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AIR-DEFENSE.NET

La Mère de toutes nos Guerres


Tancrède
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Je lance ce topic avec appréhension, car on peut en faire tout et n'importe quoi, et c'est en ces temps où l'on choisit de parler d'identité que je propose de parler de cette guerre dont le récit marque symboliquement le début de la civilisation occidentale, puisque les civilisations se définissent moins par leurs sciences ou leur puissance que par leurs récits, qui portent leur manière de penser, de se penser et de voir le monde.

Voici donc une guerre qui manquait à notre agenda: la Guerre de Troie, à la fois le mythe et la réalité probable ou devinée. Il s'agit d'utiliser le récit et la réalité que l'archéologie a permis de deviner pour évoquer les fondements éternels, réalités et enjeux de la guerre et du fonctionnement des Etats et civilisations. Et l'on voit que sous la mythologie, ses métaphores, ses archétypes et ses sublimations se dessinent des enjeux, des motivations, des personnages et des réalités bien humaines.

On pourra ainsi évoquer l'affrontement entre les Grecs Mycéniens, Achéens, ou Egéens, peuples aussi guerriers que pirates, et les Troyens, et y voir la lutte des sédentaires contre les presque nomades, les installés contre les challengers. Ou encore discerner la lutte de 2 modèles militaires pas totalement similaires, des enjeux géopolitiques bien réels, le rôle des "opérations spéciales" avant la lettre, la place du raid et de la bataille rangée, le "management interculturel" d'une armée composite (Troie) contre une coalition monoculturelle.... Et voir par exemple que le schéma civilisationnel des Grecs à ce stade de leur histoire est exactement le même que celui suivi, plus tard, par les Romains, Francs, Goths, Vandales, Saxons, Vikings....

Pour commencer, je vais introduire les Troyens, qu'on connaît souvent trop mal: au XIIème siècle avant JC, Troie est une Cité-Etat située au nord de l'embouchure de la rivière Karamanderes, sur le pied du Mont Ida, à l'extrême ouest de l'Anatolie, très exactement à l'entrée, côté asiatique, du détroit des Dardanelles, soit une position stratégique pour le contrôle et la sécurité du trafic commercial entre la Mer Noire et la Mer Egée. Cela en faisait une Cité richissime pour l'époque, ce dont témoignent les restes archéologiques.

La Troie ddont nous parlons correspond à la couche archéologique n°7a, car il a existé en fait de nombreuses Troie sur ce site de grand intérêt, et ce de façon ininterrompue jusqu'à l'avènement de Constantinople qui a repris son rôle et son importance stratégique, entraînant la désaffection graduelle du site. Cette Troie a existé en tant que telle entre le XIVème et le XIIème siècles avant JC, période où l'on situe la Guerre mythique, avec pour point d'orgue sa destruction par le feu autour des années 1190-1180 avant JC, période déduite de la chronologie mythique de l'histoire grecque et que semble confirmer la datation des marques d'incendie sur les ruines de Troie VIIa.

Il s'agit d'une ville de 8 à 10000 habitants couvrant 200 000 mètres carrés, soit une ville importante: longtemps, les seules ruines apparentes nous donnaient l'impression d'une ville de la taille d'une grosse citadelle; dans les années 80, des excavations ont permis de voir que ces ruines n'étaient en fait qu'une grosse citadelle, et qu'un mur d'enceinte nettement plus vaste délimitait un périmètre urbain suffisant pour héberger 10 000 habitants permanents ainsi qu'une nombreuse population supplémentaire, paysans réfugiés et/ou commerçants étrangers itinérants pouvant facilement doubler la population.

Les "murs cyclopéens" sont une réalité, puisque les murs des Troie VIh (détruite par un tremblement de terre) et VIIa sont faits de massifs blocs de pierre soigneusement imbriqués les uns dans les autres, donnant une enceinte à la hauteur moyenne de 3 à 4 mètres au-dessus du sol contemporain (sans compter des surélévations en bois et un fossé), et à l'épaisseur de 2 mètres au sommet (chemin de ronde et plate-forme de tir) et 3-4 à la base. Ce mur est parsemé de tours bien disposées pour le tir croisé et le tir d'enfilade, et de portes fortifiées complexes rappelant des barbacanes. Un parapet de terre tassée extérieur au mur a été trouvé, avec un fossé, sans doute une première position organisée. A l'intérieur, de vastes citernes ont été trouvées sous la puissante citadelle, fortification ultime et siège du pouvoir.

Qui étaient les Troyens (nous verrons d'ailleurs que le mythe de l'énéide et de la fondation de Rome par des réfugiés troyens a bien des aspects tout à fait réalistes)? Vraissemblablement une population plus ou moins mélangée, mais directement apparentée aux Hittites, soient des Indo-Européens arrivés en Anatolie autour des XXème-XVIIIème siècles avant JC. Il faut préciser que cette population était mélangée avec les Hattis, ancien peuple (caucasien) de l'Anatolie, soumis par les nouveaux arrivants, et ayant déjà développé une culture urbaine très avancée que les Hittites ont poursuivie. Fondamentalement, ils appartiennent au même groupe originel que les Grecs, mais leur mélange avec les populations caucasiennes locales et l'adaptation à la culture locale en a fait une civilisation très distincte. Un fort degré de proximité culturelle a pu exister avec les grecs, notamment aux niveaux militaire, commercial et religieux, mais on ne peut le déterminer exactement étant donné la nature mythologique du récit d'homère où, par commodité, il n'y a pas de barrière au niveau de la langue et du panthéon. Une communauté de dieux, de noms, d'appellations.... n'a d'ailleurs rien de choquant dans ce monde méditerranéen très interconnecté, et surtout dans cette partie de la zone, où la proximité raciale et culturelle n'est pas négligeable.

Le récit de Troie est d'autant plus crucial que l'on se situe à une période particulière, la fin du XIIème siècle avant JC étant celle de l'effondrement de l'Age du bronze, qui fut le début d'une période appelée l'Age Sombre pour la Grèce, mais aussi pour le Moyen Orient: déchirements internes en Grèce et fin de la période Mycénienne (symbolisés par la chute de la maison des Atrides, celle d'Agammemnon), effondrement du grand royaume/empire hittite, invasions des "peuples de la mer" dans toute la Méditerranée orientale, catastrophes naturelles majeures (surtout des tremblements de terre et sécheresses), chute des flux commerciaux, chute démographique généralisée, abaissements des puissances assyriennes et de Babylone (la ville est alors pillée), migrations massives (peuples en mouvements, mais aussi réfugiés fuyant les villes et devenant aussi des pillards et des armées), effondrement Egyptien sous Ramses VI, systèmes d'alliances fragilisés ou détruits, conflictualité surmultipliée (migrations dangereuses, raréfaction des ressources, tarissement du commerce)....

Bref, le XIIème siècle avant JC fut sans doute l'un des plus horribles qui fut jamais.

Où est Troie dans ce contexte? Troie est une Cité dirigeant une ligue ou fédération de 21 autres Cités-Etats de l'ouest de l'Anatolie, la ligue d'Assuwa (une des origines potentielles du mot "Asie"), anciennement une alliance militaire pour s'opposer aux hittites, mais qui fut défaite au XVème siècle. De ce fait, la Cité et ses alliées sont sous la suzeraineté lointaine de l'Empire hittite (pas plus qu'une alliance formelle et, éventuellement, un tribut symbolique) ou ses Etats-clients, mais de fait indépendantes, ce dont attesteraient les archives diplomatiques hittites (qui permettent de retrouver les dénominations de la ville: Troie/Troia/Ilion/Ilio/Ilios/Wilios/Wilusa/Wilusiya). L'historicité du roi Priam serait aussi confirmée par la correspondance diplomatique hittite mentionnant à plusieurs reprises un Piyama-Radu, évidemment très loin de l'archétype poétique d'Homère: apparemment, ce personnage était sans doute de sang royal hatti ou hittite, et un emmerdeur de première ayant fait la guerre un peu partout, foutu le bordel, s'est allié avec les Mycéniens pendant un temps. La mention de l'un des ses fils Alaksandu (Alexandros, c'est-à-dire Pâris), lui aussi un fouteur de bordel, pourrait presque faire comprendre la license poétique sur l'enlèvement d'hélène  ;).

Là on a le tableau du terrain. Je continuerai, si ça intéresse, avec celui des envahissseurs, pour une géopolitique complète, et j'essaiera un bilan analytique de la situation stratégique à la veille du conflit.

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La question de l'impérialisme mycénien peut être posée, tant, entre autres choses, l'avidité conquérante d'Agamemnon semble en être une métaphore, et les cités d'Asie Mineure plus ou moins hellénisées (qui le seront totalement à l'âge classique) sont une cible tentante, et ce d'autant plus que le grand royaume/empire hittite est à ce moment précis plutôt affaibli, peut-être au bord de l'effondrement.

Mais le fric, ce n'est pas que la motivation du pillage d'une riche cité: ce peut être aussi l'envie de s'affranchir du "péage" à payer à Troie pour commercer avec la Mer Noire, et plus encore, comme pour les peuples celtiques puis germaniques, puis les vikings, le raid, le pillage, c'est un mode de vie et de guerre pour les Grecs de cette fin de l'Age du Bronze ou "période héroïque". On est encore loin de la révolution hoplitique, mais ils comptent parmi ceux qui ont développé une infanterie lourde organisée qui reste cependant dominée par les grandes figures des chefs. Et ceux-ci, tenus par le trône mycénien, restent aussi des électrons semi-libres à qui il faut (tout comme au roi mycénien d'ailleurs) de la baston et du butin, et évidemment du renom et de la gloire (d'où la métaphore du dilemme d'Achille).

Brad Pitt et de ses mollets achilliens

Je préfère les appellation d'homère: Achille au pied léger, Hector dresseur de chevaux ("aux bons chevaux", ça fait trop "Huggy les bons tuyaux")....

j'ai visité le site de Troie il il y a une vingtaine d'années l'enceinte à peu près ronde alors visible faisait une centaine de mètres de diamètre

Y'en a une dizaine de Troies, sur ce même site; apparemment, dur d'avoir une vision nette étant donné qu'elles sont enchâssées. Pour la dimension, apparemment ce que tu as vu, c'est l'enceinte de la citadelle.

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Mais le fric, ce n'est pas que la motivation du pillage d'une riche cité: ce peut être aussi l'envie de s'affranchir du "péage" à payer à Troie pour commercer avec la Mer Noire, et plus encore, comme pour les peuples celtiques puis germaniques, puis les vikings, le raid, le pillage, c'est un mode de vie et de guerre pour les Grecs de cette fin de l'Age du Bronze ou "période héroïque". On est encore loin de la révolution hoplitique, mais ils comptent parmi ceux qui ont développé une infanterie lourde organisée qui reste cependant dominée par les grandes figures des chefs. Et ceux-ci, tenus par le trône mycénien, restent aussi des électrons semi-libres à qui il faut (tout comme au roi mycénien d'ailleurs) de la baston et du butin, et évidemment du renom et de la gloire (d'où la métaphore du dilemme d'Achille).

je te rejoins totalement la dessus

il faut bien comprendre à l'epoque que ce qui faisait la richesse des etats plus ou moins constitués c'etait le commerce souvent d'elements rares et dont les lieux d'extraction etant souvent lointains entrainant par la même une inflation du prix

Troie controlant l'accès à la Mer Noire les ressources naturelles et minières du Delta du Danube, de l'actuelle peninsule ukrainienne  et du caucase (peaux-bois surtout pour les navires et qui fait defaut en Grece continentale-ressources minières) sont taxées lors de leur passage

et ca doit bien casser les pieds aux hegemons des cités achéennes

Pour mémoire le pays de la quête de la Toison d'Or la Colchide est situé en Georgie et pourvu de façon légendaire d'immenses richesses. De façon historique les grecs ont fondés des colonies après la periode Mycéenne sur la cote ukrainienne et georgienne pour profiter des ressources en cuivre (indispensable pour couler le bronze) de fer et d'or....qu'ils commercaient egalement avec les noamdes Scythes de la region

pour faire un parallèle Troie était donc pour les Achéens de l'epoque l'equivalent d'un pays qui imposerait un peage obligatoire sur nos flux maritimes petroliers de nos jours

un caus belli a terme

le fait que Troie soit riche de part cette situation privilégiée n'est que la cerise sur le gateau et la motivation manquante à certains achéens un peu reticents au depart pour se lancer dans l'aventure

par contre ce qui est etonnant dans cette histoire est la passivité de l'Empire Hittite frontalier qui y perd un client puissant et donc une source de revenu interessante

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De façon historique les grecs ont fondés des colonies après la periode Mycéenne sur la cote ukrainienne et georgienne pour profiter des ressources en cuivre (indispensable pour couler le bronze) de fer et d'or....qu'ils commercaient egalement avec les noamdes Scythes de la region

Nombre de ces colonies, ou plutôt de petits comptoirs, existaient déjà à l'époque (en Crimée, en Géorgie et dans le Delta du Danube surtout); notons bien qu'on est là à la toute fin de l'âge du bronze, et qu'après le XIIème siècle avant JC, le commerce connaît une longue période d'effondrement, correspondant aux "âges sombres" grecs (bien que cette hypothèse historique ait été relativisée, tout comme les "Dark Ages" européens). Le bronze, précisément, devient une denrée rare, disparaissant pour ainsi dire de la "consommation courante" au profit de son remplaçant, le fer, généralisé entre le XIIème et le VIIIème siècle avant JC, et dont on voit les peuples migrants, au premier rang desquels les "peuples de la mer", affirmer la supériorité. Le bronze reviendra, pour un usage plus limité à la statuaire, au mobilier, à l'orfèvrerie, et dans une certaine mesure à un usage militaire (parements et éléments d'amures et de boucliers).

pour faire un parallèle Troie était donc pour les Achéens de l'epoque l'equivalent d'un pays qui imposerait un peage obligatoire sur nos flux maritimes petroliers de nos jours

Faut pas exagérer non plus; ce n'est pas du rançonnage (du moins pas en deçà d'un certain tarif); Troie est une étape inévitable sur cette route commerciale, et la seule vraie infrastructure portuaire de grande ampleur et une plate-forme commerciale mettant en contact plusieurs routes maritimes et terrestres. Elle offre des sevices aussi nécessaires qu'important, notamment l'approvisionnement en eau et bois (le carburant de toute marine ancienne), et plus encore la police et la sécurisation de ce tronçon de route commerciale, ce pourquoi d'ailleurs ses remparts, ses commodités et son armée semblent avoir été réputées (et ce fait aurait été sublimé par Homère).

Que Troie ait pu abuser, à l'occasion ou sur des périodes prolongées, de cette position privilégiée et de son offre unique de services maritimes, c'est une forte probabilité, et les personnages remuants de Piyama-Radu et de son fils Alaksandu, s'ils furent bien des souverains troyens, pourraient aller dans ce sens. Mais des périodes de sécheresse prolongée en Grèce, combinées à l'impérialisme mycénien et ses intérêts commerciaux, à la mentalité guerrière d'Etats pas encore profondément stabilisés, à la nature de la domination mycénienne (sans doute une proto-féodalité, apparentée à du clientélisme dans bien des cas, contraignant les rois mycéniens à toujours accumuler plus de butin et de terres à reddistribuer).... Ont pu pousser à une guerre de plus grande ampleur, ou à une persistance plus grande que ce que la mentalité achéenne de l'époque préconisait (mentalité de raids et de pillages, proche des cultures des royaumes vikings autour des VIIIème-IXème siècles).

Il ne faut pas évidemment prendre Homère au pied de la lettre quand il parle d'un siège de 10 ans; selon toute vraisemblance, il s'agirait, si l'on garde l'idée des 10 ans qui n'a rien d'absurde pour une pareille forteresse, d'une longue période parsemée de raids réguliers, d'attaques surprises, voire parfois d'une campagne majeure avec grosse concentration de troupes (donnant lieu à une bataille plus ou moins grande) avec, quoiqu'il arrive, retour à la maison avant la fin de la saison de la guerre. Mais en aucun cas les Grecs ne seraient restés sous les murs pendant 10 ans; ni le régime mycénien, ni l'économie grecque, ni la cité de Troie n'auraient pu supporter une mobilisation constante et importante pendant 10 ans, et sans doute pas non plus une mobilisation majeure une fois par an pendant 10 ans pour ce qui est des Achéens.

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Troie est clairement un choix subjectif de la part de Tancrède et reflète un point de vue occidental dû à notre culture gréco-romano-chrétienne.

Si Homère (dont l'existence est contestée) n'avait pas chanté les héros grecs combattants l'orgueuilleuse Troie, que saurions-nous de ce qui ne fut qu'un siège parmi d'autres dans l'Antiquité?

Ce n'est somme toute qu'un archétype des guerres de l'époque et des moyens de les mener.

La bataille de Qadesh grosso modo à la même période est toute aussi intéressante dans la mesure où l'on connait les clauses du traité de paix (plus vieux connu me semble-t-il).

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Tout choix, surtout sur un topic, est subjectif. Et faut bien en faire.

Mais contrairement à Qadesh, la Guerre de Troie et son récit sont ZE point fondateur de la civilisation gréco-romaine, et donc un des 2 ou 3 récits des origines de notre civilisation occidentale et de notre façon de nous raconter nous-même. On fait pire en matière de référent.

Pour ce qui est de l'aspect réel et concret, on ne peut pas non plus résumer la chute de Troie à un simple "siège comme les autres", particulièrement eu égard au contexte de l'époque (au "moment" ou kaïros), à l'importance stratégique de la ville, et à ce que cette victoire représente, et surtout entraîne, dans la civilisation mycénienne (voir plus haut mon rapide topo quand au contexte), dont elle est l'épogée et le prélude, sinon l'une des multiples causes, du déclin. Rappelons que cette conquête est le dernier grand fait de la dynastie mycénienne (qu'il s'agisse ou non des mythiques Atrides de l'Iliade), et en fait la toute dernière action d'une pré-entité grecque unie qui va vite s'effondrer par la chute des rois de Mycène et l'invasion dorienne.

Fin symbolique de l'Age du Bronze (au moins pour la Grèce et ses environs), elle est un repère capital dans la chronologie antique et dans les esprits gréco-romains, et donc dans leur façon de penser et concevoir le temps, l'histoire, leur vision d'eux-mêmes....

Et pour revenir au costaud et concret, la chute de Troie est aussi une des conséquences et des manifestations de la chute de la civilisation hittite (protectrice/"patronne" de la Cité) en tant que grande entité géopolitique, donc la création d'un vide politique prélude à une période de reformation et recomposition (donc de guerres "de rupture" de l'ordre international, de guerres civiles, de migrations) de la géopolitique du monde méditerranéen et proche oriental de l'époque.

Le siège de Troie n'est enfin pas anecdotique tout connement parce que c'est une des plus grosses "métropoles" de l'époque dans ce coin de la Méditerranée (seules les grandes Cités Etats comme Babylone ou quelques grandes cités assyriennes, ancuiennement indépendantes sont vraiment dans une autre dimension question taille), qui plus est à un carrefour du commerce, de la politique et donc des intérêts stratégiques.

Et sa prise marque aussi le début de la colonisation grecque de l'Asie Mineure, donc le début du monde hellénique étendu.

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il est un fait qui me gène quand même dans la vision homérique de la chose et qui peux aller à l'encontre du mythe fondateur de l'hellenisme

c'est l'image assez homogène des achéens qui y est donnée

hors certaines études archéologiques montrent que le terme achéen equivaut au terme "Gaulois" ou  tout terme générique designant une peuplade avec

une communauté d'art et de culture, possiblement une communauté lingusitique (et encore cela reste à prouver) mais pas de communauté politique

d'autant plus si on prend en compte certains intervenants (comme Ulysse venant de l'Ile d'Ithaque qui semblerait avoir plutot été peuplée par des protoThraces/protoLigures)

je rajouterais que l'image achéenne comme socle de l'hellenisme est en partie fausse egalement car une bonne partie de ce socle a été assis par les Doriens plus frustres, plus guerriers, moins amateurs d'arts (et qui pour ces raisons sont passés dans le gouffre de l'histoire)

en gros ce mythe fondateur est le même que celui de nos ancêtres les gaulois

il oublie la vision d'ensemble d'avant et d'après les evenements et la réalité ethnogéographique de l'époque

cependant ce mythe fondateur a eu la vie dure et a impacté et impacte encore de nos jours les relations sur la cote orientale de la méditérannée (voir les conflits Grece-Empire Perse puis Grece-Turquie)

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N'y voit pas une critique de ton sujet mais simplement une nuance (si on peut plus faire la fine bouche). Dans la mesure où cette guerre reste entourée d'un voile mythologique important. Elle reste donc plus une référence symbolique selon moi. Cela permet cependant d'élargir le sujet vers les siècles obscurs de l'Antiquité grecque.

L'invasion dorienne est un événement contesté il me semble. Il se pourrait qu'il y ait eu cohabitation entre mycéniens et doriens et que la chute des premiers ne soit pas dûe aux seconds (même s'ils ont pu y participer).

Quant à l'empire hittite, son effondrement est autant la conséquence de l'émancipation des cités maritimes de la mer Egée (comme Troie) que de la pression croissante de l'Assyrie ou encore des peuples de la mer dont la migration me parait être le fait marquant de ce siècle.

C'est une époque charnière et Troie s'inscrit dans ce contexte. Mais cette période troublée a dû voir nombre de batailles que n'ont pas rapporté les aèdes.

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en gros ce mythe fondateur est le même que celui de nos ancêtres les gaulois

il oublie la vision d'ensemble d'avant et d'après les evenements et la réalité ethnogéographique de l'époque

La communauté culturelle n'en était pas moins réelle, et on peut dire que l'apex de la civilisation mycénienne a constitué un embryon d'unité politique. La question n'est pas tant de la diversité génétique que de la perception d'eux-mêmes qu'ils avaient (perception qui pour la première fois a commencé à englober une partie de la Grèce comme ensemble), et plus encore la perception historique qui en a découlé. Qu'il s'agisse d'une exactitude génétique ou non, il s'est bien agi d'une réalité politique, et plus encore d'une perception a posteriori qui a cimenté la conscience grecque de la période classique.

Homère est un aède, ce qui veut dire qu'il est un voyageur qui a hérité d'une tradition orale déjà enrichie par près de 3 siècles depuis les événements, qui plus est sur un récit de haut fait qui avait déjà du être vachement magnifié par des contemporains participants du siège, qui sont toujours des Marseillais dans ces cas là. Il suffit de voir la persistance de ces comportements dans le mode narratif des sagas vikings des raids des VIIIème-IXème siècles (après, la nature en change et les récits sont plus centrés, apocalyptiques et politiques); ils vous font passer des raids de larcins sur des monastères pour des batailles épiques, et des rétributions de service par des empereurs byzantins pour des tributs de soumission  :lol:.

Pour la répartition des héritages achéens/ioniens/mycéniens et doriens (pas oublier qu'il s'agit d'ethnies proches, malgré ce que les nazis ont essayé de balancer), je crois qu'il est impossible de faire un partage, aussi bien dans les domaines artistiques et culturels que dans le domaine militaire; à ce jour, l'hypothèse de la fusion globale est la seule valide étant donné le manque de documentation sur la période des "âges sombres".

Il ne faut jamais oublier que les récits, surtout antiques, décrivent des migrations ou disparitions de peuples quand l'élite dirigeante est trucidée, assimilée ou remplacée par une autre: les récits héroïques et chroniques en tous genres ne parlent en fait que du sort de ces élites et héros, vrais ou imaginés (symbolisant de ce dernier fait d'autres personnages ou franges de population). Le gros des populations, rurales et urabines, change en fait rarement d'endroit. C'est pourquoi notamment il faut souvent rappeler aux Anglais qu'ils ne sont pas tellement germaniques (saxons et danois), mais génétiquement majoritairement celtes (mais à culture et langue germanisées); de même, faut rappeler aux Israéliens que les Palestiniens sont sûrement nettement plus descendants des hébreux que la majorité d'entre eux.

Elle reste donc plus une référence symbolique selon moi.

Je ne suis qu'en partie d'accord, car précisément, elle ne fut pas un événement anodin, et plus encore, elle ne s'est pas passée à une époque anodine, et la contextualisation, comme tu le soulignes d'ailleurs, peut aussi aider à mieux saisir l'événement aussi bien qu'à éclairer son contexte.

L'invasion dorienne est un événement contesté il me semble. Il se pourrait qu'il y ait eu cohabitation entre mycéniens et doriens et que la chute des premiers ne soit pas dûe aux seconds (même s'ils ont pu y participer).

Oh y'a beaucoup de vrai; c'est ma phrase qui était trop courte. Maiis ce qui est plus contesté, c'est le mythe, ou la stylisation historique, d'une grosse invasion par une entité politique dorienne unique déferlant sur la Grèce, comme ça en un coup. De même que pour les Grandes Invasions/Grandes Migrations des IVème et Vème siècles, il y a du mix des 2. Mais il ne faut pas perdre de vue non plus qu'il s'agit de ruptures d'équilibres majeures dans des économies et entités politiques extrêmement fragiles. La violence fut donc quand même sans doute massive et radicale, même s'il est désormais très douteux (j'euphémise: c'est certainement pas le cas) qu'elle ait consisté en l'affrontement de 2 supposées grandes entités lors d'un clash brutal et court dans le temps. Parce que la chute des flux commerciaux, le déclin démographique, l'appauvrissement des villes, la disparition de certains types d'artefacts et de certains matériaux.... Sont avérés, même si ce ne fut pas auss radical et rapide que décrit jusqu'ici.

Quant à l'empire hittite, son effondrement est autant la conséquence de l'émancipation des cités maritimes de la mer Egée (comme Troie) que de la pression croissante de l'Assyrie ou encore des peuples de la mer dont la migration me parait être le fait marquant de ce siècle

j'entends bien, mais je parlais de la Guerre de Troie comme révélateur, événement exemplaire, point de référence, fondateur de mémoire, moment charnière.... Et il ne faut pas oublier que la chute de Troie peut aussi être le résumé symbolique de la chute de toutes les dites cités maritimes d'Asie Mineure devant les Grecs, cités dont Troie est la plus puissante depuis longtemps, et, comme je l'ai mentionné, la "patronne" via la ligue qu'elles constituent. Auquel cas le récit homérique pourrait l'avoir pris comme événement focalisateur résumant la chute de toute ces cités contrôlées de plus en plus loin par les hittites.

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  • 14 years later...

7 juillet 2020. La guerre de Troie a-t-elle eu lieu ? avec l'enjoué, le passionné, le rempli d'humour Thierry Piel, maître de conférences en histoire ancienne à l'Université de Nantes.

Spoiler :

Révélation

Si la ville de Troie a bel et bien existé, la guerre de Troie, quant à elle, n'a pas existé : c'est un mythe.

 

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il y a 4 minutes, collectionneur a dit :

Merci d'avoir fait remonter ce fil que j'avais totalement loupé à priori. Donc, l'Iliade n'est qu'un conte ?

Oui mais qui charrie les éléments culturel, les croyances, les coutumes, les vêtements, (les manières de faire la guerre ?) à l'époque où le conte a été mis sur papier, soit au VIIIe siècle.

Les archives hittites font référence à une guerre avec les Grecs, mais cela peut être n'importe où, et c'est un pur acte de foi de dire que les Hittites parlent de la même chose qu'Homère.

  • Merci (+1) 1
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https://fr.wikipedia.org/wiki/Wilusa

Wilusa est une cité-État d'Asie mineure qui est vassale de l'Empire hittite. Son existence est attestée au moins depuis le XVe siècle av. J.-C. par plusieurs traités diplomatiques de l'Âge du bronze. Trois rois lui sont connus : Kukkunni, Alaksandu et Warmu.

Wilusa est identifiée à la cité de Troie évoquée dans les épopées homériques de la Grèce antique.

https://en.wikipedia.org/wiki/Wilusa

Dans la littérature populaire, ces anecdotes [dans les sources hittites] ont été interprétées comme des preuves de l'existence d'un noyau historique dans les mythes de la guerre de Troie. Cependant, les chercheurs n'ont trouvé aucune preuve historique d'un événement particulier dans les légendes, et les documents hittites ne suggèrent pas que Wilusa-Troie ait jamais été attaquée par les Grecs-Ahhiyawa eux-mêmes. Trevor Bryce, hittitologue de renom, avertit que notre compréhension actuelle de l'histoire de Wilusa ne fournit pas de preuves de l'existence d'une véritable guerre de Troie, car "moins on a de matériel, plus il est facile de le manipuler pour l'adapter à la conclusion que l'on souhaite tirer"[13].

https://de.wikipedia.org/wiki/Wiluša#Quellenbewertung

Les sources semblent se contredire en ce qui concerne la localisation de Wiluša. D'une part, la proximité éventuelle de Šeḫa et de Lazpa suggère une localisation dans le nord-ouest de l'Anatolie. Mais une localisation de Wiluša dans le nord-ouest ne signifierait pas pour autant une localisation de Wiluša dans la Troade.

Une localisation de Wiluša au nord-ouest (éventuellement dans la Troade) soulève la question de savoir où situer alors Maša et Karkiša.

La probabilité que le pays de Maša, qui jouxtait Wiluša, doive être localisé au sud a été considérablement renforcée par la découverte d'une inscription à Ḫattuša (château du sud). Ce texte mentionne en effet le pays de Maša en même temps que les pays de Lukka et de Wiyanawanda, connus par l'inscription de Yalburt, qui doivent être localisés dans la région lycienne. Les deux pays Karkiša et Maša sont donc aussi localisés de manière très différente sur différentes cartes (Karkiša en Carie ou en Mysie, par exemple).

Etant donné que Karkiša, Maša et Lukka ne sont plus guère situées au nord aujourd'hui, une localisation de Wiluša au nord perd également de sa plausibilité.

Les problèmes d'une localisation au sud résident dans la localisation des deux États vassaux Šeḫa et Mira. Si l'on veut situer Wiluša au sud, il faut partir du principe que des parties de l'ancien territoire d'Arzawakern revenaient également à Šeḫa, de sorte que celui-ci se serait étendu à peu près jusqu'au méandre. Les sources ne permettent pas de le prouver ou de le réfuter. L'extension de Šeḫa est, comme mentionné plus haut, assez peu claire.

 

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