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L'armée romaine


Rochambeau
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Attention à la tentation des parallèles: j'en fais moi-même beaucoup :-[, mais il faut savoir jusqu'où aller avant de risquer de fausser sa propre compréhension en voulant trop ramener à ce qu'on connaît. Là, la comparaison avec Galliéni est tout simplement impossible: autres temps, autres moeurs, autres sociétés (notamment leurs hiérarchies) autres conceptions de la guerre, de l'Etat/de la collectivité, autres buts de guerre, autres formes de conquête, autre rapport à la vie humaine et au terrain conquis.... Ca peut sembler la même chose, parce qu'au final, conquérir c'est prendre une autre terre, mais c'est tout: quand on s'intéresse à la façon de prendre et d'occuper, la comparaison doit s'arrêter là sous peine de passer à côté du truc.

ALors oui, les Romais se documentaient sur les régions visées, mais au final, ce sont des empiristes, et le renseignement ne peut être fondamentalement compris comme nous le comprenons aujourd'hui: toute proportion gardée, si un décideur actuel avait en main le package "rens" d'un décideur romain, il s'affolerait devant le vide d'informations :lol: et la superficialité des analyses. Les Romains regardent les groupes et dynamiques en place dans une zone (bref, les factions qui s'y trouvent), en ciblent certaines pour les soudoyer/clientéliser mais se lancent assez vite dans une zone, se contentant plus d'un niveau de renseignement purement opérationnel au fil de leur avance. Il n'y a pas de grand service centralisé de renseignement avant le IIème siècle (et il s'agit plus d'un réseau de rens interne, de messagerie confidentielle, de police politique et accessoirement d'ambassadeurs-espions extraordinaires): avant cela, ils collectent plus les récits et impressions de ceux qui vont dans la zone visée (commerçants, diplomates....), se fondent sur une littérature de voyageurs/explorateurs/commerçants qui est au final très très limitée à cette époque, interrogent qui ils peuvent.... Mais ils n'y passent pas beaucoup de temps: le romain avance.

Pour ce qui est de l'occupation: la mentalité antique est étrangère au concept d'assimilation, tout comme le polythéisme est étranger à toute forme de prosélytisme. Les Romains s'installent, obtiennent de gré ou de force l'implication d'une partie des élites (dont une certaine proportion obtient la citoyenneté romaine) et pour le reste, tout ce qui les intéresse est d'y implanter leurs activités et de prélever leur tribut, l'impôt impérial. Avec le temps, une zone pacifiée et romanisée par l'activité a tendance à commencer à s'acculturer, mais il ne s'agit pas d'une politique voulue. Ils peuvent cibler certaines choses, surtout certains cultes jugés problématiques (voire le cas du druidisme en gaule, ciblé comme emmerdement potentiel parce que l'institution est porteuse de la conscience identitaire au-delà des "nations" existant en Gaule), mais il s'agit là d'une activité de "police" préventive, ciblant des adversaires.

Mais l'occupation romaine est brutale dans ses premiers temps, et il faut souvent 2 à 3 générations avant qu'une nouvelle province retrouve un équilibre qui verra la population tendre vers Rome (pour la stabilité, le développement....) et commencer à en bénéficier, parce qu'au début, tous les abus possibles sont là, à commencer par des consuls et prêteurs avides. L'ouverture aux intérêts commerciaux romains est forcée, abusive et sans le moindre égard pour les locaux, sauf les factions "amies" de Rome, qui ont conclu un traité avec elle. Rome n'a pas de connaissance de la science économique (tout comme son époque en général) et se fout bien de savoir comment développer une province à long terme: il se trouve que ça finit toujours par se faire, mais ça ne veut pas dire qu'ils l'ont voulu: la conquête a quasiment toujours des motivations de court terme, il n'y a pas de "vision impériale" précise pour une conquête, sauf quelques exceptions (les Champs Décumates, par exemple). Le butin immédiat, le besoin de capital politique qui vient avec une guerre ou le besoin de taper un voisin remuant ou montant constituent l'essentiel des motifs.

La seule institution qui porte en elle quelque chose de comparable avec la colonisation telle que notre époque peut la comprendre est en fait l'armée qui, sous le principiat, est installée sur la frontière, sorte de "cordon" de romanité où l'Etat dépense beaucoup: une légion et ses unités auxilliaires, c'est une zone couverte de bases avec une grande au centre (celle de la légion), où les vétérans sont incités à s'installer (avec la donation en lopins de terres) et à devenir les notables de ces villes nouvelles. Autour d'un camp de légion, les suivants d'armée, les familles non officielles des soldats (interdits de mariage) s'installent aussi; des constructions y sont réalisées (Thermes, Théâtres, Arènes, Forums....) pour recréer la romanité nécessaire aux vétérans et à leurs familles qui s'accumulent vite. Ces zones sécurisées sont au coeur des nouveaux réseaux routiers (avant tout faits pour des buts stratégiques) et sont du coup des endroits de choix pour être des lieux d'échange au sein d'une province et avec les "Etats" et peuplades voisins, en plus de devenir des zones de stockage (toutes ces populations consomment), des centres administratifs (gouvernement de la province), des centres culturels et des lieux de productions "sophistiquées" (ateliers de la légion, artisans qui s'installent tout autour de ces garnisons

Rome a besoin de ces implantations, autant pour stabiliser les provinces, romaniser un minimum et rendre la vie supportable aux troupes d'occupation que pour éviter d'avoir un flot constant de militaires démobilisés cherchant à avoir des terres en Italie. Alors elle y consacre des efforts et entretient le statut des militaires qui peuvent devenir ainsi des notables locaux, et en tout cas bénéficier d'un niveau de vie élevé par rapport à leur zone d'implantation.

Mine de rien, une légion fixe, en un siècle, crée une masse considérable de vétérans.

effectivement ,les parallèles faut pas en abusé  =)

une sacré organisation les Romains .

merci pour toute ses explications  =D

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  • 1 month later...

La légion est une organisation poussée en interne: par fonction/grade, par métier spécialisé, par distinction d'ancienneté, par qualité en tant que soldat, il y a une importante hiérarchisation qui sert autant à distinguer les soldats  méritants et remplir les fonctions nécessaires à cet organisme complet et complexe, qu'à offrir différents chemins de carrières aux corps qui la composent, en dehors des hauts officiers, de rang équestre ou sénatorial, qui eux sont dans le "cursus honorum". On ne peut ainsi dire qu'il y a juste des "légionnaires" et des "centurions". La carrière est plus vaste, l'organisation plus complexe.

Les soldats en tant que corps

On a pour le "corps" des soldats, 5 grands types:

- les milites: le soldat de base, le légionnaire type, fantassin sans spécialité

- les discens: le soldat expérimenté, ayant passé un certain nombre d'années dans la légion, et sélectionné pour commencer un cycle d'entraînement/formation à une spécialité

- les immunes: le soldat avec une spécialité (et une paie) supplémentaire qui l'exempte des corvées les plus lourdes pour remplir cet office précieux

- les principales: les sous-offs

- les Evocati: les vétérans ayant rempilé

"Milites" (origine de "militaire") est le terme général pour définir le soldat de base, le fantassin sans spécialité supplémentaire, soit la plus grande part des effectifs (aussi surnommé "caligati", du nom de leurs chaussures, les caligae.... On peut traduire ce surnom par "godillots"; et c'est de là que l'empereur fou Caligula tient son nom qui veut dire "petite godasse"). C'est le légionnaire vraiment de base. Le terme "peditatus" qu'on peut rencontrer aussi définit plus largement tout fantassin, pas forcément légionnaire, mais on appelle souvent dans les rangs un fantassin "pedes" (attention aux sonorités :lol:), par opposition aux cavaliers, les "eques", à ne pas confondre avec "equites", qu'on traduira inexactement par "chevaliers" et qui définit la 2ème classe sociale de la société romaine après le rang sénatorial, l'ordre dit équestre qui tient son nom du fait que sous la République d'avant les guerres puniques, il s'agissait de la classe dont les revenus permettaient à ses membres de s'offrir un cheval et un équipement de cavalier (donc avec obligation pour leur conscription de servir comme cavaliers).

Le milites légionnaire de base vient directement du "dilectus", la procédure de recrutement (dans les légions en garnisons permanentes et à quelques endroits en Italie au début du Principiat, ce sont aussi des bureaux/conseils de recrutement fixes) qui sélectionne les candidats sur critères physiques, sociaux/juridiques et intellectuels (savoir lire et écrire), sous l'autorité d'un "dilectator", un officier vétéran ayant cette spécialité, assisté des membres du "probatio", un effectif de soldats dédiés à cette tâche et formant le jury. L'armée post marienne pouvait sélectionner par lots ou par tirage au sort (les volontaires aptes étaient bien sûr acceptés), le contingent de recrues potentielles étant largement supérieur aux besoins; le dilectus est une obligation pour tout homme de 18 ans, qui accompagne le recensement de la population romaine, même si ses prérogatives ont été accrues sous Auguste pour englober aussi le recrutement de l'auxiliat. Pour les légionnaires cependant, il s'agit réellement d'une obligation pour tout citoyen romain que de se faire recenser et examiner, même si une proportion réduite sera effectivement sélectionnée pour cette conscription partielle (la procédure d'urgence, exceptionnelle, voit ces bureaux passer au "tumultus": examiner et recruter tous les hommes valides, y compris esclaves au besoin).

Le bleu qui sort du dilectus est le "tiro", qui va entrer dans la phase d'entraînement longue et difficile du légionnaire (et les auxiliaires à partir d'Auguste s'aligneront sur ce modèle) sous l'autorité de "doctores" (les légionnaires vétérans spécialisés dans la formation à une discipline ou une autre: pour le combat, on a entre autres les "campidoctores").

Une fois entraîné, il est un "milites/miles/miletis" (le terme "miles gregarius" existe aussi, sans doute pour définir les garnisons fixes) et intégré officiellement dans les rangs combattants d'une légion, ce qui est marqué par le serment prêté à cette occasion (cérémonie religieuse) à la République et à l'Empereur, et par la remise de son "diploma" (certification et début officiel de son service, qui sera terminé, rendu et archivé à son retrait de l'armée).

Mais c'est encore un bleu, donc assigné à des cohortes spécifiques de soldats peu expérimentés et en phase d'aguerrissement (ce sont les cohortes jugées les plus faibles dans une légion): dans l'ordre, la 9ème et la 7ème sont celles qui couvrent cette phase (habitude fut prise plus tard de les laisser en garnison quand la légion était requise pour une campagne lointaine et qu'on ne pouvait dégarnir totalement un camp) et sont placées en 2ème ligne au début d'une bataille. La 2ème et la 4ème ont généralement ceux qui ont passé depuis peu cette phase d'aguerrissement (ce sont donc 2 cohortes jugées moins solides et en cours de consolidation, donc placées en première ligne), et la 6ème est formée des meilleurs de ces soldats jeunes et relativement peu expérimentés (donc ceux qui dépassent la moyenne, le meilleur tiers des jeunes soldats).

La légion est donc organisée comme un grand système de progression organique à l'ancienneté et au mérite, et les cohortes reflètent ce fonctionnement interne, avec la 1ère, dite "miliaire" (800h) qui en constitue l'élite, faite de vétérans très aguerris et de rempilés, aboutissement de la carrière de ceux qui restent soldat, mais aussi de chaque "corps" interne à la légion (centurions, sous-officiers, non-combattants); les plus anciens et les meilleurs y vont.

Pour le soldat de base, il existe (en plus de distinctions particulières et de la possibilité d'entrer dans une spécialisation) un statut de "gradé" qui est généralement le premier marchepied vers les spécialisations, un premier grade de sous-off et éventuellement plus tard le centurionnat: la position de decanus. C'est le caporal ou le sergent, celui qui est placé (par élection généralement) à la tête d'un contubernium, le groupe de combat élémentaire de 8h. Il y en a donc 10 par centurie.    

Les discens sont les soldats ayant passé un nombre donné d'années dans la légion et ayant été sélectionnés pour devenir des spécialistes: leur paie ne change pas mais ils sont désormais exemptés des corvées lourdes qu'ils remplacent par leur temps de formation. Le nombre de spécialités est mal connu, mais il est assez important, vu les besoins internes d'une légion, et il inclue des spécialités combattantes aussi bien que non combattantes: porte enseigne, clerc, comptable, archiviste, musicien, artilleur, sapeur-ingénieur-architecte, maître d'armes (pour devenir instructeur dans une spécialité), infirmier, fantassin de marine, cavalier légionnaire, arpenteurs-métreurs, experts-bûcherons, étapier/ouvreur de chemins, chasseur, éclaireur/messager, spécialiste renseignement, fourrageur/intendance, cuistot, cordonnier/maroquinier, couturier, armuriers (de tous types), charbonniers, ferronnier/maréchal-ferrand/orfèvre, police-militaire/prévôté, charpentier/menuisier, carrier/tailleur de pierre, sourciers, .... Les spécialités sont nombreuses et offrent souvent divers degrés/échelons d'expertise, formant une hiérarchie en soi dans certains cas où les effectifs sont nombreux et/ou la spécialité particulièrement considérée: les porte enseignes ou les musiciens, par exemple, sont des corps en eux-mêmes, et plus encore, les infirmiers, pharmaciens, médecins (de divers degrés et grades) et vétérinaires forment un vrai corps médical particulièrement soigné et distingué (la médecine militaire romaine, quoique pas sans son lot de bouchers, n'a pas d'équivalent en occident avant la fin du XIXème siècle).

Les discens sont sélectionnés à partir d'une certaine ancienneté qui les rend éligibles pour commencer l'entraînement, mais une recrue ayant déjà un savoir-faire, surtout un rare, peut être promue nettement plus rapidement, voire immédiatement en cas de besoin.

Les corvées lourdes et barbantes auxquelles discens et immunes échappent sont essentiellement: le terrassement, très présent dans la vie du légionnaire (un camp de marche à faire chaque soir et défaire chaque matin, mais aussi les fortifications de campagne, les travaux de siège....), la coupe d'arbres, la garde de nuit, celle au rempart et la patrouille ordinaire. On imagine aussi les trucs genre corvées de chiottes (les latrines d'un camp légionnaire sont un sujet d'attention vu la concentration humaine dans un petit espace), corvées de pluche.... Nombre de ces travaux à faire en masse sont encadrés par des experts (les bûcherons sélectionnent les arbres et montrent comment faire, les soldats coupent, les sapeurs disent où creuser et comment, les soldats exécutent....).

Les Immunes représentent tous les soldats et sous-offs exempts de corvées pour diverses raisons:

- distinction pour comportement recommandable, octroyé en récompense: plutôt rare que ça arrive juste pour ça, en tout cas de manière permanente (on peut être dispensé de corvée pour un temps ou ponctuellement)

- statut/grade de sous-off (ne concerne pas les soldats du rang, donc)

- spécialiste d'un métier donné, après la phase de "discens"

- les Evocati: les vétérans ayant terminé leur contrat et rempilé pour un nouveau service

Les Principales sont les sous-offs. Ils se distinguent entre autres par une paie et demie ou double paie, par des fonctions particulières, leur grade évidemment, des privilèges et des éléments d'uniformes particuliers (surtout dans les rôles combattants où ils doivent être repérables). On trouve:

- les cornicens: ce sont les musiciens, ceux qui sonnent le salut et signalent les ordres (ralliement, charge, manoeuvre, marche....). Ils marchent en tête de la centurie, mais ce sont aussi des soldats aguerris et expérimentés, et des sous-offs de plein droit, servant donc souvent à assister le centurion et encadrer la troupe. Le corps de musique dans la légion a aussi sa hiérarchie, les cornicens se distinguant entre eux selon le "rang" de leur centurie, et une hiérarchie des instruments (dépendant entre autre du temps de formation) existe: au-dessus du cornicen se trouvent le tubicen (3 par cohorte, donc 1 par manipule) puis le buccinator (ceux qui rythment la vie, la marche et les tâches de la légion au quotidien, "l'horloge" de la légion).

- les tesserarius: c'est le second de l'optio, le 3ème gradé d'une centurie, l'équivalent du sergent. Il a la charge d'organiser et commander les rondes de garde, surtout de nuit, il est le "gardien" du mot de passe et il marche en tête de la légion, avec le porte enseigne et le musicien (le centurion est à l'avant droite, l'optio à l'arrière gauche).

- les cornicularii: ce sont les adjudants/assistants des officiers (centurions et officiers supérieurs), chargés notamment des tâches administratives. Il y a 5 "grades" dans cette carrière (pour ceux qui n'en sortent pas en devenant optio ou spécialiste): cornicularus centuriae (ceux d'une centurie, qui se distinguent entre eux selon le rang du centurion), cornicularius tribuni (attachés au niveau cohorte légionnaire ou auxilliaire, et/ou à un tribun), cornicularius praefecti (rattaché à un préfet de cohorte détachée d'une légion ou d'une auxilliaire autonome), cornicularius praesidis (attaché à un procurateur impérial), cornicularius legati legionis (ordonnance d'un légat de légion).

- les Aquilifer (porteur de l'aigle d'une légion), imaginifer (porteur de l'image de l'empereur dans une légion), vexillifer (porte enseigne d'une "task force" ou d'une centurie d'évocats), vexillarius equitum (porte guidon d'une turme de cavalerie légionnaire) et signifer (porte enseigne d'une centurie ou manipule): le corps des porte enseignes, très important pour le moral (avec dimension religieuse des enseignes), et l'esprit de corps, la signalisation sur le champ de bataille. Ils sont le point de ralliement visible, mais aussi ceux chargés de montrer la voie, de pousser à l'attaque en se portant en avant (le taux de mortalité peut y être élevé). Seuls des soldats confirmés et vétérans y sont admis. Par ailleurs, ils sont les "banquiers" et trésoriers des unités.

- les Optios/optiones: c'est le second au commandement d'une centurie, sélectionné par le centurion qui le forme pour prendre sa place (s'il est promu, prend sa retraite ou meurt au combat). En bataille, il joue le rôle de sergent serre-file en se tenant à l'arrière de la centurie (le centurion est devant) pour tenir les rangs, et de liaisons avec le niveau cohorte et/ou les centuries voisines. Sinon, il est l'officier exécutif du centurion, il se charge de nombre de tâches administratives et d'inspection. Les optios ont aussi un certain nombre de titres potentiels, permanents ou temporaires, suivant des fonctions spécialisées auxquelles ils peuvent être assignés en plus de leur tâche principale: superviser un poste de garde (optio custodiarum), la prison du camp (carceris) ou un atelier légionnaire (fabricae), attaché à l'EM (optio praetorii), en charge de la police militaire (statorum)....

Chaque centurie a ainsi 5 officiers et sous-officiers "hors effectif", plus un corniculaire (pas présent dans le dispositif de bataille) pour l'encadrer dans un déploiement, avec en-dessous 10 decanus/"caporaux" (j'utilise le terme "caporal" qui vient du "cap d'escadre", ou "chef d'escadre" ou "chef de chambrée" qui a longtemps désigné approximativement ce rang). Voilà l'encadrement de base des unités combattantes légionnaires romaines (l'auxilliat se calque vite dessus). Les unités de cavalerie fonctionnent de façon similaire, avec des appellations et effectifs parfois différents: système ternaire fondé sur la turme de 30h dirigée par un décurion, équivalent cavalier du centurion, assisté par 3 sous-offs (optio, tesserarius et signifer/vexillarius; graduellement, ils ont pris des noms spécifiques à leur arme). A noter que la petite cavalerie interne à une légion est organisée en turmes chacune commandée par un centurion surnuméraire (signalant la dominante fantassin et leur rôle d'éclaireur/messager/garde du corps, pas de cavalerie de bataille) assisté d'un optio et d'un vexillarius (qui commandent chacun une file de 10h plutôt que de commander la turme groupés avec le centurion).

Les Evocati sont les soldats vétérans parmi les vétérans: ils ont terminé leur temps de service (16 ans plus 4 en affectation plus "légère"/moins dangereuse sous Auguste) et rempilé. C'est avant tout chez eux que se recrutent les centurions et optios (ainsi sans doute que qu'une bonne partie des sous-offs), mais ils sont généralement nettement plus nombreux que cela et sont en grande partie des hommes de troupes qui sont concentrés dans certaines formations (la première cohorte d'une légion surtout) et répartis pour solidifier d'autres unités (pas répartis en petit nombre, mais rassemblés dans une ou plusieurs centuries particulières dans des cohortes: les vexillatio), ainsi qu'évidemment utilisés dans les corps de spécialistes (il est ainsi fréquent que le sommet de la hiérarchie de chaque spécialité soit occupé par des évocats très expérimentés). L'Evocati qui reste soldat de base a double paie.

L'Evocat est un corps en soi, avec à sa tête un préfet (Praefectus Evocatii), le "patron" des vétérans, qui est généralement aussi un centurion de la première cohorte.  

Autre manière que le statut de distinguer les soldats: la paie. Il y a 4 types majeurs de paie ordinaire en plus des récompenses ponctuelles diverses:

- le "tiro", recrue à l'entraînement de base, touche une demi-solde

- les "simplares": les soldats touchant la solde ordinaire, de 225 deniers par an sous Auguste (900 sesterces), 300 deniers (1200 sesterces) à partir de Domitien. C'est la paie du légionnaire, du discens et de l'immunes "normal". A noter que la solde du cavalier légionnaire de base est de 262 deniers sous Auguste (à comparer avec la solde du fantassin auxilliaire de base, de 75 deniers à la même période, et qui restera toujours à 1/3 de celle du légionnaire de base).

- les "sesquiplicarii": les soldats touchant une solde et demie. Ce sont les Cornicen, les tesserarius et les beneficiarus. Ces derniers sont soit des soldats distingués pour un acte particulier (rare, la récompense ponctuelle étant plus fréquente), soit surtout des soldats ou des légionnaires non combattants assistants les gradés (centurions et officiers supérieurs) dans des tâches administratives, comme ordonnance....

- les "duplicarii": ceux qui touchent double solde (des cas particuliers ont pu toucher une triple solde). On trouve là les Optios, les Aquilifer/Imaginifer/Signifer/Vexillifer (porte enseignes de différents niveaux), les cornicularii et les campidoctores (le sommet des intructeurs militaires). On y trouve aussi les Evocatii qui restent légionnaires de base (dans des centuries différenciées).

A noter que la paie n'est pas entièrement perçue: elle inclue des déductions diverses et des bonus. On peut ainsi avoir, sur la solde annuelle de 225 deniers du fantassin sous Auguste:

- 60 deniers déduits pour la bouffe règlementaire (non comptant les donations extérieures, extras payés par un chef, et évidemment ce que le soldat chasse, pêche, paye ou vole lui-même)

- 50 pour l'équipement, l'armement et le fourniement dont le légionnaire est donc propriétaire de plein droit (ça encourage à bien s'en occuper), mais aussi pour payer la mule (1 ou 2) à laquelle chaque contubernium a droit pour porter diverses affaires (et le butin) qui ne sont pas prises en charge par le train légionnaire.

- il existe nombre de formes de donations privées, souvent du fait des familles ou notables locaux, mais aussi du fait de l'empereur pour une raison ou une autre; annuellement, on peut en estimer une moyenne à 25 deniers (basée sur la donativa de 75 deniers tous les 3 ans). Sans compter évidemment les récompenses ponctuelles lors d'une campagne ou pour fait méritoire.

- il y a enfin la "praemia", la prime accordée au soldat qui termine son service (en plus du don de terre qui est fourni à ceux ayant reçu "l'honesta missio", cad que leur service est reconnu sans faute majeure): 3000 deniers (équivalent de 13 années de solde)

Cette paie théorique n'est donc pas qu'une unité comptable représentant le coût du soldat: le légionnaire reçoit régulièrement (2 fois par mois je crois) une paie en argent directement, pour environs 115 deniers par an, mais le reste, au moins en partie, est sa propriété (l'équipement et l'armement surtout).

Le Corps Médical est un peu à part quoiqu'en partie intégré à la troupe, interpénétré avec elle (notamment pour certaines spécialités, jusqu'à un certain niveau, d'immunes), surtout à partir d'Auguste:

- l'hôpital militaire de la légion (valetudinaria), et donc la hiérarchie médicale de permanents et non permanents, est sous la responsabilité de l'optio valetudinarius, un officier médical qui ne reporte qu'au préfet de camp.

- Il doit cependant composer avec le Medicus (avec majuscule), un chirurgien professionnel issu du civil (généralement issu d'une grande académie) qui signe pour un temps court avec la légion; il est à la fois le praticien en chef et un consultat médical pour gérer les affaires sanitaires de la légion. Ce statut échappe quelque peu à la hiérarchie militaire parce qu'il est aussi social, ce qui place le Medicus sur un certain pied d'égalité avec les tribuns.

- Sous ces 2 officiers, il y a 10 medicus ordinarii ("ordinarii" s'apparente à "distingué", donc ici "officier") qui ont un rang équivalent à celui d'un centurion de cohorte: chacun est affecté à une cohorte en tant que praticiens et décideur des affaires médicales. Leur rang de centurion peut indiquer que ce stade de la spécialisation doit être accessible à l'élite des soldats ayant pris la spécialité médicale, donc des vétérans confirmés ayant bénéficié d'une formation en interne, principalement empirique (mais avec une forte transmission de savoirs codifiés dans l'armée) et inspirée des Medicus présents, et d'une énorme expérience pratique.

- On trouve aussi des spécialistes, notamment des chirurgiens, des ophtalmologistes (medicus chirurgicus et ocularis) et des dentistes/arracheurs de dents, de même que des vétérinaires, qui ont un rang aussi équivalent au centurionnat (à plus bas échelons). Le nombre est indéterminé, mais sans doute conséquent (vu qu'il y a 10 medicus ordinarii), et une partie significative de ces spécialistes semble plus provenir du cursus interne à la légion (donc à l'origine des soldats), même si à ce niveau, il doit s'agir de gens ayant beaucoup d'ancienneté (des Evocatii?) et/ou un savoir-faire préalable à l'engagement.

- En-dessous, on trouve des infirmiers permanents (et sans doute spécialisés) ayant rang de principales, et des non permanents, qui sont des soldats "immunes": tous sont en charge des soins quotidiens (bandages, concoction et application/administration des baumes, mélanges d'herbes, tisanes crèmes et cataplasmes, lavements, traitement des blessures et maladies bégnines....), de faire les brancardiers, d'être la main-d'oeuvre de l'hôpital pour les tâches moins médicales (jardins médicinaux, conditionnement des herbes, lavage des bandages et draps, hygiène générale, coupe du bois de chauffe....). Les tâches de pharmacien semblent plus se faire à ce niveau.  

Répartition

Pour les proportions, c'est difficile à estimer et sans doute très variable (ne serait-ce que l'effectif d'evocatii qui dépend de la mortalité et de l'exposition au combat d'une légion), mais on peut tirer des moyennes pour le principiat, dans une légion qu'on fait tourner autour de 6000h effectivement enrôlés (apparemment, la "centurie comptable" de 100h est encore une réalité administrative, sans doute pour commodité de chiffrage, mais la centurie en tant qu'unité est à 80h plus son encadrement):

- 8 officiers supérieurs: le légat, le tribun laticlave, le préfet de camp (issu du centurionnat) et les 5 tribuns angusticlaves. S'y ajoute éventuellement un questeur, et on peut éventuellement y compter en plus le Medicus.

- 60 centurions, plus un nombre indéterminé de centurions supernumerarii (dont 4 pour les 4 turmes de cavalerie légionnaire), servant pour des commandements temporaires, un rôle de conseil/expertise (notamment dans le renseignement) ou un rôle de formateur/doctore. A noter que le haut du panier du corps médical a rang de centurion (dont le chef équivalent au primipile)

- 354 sous officiers en centurie (le "groupe" de 5h allant avec le centurion: optio, tesserarius, signifer, cornicen et cornicularius), 12 en turme (2 sous-offs combattants et un corniculaire), 3 porte enseignes de légions (plus tard aussi un par cohorte), peut-être 27 en plus (pour chaque manipule dans les cohortes 2 à 10) et un nombre indéterminé de supernumerarii pour des tâches diverses (notamment les corniculaires attachés aux officiers généraux). Peut-être jusqu'à 500h, pas tous combattants (les corniculaires), mais 250 au moins sont des combattants.

- autour de 500 immunes pour fait de spécialité. Avec en plus un nombre indéterminé de discens.

- les Evocatii sont les plus inchiffrable, la proportion la plus variable suivant le moment et/ou le lieu: on peut, juste pour la forme, décréter qu'une légion a une moyenne de 10% de tels vétérans (à certains endroits, ce doit être beaucoup plus) qui ne vont pas vers le centurionnat ou des postes de sous-offs, soient autour de 500-600h.

- difficile de savoir quel est l'effectif non combattant d'une légion qui est cependant enrôlé: clercs autres que corniculaires, spécialistes, artisans et ouvriers divers, conducteurs de chariots, cuisiniers et personnels d'intendance, professions de santé à temps plein, architectes, ingénieurs, fonctions religieuses.... Beaucoup doivent d'ailleurs être d'anciens légionnaires ayant poussé leur spécialité très loin et s'étant réengagés à ce titre non combattant. Mais ils sont l'effectif dédié à sa spécialité à temps plein. Le chiffre peut tourner n'importe où, sans doute dans une fourchette de 200 à 400h. Les servants d'armée professionnels (essentiellement donc l'intendance et le transport) sont appelés "calones"; il est à noter qu'ils forment un effectif combattant d'appoint, ayant une formation (et un équipement règlementaire) de base comme fantassins légers (et pas mal d'expérience à l'usage) afin d'assurer leur propre protection, celle du camp et celle du train de la légion.  

- Sur un effectif combattant de 5240h (hors centurions et sous officiers) "du rang", si on enlève les Evocatii, les immunes (ceux parmi les combattants) et les discens, il doit rester quelque part autour de 4000 soldats "corvéables". C'est la main d'oeuvre de la légion, celle qui se met au boulot lors des grands travaux de siège, de fortifications.... Se répartissant entre unités qui veillent et protègent, et celles qui travaillent.

Ca c'est le portrait interne de la légion. On notera ainsi le "taux d'encadrement" opérationnel et sa gradation:

- 7 officiers généraux, plus un issu du centurionnat (le praefectus castrorum)

- 59 centurions en unités (officiers "bas" et "moyens")

- 250 sous-officiers combattants environs (qui recouvrent un champ grossièrement équivalent à celui qui va de sergent à sous-lieutenant/lieutenant)

- 632 decanus ("caporaux") pour les 620 contubernia (60 dans chacune des 9 cohortes normales, 16 dans chacune des 5 centuries doubles de la 1ère) et les 12 groupes de 10 des turmes de cavalerie

Le tout pour 59 centuries (dont 5 doubles) organisées en 10 cohortes (dont une "milliaire") et 4 turmes de cavaleries.

Le Centurionnat (affaire à suivre)

Les centurions étaient jadis nommés par les tribuns qui distinguaient du rang les plus expérimentés, mais favorisaient aussi des clients de leur famille ou tissaient des réseaux de vétérans. D'autres étaient élus par leurs hommes. La réforme marienne eut la particularité de les distinguer en tant que corps d'officiers professionnels permanents. Si la nomination par un tribun (ou plus gradé) pouvait demeurer, de même que l'élection, la norme était la sélection en interne, par les centurions eux-mêmes, qui repéraient dans leurs centuries des soldats expérimentés et les prenaient sous leur aile. De fait, une part de ce fonctionnement reposait sur un certain entrisme: un fils de centurion était ainsi souvent coopté par un autre. De même, les notables municipaux non sénateurs et non chevaliers avaient aussi un accès privilégié au centurionnat par le biais de cette sélection-cooptation pas seulement fondée sur un "mérite" abstrait: le patronage est une chose normale à Rome et dans la plupart des cas, ce recrutement ne sacrifiait pas la qualité étant donné les exigences du dilectus et le niveau d'éducation des enfants de ces petites élites.

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Bon, le sujet semble peu intéresser mais je poursuis mon blabla qui me permet de formaliser ce que j'apprends de sources un peu trop diverses: en fait, je fais ici mes petites synthèses de lecture :lol:....

J'essaie d'avoir une visualisation relativement complète de la continuité de l'évolution de l'armée romaine, afin de voir qu'elle n'a que très rarement connu de "révolution", de changement brutal au cours des siècles, et juste une évolution incrémentale sans réelle rupture en terme d'innovation tactique, matérielle, humaine ou organisationnelle. On pourrait dire que la professionalisation de l'auxilliat sous Auguste en est une des plus importantes, de même que longtemps avant l'ordre manipulaire, et, de façon très discutable, certains aspects des réformes de Marius (qui ne sont pas la "révolution" souvent présentée).

Un des aspects qui me turlupine est celui de l'évolution sous le Haut Empire et comment, à travers la tourmente du IIIème siècle, l'armée romaine a pu passer du modèle "légion-auxilliat" qui semble clair (sans doute parce que le moins mal documenté), voire figé (mais il n'en est rien) sur un certain temps, au modèle "Schola Palatinae-comitatus-limitanei" du IVème siècle, et ce de manière incrémentale, sans réelle rupture.

Cela implique donc de voir comment l'armée a évolué entre Auguste (fin du Ier siècle av JC - première moitié du Ier siècle après JC) et les prémisses de la "crise du IIIème siècle", donc on va dire jusq'aux règnes de Caracalla et Septime Sévère (premier quart du IIIème siècle), donc pendant cette période "stable" de l'empire romain, son apogée sous le Principiat.

En terme d'évolutions structurelles fondamentales, on peut voir quelques grands courants:

- resserrement des légions sur le "coeur de métier" d'infanterie de ligne/lourde et de bataille rangée

- montée très rapide de l'importance (rôle, considération, quantité) et de la professionalisation de l'auxiliat (avec montée corollaire en statut et en paie)

- tendance corollaire à accroître le recours aux "numeris", complément de forces barbares, recrutés par groupes sous l'autorité de chefs tribaux, payés moins chers et plus "consommables", sans formation ni équipement complémentaire fourni par Rome. Donc des troupes "jetables".

- montée de l'utilisation de l'auxiliat comme "déclinaison" en plus petit du modèle légionnaire: nombre de zones de garnisons, non couvertes par des légions (ou plutôt par une "armée légionnaire", soit une légion plus ses unités auxilliaires rattachées), le sont par des combinaisons d'auxilliats formant des "armées complètes" en plus petit (une ou plus cohortes d'infanterie lourde type légionnaire plus des unités de cavalerie et d'infanterie légère)

- tendance continue et croissante à l'utilisation de "task force" plutôt qu'à la mobilisation de légions ou de contingents auxilliaires complets, autant par l'impossibilité de totalement dégarnir des zones frontières que par le besoin de forces mobiles et de mix de forces ajustés aux besoins d'une mission, à la conception tactique du chef et à l'évolution de la pensée militaire romaine.

- double évolution corollaire de la précédente: cela sédimente plus les éléments d'unités qui restent en garnison, surtout dans les légions (cohortes les moins aguerries et celles de formation, qui deviennent de fait un mix entre unités de garnison, réservoirs de forces et bataillons de dépôt), et cela accroît l'élitisme interne aux unités (d'abord incarné par la croissance de la première cohorte qui passe à 800h dans le courant du Ier siècle après JC), créant ou recréant une dichotomie de fait dans la troupe censément homogène. La qualité reste élevée (elle ne connaîtra une baisse que dans les affres du IIIème siècle, par fait des guerres civiles et des difficultés financires de l'empire), mais il y a une séparation graduelle dans l'usage qui se traduit dans l'organisation et la conception tactique/opérative romaine, fait qui incite au nivellement, à la distinction et surtout à la spécialisation. Les premières cohortes, particulièrement, sont l'élément de choix qu'on prélève dans une légion pour composer des task forces et bases d'expéditions, de même que les cohortes les plus solides. Cela rejoint le mouvement qui voit la montée constante du nombre d'unités permanentes mixées infanterie-cavalerie (cohors equitata), quingénaires (env 500h) ou milliaires (env 1000h), et de cohortes d'infanterie et ailes de cavalerie milliaires, qui semblent devenir des formats préférés pour l'emploi par rapport au modèle d'armée centré autour d'une légion type. Le nombre d'unités temporaires (mix d'unités, y compris légions, assemblées pour une campagne) semble aussi augmenter.

- cette spécialisation en interne (des unités romaines), que la tendance pré et post marienne avait réduite en raison des besoins de son temps, se voit dans la légion en particulier, et peu ou pas dans l'auxilliat puisqu'il repose sur des unités essentielles plus petites (donc plus aisément agrégables et manipulables pour composer un mix de forces) et à la base faites pour être spécialisées (infanterie lourde et d'assaut, troupes de missiles, cavalerie lourde et légère). Dans la légion, on voit ainsi les cohortes "solides", la première en tête, être plus souvent employées hors de leurs zones, voire fréquemment, vu les distances, être établies définitivement sur les nouvelles zones, la légion d'origine ayant charge de reformer ses sous-unités vampirisées (ce qui cessera de se faire pendant le IIIème siècle). Mais surtout, on voit une spécialisation en interne de métiers s'affirmer, surtout dans la légion, mais aussi dans l'auxilliat: les exploratores et speculatores (la reco et le rens) deviennent des métiers plus strictement définis (et exigeant une spécialisation accrue, donc une permanence) auxquels correspondent de plus en plus souvent des effectifs fixes (10 speculatores à temps plein par légion semble la première constante) puis des unités dédiées (surtout pour les exploratores qui deviennent des unités de reco dans la profondeur). Certaines tâches des speculatores leur sont retirées: le rôle de renseignement, liaisons et opérations spéciales en interne de l'empire est repris par le "service secret" impérial des frumentaires, ce qui les convertit en éléments rens et FS d'une zone d'opérations donnée, et leur rôle de garde du corps (des procurateurs impériaux, légats et tribuns) échoit à des soldats spécialisés, un "cursus" d'élite de gardes du corps (les singulares; il existe aussi des "secutor" qui semblent être un rang inférieur, pour la protection des tribuns). Enfin une part non négligeable de l'infanterie légionnaire semble se spécialiser toujours un peu plus et de façon plus permanente dans le rôle d'infanterie légère légionnaire, compensant la "disparition" des vélites lors des réformes de Marius. L'usage doit avoir été qu'il y a toujours eu des légionnaires ayant en charge ce rôle de fait dit "d'antesignani" ("qui marchent devant les enseignes" -donc en fait devant les signifer des centuries de ligne), donc ne marquant pas de rupture énorme avec la période pré-Marius. Mais ces antesignanis (qui outre leur emploi en bataille adoptent pour ce faire un équipement plus léger et une ration supplémentaire de javelots) semblent graduellement avoir été assignés à cette tâche en permanence (plutôt qu'avoir un supposé "légionnaire universel" adoptant un rôle ou un autre à la demande) en raison des spécificités du métier (tirailleurs aux côtés de l'infanterie, infanterie plus mobile pour la poursuite, accompagnement/feu d'appui pour la cavalerie) et du besoin constant d'un effectif conséquent pour cet emploi en plus des auxilliaires (dont une bonne partie de l'infanterie est de "la lourde"). Le fait est qu'ils semblent avoir été une élite parmi les légionnaires (loin de l'image du "fantassin léger" moins glorieux que le "fantassin lourd"); dès le Ier siècle, le terme "antesignagni" (désignant plus un emploi) est remplacé par celui de "lanciari"  (désignant donc des troupes dédiées à ce job) et semble correspondre à un corps permanent au sein de la légion (ce qui veut dire que des centuries, des manipules ou des cohortes entières sont dédiées à cet emploi), formation trop rigide et unitaire qui a besoin de souplesse et reconnaît la spécificité d'autres métiers que le prétendu "fantassin lourd universel" (sans doute un fantasme). Les lanciarii (armés de la "lancea" et non du pilum) évoquent ainsi l'élite de l'ancienne armée macédonienne, les Hypaspistes: des fantassins d'élite mobiles, équipés plus légèrement que la ligne de bataille, mais aptes au combat en unités constituées et articulées (pour l'assaut, donc avec lance et épée) aussi bien qu'à l'emploi en tirailleurs. Leur emploi comme gardes du corps est aussi évoqué, même si ce terme dans l'armée romaine peut simplement indiquer qu'ils "accompagnent" le chef (et/ou forment sa réserve d'emploi), terme qui indique qu'il s'agit d'unités "choisies/préférées" et employées plus fréquemment.

Ce dernier fait souligne que l'homogénéisation croissante de l'armée romaine (un fait acquis dès le Ier siècle) entre légions et auxilliaires voit une division du travail, dans l'infanterie, s'opérer non plus sur critère "légion ou pas" mais simplement sur la taille des unités et sur leurs spécialités: l'infanterie auxilliaire a en effet peu de différences avec la légionnaire, sinon par la taille des unités élémentaires (la paie et le statut sont différents, mais cela s'estompe graduellement.... Surtout pour le statut) et sans doute une aptitude initiale de la légion au combat en grande unité de manoeuvre permanente, aptitude qui a du très vite perdre sa pertinence en raison de l'habitude de composer des armées adaptées pour une campagne et de la professionalisation générale de l'armée (ce qui fait que des cohortes bien pro de niveaux comparables peuvent vite être habituées à bosser ensemble pour une campagne).

Au final, j'ai plus l'impression de voir une évolution continue de l'armée romaine, sans rupture particulière, et ce fait me renvoie à la fausseté des impressions d'historiens parlant de "décadence" et indiquant des regrets du modèle "légionnaire" idéalisé jusqu'à l'absurde, avec un "fantassin universel" qui n'a jamais existé, ou qui n'a pu exister que parce que les adversaires étaient soit nettement moins bons à une certaine époque (donc l'exigence d'excellence dans chaque spécialité moindre), soit d'autres romains (donc ayant les mêmes qualités et défauts). A noter aussi que la durée des campagnes à la fin de la république (les guerres civiles) a pu renforcer cette illusion, les légions guerroyant en permanence (mais avec des unités auxilliaires aussi permanentes qu'on mentionne moins mais qui remplissaient bien des rôles cruciaux) ayant accumulé une énorme expérience et pouvant mieux gérer une certaine versatilité (soit par l'aptitude individuelle des légionnaires soit par une division du travail de fait permanente au sein de la légion). La professionalisation généralisée par Auguste, avec l'accroissement des durées de carrière à 20 ans puis 25 ans sous Claude), a permis ensuite de capitaliser ces évolutions et de les appliquer à un modèle militaire général incluant aussi les auxilliaires, soit une armée qui se pensait non plus à partir de la seule légion mais d'un effectif 2 à 2,5 fois plus important et organisant la division du travail sur cette base.

Est-ce que ça semble clair, cohérent, ou j'encule les mouches?

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(...)

Est-ce que ça semble clair, cohérent, ou j'encule les mouches?

Les trois mon capitaine!  :lol: Nan c'est excellent, comme d'hab, et d'ailleurs j'ai fait quelques copier-coller dans un fichier Word... ;) Pour l'instant je n'ai pas trop le temps de lire tout ça, car la bataille de Montebello m'appelle (en wargame type NBS) et la biographie du général Legrand du Premier Empire itou!  ;)
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Un autre élément qui me fait penser à cette évolution graduelle de l'armée romaine vers une plus grande structuration en unités et sous-unités spécialisées au sein d'un dispositif interarme complexe, c'est l'alourdissement d'une partie de l'infanterie de ligne qui devient réellement "lourde", notamment en adoptant des jambières et la "manica", une armure pour le bras droit (le gauche ayant le bouclier), sans doute aux alentours des guerres daciques de Trajan (début du IIème siècle) et surtout pour contrer l'armement des Daces, spécialement leur "falx", sorte de grande hallebarde courbée dont le maniement en unité offrait une résistance inhabituelle aux tactiques et dispositifs romains, y compris en bataille rangée.

Graduellement, on a donc une infanterie "très lourde" qui se reforme dans les légions et dans les cohortes d'infanterie de ligne auxilliaires, qui est en fait un retour aux "triarii" pré-Marius, pour avoir une ligne "lourde" d'arrêt et de progression en phalange, ligne qui semble ensuite utiliser de plus en plus, puis adopter, la lance d'arrêt, la hasta (grande hampe de 3m). La hasta a toujours été dans l'inventaire romain, mais comme arme en "double dotation", donc elle n'a jamais réellement disparu. Mais son retour permanent indique le besoin face à des unités de cavalerie, et surtout face à des adversaires sur le Rhin et le Danube qui sont plus organisés et à plus grande échelle. Cependant, il s'agit d'une réintroduction au sein d'un dispositif d'infanterie complexe et organique à chaque unité élémentaire, essentiellement la cohorte, mais apparemment, si j'en crois ce que je lis, dans chaque centurie d'une même cohorte.

Donc les triarii sont de retour, de même que les vélites ("antesignani" puis "lanciarii"), en tant que spécialité permanente, pour une légion, ou plutôt des cohortes (milliaires et quingénaires) "interarmes". L'aspect du fantassin lourd aux IIIème-IVème siècle est celui d'un type extrêmement blindé, avec cuirasse lamellaire et surtout à écailles, protections aux jambes et aux bras, casque lourd, grande lance et bouclier. Le modèle pilum-gladius "universel" pour l'infanterie me semble d'une part n'avoir jamais été aussi universel que cela même dans les seules légions, et il semble ensuite avoir largement évolué en raison du besoin reconnu de spécialités de temps plein et de la vacuité de l'idée d'un fantassin "bon à tout" face à des adversaires qui eux semblent en progression générale (en quantité, en organisation et en qualité) sur la période du principiat et surtout à partir du IIIème siècle (généralisation des grandes "ligues" de peuples). Si on ajoute en plus l'évolution de la menace perse avec la fin des Parthes Sassanides et l'arrivée des Arsacides (qui développent une vaste armée permanente, avec notamment une composante d'infanterie importante), le tableau est complet. Et l'évolution militaire romaine, outre les retex et l'évolution "naturelle" d'un modèle militaire face à ses besoins spécifiques et les progrès de la réflexion, s'adapte à une montée générale de la qualité et de la quantité des adversaires mais dans le cadre d'une supériorité relative globale qui s'érode (croissance de la taille et du nombre des adversaires, progrès militaires naturellement plus rapides de ceux qui suivent que du leader en place). Le différentiel est toujours net en faveur de Rome, mais il est moindre, sans que l'armée romaine soit réellement en cause: mais beaucoup d'historiens parlent pour cette raison de "déclin", y voient un déterminisme de la décadence.... C'est à mon sens juste que Rome ne pouvait pas garder une marge de supériorité aussi énorme que par le passé: limites de taille, de moyens disponibles, de progrès militaires qui ne peuvent créer de "révolution militaire" suffisante pour assurer une marge de différence constante.... Y'a des limites à tout quand même. Et la crise du IIIème siècle, avant tout économique puis politique, crée un gap dans la puissance romaine pendant un temps suffisant pour que les adversaires de partout en profitent chacun dans leur coin.

Les légionnaires et fantassins de ligne romains, et ce qu'on peut en voir dans les siècles ultérieurs et dans la continuité de l'histoire militaire romaine dans l'empire d'orient, offrent ainsi le spectacle d'unités de taille de cohortes/bataillon ayant plusieurs types de fantassins avec chacun un rôle spécifique, et parmi eux, des fantassins très lourds (pour l'arrêt et la tenue de la ligne, la mêlée) et des "médians" (pour le tir courte distance, la mêlée et la contre-attaque) rappelant plus les anciens légionnaires, ainsi qu'avec des "légers", essentiellement des troupes de missiles (pour l'appui et la poursuite). L'interarme existe donc dans l'armée romaine de manière plus intégrée, mais aussi plus liée à des spécialisations permanentes non seulement d'unités élémentaires mais aussi de sous-unités au sein de ces unités de base. On voit aussi se développer une grande souplesse tactique dans la composition des armées de campagne, et même pour une bataille spécifique, le prélèvement et la distribution ici et là de sous-unités (selon leur niveau d'aguerrissement et surtout leur spécialité) pour composer un ordre de bataille ajusté aux besoins et à la préférence tactique du chef.... Toutes choses qui soulignent un haut degré de sophistication, de professionalisme et de standardisation des unités et sous-unités pour qu'un tel "lego" soit possible au niveau des unités comme des sous-unités. C'est pas avec des amateurs qu'une telle chose est possible, chose que souligne aussi, par exemple, la technicité extrême de l'escrime épée longue-bouclier  (comme d'ailleurs le combat lance-bouclier) que beaucoup d'historiens présentent comme une "décadence" par rapport à l'abandon du duo pilum-gladius.

Je suis en train d'essayer de piger comment fonctionnent (sur le plan tactique) les unités d'infanterie romaines des IVème-Vème siècles, et c'est vachement complexe. Ce qui est sûr, c'est que ça dément totalement le discours des "déclinistes" pointant du doigt la baisse qualitative de l'armée et celle de l'art militaire romain.

Mais il apparaît en tout cas certainement que l'évolution militaire romaine est continue, que le "modèle" connaît un progrès technique, tactique et opératif constant (avec des variations de qualité qui dépendent plus du financement, donc de la stabilité interne), et que fondamentalement, les évolutions ne sont que des continuités, ce qui souligne la tendance des historiens à avoir "idéalisé" un pseudo-modèle qui va de Marius au IIème siècle et qui n'a jamais réellement existé. L'armée romaine impériale cherche toujours des campagnes décisives et la bataille en rase campagne, mais elle cherche cependant à préserver ses hommes, ressource rare et chère quand il s'agit de troupes professionnelles aguerries et que les ennemis sont toujours plus nombreux, toujours plus organisés et opèrent de façon de plus en plus simultanée/rapprochée en de multiples points des frontières. Le modèle, évolution "naturelle" d'une armée professionnelle, surtout avec un long temps de présence sous les drapeaux, favorisent une spécialisation croissante des unités, puis des sous-unités, et une polyvalence de leur agencement tactique, tout en gardant une grande mobilité opérative (ce qui dépend des troupes et de la planification à l'échelon d'une campagne/d'une province) et stratégique (ce qui dépend de l'administration militaire impériale).

Alors un modèle professionnel, et la spécialisation croissante qui va avec (pour maximiser les effets tactiques dans chaque aspect), a ses défauts propres (notamment la moindre "remplaçabilité" des unités, leur chèreté relative accrue) comme ses qualités.

Mais ce que je lis de l'historiographie est une condamnation absurde de ce modèle par une insistance constante et disproportionnée sur ces défauts, avec une exaltation pareillement disproportionnée des qualités du "modèle" plus généraliste et polyvalent qui le précède, et qui omet largement les (parfois) énormes défauts de l'armée romaine post marienne et celle du début du principat, mais surtout qui nie la qualité croissante des adversaires qui s'organisent à plus grande échelle, progressent aussi tactiquement, sont plus nombreux (effectifs de leurs armées ET le nombre "d'entités" adverses organisées, en plus des petits raids permanents un peu partout) et globalement rognent la marge de supériorité romaine sans que l'armée elle-même soit en cause (on va plus vite quand on cherche à rattraper un adversaire connu que quand on doit innover soi-même). Les possibilités d'accroître la capacité romaine à résister étaient tout simplement trop limitées: l'effectif de l'armée ne pouvait être augmenté suffisamment, et la marge de progression/adpatation technico-tactique ne pouvait avoir un rythme suffisant pour garantir une même supériorité romaine qu'auparavant, à la période où Rome avait des adversaires moins nombreux, moins organisés et souvent "sous-développés" ou trop limités tactiquement.

Cela s'observe au "taux de réussite" des campagnes et batailles: Rome reste en tête, mais c'est plus juste pour elle, surtout en raison du niveau de sollicitation sans cesse croissant et du différentiel quantitatif sur chaque front, et il me semble que déduire un affaiblissement militaire, voire une "décadence" militaire, de ce fait est réellement absurde. Tout comme est absurde l'attention disproportionnée accordée à "l'infanterie lourde" dans un modèle militaire complexe, profondément intégré comme outil tactique interarme et recherchant ses effets par cette conception; ce serait comme mesurer la puissance des armées actuelles à leurs effectifs de chars ou à leur nombre de "divisions blindées" ou mesurer la puissance des armées médiévales à leur nombre de chevaliers (les Flamands, les cités lombardes, les Suisses, les Espagnols ou les Hussites auraient pu contester la pertinence de la chose), soit une négation de la complexité de la chose militaire, de ce qui fait le résultat d'une bataille ou d'une campagne (les circonstances, le commandement, la nature d'une société et son organisation, la pertinence d'une combinaison de "systèmes d'armes"....).

Ainsi, la légion cesse d'être pour moi très vite sous le Principiat l'alpha et l'omega de l'armée romaine au profit d'une réflexion (en grande partie empirique et locale, au niveau d'une province ou d'un front) fondée sur le professionalisme militaire en général, ce qui se voit avec l'alignement de l'auxiliat sur le "modèle militaire" légionnaire et l'intégration de dispositifs "complets" (autour d'une légion ou d'une cohorte d'infanterie lourde, milliaire ou quingénaire) dans chaque commandement autonome. Le modèle général reste celui d'une armée d'infanterie, mais d'une infanterie professionnelle en général et non d'une infanterie "de ligne" avant tout fondée sur ce "légionnaire universel" idéalisé. La combinaison des spécialités d'infanterie (et d'une certaine polyvalence de capacités et d'emploi de chaque spécialités d'infanterie) est le vrai axe de développement de l'armée romaine, dans une recherche permanente d'optimisation (humaine, matérielle, organisationnelle) de chaque spécialité et de juste emploi en diverses synergies tactiques (adaptés aux situations). Seul un professionalisme très poussé permet cela, surtout quand on voit la technicité des dispositifs et des armes et systèmes d'armes, à tous échelons, des armées du IVème siècle (et d'après en orient), soit dans une période présentée comme "décadente".

Ainsi la légion dès le début du principiat sert plus de réservoir pour fournir des cohortes aguerries (5 ou 6 par légions), dont une qui devient milliaire (la 1ère avec ses 800h) pour des task forces plus concrètement employables dans une guerre de manoeuvre et une bataille de mouvements articulés et coordonnés, essence du combat romain. "Manier" une formation de 5500h organisée en 10 sous-unités sur un champ de bataille est soit une illusion soit condamne à une bataille linéaire très statique, seulement valable si on peut toujours choisir les conditions de l'affrontement, contraindre l'adversaire à venir à soi et/ou si l'adversaire est similaire, toutes conditions qu'il est illusoire d'espérer rassembler quand on commence une campagne. Surtout qu'une armée ne se résume pas à une légion donc implique au moins autant d'unités auxilliaires et d'autres légions. Donc la structure interne des dispositifs de campagne et de bataille doit inclure, pour une guerre mobile, des grandes unités de manoeuvre subalternes (des "brigades", quoi) semi autonomes, plus mobiles et aguerries, correspondant aux plus hauts standards d'entraînement, ce qu'une légion impériale, même à l'apogée du système, ne peut être de façon homogène vu qu'il s'agit d'un organisme très différencié (en niveau d'aguerrissement, mais aussi de plus en plus en spécialités).

De fait, la multiplication des cohortes et ailes milliaires, des corps mixtes infanterie-cavalerie, des détachements temporaires qu'on installe sur de nouvelles zones sans les renvoyer dans leurs légions d'origine, des "légions de campagne" sans doute constituées de cohortes venant de différentes légions et rassemblées pour une campagne, la création d'unités supplémentaires loin des frontières.... Soulignent autant le besoin de garder des troupes à toutes les frontières que celui de prendre les meilleures unités et sous-unités pour une campagne offensive et mobile, en plus des besoins d'unités "de réserve stratégique" et de contrôle interne à l'empire contre les séditions. Un autre détail me semble aller dans ce sens: les "cohors equitata" (milliaires ou quingénaires) sont de ces task forces de plus en plus spécialisées et adaptées à une politique d'emploi: il s'agit de corps mixtes infanterie-cavalerie (une cohorte d'infanterie et des turmes de cavalerie), et on y note que les fantassins eux-mêmes sont montés, aussi bien pour le déplacement entre théâtres et en campagne que pour le combat, ce qui en fait une infanterie montée spécialisée dans le combat mobile et une recherche de coordination tactique avec la cavalerie, dans la droite ligne de ce mode de combat ancien qui voyait des fantassins légers entraînés à monter en croupe des cavaliers et combattre à pied en binôme avec eux (les cavaliers germains de César faisaient ça, et avant eux la cavalerie ibère). Il s'agit une fois de plus de la recherche de systématisation et d'optimisation propre à l'armée romaine.

Donc de fait, et ce dès le début du principiat, on voit une différenciation de "qualité" (ça veut pas dire que les "moins bons" -jugement relatif- sont des "mauvais" -dans l'absolu et comparé aux adversaires) entre les unités choisies pour les campagnes et celles choisies pour rester en garnison (et mener éventuellement des campagnes "locales": expéditions punitives, raids, petite conquête, intimidation....). Cet usage présent dès le début du principiat est une constante et sera entériné dans l'organisation militaire au cours du IIIème siècle, et surtout après Dioclétien et Constantin, dans ce "modèle tardif" fondé sur une division de l'armée en Schola Palatinae, unités palatines, comitatus et limitanei (caricaturée en "armée à 2 vitesses" fondée sur une armée "mobile" et une "statique"). On peut voir symboliquement (et assez concrètement) cette division du travail dans la légion du principiat: les cohortes 7 et 9 ("les bleus"), et 2 et 4 (les encore peu aguerris), voire la 6ème, restent "à domicile" pour garder la maison, les autres (3, 5, 8, 10, et surtout la 1ère) sont employées prioritairement pour aller faire campagne. La légion n'est pas un truc monobloc homogène en qualité, mais un organisme général progressif. Si on y ajoute le facteur nécessaire de "division du travail" en types d'infanterie ("arrêt, attaque en ligne et mêlée", "tir rapproché, assaut et manoeuvre", "tir, harcèlement et mouvement rapide" comme "spécialités"), cela complète le tableau qui s'accorde avec la présentation des cohortes quingénaires et milliaires des IIIème et IVème siècles par Végèce: des "bataillons" interarmes complets. L'évolution de ces spécialités a du se faire au niveau de chaque cohorte puisqu'elles étaient les unités "clé en main" que prélevaient les chefs pour composer une force de campagne.

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  • 2 weeks later...

L'histoire de la légion, puis de l'armée romaine (dès Auguste, il vaut mieux parler de l'armée en général que de la légion en particulier, quoiqu'elle soit aussi un "objet" intéressant en soi), est celle d'une adaptation permanente, et c'est pourquoi il faut parvenir à mieux cerner ce qui ressort de l'adaptation généralisée, systématisée à l'échelle de l'ensemble de l'armée, et ce qui ressort des adaptations locales suivant la zone d'emploi, donc essentiellement la géographie et l'adversaire. Suivant l'endroit, le dispositif militaire n'est pas le même: le dosage légion/auxilliaires n'est pas le même, la composition du mix tactique n'est pas la même, la prévalence de certaines armes n'est pas la même.

Les auxilliaires sont en fait la masse la plus adaptable et évolutive, étant faits d'unités plus petites, donc permettant de composer des armées de campagnes/de front plus différenciées, et c'est leur rapide professionalisation et mise au standard d'entraînement et d'aptitude à la manoeuvre interarme des légions qui pointe ce fait: à ce stade, et en raison de son alourdissement en matière d'équipement dès Auguste (adoption notamment de la Lorica Segmentata, la cuirasse lamellaire, très efficace mais aussi impactant la souplesse manoeuvrière) tout comme en raison d'une certaine fixité des frontières qu'il faut pouvoir garder sans renoncer à la conception romaine de la guerre, fondamentalement agressive sur les plans opératifs et tactiques, la légion, comme dit plus haut, est plus là pour fournir des cohortes de haut niveau et des groupements tactiques "clé en main" que pour être engagée en entier.

La légion comme système tactique de manoeuvre a en fait vécu. A t-elle réellement existé après la période de Marius? Sans doute dans les affrontements entre Romains (batailles très linéaires et statiques), mais l'adoption définitive et structurelle de l'ordre en cohortes de 3 manipules (qui signe en fait la fin de "l'ordre manipulaire" qui a implanté cette idée fausse du "damier" pour l'armée impériale.... Qui correspond plus aux Guerres Puniques) est le signe que l'unité d'emploi pratique est un "bataillon", plus commode à manoeuvrer et dont la coordination tactique en bataille est assurée par le professionalisme des cadres (c'est avec Marius que les centurions et leurs officiers sont "sortis de la ligne" et encadrent les rangs) et soldats et des "EM intermédiaires" (constitués par les tribuns et surtout les centurions dont les suppléants, officiers et sous-offs au besoin encadrent directement les unités et sous-unités combattantes).

Les légions des guerres civiles et de la guerre des Gaules sont en grave sous-effectifs, ce qui, avec leur longue continuité sous les drapeaux, permet un combat plus mobile, des unités de manoeuvre plus maniables que des énormes "machins" de 10 cohortes.

L'évolution aux Ier et IIème siècle renforce cet aspect, ce qui se voit autant par la constitution de l'auxiliat comme 2ème composante permanente que par sa croissance continue en nombre d'unités et surtout en effectifs: les cohortes auxilliaires sont de plus en plus nombreuses à être milliaires (dans la 2ème moitié du Ier siècle), les cohors equitatae (mixtes) sont plus nombreuses.... Même si elles restent minoritaires, ce changement accompagne le doublement milliaire de la 1ère cohorte dans chaque légion: de fait, on peut y deviner le dégagement, au sein de la troupe généralement fixe, d'une certaine "élite" destinée à fournir des task forces clés en main. Même si les unités milliaires, cohortes et ailes de cavalerie, doivent plafonner à 20% des unités, on peut y voir la constitution des "réserves stratégiques" de manoeuvre qui évolueront plus tard en troupes palatines et du comitatus, la faussement appelée "armée mobile" dans le modèle dit tardif.

Qu'on constate les chiffres: à la petite trentaine de légions aux Ier-IIème siècles correspondent autant d'auxilliaires en effectif dès Auguste, puis rapidement autour de 200 000h (jusqu'autour de 225 000 à certains moments). Mais répartis en quelque chose comme 350 unités environs, cohortes de tous types et ailes de cavalerie. L'apogée se situe sous Septime Sévère, avec 33 légions (plus de 180 000h) et peut-être 440 unités auxilliaires (plus de 250 000h), sans compter les unités de fédérés barbares (les anciens numeris) et la Marine.

La division tactique du travail, dès la professionalisation de l'auxiliat, n'est plus la même, l'armée romaine fonctionnant à une autre échelle où le rôle l'emporte sur le statut ou l'origine. Ainsi, pour l'auxiliat, on a:

- les ailes de cavaleries "génériques": un cavalier lourd type, sorte de légionnaire monté (avec un armement différent)

- les cohortes d'infanterie: de fait une infanterie analogue aux légionnaires, faite pour opérer seule, comme coeur d'une armée non légionnaire (donc la même chose en plus petit), ou sur les ailes d'une légion

- les fantassins spécialisés: troupes de missiles (archers, javelinistes/vélites et frondeurs, et plus tard, des arbalétriers)

- les cavaliers spécialisés: cavalerie très lourde (cataphractaires et clibanaires) et légère (javelinistes et archers montés, servant aussi à la reco)

- les unités mixtes: les cohors equitatae, donc le nombre n'a fait que croître, sont en partie un mystère. On ne sait pas exactement si leur mix tactique incluait un combat combiné ou si les cavaliers de ces unités servaient à former une petite cavalerie pour ces "mini armées" en détachement autonome. Par ailleurs, il semble que beaucoup de cohorte affichant un nom apparemment d'infanterie avaient aussi des turmes de cavalerie et étaient donc de ce fait aussi des "equitatae", ce qui peut souligner que la cavalerie de ces unités (moins payée que celle des Alae) était faite pour des engagements plus réduits et un rôle analogue à la cavalerie légionnaire (reconnaissance, accrochages, poursuite, messagerie).

Le "bataillon", la cohorte donc, devient le pion tactique de base, et trouve une taille adaptée (entre la cohorte normale et la milliaire). Et c'est plus au sein de l'auxiliat qu'il faut voir l'évolution militaire romaine: on crée des unités, on en mixe (cavalerie-infanterie), on en accroît la taille, et surtout on compose des mix tactiques adaptés aux combats et aux adversaires. La spatha, l'épée longue, est adoptée via les auxilliaires qui combattent plus souvent à l'échelle de groupements de l'échelon cohorte, ou à plus petits échelons, et elle prouve sa plus grande versatilité au point de changer l'ordonnancement de troupes: elle réclame plus d'espacement pour l'escrime afin de pouvoir aussi foutre de grands coups de taille.

Et là on entre dans le matériel romain: le gladius moyen (gladius hispaniensis) est surtout une arme d'estoc. Il n'est pas inapte à la taille mais son tranchant est plus fait pour les petits coups qui blessent et aggraver les coups d'estocs en retirant la lame. En bataille, dans une escrime en ordre relativement serré, il n'est pas fait pour atteindre toutes les cibles (surtout les membres, trop éloignés) surtout face à des adversaires protégés. Et dans des affrontements en petits groupements ou en ordre dispersé, il n'est pas optimal face à des barbares, ce qu'est la spatha en donnant de l'allonge et l'option de grands coups de tranchant, et en étant plus maniable que les gourdins et haches (très efficaces contre les armures, et pas chers) des Germains et Celtes. Par ailleurs, il faut noter un fait vite oublié: les tranchants des lames s'émoussent assez vite dans une bataille: la capacité à frapper de taille avec assez d'élan (donc avec de la place) permet de garder une capacité de blesser importante. Quand elle est couplée avec l'usage de la pointe que garde la spatha, ça laisse plus "d'endurance" au matériel romain qui par ailleurs est de meilleure qualité (aciers damassés). Le gladius ne permettait pas d'avoir une grande force d'impact dans la taille (juste trancher ce qu'on peut, avec une portée courte) et reposait uniquement sur l'estoc. Il est donc moins versatile et correspond par ailleurs plus à un combat en formation (et une plus serrée), donc à une bataille en ligne, plus statique.

De même, l'adoption d'une lance plus universelle (la lancea) correspond à l'adaptation à un combat contre des barbares en progression (elle a une lame en feuille de saule, contrairement à la hasta, l'ancienne lance d'arrêt, et elle est plus solide que le pilum), et ne fait pas renoncer au lancement de javelots et missiles de courte portée (qui eux deviennent plus petits, jusqu'à être des dards, ou, pour les grands, sont en large dotation dans des troupes de missiles spécialisées).

L'armée romaine telle qu'on la voit sous César vient en fait d'une adaptation au combat contre la phalange macédonienne, généralisée dans le monde méditerranéen au moment de la conquête romaine: le gladius offrait un avantage contre la courte épée grecque, surtout dans une mêlée où le légionnaire avait plus d'espace que le phalangiste pour frapper (1h par mètre pour Rome, 2 pour les phalangistes), et le pilum couplé à la manoeuvre (frapper les flancs surtout, pour aller au contact) était là pour distordre l'ordonnancement d'une phalange invincible de face. C'est ce modèle, correspondant à un type d'adversaire donné, que beaucoup d'historiens érigent en "apogée universel" alors qu'il ne s'agit que d'une période et d'un adversaire donné. Tout modèle a une certaine versatilité, mais elle n'est pas absolue. Et la plus grande versatilité du soldat romain, c'est son professionalisme, l'aptitude à la manoeuvre en unités, la souplesse d'emploi, la discipline. Pas une formule tactique précise à la pertinence limitée dans le temps.

Le légionnaire tel qu'il est trop idéalisé, celui des 2 derniers siècles de av JC, n'est pas un fantassin lourd, mais plus une évolution du peltaste grec tel qu'il s'était affirmé pendant les guerres du Péloponèse (où on avait vu quasiment aucun combat de phalange): de plus en plus protégé et surtout professionnel, il a défait des phalanges et constitue l'essentiel des vastes contingents de soldats et mercenaires grecs qu'on voit partout en Méditerranée (avant la conquête macédonienne). Rome n'a jamais pu à l'origine aligner de vastes contingents de phalangistes vu le manque de moyens, et a compensé en développant ce fantassin "médian", mais surtout en optimisant au maximum ce qu'on pouvait tirer de ce fantassin. L'ordre manipulaire vient directement de cette approche. L'alourdissement progressif (mais encore relatif) vient des besoins rencontrés, tant dans les guerres puniques que dans celles contre les Macédoniens et Grecs, mais aussi, ultime évolution pré-impériale, contre les Germains. Il est joint à un besoin de plus en plus drastique d'auxilliaires permanents quand les guerres sociales donnent la citoyenneté à toute l'Italie (et donc font des Italiens des candidats aux légions et non plus des troupes d'autres types), ce qui "spécialise" les Romains qui sont désormais tous les Italiens. La professionalisation de l'armée amène le besoin d'auxilliaires fiables ayant un même degré de professionalisme, pour un combat cohérent.

Quand, des siècles plus tard, l'empire commençant trouve une certaine fixité de frontières, ce fantassin tel qu'il a évolué n'est plus si adapté dans ses immenses formations lourdes que sont les légions, organisme complexe et progressif dont l'alignement en entier sur un champ de bataille correspondait à un autre type de guerre, contre des adversaires étatiques et structurés de façon équivalente, de niveau civilisationnel comparable. Et il ne correspond plus à l'évolution de l'art militaire romain qui recherche plus de mobilité. Pour ce faire, la cohorte, ultime évolution républicaine, est plus l'unité tactique essentielle.

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Dans un documentaire sur la fin de l'empire romain, l'autre jour sur art. Ils ont répété à plusieurs reprises que les légions romaines étaient démunie face aux attaques de type guerilla des barbares, qui se produisaient souvent en milieux forestier. Le but étant d'empêcher la formation de ligne côté romain, à cause des obstacles naturel de la forêt.

Ils disaient que l'es armées romaines n'ont jamais vraiment sû s'adapter à ce type de combat.

Autre point, ils attribuaient la manque de qualité des légions sur la fin, à l'arrivée de hordes de barbares indissiplinées dans l'armée romaine. D'après ce qu'ils disaient, les barbares des légions romaines n'obéhissaient qu'à leur chef et étaient réfractère à toute formation et entrainement militaire romain. Ils gardaient même leur vêtements et armes de barberes. Les véritables soldats romains ne représantant plus qu'une infime minorité de l'armée romaine. Ils disaient que les frictions entre les légions romaine classique et les légions de barbares mercenaires étaient très fréquente. L'armée romaine (comme la société romaine) n'arrivait plus à assimiler les barbares.

A la fin, Rome n'ayant presque plus de territoire, ne pouvait plus payer ses hordes de barbares mercenaire qu'elle entretenait pour sa protection, et elles se sont retournées contre elle. Et c'est d'ailleurs l'un d'entre eux Odoacre, qui a conquis Rome et mis un terme à l'empire romain d'occident en capturant le dernier empereur, Romulus Augustule.

Le vrai déclin, C'est peut-être l'incapacité des légions à assimiler les troupes barbares et en faire de véritables légionnaires ? :rolleyes:

PS : merci pour ce passionnant explicatif  =)

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La plupart des reportages télés sur les armées anciennes (et souvent modernes d'ailleurs) sont truffés de conneries, la seule variation étant la mesure de leur ampleur; elles reposent sur des clichés, des mélanges d'époques, un mix raté de vieilles visions de l'armée romaine (plutôt très mal appréhendée dans l'historiographie jusqu'aux 30-40 dernières années) et de quelques découvertes archéologiques récentes très ponctuelles et surtout mal mises en perspective (tel "reenactor" ou archéologue déduisant mille et un délires d'ampleur gigantesque d'un simple détail d'armement, sans cohérence avec d'autres découvertes et faits établis; un peu comme les fanas milis qui te diront que l'adoption de tel nouveau modèle de grenade a changé le cours de la Ière Guerre Mondiale).

Ce genre de trucs pue les habituels délires sur le Teutoburgenwald, qui s'accompagne du préjugé favorable sur la "guérilla" apparemment souvent chez les journalistes, scénaristes et romanciers le mode de guerre absolument invincible qu'aucune armée n'aurait jamais su contrer. Amusant quand on sait à quoi est due la défaite du Teutoburgenwald (trahison d'une part, incompétence de Varus d'autre part), et quand on sait aussi ce qui s'ensuivit pour les Germains, à savoir la série d'expéditions punitives romaines qui n'ont apparemment pas été aussi embarrassées par la Forêt Noire et la couverture boisée d'Allemagne de l'ouest et du nord et ont fait payer au centuple les pertes du Teutoburg.

Autre point, ils attribuaient la manque de qualité des légions sur la fin, à l'arrivée de hordes de barbares indissiplinées dans l'armée romaine. D'après ce qu'ils disaient, les barbares des légions romaines n'obéhissaient qu'à leur chef et étaient réfractère à toute formation et entrainement militaire romain. Ils gardaient même leur vêtements et armes de barberes. Les véritables soldats romains ne représantant plus qu'une infime minorité de l'armée romaine. Ils disaient que les frictions entre les légions romaine classique et les légions de barbares mercenaires étaient très fréquente. L'armée romaine (comme la société romaine) n'arrivait plus à assimiler les barbares.

Clichés, visions superficielles et déconnectées de toute temporalité et toute précision de lieu, visions très partielles à partir de situations ponctuelles. La "barbarisation" de l'armée romaine est un thème issu de la fausse vision de "la décadence de l'empire romain" qui teinte encore trop les visions fondamentales de l'histoire romaine. Merci à Gibbons et à ses élucubrations du XVIIIème siècle. Déjà cela ne concerne que l'occident romain, ensuite pendant une période très courte (après Andrinople et avant la grande migration des Vandales et Alamans), et pas de façon aussi aisée ou univoque.

Rappelons que la déposition de Romulus Augustule en 476 par Odoacre est un non événément absolu à l'époque: l'empire d'occident n'est plus dans les faits depuis longtemps, sa vraie chute pouvant être datée des années 410-420 quand la situation, intialement due à une brève crise au sommet de l'Etat (qui culmine avec l'assassinat de Stilicon) et à la mauvaise réaction suite au passage du Rhin par les Alamans et Vandales, devient irréversible. D'ailleurs que fait Odoacre: il envoie comme une formalité les insignes impériaux à celui qui est appelé simplement "l'empereur" à Constantinople, qui règne sur un empire romain en très bonne santé (qui va d'ailleurs pas tarder à reconquérir une bonne partie de l'occident et de l'Afrique aux Vème-VIèmes siècles). La déposition d'Augustule est un repère (artificiel) pour les historiens, pas pour les contemporains.

La "crise" en occident est à voir sur les années qui vont d'Andrinople (378) ) à l'assassinat de Stilicon et au passage du Rhin (406-410), soit une période très courte qui voit Théodose en orient "refiler le bébé" de la courte crise dans les Balkans à l'occident qui, en raison d'une petite crise passagère au sommet, se trouve en très mauvaise posture pour répliquer face à l'urgence et sans le soutien de l'orient. La crise initiale a privé l'occident d'un volant de réserves suffisant pour réagir (et d'une direction ferme au sommet) à temps alors que Théodose lui avait pu reconstituer suffisamment de réserves (lors notamment de la grande réaction antibarbare) pour avoir de la marge de manoeuvre.

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Pour ceux qui sont intéressés par l'armée romaine et voudraient avoir un sens plus "vivant" de ce à quoi elle pouvait ressembler à une époque donnée, je conseille une série de romans à grand succès (dans le monde anglo-saxon) qui, pour une fois dans ce genre de publications, ne la joue pas légèrement avec l'authenticité historique (et humaine): la série Warrior of Rome de Harry Sidebottom (traduite en français). L'auteur est un vrai historien spécialiste renommé de l'histoire antique et particulièrement dans le domaine de l'histoire militaire et culturelle romaines. C'est pas un amateur qui se prend pour un calibre ni un petit historien utilisant 3 termes techniques pour en mettre plein la vue: professeur titulaire à Oxford, de grande réputation, il a aussi une bonne plume. Son cycle de romans s'attache à un personnage inspiré d'un vrai général romain qu'il a un tantinet remanié (c'est son droit vu le peu qu'on sait du dit personnage) pour en faire un héros de très bonne tenue (pas un super héros ni un "gars comme tout le monde mais qui réussit tout"), dont les aventures se déroulent au coeur de la période noire du IIIème siècle, dans les années 250-260, quand l'empire romain est assailli de toute part et en grand bordel intérieur. 4 romans parus.

L'authenticité culturelle, historique et militaire est vraiment bonne, quoique -et l'auteur ne le dispute pas- certains aspects de détails peuvent un peu mélanger les périodes autour du IIIème siècle dont l'évolution militaire est très nébuleuse vu le bordel de l'époque: on sait à peu près bien ce à quoi ressemble l'armée romaine au début du IIIème siècle sous les Sévère, et on commence à avoir un bon portrait de ce à quoi elle ressemble fin IIIème - début IVème siècle, dans la période de "transition" qui couvre les règnes de Dioclétien à Constantin. Pas d'anachronisme significatif, beaucoup de réalisme militaire et humain, une bonne patte d'écriture qui donne un goût de "reviens-y" et fait tourner les pages rapidement, c'est du très très bon, très agréable.

Sinon une série de romans policiers dans la Rome des Flaviens, au Ier siècle ap JC, et là on est dans le très très grand best-seller dans le monde anglo-saxon et ailleurs: la série de Lindsay Davis sur les enquêtes de son personnage, Marcus Didius falco. Extrêmement bien documentée, terriblement bien écrite et prenante, avec surtout d'excellents personnages, la série n'est pas à proprement parler militaire, mais décrit extrêmement bien la société romaine du Ier siècle, des hautes aux basses strates, avec de bons descriptifs de mentalités et de structures sociales et militaires (surtout les Vigiles, les Prétoriens et les Urbains, la scène principale des enquêtes étant Rome elle-même). Ca donne une "saveur" qui aide autant à comprendre les fonctionnements de la société romaine qu'à.... Tout connement passer un bon moment de lecture.

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  • 1 month later...

Je comprends pas vraiment la question. A partir d'Auguste, les légions ont des camps permanents de légions quand elles ne sont pas en campagne, soit des constructions en pierre/brique, avec fortifications crénelées. Les cohortes auxilliaires ont des camps similaires, adaptés à leur taille. Les formes et matériaux varient selon les régions et les matériaux disponibles, selon l'importance du dispositif défensif (il existe des camps pour 2 légions ensembles) dans la région, selon la fréquences des attaques et la puissance de l'ennemi.

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A partir d'Auguste et la relative stabilisation des frontières, les installations sont de plus en plus en dur, même si cela réclame parfois d'acheminer de la pierre sur une certaine distance. Si le "limes" n'est pas partout une fortification et certainement pas partout une fortification en pierre, les camps légionnaires tendent à être en pierre, et beaucoup de camps de cohortes aussi, même si beaucoup peuvent rester en bois ou en mélangeant pierre/brique, ou terre, et bois, surtout dans les zones où les unités peuvent bouger. Evidemment, dans les zones fraîchement conquises et les campagnes militaires, on reste à la fortification de campagne établie tous les soirs jusqu'à ce qu'une occupation permanente soit décidée, auquel cas un emplacement favorable doit être trouvé et un plan bien pensé établi.

Mais la forme fondamentale d'une fortification romaine tourne toujours autour des mêmes impératifs et règles. La solidité de la position de défense, le dégagement de la vue (champs de vision et de tir, établissement d'un no man's land défriché d'environs 2 portées de flèche minimum), l'accès sécurisé à l'eau, un certain dénivellement (pour la défensive et pour l'évacuation des déchets), une zone plane pour le camp proprement dit et son organisation.... Même un simple camp de marche quotidien est, rappelons-le, une merveille d'organisation standardisée.

La fortification est fondamentale dans le monde méditerranéen civilisé: l'un des critères primordiaux de l'époque pour juger de la qualité d'une armée, chez les Grecs et Romains, est justement de voir si cette armée a la pratique d'établir un camp fortifié chaque soir dans une campagne militaire (ceux qui n'ont pas le savoir-faire ou la discipline de faire ça sont peu estimés par les gréco-romains). Pour des civilisations dont l'univers mental est la cité, pas la campagne ou le village, c'est d'autant plus primordial, et c'est pourquoi un camp de légion reprend une organisation urbaine déjà élaborée (traçage des rues, présence d'un forum, emplacement de latrines et organisation stricte de l'hygiène, centralisation autour de bâtiments communs à fonction sacrale....), et des camps durables ou permanents deviennent des citadelles à la base de villes vite peuplées par les familles des légionnaires et les suivants d'armée (commerçants, prostituées, suiveurs divers, esclaves....). C'est d'ailleurs la seule politique de "colonisation" telle qu'on peut l'entendre que pratique l'empire romain à partir du premier siècle, établissant autour des camps militaires des centres de "romanité" organisés autour des camps de légions et de cohortes ou groupements de cohortes importants. Les camps légionnaires sont centraux dans cette oeuvre et beaucoup de travaux les accompagnent, notamment l'organisation rigoureuse de la ville qui croît à côté du camp, l'attribution d'un statut et d'institutions urbaines à ces villes, l'édification systématique d'ouvrages publics (amphithéâtres, théâtres, thermes, temples, acqueducs, parfois des cirques) et l'implantation de voies romaines importantes pour "rapprocher" les camps légionnaires des grands centres.... Les légionnaires sont encouragés à rester sur place à la fin de leur contrat, devenant des notables locaux et y faisant souche....

Le camp légionnaire devient dans cette politique une citadelle politique et militaire (notions confondues chez les Romains) fondamentales: c'est le point d'appui central d'une province frontière, alors oui, c'est très fortifié, même si fondamentalement, l'organisation interne du camp proprement dit, quoiqu'un peu plus ventilée et fondée sur des bâtiments en dur (plus confortables) et des rues pavées (avec un tout à l'égoût souvent), reste la même que celle d'un camp de marche qui elle-même reprend l'organisation fondamentale d'une cité, généralement recherchant une forme générale en "carte à jouer" (mais s'adaptant au terrain à partir de ce modèle théorique de base). L'espace y est divisé en 3 "quartiers", eux-mêmes subdivisés en bâtiments (ou tentes pour les camps provisoires) aux fonctions précises et séparés par des rues: Latera Praetorii (les côtés, les flancs), Praetentura (le front) et Retentura (l'arrière).

Un camp légionnaire est là pour garder les légionnaires "au chaud", protéger les stocks alimentaires (et les propriétés personnelles des soldats, condition de leur discipline), sécuriser l'unité, lui permettre de se reformer (zone d'entraînement, ateliers pour les armes, hôpital, Bains).... Mais plus l'implantation est durable, plus ses fonctions s'étendent. Un légat de légion étant aussi un représentant de Rome et donc un homme politique d'importance (dans les provinces à une seule légion, il est le gouverneur local, consulaire/proconsulaire ou prêteur/proprêteur, le titulaire de l'imperium -le pouvoir- dans la province), un camp légionnaire permanent est une place fondamentale pour le règne de Rome. Donc la "principalia/principia", le bâtiment central d'un camp légionnaire à la croisée des 2 grandes "rues" de tout camp romain (une grande tente dans un camp de marche, avec un espace dégagé servant de "grande place", avec moult symboles religieux), est le bâtiment central d'une province, centre militaire, administratif, politique et financier, de même que le Prêtoire/Praetorium, la demeure du légat qui lui est mitoyenne. Un camp légionnaire est autant une base de défense et un centre logistique, mobile ou non, qu'une base d'intervention (les romains se veulent toujours à l'attaque) d'où peuvent partir des troupes débarrassées de leur barda (les "impedimenta": une légion en marche est dite "impeditus", mais une qui agit à partir d'un tel point d'appui, donc allégée de son barda et de sa traîne logistique, est dite "expeditus") pour des raids et mouvements rapides, mais évidemment avec une moindre portée au niveau du théâtre d'opération (limité à la province ou la zone de menace, d'où l'importance de l'emplacement du camp et de la construction de routes quand l'empire se consolide).

Pour la valeur défensive, tout dépend du camp: plus il est permanent, plus les murs sont hauts et solides, les fossés profonds, les champs de vision dégagés, la surface couverte de pièges importante, et plus les dispositifs sont élaborés (ou rapidement élaborables, comme le doublement de la muraille par un glacis de terre pour la préserver des impacts d'armes de siège par un "amortisseur") et les réserves importantes (taille des entrepôts, sécurisation de l'appro en eau....). Les entrepôts, les installations sanitaires, les hôpitaux et bains tout comme le système de circulation interne et l'organisation sanitaire sont extrêmement élaborés puisqu'ils concourent de la capacité défensive (capacité à durer et à garder les troupes en état optimal de combattre) autant que des fonctions plus stratégiques (centre logistique, point d'appui....).

Pour les unités plus petites que la légion, tu peux avoir de tout, selon les endroits et divers impératifs:

- nature et importance de l'ennemi

- nature du terrain et ressources disponibles

- surface à couvrir

- besoin de changer fréquemment d'emplacement ou non

- nature de l'unité: l'accroissement permanent des unités composites (principalement les cohors equitata, faites de cavalerie et d'infanterie) et cohortes miliaires (cohortes auxilliaires à taille doublée) a multiplié les camps et fortins d'une taille conséquente et implantés "en dur", dont l'importance pouvait souvent être grande étant donné les espaces séparant les légions: une cohos equitata ou une miliaire pouvait fréquemment être le centre d'une grande zone défensive, en l'absence de légions (concentrées ailleurs), sorte de "légion en plus petite", de mini armée chargée, avec d'autres unités venant l'appuyer et étant réparties dans une zone plus ou moins vaste autour d'elle, de la défense d'une zone donnée, pas une province entière mais une portion de front d'une taille suffisamment conséquente (et avec des ennemis suffisamment nombreux en face) pour que ce genre de "task force" permanente soit organisée.

Ca va de la tour de guet fortifiée à la fortification continue en passant par les réseaux de fortins qui sont basiquement des camps légionnaires en plus petits avec moins de fonctions, mais des impératifs similaires à l'échelle de l'unité. La tendance à bâtir en dur à partir d'Auguste, partout où c'est possible, existe aussi quoique se fasse plus lentement vu que les petites unités ont tendance à bouger plus fréquemment, notamment en Orient où la frontière est plus mouvante.

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Ok merci pour les réponses .

Evidemment, dans les zones fraîchement conquises et les campagnes militaires, on reste à la fortification de campagne établie tous les soirs jusqu'à ce qu'une occupation permanente soit décidée, auquel cas un emplacement favorable doit être trouvé et un plan bien pensé établi.

En parlant de ça César a t-il réutilisé les oppidums ou les a-il détruits systématiquement ?

Mais la forme fondamentale d'une fortification romaine tourne toujours autour des mêmes impératifs et règles. La solidité de la position de défense, le dégagement de la vue (champs de vision et de tir, établissement d'un no man's land défriché d'environs 2 portées de flèche minimum), l'accès sécurisé à l'eau, un certain dénivellement (pour la défensive et pour l'évacuation des déchets), une zone plane pour le camp proprement dit et son organisation.... Même un simple camp de marche quotidien est, rappelons-le, une merveille d'organisation standardisée.

En ce qui concerne les Germains , Bretons , Daces  avaient ils une poliorcétique organisée ? (bas et haut empire)

- nature de l'unité: l'accroissement permanent des unités composites (principalement les cohors equitata, faites de cavalerie et d'infanterie) et cohortes miliaires (cohortes auxilliaires à taille doublée) a multiplié les camps et fortins d'une taille conséquente et implantés "en dur",

Pour les cohortes equitata c’était un mélange de cavalerie et d'infanterie ou plutôt une sorte d’infanterie montée (genre dragons).

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En parlant de ça César a t-il réutilisé les oppidums ou les a-il détruits systématiquement ?

Il en a détruit certains, pas totalement démoli d'autres (laissant une part de population après lui avoir prélevé de quoi la "punir"), selon les cas, mais réutiliser, ça c'est rarement fait: la campagne des gaules est mobile, et les seuls moments où une troupe romaine campe pour un long moment, c'est essentiellement pendant les hivernages. Et pour ça, ils préfèrent naturellement faire un camp (qui est aussi une ville romaine, donc quelque chose de crucialement important pour le moral, la mentalité et la religiosité des Romains) qui sera adapté au format de la troupe qui hiverne, à ses besoins opérationnels et stratégiques (positionnement surtout). Et dans beaucoup de cas, les hivernages/périodes de remise en condition d'unités se sont fait autant que possible en "pays ami", soit chez les tribus fermement alliées mais surtout dans la "provincia" (Gaule Narbonnaise, la Provence).

En ce qui concerne les Germains , Bretons , Daces  avaient ils une poliorcétique organisée ? (bas et haut empire)

Non, pas vraiment. Seuls les Perses (à partir du changement majeur de dynastie, quand l'empire parthe arsacide devient l'empire perse sassanide) ont développé un grand art de prendre les villes, inspiré de l'art gréco romain. Les machines de guerre et le matériel nécessaire étaient inaccessibles même aux proto-Etats et ligues temporaires des peuples germaniques et autres du temps des grandes invasions/migrations. Les Daces, en revanche, étaient une autre affaire: art des sièges peu développé parce qu'ils n'étaient pas "expéditionnaires" mais des royaumes/Etats en phase de consolidation; en revanche, ils avaient bien des cités fortifiées (et très bien fortifiées) et savaient en organiser une défense méthodique. Rappelons que les Daces ne sont pas étrangers au monde grec étant donné qu'il s'agit ethniquement de populations liées aux Thraces/de "type" thrace.

Pour les cohortes equitata c’était un mélange de cavalerie et d'infanterie ou plutôt une sorte d’infanterie montée (genre dragons).

Très difficile de le dire pour qualifier la situation en général: le "modèle" sur lequel on les envisage semble avoir été la réunion d'une cohorte d'infanterie, une quingénaire (480 soldats du rang) ou une milliaire (à centuries doubles, comme la première cohorte d'une légion, soit environs 800 soldats du rang, ou à 10 centuries simples), avec une troupe de cavalerie (4 turmes -30h- pour une cohorte quingénaire, 8 pour une milliaire, soient 240h). Mais les cas semble nombreux et il est difficile de décréter un moule unique:

- il y a des unités equitata  conçues comme telles en permanence, quingénaires ou milliaires. Leur croissance permanente semble correspondre au besoin de créer des légions "en plus petit", des mini armées complètes pour servir d'élément central (que viennent appuyer d'autres unités auxilliaires si besoin est) dans des zones militaires entre les légions trop espacées (ou des zones où la sollicitation au kilomètre de front est très fréquente). Il s'agit d'une troupe faite pour être plus autonome. Mais cet usage correspond aussi au développement dans l'art romain de la guerre de campagnes plus mobiles, donc avec des armées de plus en plus articulées en éléments semi-autonomes très mobiles, très complets, au plus petit échelon "interarme" possible.

- il y a nombre d'unités théoriquement d'infanterie (qui n'ont pas le nom d'equitata) mais qui ont un corps de cavalerie organique

- il y a beaucoup d'unités dont on peut aussi supposer qu'elles sont temporaires, des task forces réunies en assemblant infanterie et cavalerie (mais aussi parfois d'autres types de troupes, surtout de missiles) pour une opération, une campagne, un poste à tenir.... Certaines deviennent permanentes dans les faits, d'autres aussi de jure, et d'autres enfin sont dissoutes après avoir servi leur but

- pour compliquer encore, la présence de cavalerie dans des unités à dominante infanterie peu correspondre à d'autres réalités suivant les unités: un contingent de chevaux destiné à servir pour que des légionnaires fassent le service de patrouille dans une zone, de prélèvement de l'impôt (charge de l'armée), de reconnaissance/escarmouche/commando (exploratores, speculatores).... Ou pour monter une partie de l'infanterie en groupes d'intervention/appui mobiles (donc de l'infanterie montée). Et en plus il y a le besoin omniprésent de messagers dans toutes les unités, qui explique la présence fréquente de chevaux (pas forcément de cavaliers spécialisés), ce qui complique la vision globale.

Dans les cohors equitatae et autres cohortes avec un contingent de cavalier organique, cependant, on parle bien, semble t-il de cavaliers, pas de fantassins montés: ils servent de messagers le plus souvent, de patrouilleurs, à la reco.... Mais ce sont des cavaliers, des combattants à cheval, et même s'ils ne sont pas aussi bons que les cavaliers des ailes/alae de cavalerie (qualité de l'entraînement? Aptitude à opérer de façon coordonnée à un niveau supérieur à la turme de 30h?), ce sont bien des combattants professionnels de bon niveau, opérant en conjonction avec l'infanterie dans ces unités interarmes. On voit d'ailleurs, surtout en Orient (grandes zones planes), un certain systématisme dans les unités auxilliaires d'infanterie, infanterie lourde ou légère, d'avoir une partie de l'effectif monté (mais restant des fantassins). Cette habitude gagne les légions telles qu'elles se reforment au IIIème siècle, quand elles deviennent des unités de taille bataillonnaire d'environs 1000h.

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  • 2 months later...

je bump pour mettre ce lien qui décrit les besoins caloriques journaliers des legionnaires, leur manière de s'alimenter; la traine logistique individuelle qui va avec ainsi que quelques notions de physiologie sportive ramenées aux habitudes de l'époque

http://www.biusante.parisdescartes.fr/sfhm/hsm/HSMx1998x032x002/HSMx1998x032x002x0161.pdf

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Quelques incohérences par rapport aux diverses sources et études que j'ai (notamment sur les questions du paquetage, des corvées et du poids emporté, ainsi que sur l'omniprésence du blé dans l'alimentation -les céréales, oui, mais le blé, s'il était le plus fréquent, faisait aussi place aux lentilles, aux pois chiches, à l'orge, au son, au millet....), chose inévitable dans les études sur l'armée romaine (et ils puisent abondamment chez Le Bohec, donc ça fait au moins une source en commun avec eux :lol:), mais très bon document, très focalisé sur un sujet précis et somme toute rarement étudié ou en tout cas évoqué (en même temps, ça n'intéresse qu'un public de geeks de la chose :lol:).

Entre autres choses, ceci dit, l'évocation d'une "taille idéale" à 1,78m m'étonne: je n'ai pas mention de la chose ailleurs, et 1,78m me semble énorme, même si ce n'est évidemment pas la taille moyenne. Je sais que le citoyen romain de l'époque césarienne n'est pas si petit que ça, étant donné qu'il mange plutôt pas mal du tout (notamment en protéines animales et végétales), et que ça a eu tendance même à beaucoup augmenter sous l'Empire (jusqu'au IIIème siècle en tout cas), même s'il faut garder à l'esprit, et surtout pour la période impériale, que l'empire n'est pas fait que de citoyens jusqu'au IIIème siècle, ni d'hommes libres, ni même d'une grande majorité de gens pouvant avois accès à une alimentation abondante, régulière, de qualité correcte et variée. L'armée cependant peut pendant longtemps sélectionner ses recrues face à un vivier abondant.

Cependant, 1,78m, c'est plus que la taille moyenne des vikings de la période d'expansion des VIIIème-XIème siècles, ou que celle des populations germaniques de la période des grandes invasions: il est vrai que quand on évoque ces peuples en général, on se réfère en fait surtout à l'élite guerrière, religieuse et politique, celle qui bouffe bien, n'est pas exténuée/cassée par un labeur physique, et bouffe beaucoup de viande (donc de protéines) par rapport en plus à des populations méditerranéennes reposant plus sur une alimentation végétale (céréales) et à des populations sédentarisées et vivant dans un monde plus "développé" reposant sur l'agriculture, où la part de la viande est nettement moindre (les "Francs" de l'époque viking sont un tout petit peu plus petits que les vikings, genre 1,72m de moyenne contre autour d'1,76m). Si 1,78 est un référent "idéal" vers lequel l'armée romaine essaie d'orienter le recrutement, au moins pour les légions et l'infanterie de contact en général, c'est quand même que cette taille a une certaine réalité dans l'armée même si elle n'en constitue pas la moyenne, donc qu'elle représente des pans significatifs des recrues et soldats. Je n'aurais pas vu cette taille comme relativement commune pour le monde romain de l'époque césarienne et pour le Haut Empire, cad avant que le recrutement de non citoyens, notamment Celtes, Thraces, Illyriens ou Germains - ou encore plus les enfants issus de mariage mixtes- devienne commun pour l'infanterie légionnaire.

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Pour se représenter ce qu'était la vie du légionnaire, vue par le légionnaire, à une époque pourtant où les conditions sont plutôt bonnes et l'empire encore en phase ascensionnelle, ce texte fut écrit par un légionnaire (en tout cas repris par Tacite à partir de témoignages directs) à l'époque de la mort d'Auguste (14 après JC) qui vit de grandes mutineries dans les garnisons du Rhin et du Haut Danube (en anglais, désolé):

"Old men, mutilated by wounds are serving their 30th or 40th year. And even after your official discharge, your service is not finished. For you stay on with the colours as a reserve, still under canvas - the same drudgery under another name! And if you manage to survive all these hazards, even then you are dragged off to a remote country and settled in some waterlogged swamp or untilled mountainside. Truly the army is a harsh, unrewarding profession! Body and soul are reckoned at two and a half sesterces a day - and with this you have to find clothes, weapons, tents and bribes for brutal centurions if you want to avoid chores. Heaven knows, lashes and wounds are always with us! So are hard winters and hardworking summers... The soldiers' reply was to tear off their clothes and point to the scars left by their wounds and floggings. There was a confused roar about their wretched pay, the high cost of exemptions from duty, and the hardness of the work. Specific reference was made to earthworks, excavations, foraging, collecting timber and firewood..."

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La taille moyenne influe tant que ça dans les combats , ou comme cité c'est juste une résultante du mode de vie ?

Sur des combats en ligne à l'arme blanche/d'hast ?

Oui ca influe beaucoup de part : l'allonge que ca peut donner (avantage si on est grand) mais aussi de la surface corporelle à protéger (désavantage)

En ce sens la taille standard du bouclier romain peut eventuellement être un indicateur

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Il y a une part de génétique (et plutôt au niveau intra racial -cad plus en fonction d'une localisation géographique, d'un groupe humain donné d'une région....- qu'entre les "races") qui compte un peu, de même que des facteurs psychologiques (environnement familial notamment: la taille future n'est pas si fixée que ça à la naissance), mais la plus grande part pour expliquer la taille est indéniablement le mode de vie, alimentation (quantité, qualité, variété, dose de protéine) et hygiène de vie en tête.

Pour l'influence au combat, c'est plus discutable, mais ce n'est pas neutre:

- les très petits ont un désavantage, surtout dans le combat en ligne de formations organisées pour la bataille rangée, impliquant le corps à corps rapproché, et qui plus est contraint par l'environnement des formations (c'est pas du terrain libre où on peut bouger comme on veut, choisir son terrain, fuir tant qu'on n'a pas un avantage). problèmes d'allonge, de masse pour la force des coups....

- les très petits auront aussi souvent un problème avec l'armement, plus ou moins standardisé, dans le combat en bataille rangée: plus dur à manier pour eux, plus lourd relativement à leur corpulence (donc plus fatigant à porter et manier).... Il faut beaucoup compenser par un entraînement qui n'est qu'un apport relatif (les grands s'entraînent aussi, maintenant un décalage). En ce sens, ils ne peuvent prendre un armement réellement adapté à leur stature

- autre désavantage des très petits, et/ou exigence du combat en bataille: le besoin d'une relative homogénéité des rangs. Surtout dans la bataille antique qui implique des lignes de boucliers, des distances de combat assez précises (particulièrement à Rome).... Ce besoin est réellement important, incarné caricaturalement dans le cas des Spartiates avec des exigences très précises pour la phalange (au moins celle des "Egaux", l'élite) et la pratique même d'un eugénisme à but militaire dans la sélection des enfants.

- l'allonge et la force d'impact (notamment aidée par la gravité et l'amplitude des mouvements) sont des facteurs extrêmement importants pour le combat de contact (infanterie, surtout lourde, cavalerie de mêlée et de choc), mais aussi même parfois pour l'archerie (les grands archers ont de plus grands arcs, tirant plus loin avec plus de puissance de pénétration) quoique les arcs orientaux à double courbure (généralisés dans l'armée romaine à partir des Ier-IIème siècles après JC) soient en ce sens de relatifs égalisateurs (surtout tant que l'arc ne devient pas une composante écrasante des ordres de bataille: il n'en détermine que rarement l'issue). De même, l'allonge et la force développable (en bonne partie liée à la taille) permettent le maniement, en tout cas le maniement plus aisé, de certaines armes dont la taille ne peut être trop réduite: les armes d'hast en sont un bon exemple. Mais le remplacement progressif du gladius par la spatha (épée longue) à Rome, a pu aussi favoriser une certaine croissance des gabarits.

- la taille, c'est aussi souvent le gabarit, la corpulence et le poids: dans le corps à corps, ou pour le lancement du javelot (si important à Rome), c'est pas neutre.

- Sans compter le facteur psychologique: la taille, dans certaines circonstances, aide à intimider, à instiller un niveau supplémentaire d'appréhension chez un adversaire plus petit. Et il faut souvent un surcroît de discipline pour le surmonter.

Rome avait des unités faites de gens plus petits que les Germains ou Gaulois/Celtes en moyenne, mais évidemment ce "désavantage" était tout relatif quand on prend en compte surtout les autres avantages immenses de l'armée romaine, même dans la valeur individuelle: le légionnaire est véritablement surentraîné (endurance, discipline, moral, combat individuel et encore plus collectif) par rapport au guerrier celte ou germain "moyen" -hors leurs élites guerrières- qui est un "conscrit", ou un guerrier-raider occasionnel au mieux, au moins jusqu'au IIIème siècle. Et le légionnaire s'inscrit dans un dispositif tactique, opératif et stratégique infiniment plus développé et performant (de l'armement à la stratégie générale en passant par l'organisation militaire, le commandement à tous les échelons....).

En ce sens la taille standard du bouclier romain peut eventuellement être un indicateur

A quelle époque ;)? Le grand bouclier romain (scutum), d'abord ovoïde (inspiré du bouclier gaulois) puis en tuile, a été adopté suite aux guerres samnites et à l'accroissement de la taille de l'armée romaine, assez simplement parce que l'essentiel des soldats romains étaient sans protections corporelles (sauf un casque et un petit pectoral assez généralisé): le bouclier devait donc pouvoir si besoin est protéger tout le corps? Il est resté par tradition et commodité (notamment tactique) même après qu'au Ier siècle av JC, le légionnaire moyen commence à redévelopper un certain blindage. Vers le IIIème siècle, Rome revient à un bouclier plus petit, plat et rond dans le même temps que la spatha remplace graduellement le gladius, afin de tenir un mode de combat équilibré reposant, côté offensif, sur une épée plus souvent utilisée pour la coupe que pour l'estoc (donc exigeant aussi plus de force et d'allonge) en combinaison avec une lance d'arrêt (et le renoncement au pilum pour l'infanterie de contact).

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Oui, mais c'est assez difficile de se représenter quelle marge de variation peut-être autorisée autour d'une "taille moyenne" ou "idéale" quand on ne connaît ni la dite taille moyenne.... Ni les marges de variation :lol:. D'où ma petite sortie sur la taille évoquée dans ton document: on aurait besoin de plus de chiffres pour pouvoir moins parler dans l'abstrait, et là, y'a quand même des manques dans la matière historique/archéologique à partir de laquelle on peut parler.

Après, faut aussi voir que la standardisation du matériel dans l'armée romaine a toujours été plus ou moins relative: il n'y a d'impératif que de système d'armes, et il est vrai que, surtout à partir du IIème siècle av JC (quand l'armée commence à avoir une solde permanente, qu'une partie désormais importante du matériel est fournie par l'Etat/le "patron" payeur, ou en tout cas cofinancée par eux....), l'homogénéisation va croissant, l'empire imposant en la matière une certaine rationalisation toujours un peu plus poussée. Les fabrications, notamment, sont en grande partie homogénéisées par le fait que si l'Etat fournit le matériau brut, les forges/ateliers/armureries sont souvent ceux des légions ou ceux s'installant avec les légions fixes; les grandes "fabricae" -de vraies usines- n'arrivant que vers le début du IIIème siècle et surtout la fin de ce siècle et le redressement impérial de la tétrarchie.

Sous la période républicaine, surtout à partir des guerres samnites puis puniques, on est encore malgré l'évolution relativement "étatique", encore beaucoup dans un système où chaque soldat apporte individuellement une part donnée de son équipement, système qui ne disparaîtra jamais totalement puisque même à la fin de l'empire, tout soldat est propriétaire de ses armes et de son équipement, qu'il paie (mais en majorité par retenue sur la solde désormais, et commandes surtout globales réalisées avec le pactole cumulé de ces retenues).

Donc pour revenir à ta remarque initiale, oui, le scutum quand il s'est généralisé a obéi à un certain degré de standardisation, mais il est difficile pour l'armée romaine, surtout républicaine, de savoir quel est ce degré: la forme est évidemment standardisée, et sans doute aussi le mode de fabrication (exigence de résistance, nécessaire standardisation des procédés entre autres pour des raisons de coût), mais jusqu'à quel point? La taille, par exemple, devait quand même varier plus ou moins. La question est de savoir dans quelle mesure: sans doute pas gigantesque, en tout cas pas au point de refléter l'amplitude de variation des tailles des soldats. Mais l'entraînement était un égalisateur important, moins entre soldats que par rapport à un standard de capacité plancher imposé: quels gabarits sont réellement totalement exclus de la sélection du "dilectus"?

Après, la question de la taille me semble moins déterminante pour la tenue du scutum (sauf évidemment pour de véritables nabots) que pour l'allonge et la force dans la frappe au gladius (estoc, visant surtout l'abdomen), voire pour le lancer du pilum (les grands gabarits sont aussi avantagés pour lancer un javelot lourd).

Rappelons que le mode de combat du légionnaire à partir de la réforme manipulaire, et encore plus après les guerres puniques et l'évolution qui amène au modèle abusivement dit "de Marius" (qui a en fait plus consacré et finalisé une lente évolution qu'imposé un changement si brutal) qui voit la disparition des triarii (la 3ème ligne combattant en hoplite à la lance d'arrêt) et des vélites (les "légers") en tant qu'unités permanentes avec un équipement spécifique (les fonctions ne disparaissent pas), ce "warfare" romain a donc toujours plus évolué vers un combat plus "dilaté" accroissant l'autonomie des petites unités et des soldats, espaçant les individus comme les groupements. Le "mur" ou la "tortue" restent des possibilités, mais le mode de combat standard implique des espacements plus grands (les 3 pieds d'espace individuel dans la ligne) pour un combat au gladius-scutum qui suit le lancer des pilums, et repose donc moins sur une cohésion de soldats épaule contre épaule, que sur une cohésion de l'ensemble d'une unité (distances, alignements, temporalité) mais où chacun combat individuellement. Je ne pourrais pas dire si ce mode de combat exige une homogénéité de taille si grande et absolue que dans un alignement de type phalange, voire "mur de boucliers".

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  • 3 weeks later...

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