait militaire commence en 401). C'est très rapide après le début de la crise: c'est un repli purement militaire (il n'y a, à ce moment précis, pas de menace massive directe sur l'île). On ramène les effectifs sur le continent, point barre. On concentre le dispositif. Nominalement, la Bretagne est encore romaine et participe encore à l'impôt pendant un temps. Mais la guerre impose de concentrer les moyens.

Si les 30000 auxiliaires fédérés en Italie avaient été plus fiables, la face en aurait peut-être été changée ?

Oui, mais cela revient à dire "si l'Homme n'était pas l'Homme", ou "si l'Homme était gentil": quand il est question d'ambition et de pouvoir.... Le fait est qu'ils n'auraient jamais du être dans l'empire en unités constituées si vastes. Faut pas chercher plus loin.

Par contre je  ne me souviens plus pourquoi la tentative de reconquête de l'italie par l'empire  d'orient a finalement échoué.

Elle a réussi, mais la conquête n'a pas duré: l'effort n'a pas été maintenu par les empereurs qui ont suivi Justinien. Et l'Empire d'Orient a commencé aussi à avoir des problèmes après le VIème siècle, problèmes dont il a mis un siècle et demie à se remettre avant de connaître une nouvelle période faste (plus ou moins) de près de 3 siècles.

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Selon moi, la tendance de fond, c'est que l'Occident, du fait d'un relatif affaiblissement démographique, donc économique, arrive tout juste à tenir ses effectifs face aux menaces qu'il a à gérer, à savoir dans son cas, et avant tour, le front du Rhin et, dans une certaine mesure, les côtes de la Manche et de l'Atlantique (Angleterre et moitié nord de la France) face aux raids maritimes saxons. Plus une part du Danube. Ce relatif affaiblissement n'a rien d'irréversible et l'Empire d'Occident est encore solide sur ses fondamentaux et assez riche pour durer le temps de remonter la pente démographique. Même la faiblesse du recrutement en Italie est largement compensée par le volontariat en Gaule, en Espagne, en Afrique, en Panonnie, en Norique et en Bretagne. Bref, il peut tenir, même face au déferlement des Vandales en 406: l'empereur a prouvé qu'avec le seul comitatus présent dans le nord de la Gaule (13 000h réunis à la hâte, incluant des forces des pseudocomitatus), il avait pu repousser une armée alamane évaluée entre 35 et 60 000h (ce dernier chiffre étant sans doute une exagération, mais un maximum allant jusqu'à 45-50 000h n'a rien de choquant).

gibbs :

pour les volontaires (gaulois ,espagnol etc...)que tu cite ,comment était -il géré ,je veux dire aux niveaux équipement ,entraînement ,exactement comme pour des recrues italienne et avec la même langue (le latin est-il le même pour tous à l'époque )

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L'équipement, je l'ai dit plus haut (je sais que j'ai beaucoup balancé sur ce sujet, mais c'est vexant  ;)): tout est homogène dans l'armée, et oui, tous les citoyens parlent le latin qui est la langue véhiculaire de l'Empire. Tant qu'il a été impératif comme langue dans un Empire unifié avec une administration, une armée, des brassages de populations et des échanges permanents, la question ne s'est même pas posée. L'évolution indépendante des langues est arrivée plus tard, soit dans des dérivés du latin (France, Espagne, Italie, Roumanie....), soit par la survivance d'autres langues comme langues officielles dans l'Empire (essentiellement le Grec dans l'Empire d'Orient), soit par l'imposition de la langue des nouveaux arrivants (Angleterre, bien que les langues celtiques et germaniques ne se soient pas confondues, et aient correspondus aux affrontements entre Celtes et Saxons).

C'est une armée unifiée et moderne, d'un Etat fort et stable: pourquoi voudrais-tu que les entraînements et équipements soient différents (au-delà de l'adaptation au climat ou au relief qui fait qu'on met plus fréquemment les vêtements d'hiver ou d'été, les protections lourdes ou légères....)? C'est une armée moderne et standardisée, et chaque soldat a accès, comme aujourd'hui, à un catalogue donné de matériels adaptés à sa mission, mais dans le cadre d'une production unifiée et standardisée.

Quand je parle de volontaires, c'est juste le recrutement normal, valable dans toutes les parties de l'empire (avec la conscription obligatoire des fils de militaires). La seule autre possibilité, ce sont les mercenaires.

L'entraînement est le même partout, dans tous les camps militaires où se trouve la formation de base de chaque spécialité, et dans toutes les unités d'affectation. Si quelqu'un veut des détails de l'entraînement, j'ai pas les détails des calendriers de formations, mais dans les grandes lignes, la formation de base, comme depuis Marius dans l'armée professionnelle:

- se fait dans les grands camps légionnaires et en "stages" sur le terrain, auprès de vétérans (après un certain temps)

- implique avant tout un entraînement physique très poussé: gymnastique, course, franchissement, endurance, endurcissement, résistance au milieu (on imagine des "stages grand froid"....), natation, défrichement (abattage d'arbres, débroussaillage, creusement de tranchées....)

- la marche pourrait être un domaine à part entière, tant elle est importante dans la vie du soldat romain: la marche en unités constituées, pour acquérir les cadences (de combat et de marche longue distance), la cohésion et l'endurance, c'est du lourd dans le programme de formation

- implique un entraînement poussé dans les techniques de combat individuelles: l'escrime (avec et sans bouclier), le maniement de la lance, le lancer de plumbatae et l'équitation (pour les unités concernées) sont les grands domaines d'application. On a beaucoup de précision sur l'entraînement à l'épée, qui se fait souvent avec des gladiateurs et des maîtres d'armes: on l'enseigne longtemps, comme une science complexe (la spatha, avec sa capacité d'estoc et de taille, mais aussi utilisée en combinaison avec un bouclier, voire avec d'autres armes comme la hache, offre un nombre de combinaisons infini).

- implique un entraînement extrêmement poussé du combat en petites unités homogènes et en petits groupements interarmes (assauts et défense de places, manoeuvres de combat, combat en ligne et en groupes....)

Les Prussiens n'ont pas inventé le drill: il est présent à tout instant pour le soldat romain qui répète tout jusqu'à plus soif pour accomplir d'instinct les gestes individuels, mais aussi les manoeuvres collectives (chose que n'ont pas les barbares). "La sueur épargne le sang" reste la devise affichée à tous les frontons des zones de formation des légions, depuis des siècles.

Après cette formation initiale, vient la formation dans les unités d'affectation: là, outre l'entraînement quotidien normal, vient la formation au combat en grandes unités constituées, fin du fin de l'art militaire romain. Le nombre de manoeuvres et de formations à connaître et à maîtriser est énorme.

Le but est précisément d'avoir une armée faite d'unités plug and play pouvant constituer des corps expéditionnaires à la carte, tout en gardant un esprit de corps très élevé.

Même pour les gens de trait, l'entraînement de base est le même: tous les soldats passent par la même formation initiale, y compris dans l'entraînement à l'épée, que toutes les unités portent. C'est la culture légionnaire qui est restée: soldat universel, le légionnaire, dans l'armée de la République tardive et dans celle du haut Empire, ne se spécialisait qu'après, et souvent seulement si la mission l'exigeait, en aucun cas il n'était assigné à demeure à une fonction. La cavalerie des légions était ainsi plus faite de fantassins à cheval que de purs cavaliers. Les fantassins légers et archers de la légion n'étaient que des légionnaires assignés au rôle de vélite. Les unités spécialisées, c'étaient les auxiliaires alliés qu'on payait.

Dans l'armée du Bas Empire, la spécialisation est accrue et entrée dans les moeurs; mais elle n'est pas totale, et la formation de base "à la légionnaire" en est l'illustration, tant parce qu'il s'agit d'entraînements nécessaires et incontournables que parce que cela laisse une marge de polyvalence (relative selon les cas), mais surtout parce que c'est la base même de l'esprit de corps militaire de l'armée dans son ensemble. Et celui-ci est très fort dans l'armée duale du Bas Empire, qui a une vraie conscience de classe à part.

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L'équipement, je l'ai dit plus haut (je sais que j'ai beaucoup balancé sur ce sujet, mais c'est vexant  ;)):

gibbs:

autant pour moi mais dans la précipitation j'ai retapé parceque s'était se que je venais de lire pour l'équipement  :-[,donc le mot est resté dans le disque dur (mon cerveau qui n'est pas un moteur de recherche rapide  :lol:) par contre dans une même légion , trouvé t-on des gens venant de tout l'empire , ou chaque légion avait en fonction de son implantation dans l'empire un recrutement local ? j'ai pas fait de bourde dans ma question :-[ 

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J'embraye sur le devenir de l'armée de l'Empire d'Orient, qui commence à se différencier à partir du règne de Théodose, soit vers la fin du IVème siècle et le tout début du Vème siècle, c'est-à-dire, en fait, quand l'armée d'occident commence à se barbariser sous la pression des événements.

Elle ne prend pas un nouveau visage: au contraire, elle se dégage des contingents de mercenaires barbares et retourne à un modèle romain. Mais elle opère des changements dans les proportions d'unités, la cavalerie, en particulier, montant un peu en puissance, passant d'environs 10% des effectifs à 20% en moyenne.

Effectif

On notera que jusqu'à l'apogée Justinienne, l'effectif ne cessera de regrimper. L'oeuvre de l'Orient ne doit pas être mésestimée: la débarbarisation a été accompagnée d'une remontée en puissance qui a permis une grande période d'expansion. Quand on pense que l'armée duale de tout l'empire romain permettait de parer aux menaces potentielles et avérées, et éventuellement de réunir une grande armée pour une campagne (en plus de la défense), ou deux plus petites, on doit se rendre compte de la puissance acquise aux Vème-VIème siècle. En plus de la défense bien remise sur pied, l'armée byzantine pourra mobiliser des effectifs de manoeuvre suffisants pour reconquérir la quasi totalité du bassin méditerranéen ET mener son éternelle guerre de frontière contre la seule autre grande puissance de l'époque, les Perses sassanides.

Les estimations réalistes placent l'effectif du milieu du Vème siècle comme remonté à son niveau d'avant Andrinople, à savoir dans la gamme des 200-250 000h dans la seule armée de terre (40 à 50 000 dans la marine), dont entre un tiers et la moitié pour le Comitatus, et ce sans effectifs barbares. Le Comitatus devait donc tourner aux alentours des 100 à 120 000h, dont 20 à 30 000 cavaliers.

Organisation

Le Comitatus était alors réparti en 5 "groupes d'armées" autonomes. On suppose que ces groupes correspondent, dans notre système moderne, à 5 corps d'armée avec un Etat Major opérationnel et la logistique calibrée pour les faire opérer seuls (ou pour former une plus grande armée). Bref, il y a 5 Etats-Majors de Force  :lol:.

Ces Groupes d'armées sont de 2 types: les Comitatus Praesentales, qui sont les "Escortes Impériales", soient les pures forces stratégiques de réserve et de déploiement, et les Comitatus stricto censu, qui sont les armées régionales des zones stratégiques. Ces dernières sont 3: Moyen Orient (centre opérationnel à Antioche), Adriatique (en Illyrie, à Sirmium, aujourd'hui Mitrovica) et Balkans (centre opérationnel en Thrace, à Marcianopolis, sur la Mer Noire). Il existe aussi deux EM permanents plus petits pour le comitatus: l'Egypte (coeur de la production agricole) et l'Isaure (sud de l'Anatolie), ce qui prouve en fait l'estimation des niveaux de menace de l'Empire. Ces 3 grands EM sont confiés à des Magister Militum.

Les 2 petits EM (confiés à 2 Comtes) sont chargés aussi bien de contrer une menace régionale (confins anatoliens et Caucase pour celui de l'Isaure, désert égypto-lybien et Arabie pour celui d'Alexandrie) que de porter éventuellement assistance à celui du Moyen Orient en cas de conflit majeur avec les Perses. Mais on voit aussi l'importance cruciale des Balkans qui ont 2 EM très rapprochés, sans même compter les 2 EM Praesantales qui sont très proches.

Les Comitatus Praesantales sont 2: une à Nicomédie et une à Nicée, toutes deux proches de Constantinople. Eux aussi sont confiés à des Magister Militum.

Ces centres opérationnels sont très importants, puisqu'il s'agit réellement d'EM projetables, mais aussi de centres adminsitratifs de commandement et d'organisation de l'armée (entraînement, logistique....). C'est autour de ces centres que se répartissent les bases et l'entraînement, et c'est là que se prennent les quartiers d'hiver.

Les Limitanei ont leurs propres commandements: ils sont organisés en "groupes d'armées des frontières" (exercitus limitanei), par région. Il y a en tut 13 régions de commandement des Limitanei, toutes confiées à un Dux (chef, plus tard un Duc). Mais ils sont sous le commandement opérationnel des Magister Militum des 5 grands commandements

On a pu dresser une "photo" du comitatus à la fin du IVème siècle (effectifs en estimation moyenne):

- l'empereur garde environs 3500h: ce sont les 7 scholae palatina directement sous son contrôle. 40h de ces unités sont sélectionnés pour former les gardes du corps de l'Empereur: ce sont les Candidati, et leur signe distinctif est la cape blanche.

- le Comes Isauria n'a qu'environs 1000h en propre (ils travaillent beaucoup avec les limitanei)

- le Comes Rei Militari Aegypti dispose de 15 000h environs

- Magister Militum per Illyricum: 16 000h

- Magister Militum per Thracias: 27 000h

- Magister Militum per Orientem: 20 000h

- Magister Militum Praesentalis n°1: 22 000 Palatins

- Magister Militum Praesantalis n°2: 23 000 Palatins

Les 2 comitatus praesentales concentrent 75 à 80% des unités palatines. Les 20% restants constituent l'élite des 3 grands Comitatus régionaux.

A cette époque là, les barbares (non comptés ici) sont encore très présents comme mercenaires: on peut donc imaginer un totale de l'armée mobile dépassant largement les 130 000h. Mais, loin des critiques qu'il a reçu, on peut aussi mesurer l'oeuvre de Théodose. Le latin continue à être la langue de cette armée, et ce jusqu'au VIIème siècle, tant par tradition que parce qu'une bonne moitié des recrues du Comitatus vient des régions de Panonnie et d'Illyrie (provinces danubiennes en général). Les autres grands contingents de recrues sont avant tout les Arméniens et les Isauriens, mais aussi les Goths et pas mal de Francs, toujours appréciés comme recrues individuelles. Cependant, la réaction antigermanique a plus limité ces apports qu'auparavant.

L'Empire à ce moment (avant la conquête justinienne), doit compter autour de 20 millions d'habitants (avec l'Empire d'Occident, le total impérial devait être de 32 à 35 millions d'habitants).

Changements: l'Orient affine son modèle

La cavalerie

La cavalerie a évolué par rapport à l'ère précédente. Mais on notera dajà que l'Orient comptait des spécificités: 14 des 17 unités de cataphractaires s'y trouvaient, et les cavaliers archers y étaient aussi plus nombreux, de même que les 3 vexillations de dromadaires  :lol:.

Après Andrinople, la cavalerie monte en puissance, même si le modèle tactique n'est pas bouleversé: en passant de 10 à 20% du Comitatus, l'Orient corrige en fait plus une relative faiblesse qu'il ne change de modèle. De même, la cavalerie lourde accroît son poids relatif: les scutaires comptent pour environs 60% de la cavalerie (15-16 000h), et les cataphractaires pour 15% (3800-4000h).

La cavalerie légère (archers montés, cavalerie indigène) représente un quart de l'effectif (6-7000h), mais ce chiffre est à nuancer car il faut aussi inclure, dans ce rôle, les nombreux Alae et Cuneus de cavalerie des Limitanei, qui servent comme cavalerie légère (pas de cavalerie lourde chez eux), notamment en temps que pseudocomitatenses pendant une campagne: 40% des unités peuvent être utilisées dans ce rôle (10-12 000h), ce qui, en fait, multiplie l'effectif de cavalerie légère par 3.

Matériel

Sur le plan du matériel, bien que les fabricae continuent de produire à plein régime les mêmes équipements, on constate, hors des temps de "grande" guerre contre les Perses, les Goths et Vandales (campagnes d'Italie et d'Afrique)  et, plus tard, les Bulgares, un allègement généralisé des unités d'infanterie dans les conflits localisés et les petits corps expéditionnaires: les fantassins lourds utilisent alors plus la spatha que leur lance, et comme les fantassins des auxiliats, ils ont tendance à porter l'armure de peau plutôt que la cotte de maille (lorica hamata), l'armure lamellaire (lorica segmentata) ou l'armure scalaire (lorica squamata).

Seuls les grands conflits contre les adversaires organisés les voient reprendre la lance en priorité, et remettre les armures métalliques (face aux déferlantes de flèches et aux mêlées). Le reste du temps, on constate la préférence pour les modes opérationnels de l'infanterie légère et mobile couplée avec la cavalerie, et le combat à l'épée, plus révélateurs en fait de la conflictualité moyenne des orientaux:

- combat des confins orientaux montagneux à l'est et au nord-est de l'Anatolie

- guerre d'escarmouche permanente dans le désert avec les Perses, entre 2 grands conflits

- lutte contre les raids dans le désert égyptien et sur la frontière arabe: filtrage et raids punitifs

- guérilla de harcèlement et raids punitifs sur la frontière danubienne

Les unités de spécialistes

Selon ces modes de conflictualité, il semble que les unités spécialisées d'infanterie légère aient été un peu plus nombreuses, tant dans les unités constituées que dans leurs effectifs dispatchés dans les légions et auxiliats d'infanterie.

L'artillerie est demeurée un corps séparé (les Ballistarii), avec 4 corps d'artillerie constitués (avant la grande montée en puissance sous Justinien), plus les effectifs ventilés dans toutes les formations d'infanterie (chaque unité gardant une artillerie et une archerie organique). On notera que les Limitanei ont aussi 1 ou 2 corps d'artillerie constitués, en plus d'effectifs ventilés dans les formations d'infanterie.

L'archerie (sagittarii) continue à fonctionner sur ce même modèle: des unités spécialisées (montées et à pied) et des effectifs ventilés dans les unités d'infanterie.

Mais globalement, c'est la même armée: même matos, mêmes unités, même entraînement, même discipline, proportions plus ajustées que réellement changées.

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autant pour moi mais dans la précipitation j'ai retapé parceque s'était se que je venais de lire pour l'équipement  ,donc le mot est resté dans le disque dur (mon cerveau qui n'est pas un moteur de recherche rapide  ) par contre dans une même légion , trouvé t-on des gens venant de tout l'empire , ou chaque légion avait en fonction de son implantation dans l'empire un recrutement local ? j'ai pas fait de bourde dans ma question 

Je comprends mieux le sens de la question. Le propre du Comitatus est d'être plus un ensemble de spécialistes sélectionnés. Mais vu le temps, l'organisation relativement territoriale des 4 grandes préfectures et les distances, ainsi que souvent les différences de nombre de volontaires par régions, les unités régulières du comitatus sont fréquemment "régionales" (à prendre au sens large). En revanche, les Palatins (entre 1/3 et la moitié de l'effectif du comitatus) le sont moins, puisqu'ils sont souvent issus d'une sélection en provenance des unités du comitatus ils concentrent le gros des vétérans). C'est la même chose pour les Scholae. Les Palatins en général sont donc vraiment des unités "impériales", avec une faible connexion géographique.

L'aspect "régional" des unités régulières du comitatus est à prendre au sens des 4 grandes préfectures.

Chez les Limitanei, la dimension régionale est quasi totale, sauf pour les effectifs de la défense côtière qui sont en partie des spécialistes pouvant venir d'autres régions.

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Il  n'y a pas de trace de l'entrainement au Pancrace, le close-combat de l'époque dans votre entrainement individue du légionnaire.

Pourtant tant la lutte corse que  la lutte provençale témoignent de l'existence d'une lutte libre dans les territoires romains.

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J'ai pas cherché à être exhaustif sur l'entraînement, mais effectivement, Ammien Marcellin et Végèce insistent sur l'importance du corps à corps, qui fait partie de l'entraînement individuel au même titre que l'escrime.

Cependant, le pancrace n'est pas une méthode de close combat: le pancrace classique s'apparente à une boxe poings-pieds très libre avec plein de coups de putes, incluant des clés de bras, des étranglements et des projections. Mais il n'a pas vraiment de techniques au sol complètes (bien qu'une partie du combat se fasse au sol, généralement plus ou moins à genoux). Son but n'est pas vraiment le KO ou la mort (et certainement pas une victoire au points  :lol:), mais la soumission de l'adversaire.

Il se pratique avec des cestes, c'est-à-dire des gants matelassés garnis de morceaux saillants de plomb (je laisse imaginer la gueule des pratiquants après un combat), mais il se faisait aussi, pour les Jeux Olympiques, à poings nus. Je précise que bien que pratiqué dans le contexte d'un sport, le pancrace se faisait en pur full contact: c'était assez sanglant.

Le Pancrace moderne, qu'on voit dans des compétitions spécifiques ou bien dans les événements de MMA comme le K-1 ou l'UFC, est une pure invention des 20 dernières années (ressortie par un Japonais en 1993!), qui a réutilisé le nom et n'a pas grand chose à voir avec la boxe grecque qu'était le pancrace à l'époque qui nous intéresse.

Le corps à corps avait ses propres disciplines dont les noms nous sont mal connus, si tant est qu'il y ait eu une classification telle que nous en avons aujourd'hui: le pancrace devait en faire partie au même titre que des formes de la lutte que nous appelons aujourd'hui gréco-romaine, issues de la lutte grecque, le Pale.

Ces différentes formes de combat au corps à corps faisaient partie de l'éducation à la romaine, pratiquées aussi bien dans les écoles que dans les gymnases. Il va sans dire que les entraînements militaires devaient leur faire une part. Mais il est douteux que le pancrace ait été enseigné en tant que tel dans l'armée romaine (quoiqu'il ait du inspirer des méthodes de combat spécifiques). Il faisait partie de l'entraînement régulier des armées grecques classiques, particulièrement les armées professionnelles (spartiate et macédonienne). La lutte était aussi nettement prisée (offrant les techniques de sol), de même que certains types de combat de l'art gladiatoral (particulièrement les techniques des mirmillons, proches de l'armement des légionnaires). Ces méthodes de combat à main nues ont largement fait tache d'huile chez les Romains, au même titre que les Humanités; il s'agissait donc de sports très répandus même dans la société civile. L'armée ne ouvait évidemment que développer cet engouement, puisque son entraînement de base était initialement une extension appliquée de "l'éducation idéale" des jeunes patriciens romains, extension promue par Marius quand il ouvrit le recrutement aux basses classes et créa la première armée professionnelle.

Mais il y eut aussi un rejet de ce côté: c'est d'autant plus vrai avec l'ère chrétienne qui vit l'Eglise finalement réussir à obtenir de Théodose, en 393, l'interdiction formelle des JO, des combats de gladiateurs et celle du pancrace. Dans l'armée, l'entraînement ne fut pas concerné, apparemment (heureusement).

On notera la persistance de cette interdiction quand Coubertin rétablit les JO: le clergé approuva l'idée, mais interdit le rétablissement du pancrace dans ces nouveaux JO.

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Je termine sur l'évolution de l'armée de l'Empire d'Orient.

Grandes lignes

Constantinole, je l'ai dit, garde le même modèle d'armée duale, les mêmes entraînements, tactiques, modes de recrutement, les mêmes unités et types d'unités, structures de commandement.... Mais elle s'adapte aux réalités de ses théâtres d'opération, de même qu'aux évolutions fondamentales qu'elle a subi, tant du point de vue politique (intérieur et extérieur) qu'opérationnel.

En fait, on peut dater l'amorce d'une évolution particulière à partir du règne de Théodose, et notamment dans la façon dont il a du s'adapter à la présence barbare et organiser, lentement, graduellement, l'éviction de la majorité d'entre eux et la lente reconstruction du comitatus.

L'un des premiers changements est l'arrivée progressive du grec dans la terminologie militaire: le changement ne sera vraiment total qu'au VIIIème siècle avec l'adoption du grec comme langue d'usage de l'armée, mais l'usage du grec se répand pour la terminologie assez tôt, surtout au niveau des petites unités et grades d'officiers. Des noms de formations grecs et des ordres en latins.

C'est Justinien (qui règne de 527 à 565) qui reformalise l'armée: il n'opère pas vraiment de réforme militaire, mais sa réforme fiscale permet de développer les finances de l'Etat (elles n'allaient pas mal, mais lui assainit le fonctionnement de la collecte à tel point que le Trésor est en forte expansion sous son règne) et d'étendre l'armée dans de vastes proportions. Ce développement reformalise en fait les proportions des différentes branches et différentes spécialités militaires selon un modèle optimal, inspiré et confirmé par l'efficacité des nombreuses campagnes menées sous le règne de Justinien:

- 2 grandes guerres contre les Perses sassanides (1 défaite et 1 match nul, sans résultat concret, mais les troupes se sont bien comportées)

- 2 campagnes en italie contre les Goths

- 1 grande campagne en Afrique du Nord contre les Vandales

- 1 campagne limitée en Espagne contre les Wisigoths

- de nombreuses campagnes défensives et raids punitifs contre les incursions danubiennes de populations slaves et kazakhs

Et je ne compte pas l'activité quotidienne d'escarmouches permanentes en Egypte, aux frontières perses, sur le Danube et dans le Caucase.

Structure

L'armée de Justinien a pu atteindre les 150 000h pour le seul comitatus; les chiffres des Limitanei sont plus durs à établir, mais 110 à 120 000 étaient le chiffre plancher des règnes précédents. On peut supposer qu'il les a augmentés.

Les branches de l'armée sous son règne ont connu quelques évolutions:

- les scholae palatina restent inchangées, à la disposition immédiate de l'empereur

- les comitatenses (palatins et réguliers) ont peu changé et pèsent pour l'essentiel du comitatus (peut-être 80%). Leur dénomination change cependant, et on tend plus à les appeler Stratiotai. La majorité d'entre eux continue à venir de Thrace, d'Illyrie, de Panonnie, des bords du Danube, d'Arménie et d'Isaurie

- les limitanei n'ont pas subi de changement notable: gardes, garnisons, escorte, reconnaissance, fourniture des pseudocomitatenses....

- les foederati (fédérés) sont la grande nouveauté du début du VIème siècle: il s'agit de troupes de barbares recrutées et entraînées à la romaine, avec des officiers romains comme chefs. Mais ils étaient gardés par groupes d'origine (c'était leur spécificité). Au cours du VIème siècle, les citoyens romains sont autorisés à rejoindre ces unités qui deviennent mixtes (et son de fait difficiles à différencier des unités du comitatus). C'est l'exemple d'unités barbares qu'on a su maîtriser et intégrer lentement. Une évolution comparable serait nos unités de zouaves: initialement faites de tribus kabyles, elles sont devenues si populaires que des Français ont commencé à les intégrer, au point, en 40 ans, de n'être plus faites que de Français!

- les Alliés sont, eux, des unités mercenaires engagées clé en main selon les besoins du moment. Mais les Orientaux alors retrouvé la marge de manoeuvre pour les garder en proportions maîtrisables (pas plus de 10-15% du comitatus, et seulement pendant une guerre).

- les bucellarii ne sont pas une unité du comitatus proprement dits, ni payés par l'Etat, mais ils sont une unité militaire byzantine qui participent, le cas échéant, à une campagne. Il s'agit en fait d'unités militaires privées à la solde d'un grand aristocrate, d'un grand officier, d'un haut fonctionnaire ou de toute personne de grande fortune, et lui jurant allégeance. La taille de ces contingents variait fortement, mais certains étaient de vraies petites armées. Le soldat de base était appelé Hypaspistai ("porte boucliers", les fantassins d'élite macédoniens), et les officiers Doryphoroi ("porte lances"), et le passage dans leurs rangs pouvait faire partie d'une formation militaire normale. On pouvait commencer sa carrière chez eux, ce qui fut d'ailleurs le cas de Bélisaire, officier des Bucellarii de Justinien avant qu'il ne devienne empereur. Les Bucellarii étaient souvent des cavaliers de tous types (huns, Goths) et des fantassins légers (Thraces, Illyriens, Arméniens)

Bref, à 90% l'armée est la même; mais à la marge, elle admet de nouveaux corps dans certaines proportions, principalement les alliés, mercenaires qu'on peut garder sous contrôle et qui forment des corps d'appoint limités en temps de guerre. Les fédérés ne sont en fait rapidement que d'autres unités, surtout de cavalerie: il ne s'est agi que d'un processus d'assimilation d'unités barbares fragmentées auxquelles on a pu imposer la discipline, l'entraînement et des officiers romains, puis, graduellement des effectifs romains, au point de les intégrer totalement.

Les Bucellarii sont des gardes de grands personnages qui servent moins d'appoint (sauf quelques cas) que de pépinières d'officiers et de soldats dont une partie de la formation n'est donc pas à la charge de l'Etat.

L'infanterie change peu (voir post plus haut), sinon qu'elle s'allège hors des grands conflits; on notera que les fantassins auxiliats et légionnaires opèrent avec les vélites et fantassins légers avec des javelots dans les opérations de guérilla, ce qui souligne encore la grande versatilité autorisée par l'entraînement.

Ce qui change un peu plus encore une fois, c'est la proportion de la cavalerie qui s'affirme de plus en plus, tant pour répondre à sa montée en puissance (surtout après l'introduction massive de l'étrier vers le VIème-VIIème siècle) chez les adversaires de l'empire, que pour mieux s'adapter au terrain, surtout au Moyen Orient, dans les Balkans et en Anatolie. La frontière à ces endroits est faite de grands espaces arides, et la guerre s'y fait plus, surtout dans les Balkans depuis que la frontière ouest n'est plus le Danube, mais bien une frontière purement terrestre.

Ainsi, les fédérés sont quasiment uniquement des unités de cavalerie, de même que les unités de mercenaires alliés et les corps de bucellarii (qui fournissent de fait, à terme, beaucoup d'officiers de cavalerie).

S'il est difficile d'établir avec certitude des proportions pour l'armée de Justinien, on peut néanmoins penser que le comitatus est fait, hors contingents de mercenaires alliés, d'un quart de cavalerie (20% réguliers, 5% de fédérés). Parfois, les contingents de Bucellarii atteignent des proportions importantes, ou se voient adjoindre des mercenaires alliés payés sur les deniers du personnage: dans le système politique de lutte pour obtenir de hautes charges, personne ne peut se permettre d'échec s'il veut conserver un avenir. Pour les grands aristocrates dans la fonction militaire, le recrutement de Bucellarii en grand nombre est un investissement pour maximiser ses chances, sachant que par principe, l'Etat allouera toujours le moins possible de moyens (c'est un fait éternel).

Cas pratique

Ainsi, on peut examiner un corps expéditionnaire qui est bien documenté, à savoir celui de bélisaire dans la campagne nord africaine contre les Vandales en 533. Dans la tradition de l'armée duale, ce corps est une unité de "niveau 2" (voire le modèle établi dans le contrat opérationnel, plus haut), soit dans la gamme des 14 à 20 000h:

- 10 000 fantassins du comitatus: palatins, réguliers et fédérés (à cette époque, ils n'ont plus vraiment de différence de statut avec le comitatus)

- 3000 cavaliers du comitatus (même composition que plus haut)

- 600 archers montés huns et 400 archers montés Hérules, recrutés comme alliés mercenaires

- 1500 cavaliers Bucellarii de la Garde privée de bélisaire: c'est un apport qu'il a du juger nécessaire et que l'Etat ne lui aurait pas payé. Personne n'a besoin de 1500 gardes du corps, évidemment: il s'agit d'un complément qu'il a du juger nécessaire pour la réussite de son action (l'histoire ne dit pas si c'est l'Etat ou lui qui paie leur transport et tout leur entretien)

En tout, on a donc environs 15 000h pour reconquérir l'Afrique du Nord, soit un contingent normal selon les critères du Bas Empire, qui peut affronter des effectifs jusque 3 fois supérieurs aux siens; les Vandales devaient alors avoir entre 30 et 40 000 combattants, en très grande majorité des cavaliers. La victoire de Bélisaire fut absolue, et l'Afrique du Nord reprise pour 150 ans.

La flotte de transport nécessaire fut de 500 navires, protégés par 92 vaisseaux de guerres (galères et dromons).

Il n'y a vraiment que contre les Perses qu'on dépasse la gamme des 15-25 000h et qu'on opère une mobilisation exceptionnelle: 30 à 35 000h.

Bilan

Dans la période 540-560, le comitatus:

- doit maintenir un effort constant de 20 à 30 000h en permanence au Moyen Orient pour la 2ème guerre sassanide (540-562)

- doit maintenir un corps de 7000h en Géorgie (plus payer un contingent de mercenaires locaux) pour la guerre lazique, aussi face aux Sassanides et à leur alliés caucasiens

- doit maintenir un corps permanent en Italie, qui monte rapidement à 18 000h, pour la reconquête (540-554), sachant qu'il y avait déjà eu une première phase impliquant occupation, depuis 535

- entretenir une garnison permanente dans l'Afrique du Nord reconquise

- envoyer un corps de renfort en Afrique du Nord face à la seconde révolte maure entre 544 et 547 (couvrant la Tunisie et les Aurès en Algérie)

- envoyer et entretenir un corps de 2000h en Espagne dans les années 550, corps qui reconquerra le sud de la péninsule

- gérer des manoeuvres défensives dans les Balkans contre les incursions slaves et kazakhs sur tout la décennie 550

Tous ces déploiements sont des déploiements de conquête, impliquant le maintien après coup: on a donc un Justinien qui bénéficie d'un outil vraiment au point, chose qui ne se bâtit pas rapidement. il a alors une grande marge de manoeuvre qui lui autorise ces deploiements massifs sans diminuer la capacité défensive des régions historiques. Les déploiements susmentionnés impliquent un volant de 50 à 60 000h, et un volant permanent! C'est-à-dire que pour permettre cet effort à l'année, il en faut beacoup plus: en comptant le turnover, la désertion, les indisponibilités et les rotations, il faudrait sans doute au moins 80 000h à l'année pour l'entretien de cet effort, et ce sans trop réduire les garnisons habituelles qui ont d'autres missions à remplir, en Egypte, en Cyrénaïque, dans les garnisons de défense de toute la frontière Moyen Orientale (du Sinaï à la Mer Caspienne), car il n'y a pas que la grosse zone d'opérations contre les Perses, mais bien tout un front, la frontière danubienne et la frontière occidentale, sans compter les nombreuses îles de la Méditerranée orientale, toutes byzantines, de même que les grandes îles reconquises sur les Vandales (Sicile, Corse, Sardaigne). Cette activité "routinière" doit bien occuper les 70 000h restant du comitatus.

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Hello,

Sujet très interessant.  =)

Je pense que l'armée romaine tardive a été la plus efficace de son époque. Cependant, j'ajouterai que ces défaites sur le long terme sont à mettre sur le compte de la multiplication des fronts où les armées devaient intervenir. La surface du territoire de l'empire romain n'était pas négligeable. Cela fait quand même un territoire à conrôler un peu trop grand. Même pour une armée de prés d'un demi-million d'homme  :-[ .

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AVIS A CEUX QUI ONT EU LE COURAGE DE TOUT LIRE

Je m'aperçois aujourd'hui que j'ai vraiment geeké ces derniers jours: putains, sur 4 pages, j'ai du en remplir 3 à moi seul! Inutile de dire que j'adore ce sujet. Mon point est ici de commencer une phase de discussion plus prononcée: digérez la matière, c'est une synthèse personnelle de mes lectures (pour être précis, 3 bouquins spécifiques au sujet, 4 généralistes sur les empires romain tardif et byzantin, quelques sites internet et une demi-douzaine de magazines), non un recrachage bête et méchant. J'ai pas mal cogité sur le sujet et tiré mes propres conclusions, au regard de ce que je sais du fonctionnement des institutions militaires, de leurs logiques fondamentales et et de leurs évolutions, souvent par rapport à la société dont ils sont issus.

Donc si vous trouvez que des trucs sont peu cohérents entre eux, ou si des choses vous semblent peu vraissemblables ou bancales, si vous avez des faits et connaissances, même ponctuelles, qui contredisent certains aspects.... N'hésitez pas, balancez: je suis intéressé à tout, et même en l'absence de connaissances spécifiques sur ce sujet (il n'attire généralement pas les foules), le bon sens est souvent le meilleur conseiller!

Si vous commencez à lire sur le sujet, vous ne trouverez pas deux historiens d'accord sur les conclusions, entre ceux qui décrètent que cette armée est globalement mauvaise, mais qu'il n'y a guère mieux à l'époque, ceux qui la trouvent excellente, ceux qui la jugent trop inégale et bancale, ceux qui la voient comme l'amorce de la décadence, ceux qui y voient la disparition de l'avantage de l'infanterie par rapport à la cavalerie.... Y'en a pour tous les goûts, et les relatifs manques de cohérence des sources n'aident pas à trancher.

Je voudrais maintenant entrer dans le domaine de mes conjectures vraiment personnelles sur les évolutions de cette armée romaine, ce qui veut dire que je vais sortir des considérations méta-historiques (qui mêlent les époques) et des analyses plus larges sur ce qui me semble être des logiques et cycle d'évolution éternelles dans les armées et les civilisations, mais aussi des points plus précis où même des historiens infiniment plusversés dans le sujet que moi me semblent tirer des conclusions faciles, et des tentatives d'analyse forces-faiblesses (du modèle en général et de ses réalités en particulier).

Un exemple rapide: les historiens (principalement ceux hostiles à cette armée) mentionnent souvent que les empereurs utilisent toujours les mêmes unités pour les interventions rapides, et en tirent la conclusion qu'il s'agirait des seules unités vraiment bonnes et fiables de cette armée. Ils appuient cette idée en montrant qu'il est arrivé, à une époque ou une autre, à des unités même palatines de se débander au combat. Je mentionnerais juste à ces gens que même des légions d'élite de la "Grande Epoque" romaine ont eu leurs moments de faiblesse, voire des comportements parfois lamentables, et que le soldat superman n'a jamais existé, la défaite venant souvent plus d'un mauvais commandement et/ou d'une situation pourrie, voire de petits hasards incontrôlables, pour les mauvaises armées comme pour les bonnes. Les Spartiates, pourtant infiniment mieux entraînés que leurs adversaires, ont perdu de nombreuses batailles (avant même que Thèbes ne forme son bataillon sacré et ses phalanges d'élite), et même quand il gagnait, le combat prenait du temps, et l'adversaire avait peu de pertes avant que la déroute ne commence.

Mais surtout je mentionnerais, à propos du surusage d'un petit nombre de légions, auxiliats, scholes et vexillations (on trouve ainsi un faible nombre d'unités suremployées: Joviens, Herculéens, Mattiaires, Brachiates, Cornus, Mésiens et quelques autres comptent parmi les noms d'unités qu'on retrouve dans 80% des sources, alors que la Notitia Dignitatum, pour le seul comitatus, recense plus de 172 noms d'unités), que bien d'autres raisons que la qualité entrent en ligne de compte dans la décision d'emploi par un chef. Ainsi, aujourd'hui, alors même que 90% des besoins d'intervention militaires sont du ressort et de la capacité de bataillons d'infanterie (légère particulièrement), nos chers dirigeants préfèrent employer, suremployer, surdéployer et épuiser nos unités de forces spéciales et un très faible nombre d'unités d'élite (alpins et paras), là où n'importe quelle unité d'infanterie conviendrait dans la plupart des cas.

Voilà un exemple d'analyuse parmi d'autres.

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Une autre de mes petites conclusions quand aux historiens critiques de cette armée.

Ils évoquent souvent la faible qualité de cet outil militaire, mais décrivent abondamment l'ensemble des formations et tactiques dont disposent ses unités, ainsi que le panel d'armement qu'ils utilisent.

je signalerais juste que les manoeuvres utilisées sur le champ de bataille (les mouvements opérés en unités, mais aussi de l'ensemble d'un crops expéditionnaire, donc la coordination des unités), de même que les rythmes de progression mathématiques (le jour de marche est une unité de compte recouvrant une distance exacte), les dispositions tactiques (positionnement et formations des unités en ordre de bataille, mais aussi leur maintien dans le feu de l'action).... Tout cela démontre un entraînement draconien et long, inégalé à cette époque, mais aussi une discipline de fer.

Je rappelle que pour qu'une unité puisse combattre à l'épée en ordre de bataille, l'une des grandes spécialités romaines fut la maîtrise parfaite des intervalles: un soldat occuppait 90 cm de front à l'époque de César et du haut Empire, soit un espace d'environs 3,6 mètres carrés, maintenu coûte que coûte, contre vents et marées, sauf si on ordonnait un ordre plus large pour un dispositif de tirailleurs (pour les terrains accidentés), ou un ordre plus resserré pour s'opposer à une charge brutale de cavalerie ou d'infanterie (phalange avec lance d'arrêt, tortue contre les barrages de flèches coordonnés avec une charge, pack resserré pour une grande mêlée....). Cela a t-il disparu sous le Bas Empire? Non, toutes ces formations existent encore, et les romains sont, toutes les sources concordent, encore capables de les faire sans problème, sur un ordre aboyé en un ou deux mots, au coeur même de la bataille. L'espace d'un soldat a augmenté, conséquence de l'adoption de la spatha, pluslongue que le gladius: il doit tourner autour de 4 mètres carrés. Et dans la poliorcétique, les troupes romaines sont toujours capables d'opérer des travaux d'approche et de circonvallation qu'aucun autre peuple ne peut approcher, comme à Alésia ou Massada: Julien l'apostat ordonne même la construction d'une titanesque tour d'assaut (mentionnée plus haut) de 40 mètres de haut, chargé d'artillerie et de béliers de plusieurs types.

Rien de tout cela ne se fait avec des soldats moyennement entraînés, et surtout les formations et mouvements tactiques sur le champ de bataille: la maîtrise des espaces et des intervalles entre hommes et entre unités, et les mouvements coordonnés pour opérer des figures tactiques très nombreuses et variées sous le feu supposent des soldats sans pareils. Cela suppose non seulement une conservation et une transmission des savoirs-faires à tous les niveaux, mais aussi un entraînement extrêmement poussé et poursuivi tout au long de la carrière (entre 20 et 24 ans).

Encore une fois, à Andrinople, pour moi, tout concourt à démontrer un commandement absent et une absence de dispositif, en plus d'un corps expéditionnaire mal composé, surtout en raison de l'empressement de Valens. Pour ceux qui connaissent la bataille, je peux mentionner 2 ou 3 dispositions qui auraient du être prises en l'état des connaissances du commandement (je ne compte même pas tout ce qui aurait du être fait avant):

- envoyer des éclaireurs à cheval sur les hauteurs environnantes

- organiser l'armée (l'infanterie surtout) au lieu de la laisser en pack issu de l'ordre de marche: définir un centre d'environs 4000h, et deux ailes d'environs 2000h, avec en plus une réserve de 2000h. Les ailes, c'est la prudence par excellence (avec de l'infanterie lourde pour parer à toute menace), mais aussi se garder la possibilité de tourner la position ennemie (avec des auxiliats qui fonctionnent en duo avec les légionnaires): 1 légion (800-1000h) et 1 ou 2 auxiliats (2x400 à 600h) à chaque aile, ça aurait pu changer l'Histoire

- répartir les archers derrière chaque formation, ce qui n'est jamais que le dispositif normal rappelé par Végèce

- garder le gros des vélites en arrière (ils doivent composer la moitié de la réserve), comme réserve d'intervention rapide, ce qui est aussi le dispositif standard

- garder les archers à cheval et indigènes en arrière des ailes, les envoyant ponctuellement faire du hit and run sur les flancs adverses: procédure standard

- TENIR LA TROUPE: informer les officiers, occuper les soldats. Y'a pas plus B-A BA que ça!

Bref, suivre la procédure habituelle: je ne profite pas de l'immense sagesse du recul, mais même avec un corps expéditionnaire mal composé, Valens avait plus que largement les moyens de gagner et ce même dans les conditions de la bataille telle qu'elle s'est faite. Au lieu de ça, les troupes fatiguées, assoiffées et énervées ont chargé en pack de leur propre intiative, en réponse à une charge de harcèlement intempestive des archers montés dont ils ont interprété le retour (c'était du hit and run) comme une retraite, soit une humiliation (mal vécue), les officiers n'arrivant gardant qu'un seul auxiliat en réserve (les Bataves). Y'a des cadres qui n'ont pas fait leur boulot, et l'empereur en premier lieu. Il n'y avait pas d'ordre de bataille, ce qui a encouragé le laissez-faire ambiant.

Résultat, le temps d'attaquer l'ennemi dans son camp fortifié de chariots, qui plus est sur une hauteur (pas vraiment le lieu d'une rupture rapide), l'arrivée des cavaliers lourds goths peut choisir de prendre cette masse informe de flanc. Même pas besoin d'être 5000 pour les vaincre. A ce stade du combat, aucune armée n'avait de chances. Pure faute de commandement, et rien d'autre. Les ailes de cavalerie légère n'avaient aucun moyen de renverser la vapeur sans cavalerie de rupture, ou au moins des ailes d'infanterie restées en couverture. Pourtant l'infanterie romaine n'a pas été disloquée: elle a tenu sa cohésion sous les pires conditions, se faisant tuer sur place sans partir en déroute. Qui dit mieux?

Et il va sans dire qu'en amont de la bataille, des recos massives auraient du être conduites (c'était pas la cavalerie légère qui manquait), de la cavalerie lourde aurait du être emmenée, les troupes auraient du avoir une pause, ne fut-ce que d'un ou deux jours, avec du ravitaillement, et surtout de l'eau, pourtant disponibles à la station de Nikê et à Andrinople juste à côté.

Mieux encore, plutôt que la concentration face à des Goths eux-même répartis en nombreux groupes, définir un centre d'opérations et constituer des task forces coordonnées pour la guérilla sur toute la zone avait stratégiquement plus de pertinence, ce que soulignaient beaucoup d'officiers de Valens (qui lui, voulait sa grande victoire spectaculaire).

Oui il y a des faiblesses, notamment la fidélité des troupes, mais ce défaut est celui de l'empire romain et de l'affrontement de ses élites qui font tout pour rallier tout ou partie de l'armée, comme depuis le dernier siècle de la République.

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La balliste romaine en images :

http://antique.mrugala.net/Rome/Balliste%20romaine/Legion%20XXIV%20-%20roman%20ballista%20siege%20catapult.htm

Un historien qui a écrit sur le sujet : http://fr.wikipedia.org/wiki/Yann_Le_Bohec

Et l'index du monde romain du forum passion-histoire.net comprenant des fils sur le sujet :

http://www.passion-histoire.net/phpBB3/viewtopic.php?f=39&t=16910

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