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DGSE et Services de Renseignement Européen.


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Bernard Emié, L’Express 4/4 suite et fin: (4/4)

DGSE : Bernard Emié, la disgrâce de l’espion "Ferrero Rocher" de Macron

Episode 4 : La chute

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L’histoire a fait le tour de l’Elysée. Lors d’une de leurs entrevues récentes, Emmanuel Macron interroge Sébastien Lecornu, son ministre des Armées, sur un voyage à l’étranger et les messages passés par Bernard Emié, le directeur de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) : "C’est toi qui lui as demandé de faire ça ?". "Mais non, je croyais que c’était toi !", répond de but en blanc le ministre. C’est à ça que ressemble une disgrâce. Encouragées pendant tant d’années, les initiatives du chef des services secrets extérieurs auprès de factions radicales au Proche-Orient ont fini par agacer. "Il se prend pour le ministre des Affaires étrangères", entend-on désormais à la cellule diplomatique, l’état-major particulier du président de la République. Le chef de l’Etat l’a pourtant si longtemps encouragé dans ce rôle exorbitant, manière de susciter l’émulation entre ses conseillers. Mais ce qui était salué hier a lassé aujourd’hui. Son discours auprès des dirigeants du Hezbollah, au Liban, début décembre – il leur a demandé de retirer leurs troupes du nord du fleuve Litani, près de la frontière israélienne –, a irrité. L’arrestation de quatre agents de la DGSE au Burkina Faso, au même moment, est encore mal tombée : décidément, le service de renseignement ne sait plus s’y prendre avec ces pays africains "poutinisés".

Avec son élégance vieille école et son bagout d’ambassadeur, Bernard Emié a été l’attraction des conseils de défense pendant six ans et demi. En n’hésitant pas à contredire tout le monde avec les informations dont son service dispose. "Il prenait la parole après le ministre des Affaires étrangères, puis le ministre des Armées, et il était souvent beaucoup plus brillant", se souvient un participant de ce petit cénacle, le vrai lieu du pouvoir disent quelques initiés, souvent réuni le mercredi matin, avant le conseil des ministres.

Le directeur de la DGSE, invité permanent du comité, a été l’un des cinq hommes les plus puissants de l’Etat, soupèsent ceux qui l’ont côtoyé à l’Elysée ou au ministère des Armées. Il voit le président en tête-à-tête tous les mois. Il rencontre et renseigne aussi Bruno Le Maire, rencontré il y a vingt ans auprès de Dominique de Villepin, sur l’espionnage économique, et briefait Edouard Philippe avant ses voyages à l’étranger, lors de rendez-vous mensuels à trois avec le coordonnateur du renseignement d’alors, Pierre de Bousquet de Florian. "Il fut aussi le mentor d’Emmanuel Bonne", le conseiller diplomatique d’Emmanuel Macron, de 2002 à 2004, se rappelle le chercheur libanais Joseph Bahout, qui a croisé les deux hommes à Beyrouth. Plonger un peu plus profond dans les arcanes de l’Etat, c’est découvrir un peu partout des membres du "réseau Emié", anciens collaborateurs devenus au fil du temps des alliés. Le directeur de cabinet du ministre des Armées, Patrick Pailloux, a été son adjoint à la DGSE. A l’Elysée, le conseiller chargé des affaires stratégiques, Xavier Chatel de Briancion, présenté comme le concepteur de la "coalition internationale anti-Hamas", proposée un temps par le président français, a été son collaborateur à Londres. Le nouveau coordonnateur du renseignement, Pascal Mailhos, était son condisciple à Sciences Po. Une demi-douzaine d’ambassadeurs importants ont été formés par ses soins.

 

Allavena, Servent et Rondeau

Au Siècle, le club d’influence qu’il fréquente à Paris, une nuée se forme désormais naturellement autour de lui lorsqu’il apparaît. "Ils pensent tous que je peux leur avoir des informations confidentielles", s’amuse le maître espion auprès de son réseau d’amis, les mêmes depuis trente ans, de l’homme d’affaires Jean-Luc Allavena au consultant militaire Pierre Servent, en passant par les diplomates Gérard Araud et Charles Fries, la députée européenne Nathalie Loiseau ou l’académicien Daniel Rondeau.

"Je traite avec des chefs d’Etat, je ne vais pas aller à Washington proposer des petits fours à des ministres", expliquait-il ces derniers mois, rapportent au mot près deux de ses confrères diplomates, pour justifier son refus de prendre l’ambassade de France aux Etats-Unis, comme le lui propose Emmanuel Macron, début 2023. "C’est ta décision. Si tu le souhaites, je partirai. Moi, je préférerais rester. Je suis prêt à poursuivre", plaide-t-il alors auprès du chef de l’Etat, dans l’intimité de leur rendez-vous bimensuel à l’Elysée. Il tutoie le président de la République depuis leur rencontre à Londres, en juillet 2012. L’ambassadeur au Royaume-Uni y avait accueilli le secrétaire général adjoint de l’Elysée, chargé de préparer la venue du président Hollande.

 

Record presque battu

Plutôt éminence grise du président que roi du Quai d’Orsay : le choix d’Emié raconte la prise du pouvoir du renseignement sur la diplomatie. Et la chute à venir de l’espion téméraire. Car le mercredi 20 décembre, l’insubmersible se fait couper la tête. Au dernier conseil des ministres de l’année, Emmanuel Macron le remplace par Nicolas Lerner, jusque-là directeur de la DGSI, les services secrets intérieurs, à compter du 9 janvier 2024. Le président l’a prévenu dès novembre que cette substitution se profilait. Reste que le choc est rude dans la petite communauté du renseignement. A deux mois près, il aurait été le directeur de la DGSE resté le plus longtemps en poste depuis sa création, en 1981. Las, le record restera détenu par le préfet Jacques Dewatre, directeur de 1993 à 2000.

La liste des griefs contre le chef des services secrets est connue. Ne pas avoir vu venir les coups d’Etat en Afrique : le Mali, le Burkina Faso, le Niger – il s’en défend à chaque fois, cite plusieurs notes alarmistes. S’être fait berner par les Britanniques et les Américains sur le contrat des sous-marins d’attaque dénoncé par l’Australie. Ne pas avoir cru que Poutine envahirait l’Ukraine, là où la DGSE a attendu septembre 2021 pour envoyer un chef de poste. Même sa connaissance fine des pays où il a été ambassadeur est désormais mise à son débit : sa proximité avec Alger n’entrave-t-elle pas un rapprochement avec les Marocains ? "Bernard Emié a un beau bilan, il a fait son temps. Le président voulait quelqu’un de moins 'Ferrero Rocher' et de plus opérationnel", griffe une source de l’exécutif, en référence à la célèbre publicité diffusée dans les années 1990 sur les réceptions fastueuses d'un ambassadeur.

 

Médaille impériale

"Quelqu’un veut ma peau", rumine-t-il depuis le numéro du Canard enchaîné du 2 août 2023. L’hebdomadaire a raconté la colère froide du chef de l’Etat contre le service de renseignement, lors du conseil de défense du 29 juillet. "On voit que le mode de fonctionnement de la DGSE n’est pas satisfaisant", cingle ce jour-là Emmanuel Macron, à propos du coup d’Etat au Niger, pas prévu par les espions. Le 20 septembre, nouveau mauvais présage. Le chef des services secrets est invité au dîner d’Etat en l’honneur de Charles III, au château de Versailles. Il revêt sa médaille de chevalier de l’ordre de Victoria, superbe insigne or-rouge-bleu surmontée d’une couronne, lui l’ami du royaume, ambassadeur de France à Londres entre 2011 et 2014. Surprise, le protocole l’a placé très excentré à table, entre le député Pieyre-Alexandre Anglade et Jean-Dominique Sénard, le président de Renault. Le signe public de sa légère déconsidération.

Il pense un temps sauver sa peau, grâce à un tuyau sur Wagner. Les espions français ont su à l’avance que la milice d’Evgueni Prigojine allait tenter un coup d’Etat. "Nos partenaires nous respectent et ils ont encore récemment salué la qualité des informations françaises", s’est réjoui Emmanuel Macron, le 13 juillet, au ministère des Armées. Selon nos informations, la CIA s’est même fendue d’un courrier de félicitations, que Bernard Emié garde par-devers lui. Le directeur du service secret américain, William Burns, est un ami depuis leur passage commun en tant qu’ambassadeur en Jordanie, de 1998 à 2001.

"Si Emié reste jusqu’à la fin d’année 2023, il restera jusqu’aux JO", pronostiquait récemment une source dans l’exécutif. Hélas pour le maître espion, Emmanuel Macron a souhaité procéder à son grand reset du renseignement français avant Noël. Laissant Bernard Emié emporter avec lui, à 65 ans, ses réseaux, son entregent et sa mémoire de la diplomatie française.

 

Epilogue

Pourquoi pas le privé ?, s’est récemment interrogé Bernard Emié auprès d’un ami. A 65 ans, le maître espion pourrait travailler pour un très grand patron ou une grande entreprise française. De Jean-David Levitte à Gérard Araud, les exemples sont légion de ces ex-diplomates reconvertis dans le conseil. "Mais je ne l’encourage pas trop là-dedans", prévient Yves Cabana, son meilleur ami : "Il y aurait un côté anti-climax par rapport à ce qu’il a vécu. Je ne suis pas sûr qu’il s’y plairait." Parmi les projets en gestation, celui aussi d’écrire ses mémoires, confie en privé celui qui a passé sa vie dans les secrets d’Etat. "Inch allah", répond-il, énigmatique, à ceux qui l’interrogent sur ce dessein.

En Macronie, les histoires d’amour finissent mal en général. Mais le maître espion déchu a joué la loyauté maximale, jusqu’à relayer les messages du ministère des Armées sur la nomination de Nicolas Lerner. Alors… il peut se référer à l’exemple de Jean Castex, remplacé à Matignon le 16 mai 2022, sans rouspéter. Le 28 novembre 2022, l’Occitan était nommé à la présidence de la RATP. A croire Yves Cabana, Bernard Emié ferait un excellent ministre des Affaires étrangères .

 

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Le 12/09/2018 à 08:51, collectionneur a dit :

On à peut être mit cette info ailleurs, la communauté française du renseignement veut de débarrassé des logiciels américains qu'elle utilise et être autonome, mais c'est pas gagné et il faudra des années pour que cela ce face :

https://www.courrierinternational.com/article/vu-des-etats-unis-lindependance-technologique-une-urgence-pour-les-renseignements-francais

L’indépendance technologique, une urgence pour les renseignements français

Face aux aléas diplomatiques avec Washington et aux nombreuses failles découvertes, Paris tente de sécuriser la technologie utilisée par ses services de renseignements. Un chantier colossal raconté par Bloomberg.

Le pouvoir français a connu un “réveil douloureux” l’année dernière, relate Bloomberg dans un article publié le 6 septembre. En arrivant à l’Élysée, l’équipe d’Emmanuel Macron apprend que la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) utilise un programme informatique fourni par une entreprise soutenue par la CIA américaine. “Son code informatique est fourni par Palantir Technologies, une société de data mining [exploration de données] qui a travaillé à ses débuts pour le Pentagone et la CIA”, explique la publication.

“L’utilisation de technologies américaines au cœur même de l’État français n’a rien d’inhabituel, poursuit Bloomberg, mais pour l’équipe de spécialistes des hautes technologies qui entoure le président quadragénaire il était temps que le pays fasse de l’indépendance technologique une priorité absolue – d’autant que le président Trump a qualifié l’Union européenne d’‘ennemi’ [en juillet 2018].”

Ne plus compter sur les Américains

Bloomberg a interviewé en juillet le directeur de la DGSI, Laurent Nuñez. Il admet, face au média américain, qu’“aucune société française n’était à même de faire un tel travail” :

Maintenant, nous cherchons à promouvoir une offre française, ou européenne, avec pour objectif de lancer un outil destiné à toutes les agences de renseignement. De nombreuses entreprises sont sur les rangs.”

Comme l’ont montré les accusations de la ministre de la Défense Florence Parly, qui a assuré vendredi 7 septembre qu’un satellite français de communications sécurisées avait subi une tentative d’espionnage russe en 2017, “à l’heure où les vieilles alliances sont remises en cause, la France, et plus généralement l’Europe, ne veut plus compter que sur elle-même pour des technologies appelées à jouer un rôle moteur dans les économies de demain”, affirme Bloomberg. La ministre a confirmé qu’un budget de 3,6 milliards d’euros, prévu dans la loi de programmation militaire 2019-2025, serait alloué au renouvellement des satellites français.

Le média américain souligne plus largement les investissements français en matière de nouvelles technologies, qui s’élèvent à 13 milliards d’euros. Emmanuel Macron encouragerait aussi un investissement européen coordonné dans le domaine des technologies militaires, relate Bloomberg, avant d’affirmer : “Dépasser les intérêts étroitement nationaux reste l’un des plus grands défis de l’UE.”...

En relisant ce fil, quelqu'un sait si cet aspect des choses a avancé depuis ?

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Il y a 23 heures, Benoitleg a dit :

En relisant ce fil, quelqu'un sait si cet aspect des choses a avancé depuis ?

 Il y a des choses ^^

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Après le géant Palantir, la DGSI peaufine son outil de big data 100% français
Le renseignement intérieur va arrêter de recourir aux services du sulfureux groupe de big data américain Palantir pour utiliser des outils français. Coût de ce projet qui intéresse aussi Tracfin ou le renseignement douanier: 40 millions d'euros.

https://www.challenges.fr/entreprise/defense/apres-le-geant-palantir-la-dgsi-peaufine-son-outil-de-big-data-100-francais_867314

 

 

Modifié par clem200
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Aperçus des aventures de Christine Granville qui espionna pour les alliés durant la seconde guerre mondiale. Légèrement incroyable.

Britain's longest-serving World War Two spy, Christine Granville, risked her life countless times carrying out missions across Europe, yet today her contribution is barely known. Who was she and why does the nation owe her such a great debt?

 

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  • 2 weeks later...

L'ancien directeur des douanes de l'Occitanie aurait travaillé pour les services espagnoles pour faire un dossier discréditant les indépendantistes catalans :

https://www.ladepeche.fr/2024/01/23/un-espion-francais-au-service-de-lespagne-lex-directeur-des-douanes-doccitanie-remunere-pour-nuire-aux-independantistes-catalans-11713118.php

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il y a 1 minute, mgtstrategy a dit :

il est sorti pas mal de choses pr le burkina. Apparamment les agents ont pas mis leurs tels à zero et donc ça a bien chauffé les autorités du burkina... 

C'est à dire ? Ils ont eu accès aux identités des honorables correspondants locaux ?

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Il y a 4 heures, mgtstrategy a dit :

il est sorti pas mal de choses pr le burkina. Apparamment les agents ont pas mis leurs tels à zero et donc ça a bien chauffé les autorités du burkina... 

Il est sorti "pas mal de choses" où ?
Et pourquoi des téls. "pas à zéro" auraient bien chauffé les autorités ? Ne peut-on rentrer au Burkina qu'avec un téléphone vierge ? :blink:

Je dois avouer ne pas comprendre

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  • 1 month later...
il y a 1 minute, collectionneur a dit :

En version complète, à domicile !

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Contre-espionnage : la DGSI enquête sur une tentative de déstabilisation des élections européennes par des prorusses en France

Les services du renseignement intérieur français s’intéressent à la constitution d’une liste servant les intérêts de Moscou, portée par l’ancien eurodéputé français Jean-Luc Schaffhauser, lui-même aidé par des figures prorusses proches de l’extrême droite.

Par Jacques Follorou

Publié aujourd’hui à 18h57, modifié à 19h02

La France a tardé à comprendre que, dans une guerre, la propagande est aussi dangereuse que les canons. La direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) a ouvert, à l’automne 2023, une enquête sur des soupçons de tentative de déstabilisation des élections européennes du 9 juin. Selon les éléments réunis par Le Monde, confirmés par une source au sein du ministère de l’intérieur, ils portent sur la constitution d’une liste en France servant les intérêts de la Russie et pouvant bénéficier du soutien de Moscou. D’autres pays de l’Union européenne (UE) seraient visés par des menaces similaires visant à affaiblir le front anti-Moscou né de la guerre en Ukraine. Le 3 janvier, Josep Borrel, chef de la diplomatie européenne, avait averti qu’en cette année électorale, « l’Europe est en danger ».

Pour l’heure, les investigations de la DGSI ne sont qu’administratives mais elles ont déjà fait l’objet de nombreuses surveillances techniques et humaines. Aucune des personnes figurant parmi les acteurs présumés de cette opération n’a été interrogée et, selon nos informations, les contre-espions français n’auraient pas encore établi de liens formels entre le régime russe et ses relais français. Néanmoins, les principaux services de renseignement européens accordent assez de crédit à cette menace pour se retrouver, mi-mars, afin de coordonner leurs efforts et répondre à cette vaste attaque concertée.

La DGSI surveille ainsi depuis des mois le projet de liste européenne porté un ancien député européen français Front national (l’ancien nom du Rassemblement national, RN), Jean-Luc Schaffhauser, aidé par des figures prorusses proches de l’extrême droite, comme l’ancien militaire Pierre Plas, le journaliste Dimitri de Kochko ou d’anciens du RN comme Guillaume Pradoura. M. Schaffhauser avait été auditionné, en 2023, à l’Assemblée nationale par la commission d’enquête parlementaire sur les ingérences étrangères dans la vie politique française. Il était intervenu dans l’obtention, par le Front national, de deux prêts destinés à financer le parti de Marine Le Pen, notamment celui délivré, en 2014, par une banque russe.

« J’agis dans l’intérêt de la France »

Membre de l’Opus Dei, M. Schaffhauser ne cache pas son rêve de voir des partis d’extrême droite accéder au pouvoir dans toute l’UE. Cet ancien consultant pour Dassault et Thales en Russie s’applique aujourd’hui à réunir les fonds nécessaires au financement de sa campagne. « Il me faut 2,5 millions d’euros, dit-il. J’ai repris des missions de conseil sur les contentieux entre Etats, notamment avec l’Italie. Je ne peux pas faire appel à un Russe fortuné pour des raisons évidentes. Je démens toute forme d’ingérence étrangère dans ma démarche politique, j’agis dans l’intérêt de la France. »

Le nom de sa liste, « Forum vérité et justice pour la paix », déposé à l’Institut national de la propriété industrielle, et son slogan, « pour la paix avec la Russie », ne font pas mystère de ses convictions. « La guerre en Ukraine est avant tout la faute de la finance occidentale qui a poussé au conflit car elle commençait à perdre son contrôle, explique-t-il. Je pense que nous allons vers une guerre nucléaire. Il nous faut construire l’Europe de la paix avec la Russie. Il nous faut cette alliance pour faire de la France un pôle indépendant. »

Fin 2023, M. Schaffhauser a proposé la tête de liste à Pierre de Gaulle, l’un des petits-fils du général de Gaulle, qui a fini par décliner. Selon l’ancien journaliste Dimitri de Kochko, décoré par Moscou, qui gère le blog Stop Russophobie, l’intéressé a estimé que « les choses n’étaient pas mûres et que l’initiative de Schaffhauser n’était pas assez structurée » et qu’il voudrait « être un recours ». Pierre de Gaulle, âgé de 60 ans, vit à Genève où il travaille dans la gestion de patrimoine. Pro-Poutine, il déclarait, en novembre 2023, lors d’un déplacement à Saint-Petersbourg qu’il serait « très honoré de recevoir la citoyenneté russe » et considère que « l’Occident a déjà perdu l’Ukraine ». Il s’est refusé à tout commentaire.

M. Schaffhauser et ses soutiens avaient sollicité Anna Novikova, 39 ans, responsable de l’association humanitaire prorusse SOS Donbass, pour la deuxième place sur la liste. Originaire de Sibérie orientale, elle est installée dans le sud-ouest de la France. « C’est Pierre Plas, un ami et fidèle soutien, qui m’a fait la proposition, relate-t-elle au Monde. Ils m’ont dit que j’allais gagner beaucoup d’argent, 7 000 euros par mois. J’ai décliné, ils cherchaient juste une femme et une prorusse, je ne voulais être un pion. » M. Plas, passé par le 1er régiment d’infanterie de Strasbourg, catholique traditionaliste, dirige le blog France Russie Convergences. Contacté, il n’a pas souhaité s’exprimer.

Liens avec les services secrets russes

L’enquête de la DGSI a creusé les liens entre M. Schaffhauser et des membres des services secrets russes, notamment Valery Levitsky, consul général de Russie, à Strasbourg, jusqu’au 1er avril 2018, date de son expulsion pour espionnage. Avec lui, trois autres diplomates russes en poste en France, en réalité tous membres des services secrets militaires russes (GRU), avaient quitté le territoire après l’affaire Sergueï Skripal, du nom de cet ex-agent russe passé à l’ennemi britannique, victime, avec sa fille, deux semaines plus tôt, d’une tentative d’empoisonnement, au Royaume-Uni, par deux agents du GRU. M. Levitsky aurait tenté, depuis, de revenir en France dans le cadre de délégations russes.

« J’ai connu Levitsky quand il était à Strasbourg, notamment pour mes visas, répond M. Schaffhauser. Je n’ai pas besoin des services secrets pour communiquer avec Moscou. Les Russes ont d’autres canaux pour me joindre. J’ai aussi des amis parmi les anciens de la CIA. Ce n’est pas la première fois que la France enquête sur moi, le Parquet national financier l’avait déjà fait, sans résultat. Je sais bien que la DGSI m’écoute et me surveille. »

Les contre-espions français ont également relevé sa proximité avec Ilya Subbotin, ministre conseiller à l’ambassade de Russie, à Paris, à qui M. Schaffhauser louait un étage de sa résidence à Strasbourg. M. Subbotin était, en effet, le représentant de la Russie auprès du Conseil de l’Europe dans cette ville, jusqu’à ce que la mission soit fermée, en mars 2022, après l’attaque russe en Ukraine. « C’est un hasard, rétorque M. Schaffhauser, cela est passé par une agence, j’ai eu d’autres locataires, notamment des Américains. » Enfin, selon le Washington Post, le chef des services de renseignement extérieur de Russie, Sergueï Narychkine, une de ses connaissances datant des années 1990, lorsque ce dernier était président de la Douma d’Etat, la chambre basse du parlement russe, « aurait pris des dispositions pour que [M. Schaffhauser] se rende à Moscou en janvier afin de discuter de ces projets ».

D’après les informations échangées entre services secrets européens, les missi dominici chargés de relayer la parole de Moscou prendraient attache avec Sergueï Kirienko, chef du cabinet adjoint de l’administration de la présidence russe. Il pourrait superviser l’opération de déstabilisation du scrutin européen. Parmi ses contacts français figurerait Xavier Moreau, un activiste prorusse qui possède la nationalité russe depuis 2013. Installé à Moscou, il effectue de nombreux allers-retours en France et gère le blog Stratpol, qui relaie des analyses politico-militaires en écho avec la propagande du régime russe. Il intervient également dans une émission en français diffusé par la chaîne Russia Today.

« Campagnes de désinformation »

« J’ai croisé M. Schaffhauser il y a longtemps, mais je n’ai jamais eu d’échange avec lui sur cette affaire d’élection européenne, assure M. Moreau. C’est une farce. Je préfère me jeter par la fenêtre que de m’abaisser à devenir député européen, si mes positions sont ouvertement prorusses, elles sont surtout en faveur du rétablissement de la souveraineté de la France (…), ce n’est pas en pantouflant à Bruxelles qu’on le fera. »

L’enquête en cours prête à un cadre de l’extrême droite française, Guillaume Pradoura, un rôle d’intermédiaire entre ces diverses listes chargées d’alimenter, au sein de l’UE, le discours prorusse, sous couvert de débat politique. Les services voient sa main auprès de M. Schaffhauser mais aussi aux Pays-Bas, en Belgique, en Pologne et en Allemagne. Ancien assistant parlementaire de Nicolas Bay (ancien cadre du RN aujourd’hui membre de Reconquête !) au Parlement européen, il a été exclu du RN, en 2019, pour une photo antisémite avant de retrouver un poste identique auprès de Maximilian Krah, eurodéputé de l’AfD, parti d’extrême droite allemand, allié au RN. M. Pradoura officie désormais toujours au Parlement de Strasbourg, pour Marcel de Graaff, élu du Forum pour la démocratie, le parti de Thierry Baudet, allié de Vladimir Poutine aux Pays-Bas.

« Je connais, en effet, M. Schaffhauser, note M. Pradoura, mais nos liens sont distants. Je n’ai rien à voir avec ce projet de liste aux européennes. Je ne suis pas antirusse, c’est certain, mais les prorusses ne constituent pas un groupe homogène. Quant à Xavier Moreau, c’est un ami. » M. Schaffhauser indique que M. Pradoura l’a sollicité, en janvier, pour qu’il intervienne sur la présence de mercenaires français en Ukraine, qualifié, par Paris, de « propagande russe ». Il dit avoir refusé, précisant : « J’ai beaucoup d’estime pour Pierre Plas, Xavier Moreau, Dimitri de Kochko ou Guillaume Pradoura mais ils sont parfois trop fanatiques de la Russie. »

Si la France semble avoir pris la mesure des risques d’ingérence russe, d’autres pays de l’UE, voisins de la Russie, alertent depuis longtemps sur le danger des relais de Moscou à l’intérieur de leurs frontières. Les services secrets lettons, estoniens, lituaniens, polonais et suédois, qui assisteront à la rencontre de la mi-mars, sont parmi les plus vigilants. Joint par Le Monde, le service de contre-espionnage suédois n’a pas commenté cette prochaine réunion, mais son porte-parole a indiqué : « En ce qui concerne les prochaines élections européennes, les services de sécurité suédois sont conscients de la possibilité qu’elles fassent l’objet de campagnes de désinformation ou d’influence. » Une source sécuritaire polonaise a ajouté que son pays ne tarderait pas, pour sa part, à aller sur le terrain judiciaire pour bloquer cette tentative de déstabilisation.

Jacques Follorou

 

 

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il y a 32 minutes, olivier lsb a dit :

« J’ai croisé M. Schaffhauser il y a longtemps, mais je n’ai jamais eu d’échange avec lui sur cette affaire d’élection européenne, assure M. Moreau. C’est une farce. Je préfère me jeter par la fenêtre que de m’abaisser à devenir député européen, si mes positions sont ouvertement prorusses, elles sont surtout en faveur du rétablissement de la souveraineté de la France (…), ce n’est pas en pantouflant à Bruxelles qu’on le fera. »

Décidément les fenêtres attirent l'attention en Russie :laugh:

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Il y a 23 heures, mgtstrategy a dit :

Encore un article dans le monde ce matin, avec l'evocation de personel DGSE mort en Ukraine

Disons que si mort il y avait eu, alors c'est ni confirmée ni infirmée. Donc rien de nouveau sous le soleil des opérations clandestines.

Vous vous souvenez du barouf sur les punaises de lit ? Une manœuvre informationnelle destinée à nous nuire. Pas très étonnant au demeurant, ce truc était sorti de nul part dans un contexte tout à fait stable sur la question, et c'est retombé comme un soufflé. 

J'avais partagé un article de l'Express sur la question, un bonne partie des comptes étaient gérés par les services Azerbaïdjanais.  

Modifié par olivier lsb
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