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Guerre Russie-Ukraine 2022+ : considérations géopolitiques et économiques


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Le 02/08/2023 à 10:10, Alexis a dit :

ce que prétend la propagande russe comme quoi le prétendu "Occident collectif" ferait la guerre à la Russie en Ukraine -

Ce terme d’”Occident collectif” est un peu étrange vu de chez nous, c’est un terme sur lequel on passe rapidement car il fleure un peu la ferme à trolls. Quelques mots tout d’abord sur ma compréhension de la pensée officielle russe avant d’aborder ce concept qui entend exprimer une difficulté relationnelle majeure entre la Russie et l’Occident, mais qui bien sur ne peut justifier l'agression de l'Ukraine.

 

En farfouillant dans le site de globalaffairs.ru (merci la traduction), on accède à la pensée officielle russe du moment, laquelle est un peu spéciale quand on n’est pas habitué… Ces écrits renvoient à un fond, qui bien que poutinien de circonstance, est préexistant. Pour mettre quelques mots sur celle-ci :

- la Russie n’est pas et ne peut pas être un Etat nation, elle est multiculturelle à sa manière ;

- l’Etat russe est une extériorité à la société, certes objectivante ;

- on ne peut pas laisser les forces politiques s’exprimer librement, ce serait un non sens.

Les présupposés de ce type sont étrangers à l’Occident. Et comme la Russie s’est historiquement beaucoup inspirée de l’Occident, elle a été contrainte d’utiliser des concepts peu adaptés à un fond local par ailleurs autoritaire.

L’”Occident collectif” maintenant : ce terme évoque un collectif indifférencié. Malgré des différences majeures de pratiques politico-étatique, la Russie pourrait adapter son discours et sa pratique aux différenciations nationales et bricoler des solutions pour se faire entendre de l’Occident. Face au collectif indifférencié, elle n’y arrive pas. Ce terme critique exprime une difficulté russe à se faire comprendre - échec russe ou pas il peut y avoir débat - mais le concept n'exprime pas un affrontement déterministe.  Sur ce point c'est apparemment la compréhension de Poutine.

 

Mais comment comprendre ce concept dans un sens compatible avec la sociologie occidentale?

Je le formulerai comme suit (caractérisation sans jugement) : en Occident, un type social apparait progressivement, et c’est ce type social né d’une forme d’acculturation à son propre environnement qui conduit globalement les affaires. Je l’appellerai le bourgeois occidental, mais pas dans un sens marxiste, et bien sur pas dans le sens du bourgeois versaillais, présumé catholique pratiquant par tradition. Le bourgeois occidental est persuadé d’être cultivé, mais c’est une apparence qu’il se donne, les tendances à long terme vont faire de lui un “homo economicus”. Allemand, anglais, français, ces différences culturelles et linguistiques s’estompent pour des raisons non liées à la construction européenne mais à ce type social. C’est donc un type social parmi d’autres, mais qui prend un caractère progressivement dominant.

Lorsque Lavrov évoque l’'Occident collectif', il manifeste un discret sourire en coin derrière son air de Droopy soviétique. Pour un Etat autoritaire / militariste, le bourgeois occidental n’est qu’une menace mesurée. Dans l’univers mental du bourgeois occidental, le russe est un autre étrange, de même que tous ceux qui exercent des métiers liés à l’usage des armes : militaires, policiers… Pour ce type social, les contradictions se gèrent économiquement et le recours à la force est l’expression d’un échec existentiel. L’Occident braille mais ne peut agir pleinement. C’est donc au final une demi critique qui nous vient de Russie, laquelle existerait sous une forme atténuée s'il n'y avait eu l'invasion de l'Ukraine.

 

Comment y voir plus clair dans un phénomène qui s’inscrit sur le temps long? Une critique entière pourrait-elle apparaître? C’est à mon sens une question considérable dans les relations internationales, notamment avec l’Asie. Sur ce point, l’essai “homo deus” de Yuval Noah Harari permet de dresser un portrait de ce type social en devenir. L’avenir pour Harari, c’est le résultat de ce type social, et l’évoquer semble lui faire l’effet d’un pétard que même un jamaïcain chevronné n’oserait pas tester… Cet essai est aussi curieux que désagréable, car il est perçu comme prophétique par les représentants d’un groupe social, dont il permet de dresser une critique d’une ampleur inédite.

 

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https://foreignpolicy.com/2023/08/03/ukraine-counteroffensive-breakthrough-problem/

Si les services de renseignement occidentaux et ukrainiens estiment qu'il n'y a pas de réserves russes significatives, cela expliquerait à la fois la détermination de l'Ukraine à poursuivre ses efforts pour ronger les positions défensives de la Russie et les déclarations de confiance des militaires occidentaux à l'égard de l'offensive. Ils peuvent encore espérer percer la première ligne de défense russe, rétablir la mobilité sur le champ de bataille et désarticuler les forces russes restantes.

Si cette hypothèse est fausse, il n'est probablement pas utile que l'Ukraine poursuive ses efforts actuels, car même si elle pénètre profondément dans les territoires tenus par les Russes, elle se heurtera probablement à d'importantes contre-attaques russes, dans les pires circonstances possibles - avec ses propres forces affaiblies par l'usure, éparpillées et dispersées en raison des batailles antérieures, et probablement sous-approvisionnées. À ce moment-là, les forces ukrainiennes pourraient également se trouver hors de portée de certains de leurs propres drones, pièces d'artillerie et roquettes, sur lesquels elles ont fini par compter et qui, en raison du brouillage russe, semblent aujourd'hui moins efficaces qu'ils ne l'étaient auparavant.

Les Ukrainiens en sont encore aux premiers jours de leur offensive d'été. À l'heure où nous écrivons ces lignes, ils avancent à grands pas dans ce qui semble être une offensive majeure visant la mer d'Azov et une offensive de soutien autour de Bakhmut. Si ces efforts commencent à prendre de l'ampleur, il se peut qu'ils aient encore deux problèmes importants à affronter : les réserves tactiques russes déployées sur leur chemin pour briser leur élan, et les réserves opérationnelles russes qui peuvent se rassembler pour des contre-attaques sur les flancs ukrainiens qui s'allongent. L'aviation russe, qui a beaucoup mieux réussi à attaquer au sol ces dernières semaines qu'au début de la guerre, peut encore ralentir l'avancée ukrainienne en frappant à la fois les unités de combat et la logistique.

Il est probable que ces problèmes ont été analysés au cours de jeux de guerre avec les conseillers de l'OTAN et que des solutions ont été élaborées, du moins en théorie. Mais l'histoire montre qu'il s'agit d'opérations très exigeantes en termes de matériel, de planification et de compétences militaires. Il existe peu de faits permettant d'émettre une opinion éclairée sur les chances de succès de l'Ukraine. Mais les observateurs ne devraient pas être surpris si cette offensive se termine, au mieux, par un succès partiel.

Barry R. Posen est professeur de sciences politiques au sein du programme d'études de sécurité du Massachusetts Institute of Technology.

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il y a une heure, Wallaby a dit :

https://foreignpolicy.com/2023/08/03/ukraine-counteroffensive-breakthrough-problem/

Les Ukrainiens en sont encore aux premiers jours de leur offensive d'été.

Il y a quand même plusieurs semaines voire mois maintenant que l’offensive est en cours… Mais ce terme en lui-même est sujet à bien des discussions.

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Il y a 12 heures, gustave a dit :

Il y a quand même plusieurs semaines voire mois maintenant que l’offensive est en cours… Mais ce terme en lui-même est sujet à bien des discussions.

Je constate qu'on est passé subrepticement de l'élément de langage "offensive de printemps" à "offensive d'été". Pour éluder un bilan de ladite "offensive de printemps" ?

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Il y a 12 heures, CortoMaltese a dit :

Un indicateur intéressant pour percevoir la fracture qui s'est opérée entre opinions publiques russe et ukrainienne depuis 2014 : le taux d'opinions positives sur... Staline. 

 

En 2008 la déclinaison de "100 Greatest Britons" a donné Bandera en N°3 en Ukraine, et Staline en N°3 en Russie. Donc c'est clair, vous avez d'un côté les fachos, de l'autre les cocos.

https://fr.wikipedia.org/wiki/100_Greatest_Britons#Classement_en_Ukraine

Je rappelle aussi ces sondages :

Le 13/06/2022 à 12:29, Wallaby a dit :

https://www.dw.com/de/stepan-bandera-ukrainischer-held-oder-nazi-kollaborateur/a-61839689 (22 mai 2022)

"Bien sûr, Bandera voulait un État ukrainien, mais il voulait un État fasciste, un État autoritaire, un État où il aurait été le Führer", a déclaré Rossolinski-Liebe [Biographe et historien de Bandera à l'Université libre de Berlin].

Un sondage de la fondation "Initiative démocratique" a constaté en avril 2021 qu'un tiers des Ukrainiens (32 pour cent) considéraient l'activité de Bandera comme positive, le même nombre - négative.

Des chercheurs du groupe "Rating" ont constaté en avril 2022 que 74% des Ukrainiens avaient une vision positive du personnage historique.      

Modifié par Wallaby
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Il y a 13 heures, CortoMaltese a dit :

Un indicateur intéressant pour percevoir la fracture qui s'est opérée entre opinions publiques russe et ukrainienne depuis 2014 : le taux d'opinions positives sur... Staline. 

 

c'est effectivement très surprenant... Il y a sans doute un puissant fond nostalgique en Russie qui cherche un support, mais Staline... 

Les russes ne raisonnent pas comme chez nous où les électeurs sont sensibles aux cadeaux type baisses d'impôts et aux libertés individuelles.

 

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il y a 10 minutes, Akilius G. a dit :

c'est effectivement très surprenant... Il y a sans doute un puissant fond nostalgique en Russie qui cherche un support, mais Staline... 

Les russes ne raisonnent pas comme chez nous où les électeurs sont sensibles aux cadeaux type baisses d'impôts et aux libertés individuelles.

Bien évidemment. Les Russes se contentent d'admirer l'étalage de puissance, les coups dans les parties de molle et le fait que sur tes dix voisins, y'en aura trois de morts, deux de disparus et quatre souffrant de PTSD lourd avant la mort du dirigeant. C'est bien connu ! :happy:

Plus sérieusement, c'est le mélange ordinaire de "c'était mieux avant !", de recherche frénétique de sentiment de puissance et d'être un pays "respecté" (je mets entre guillemets parce que cela implique beaucoup de choses, positives ou négatives pour les habitants, mais aussi que c'est assez large comme formulation), de volonté de s'accrocher à un passé glorieux. Et un sentiment diffus que la force, le pouvoir, l'autorité peuvent régler tous les problèmes, ce qui a contribué dans les années 1970 à un retour en grâce de Staline, alors opposé à l'image du régime de Brejnev.

L'ironie dans tout ça ? Staline était géorgien, Catherine II allemande, les amis proches de Pierre le Grand étaient européens.

Modifié par Ciders
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il y a 13 minutes, Akilius G. a dit :

Il y a sans doute un puissant fond nostalgique en Russie qui cherche un support, mais Staline... 

Staline a en Russie la même place que Roosevelt en Amérique, De Gaulle en France, ou Churchill en Angleterre : celle de vainqueur de la seconde guerre mondiale. Donc il n'y a rien de surprenant. Il y a des choses très compliquées à comprendre à propos de la Russie, mais celle-ci c'est vraiment la plus simple. C'est le B+A = BA.

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il y a 1 minute, Wallaby a dit :

Staline a en Russie la même place que Roosevelt en Amérique, De Gaulle en France, ou Churchill en Angleterre : celle de vainqueur de la seconde guerre mondiale. Donc il n'y a rien de surprenant. Il y a des choses très compliquées à comprendre à propos de la Russie, mais celle-ci c'est vraiment la plus simple. C'est le B+A = BA.

Oui et non. Il n'y a pas que la Grande Guerre Patriotique, même si cela joue beaucoup. L'industrialisation, l'influence en Europe orientale, le sentiment d'avoir été l'une des deux puissances mondiales à un moment donné et d'avoir compté. La guerre y a aidé mais pas que.

Autre point de détail. Il est tout à fait possible et même encouragé de critiquer Churchill ou Roosevelt. Même De Gaulle, même si sur ce point, en France ça a tendance à sortir le parapluie dès qu'on touche à la légende gaulliste. En Russie, critiquer Staline a été difficile dans les années 1990-2000. Aujourd'hui, ce n'est même plus envisageable. Tout ce qu'il a fait entre de facto dans la sphère de "c'est positif, c'est positif, c'est POSITIF ON T'A DIT !". Et tout ce qui aurait pu vaguement être considéré comme négatif n'existe pas. Ou alors, ce n'est pas sa faute.

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il y a 16 minutes, Ciders a dit :

Aujourd'hui, ce n'est même plus envisageable. Tout ce qu'il a fait entre de facto dans la sphère de "c'est positif, c'est positif, c'est POSITIF ON T'A DIT !".

Tu as des témoignages ou des faits qui corroborent cette allégation ?

Dans les "nouveaux manuels", trois séries qui font trois récits différents, avec des "nuances" différentes, "régulièrement réédités depuis 2016", en vigueur dans les écoles en 2020, "Staline n’est pas réhabilité, ni les répressions staliniennes justifiées par des considérations supérieures".

Le 20/08/2020 à 16:22, Wallaby a dit :

Les manuels d'histoire

https://laviedesidees.fr/La-guerre-des-manuels-en-Russie.html (13 juillet 2020)

En réalité, ce que les nouveaux manuels montrent, c’est l’état actuel de la politique historique russe. À l’intérieur d’un cadre dicté par le pouvoir, une certaine marge de manœuvre reste autorisée. Les trois séries présentent en effet des nuances dans leur description des événements historiques. Cela concerne tant le monde paysan au XVIIe siècle (dépeint comme harmonieux et solidaire dans une série de manuels, alors qu’une autre série pointe la dureté de la vie quotidienne des paysans et semble justifier les révoltes populaires) que le pacte germano-soviétique de 1939, plus ou moins fortement défendu selon les séries de manuels.

Or cette nécessité de construire un récit collectif sans évoquer les « interprétations incompatibles » a un coût : celui, notamment, de passer sous silence le caractère impérialiste des conquêtes russes et les résistances des différentes populations intégrées à la Russie tout au long de l’histoire. En juin 2013, lors d’un entretien à la radio Écho de Moscou, l’historien et auteur de manuels Alexandre Danilov expliquait que, 22 ans après la disparition de l’URSS, le « pluralisme » qui régnait dans l’historiographie commençait à « créer des problèmes dans les régions ».

En effet, les manuels d’histoire régionaux allaient à l’encontre des « avis et des conclusions qui émanaient du centre » et laissaient émerger un « patriotisme local ». La « conservation de l’unité de notre pays » doit être placée au centre des manuels d’histoire, affirmait-il. Cette tâche peut être réalisée, ajoutait-il, en introduisant par exemple dans le récit scolaire un « héros national », qui serait mentionné en lien avec des événements « panrusses ». Lorsqu’un de ses interlocuteurs lui demanda que faire si les régions proposaient d’introduire des personnages ayant lutté contre leur intégration à la Russie, il répondit qu’ils ne seraient probablement pas introduits dans les manuels fédéraux, puisque, répéta-t-il, il s’agit avant tout de montrer « ce qui nous unit ».

On perçoit aisément dans la Conception, et donc dans les nouveaux manuels, une volonté de gommer les aspects sombres de l’histoire russe. Mais il s’agit également de réconcilier les points de vue antagonistes. C’est pourquoi les affirmations les plus outrancières présentes dans les manuels de tendance monarchiste, en particulier les diatribes à l’égard de l’Occident, ont disparu.

Quant à ceux et celles qui s’opposent à la vision « patriotique » de l’histoire, ils peuvent se dire que le pire a été évité. En effet, dans les nouveaux manuels, Staline n’est pas réhabilité, ni les répressions staliniennes justifiées par des considérations supérieures. Telle est vraisemblablement la raison pour laquelle la publication des nouveaux manuels a suscité peu de polémiques dans les médias russes, mettant ainsi peut-être un terme, en Russie, à la longue « guerre des manuels ».

Considérées pour l’instant comme les seules conformes à la Conception, ces trois séries de manuels sont régulièrement rééditées depuis 2016. Le marché des manuels d’histoire s’est donc certes considérablement rétréci en Russie, mais l’idée d’un retour au manuel unique, auquel une partie des historiens et des enseignants se sont toujours opposés, semble être abandonnée.

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Le 17/06/2023 à 20:16, Wallaby a dit :

https://en.wikipedia.org/wiki/Wall_of_Grief

Le Mur du chagrin est un monument érigé à Moscou en hommage aux victimes des persécutions politiques perpétrées par Joseph Staline durant l'ère soviétique du pays. Le mémorial national a été inauguré par le président russe Vladimir Poutine et le patriarche Kirill de Moscou le 30 octobre 2017, à l'occasion de la Journée annuelle du souvenir des victimes des répressions politiques.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Musée_de_l'histoire_du_Goulag

Le musée de l'histoire du Goulag est une institution culturelle de l'État de la ville de Moscou situé jusqu'en 2015 rue Petrovka, 14-16 (ancien hôtel particulier Vorontsov-Raïevski), et installé depuis dans des bâtiments plus spacieux et modernes sur la voie Pervy Samotiotchny1. Le musée a été ouvert en 2001 sur instruction personnelle de l'ancien maire de Moscou Iouri Loujkov.

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Le 28/12/2021 à 14:13, Wallaby a dit :

Concernant la perception d'une complicité de Poutine avec les crimes de Staline, elle est difficilement compatible avec son hommage à Soljenitsyne (qu'on lui reproche par ailleurs parce que Soljenitsyne serait trop "nationaliste" aux yeux de certains)

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http://revuecivique.eu/articles-et-entretiens/poutine-sur-staline-heros-sublime-terreur-oubliee/ (début 2014)

Le réalisateur d’un documentaire télévisé – diffusé récemment par la chaîne ARTE –, qui traite de cette résurgence de la figure de Staline comme « Père de la Nation » dans la Russie de Poutine,  Thomas Johnson a répondu à nos questions.

Le 14/11/2014 à 14:40, Alexis a dit :

l faut quand même noter quelques perles assez ahurissantes dans son discours au club des historiens il y a une semaine.

http://en.kremlin.ru/events/president/news/46951 (5 novembre 2014)

La cruauté des dirigeants a probablement aussi joué un certain rôle.

On peut, bien sûr, débattre de cette question et faire des évaluations politiques. Il est simplement difficile de dire si nous aurions pu gagner la guerre si les dirigeants n'avaient pas été aussi cruels, s'ils avaient été plus proches de ceux de l'époque de Nicolas II. C'est très difficile à dire. Et quelles auraient été les conséquences si nous avions perdu ? Les conséquences auraient été tout simplement catastrophiques. Ils allaient exterminer physiquement les peuples slaves, et pas seulement les Russes ethniques, mais aussi de nombreux autres peuples, dont les Juifs, les Tziganes et les Polonais. En d'autres termes, si vous mettez les choses en balance, il est difficile de dire ce qui est le pire.

Donc entre Hitler et Staline, la question n'est pas, dans la pensée de Poutine, de savoir qui est le bon et qui est le méchant, mais qui est le pire. Qui est le plus méchant et qui est le moins méchant. Mais les deux sont des méchants.

 

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Il y a 3 heures, Ciders a dit :

En Russie, critiquer Staline a été difficile dans les années 1990-2000. Aujourd'hui, ce n'est même plus envisageable. 

A Moscou, il y un musée en plein air qui est une sorte de cimetière des statues enlevées de leur endroit d'origine ( une place ou tout endroit représentatif  ). 

Je n'en ai plus qu'une seule photo souvenir, c'était en 2018, mais je peux t'assurer que Staline y est aussi présent que tous les autres ( même si la photo est mal choisie puisqu'il n'y est pas ). Vu la fréquentation touristique du lieu, disons trés limitée, ce n'est pas une mise en avant que d'y être, mais plutôt l'aveu que çà a té remplacé par du plus "tendance". Musée sympathique au demeurant que je conseillerai à tous visiteurs ( mais faudra sans doute attendre un peu....) depuis lequel on a une vue parfaite sur le monument à Pierre le Grand ( oeuvre énorme par la taille et par ailleurs trés "discutée" )

Je n'ai fait que cette photo car représentative de Marx, Lénine, Brejnev et la faucille marteau, ça fait bcp d'histoire sur une image. 

il y aussi à Moscou un musée du Goulag, il est en accés totalement libre. Pas de garde à l'entrée ou je ne sais quoi. Il est trés peu fréquenté, car pas évident d'accés, mais il existe, et clairement il n'épargne pas Staline. Donc en 2018 quand j'y suis allé, il y avait une projection sur Staline dans une petite salle de cinéma intégrée ce fut animé en discussion, mais j'ai rien compris bien sûr et j'ai poursuivi la visite avec l'audio guide...un peu plus pratique.

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il y a 10 minutes, CortoMaltese a dit :

J'ignorais que la côte de popularité de Roosevelt en Amérique ou de Churchill en Angleterre était passé de 28 à à 63% ces dix dernières années. Ce que montre ce sondage, c'est justement que ce n'est pas quelque chose de "traditionnel" qui serait resté tel quel depuis 70 ans, mais bien un phénomène nouveau de réhabilitation de Staline qui, comme par hasard, est corrélé aux efforts du gouvernements russes à ce niveau, comme en témoigne (parmi mille autres exemples) la persécution puis l'interdiction de l'ONG Memorial qui avait fait un énorme travail sur les crimes de la Grande Terreur. 

Après, tout n'est pas pareil. La temporalité russe ne peut pas être le calque de la temporalité occidentale parce que l'Occident n'a pas connu un changement de régime et d'économie de l'ampleur de celui qu'a connu la Russie en 1991. Et comme le dit Thomas Johnson dans l'interview ( http://revuecivique.eu/articles-et-entretiens/poutine-sur-staline-heros-sublime-terreur-oubliee/ ) il y a tout un travail de mémoire qui n'a pas été fait. On le lit aussi dans La Fin de l'homme rouge d'Alexandra Alexeievitch : il y a surtout des mémoires réprimées. Un tyran comme Staline ne laisse pas le même héritage que les chefs d'État occidentaux qui n'étaient pas des tyrans. Donc la comparaison est forcément limitée par ces limites évidentes.

 

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il y a 5 minutes, Wallaby a dit :

Après, tout n'est pas pareil. La temporalité russe ne peut pas être le calque de la temporalité occidentale parce que l'Occident n'a pas connu un changement de régime et d'économie de l'ampleur de celui qu'a connu la Russie en 1991. Et comme le dit Thomas Johnson dans l'interview ( http://revuecivique.eu/articles-et-entretiens/poutine-sur-staline-heros-sublime-terreur-oubliee/ ) il y a tout un travail de mémoire qui n'a pas été fait. On le lit aussi dans La Fin de l'homme rouge d'Alexandra Alexeievitch : il y a surtout des mémoires réprimées. Un tyran comme Staline ne laisse pas le même héritage que les chefs d'État occidentaux qui n'étaient pas des tyrans. Donc la comparaison est forcément limitée par ces limites évidentes.

 

Oui, la comparaison n'a effectivement que peu de sens, nous sommes d'accord. Et justement, la relative faible popularité de Staline en 2012 (28%) montre qu'un travail de mémoire avait été fait. Ça a été le grand mérite des dernières années Gorbatchev et de la décennie 90. Travail de mémoire qui semble avoir été quasiment effacé en l'espace de 10 ans à mesure que le tournant autoritaire de Poutine s'affirmait. C'est très différent du cas Churchill par exemple où au Royaume Uni, depuis sa mort, il est considéré comme un monstre sacré. D'ailleurs, cela commence à changer dans la nouvelle génération. Le souvenir de 39-45 est moins pregnant et les faces sombres du monsieur (son racisme, sa défense de la colonisation) ressort d'avantage. Je ne serai pas étonné que d'ici 10 ou 20 ans, Churchill passe du statut de personnalité consensuelle à celui de personnage contesté et polémique.

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https://theconversation.com/ukraine-war-how-russians-are-rallying-on-the-home-front-to-support-their-boys-207696 (26 juillet 2023)

Dans les rues de Russie, les gens ordinaires éprouvent un sentiment perceptible d'"ennemi à la porte". Leurs fils sont envoyés au combat - et certains sont morts.

Entre-temps, les raids transfrontaliers de l'Ukraine sur le territoire russe et les attaques de drones sur les banlieues de Moscou au cours des derniers mois ont renforcé l'argument du Kremlin selon lequel la Russie se bat pour se défendre.

La société civile réagit. Il y a les nombreuses campagnes de terrain, souvent menées par des femmes, qui s'efforcent de fournir des vêtements, des fournitures médicales et du confort aux hommes sur le front.

Il y a ensuite les groupes d'anciens combattants qui financent par crowdfunding du matériel militaire tel que des drones et proposent des formations et des équipements de protection afin de combler les lacunes perçues dans l'offre gouvernementale.

Enfin, il y a les innovateurs, qui rappellent la Seconde Guerre mondiale, lorsque des personnes possédant des compétences en ingénierie et autres les ont mises au service du développement d'armes dont on avait cruellement besoin. C'est ce qui se passe à nouveau pour la guerre en Ukraine.

Par exemple, Rokot Centre-33 a organisé un forum de volontaires dans la province de Vladimir en mai 2023, qui a rassemblé des ingénieurs et des producteurs locaux de drones FPV, de dispositifs de guerre électronique, de détecteurs de métaux, de filets de camouflage, de sacs de couchage pour les tranchées, etc.

Parallèlement, comme en Europe occidentale pour les Ukrainiens fuyant la violence, les communautés frontalières font preuve de compassion pour plus de 2,85 millions d'Ukrainiens déplacés. Le nombre de personnes impliquées dans les dons d'argent aux réfugiés et aux migrants, qui n'étaient apparemment pas un secteur caritatif populaire après que la Russie a commencé à se battre en Ukraine en 2014, a triplé en 2022 lorsque la guerre a commencé.

La guerre a transformé la Russie, comme elle a transformé l'Ukraine, où la société civile a joué le rôle de fournisseur de sécurité. Elle a inspiré l'activisme civique et montré qu'une société civile a émergé, bien que d'un type différent de celui auquel l'Occident - qui espérait une opposition populaire à la guerre - avait aspiré.

Jusqu'à présent, elle est apolitique, critique à l'égard de l'échec du gouvernement en matière d'approvisionnement, espérant une certaine forme de victoire ou au moins une résolution pour que la guerre soit terminée - ce que la plupart des gens souhaitent vraiment.

Mais les récentes attaques sur le territoire russe ont galvanisé cette idée de "guerre défensive" chez de nombreux citoyens ordinaires. Elles ont révélé un degré de patriotisme latent qui n'était peut-être pas déjà présent chez ceux qui avaient des doutes sur l'invasion de l'Ukraine. Cela montre que la guerre a activé les forces sociales en Russie, même si l'on ne sait pas encore très bien où cet activisme mènera.

La société russe, après son ambivalence initiale, devient plus solidaire. Le processus de transformation d'une campagne impopulaire en une "guerre populaire" semble avoir commencé.

 

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https://www.nytimes.com/2023/08/02/us/politics/ukraine-troops-counteroffensive-training.html

Les troupes ukrainiennes formées par l'Occident trébuchent au combat

L'armée ukrainienne a pour l'instant mis de côté les méthodes de combat américaines pour revenir aux tactiques qu'elle connaît le mieux.

Les premières semaines de la contre-offensive ukrainienne tant attendue n'ont pas été tendres pour les troupes ukrainiennes formées et armées par les États-Unis et leurs alliés.

Équipées d'armes américaines de pointe et présentées comme l'avant-garde d'un assaut majeur, les troupes se sont enlisées dans les denses champs de mines russes sous le feu constant de l'artillerie et des hélicoptères de combat. Des unités se sont perdues. Une unité a retardé une attaque nocturne jusqu'à l'aube, perdant ainsi son avantage. Une autre s'est si mal comportée que les commandants l'ont purement et simplement retirée du champ de bataille.

Aujourd'hui, les brigades ukrainiennes formées à l'occidentale tentent de renverser la situation, selon des responsables américains et des analystes indépendants. Les commandants militaires ukrainiens ont changé de tactique, se concentrant sur l'usure des forces russes avec l'artillerie et les missiles à longue portée au lieu de plonger dans les champs de mines sous le feu de l'ennemi. Un renforcement des troupes est en cours dans le sud du pays, avec une deuxième vague de forces formées par l'Occident qui lancent principalement des attaques à petite échelle pour percer les lignes russes.

Mais les premiers résultats sont mitigés. Si les troupes ukrainiennes ont repris quelques villages, elles n'ont pas encore réalisé les gains considérables qui ont caractérisé leurs succès dans les villes stratégiquement importantes de Kherson et de Kharkiv à l'automne dernier. L'entraînement compliqué aux manœuvres occidentales n'a guère apporté de réconfort aux Ukrainiens face aux tirs de barrage de l'artillerie russe.

La décision de l'Ukraine de changer de tactique indique clairement que les espoirs de l'OTAN de voir des formations ukrainiennes dotées de nouvelles armes, d'un nouvel entraînement et d'une injection de munitions d'artillerie réaliser d'importantes avancées ne se sont pas concrétisés, du moins pour l'instant.

Cela soulève des questions sur la qualité de la formation que les Ukrainiens ont reçue de l'Occident et sur le fait de savoir si des dizaines de milliards de dollars d'armes, dont près de 44 milliards de dollars fournis par l'administration Biden, ont permis de transformer l'armée ukrainienne en une force de combat conforme aux normes de l'OTAN.

Le président russe Vladimir V. Poutine a de plus en plus indiqué que sa stratégie consistait à attendre l'Ukraine et ses alliés et à gagner la guerre en les épuisant. Les responsables américains craignent que le retour de l'Ukraine à ses anciennes tactiques ne l'amène à épuiser ses précieuses réserves de munitions, ce qui pourrait faire le jeu de M. Poutine et désavantager l'Ukraine dans une guerre d'usure.

Les responsables de l'administration Biden espéraient que les neuf brigades formées par l'Occident, soit quelque 36 000 soldats, montreraient que le mode de guerre américain était supérieur à l'approche russe. Alors que les Russes disposent d'une structure de commandement centralisée et rigide, les Américains ont appris aux Ukrainiens à donner aux soldats de haut rang les moyens de prendre des décisions rapides sur le champ de bataille et à déployer des tactiques d'armes combinées, c'est-à-dire des attaques synchronisées de l'infanterie, des blindés et de l'artillerie.

Au cours des deux premières semaines de la contre-offensive, jusqu'à 20 % des armes envoyées par l'Ukraine sur le champ de bataille ont été endommagées ou détruites, selon des responsables américains et européens. Ce bilan inclut certains des formidables engins de combat occidentaux - chars et véhicules blindés de transport de troupes - sur lesquels les Ukrainiens comptaient pour repousser les Russes.

Mais les analystes se demandent si la deuxième vague, qui repose sur des attaques menées par de petites unités, générera une puissance de combat et un élan suffisants pour permettre aux troupes ukrainiennes de percer les défenses russes.

Gian Luca Capovin et Alexander Stronell, analystes de la société britannique de renseignement de sécurité Janes, ont déclaré que la stratégie d'attaque des petites unités "est extrêmement susceptible d'entraîner des pertes massives, des pertes d'équipement et des gains territoriaux minimes" pour l'Ukraine.

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C'est du Medvedev, et nous savons tous qu'il se pose parmi les "durs" voire les "stridents".

Mais ça me semble quand même intéressant comme "élément d'ambiance", et comme rappel de l'idéologie adoptée par les dirigeants russes - suivis par le plus gros de la population - même si Medvedev en donne une version sans doute plus abrupte - mais du coup plus franche peut-être - que d'autres membres du groupe dirigeant.

Voici ses commentaires au sujet de la réunion internationale à Djeddah autour du "plan de paix" ukrainien.

À propos de Jeddah

Il est difficile de condamner le désir de mettre fin à la guerre. Il est impossible de contester les références à la Charte des Nations unies, qui précise qu'outre la souveraineté, il existe aussi le droit des nations à l'autodétermination.

Mais toute proposition de paix n'a de chance d'aboutir que si trois conditions essentielles sont remplies :

1. La participation des deux parties au conflit. Ce n'est pas le cas.

2. Prise en compte du contexte historique. Celui-ci est le suivant : le pays de l'Ukraine n'a jamais existé avant 1991, il s'agit d'un fragment de l'Empire russe.

3. Prise en compte des réalités actuelles. Et elles sont les suivantes : L'Ukraine est dans une phase de semi-décomposition, et une partie de ses territoires sont retournés à la Russie.

Le médiateur qui est prêt à reconnaître ces évidences a une chance de réussir. Les autres n'en ont aucune.

Cependant, les négociations elles-mêmes ne sont pas encore nécessaires. L'ennemi doit se mettre à genoux et demander grâce.

 

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