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Guerre Russie-Ukraine 2022+ : considérations géopolitiques et économiques


Messages recommandés

il y a 6 minutes, Paschi a dit :

https://www.blick.ch/news/wegen-rueckschlaege-im-ukraine-krieg-verliert-putin-jetzt-auch-noch-den-rueckhalt-von-china-id17979045.html

Poutine est-il en train de perdre le soutien de la Chine ?
La Russie et la Chine sont unies par leur aversion pour les Etats-Unis. Mais cette relation semble désormais s'effriter, car la Chine ne semble pas très enthousiaste à l'égard des récentes attaques contre Kiev. Il semble que Xi Jinping ait fait un mauvais calcul.

Au début de l'année, le président chinois Xi Jinping (69) a décrit son amitié avec le chef du Kremlin Vladimir Poutine (70) comme suit : "Une amitié sans frontières". Mais la guerre d'agression de la Russie contre l'Ukraine a compliqué la relation. Poutine espère le soutien de son homologue, mais Xi semble prendre peu à peu ses distances.

La raison : les dirigeants de Pékin sont pris dans un dilemme. Plus la guerre dure, plus le soutien de la Chine à Moscou se fait discret. En revanche, les voix critiques se font plus fortes. "Le comportement de la Russie lors du début et de la conduite de la guerre prouve que son aventure militaire est irréfléchie et que ses forces armées conventionnelles sont faibles", déclare par exemple Shi Yinhong (71 ans), professeur de relations internationales à l'Université du peuple de Pékin, à l'Agence de presse allemande.

Il semble désormais que la Chine tourne le dos à la Russie. Ainsi, lors d'une conférence de presse au congrès du parti communiste jeudi, les principaux responsables de la politique étrangère n'ont pas mentionné l'"amitié sans frontières" avec la Russie. Il est également habituel qu'un journaliste russe puisse poser la deuxième ou la troisième question sur le partenariat avec Moscou. Ce n'est pas le cas cette fois-ci.

La Chine rompt-elle maintenant avec la Russie ?

Le président russe Vladimir Poutine avait déjà reconnu en octobre, lors d'une rencontre avec le chef de l'Etat et du Parti Xi Jinping, "des inquiétudes et des questions" du côté chinois - sachant qu'il exigeait beaucoup de Pékin. Avec les revers des forces russes sur le champ de bataille, la position de la Chine "a rapidement évolué vers un nouveau niveau", estime le professeur Shi Yinhong. L'annexion des territoires occupés en Ukraine après les référendums fictifs a apparemment encore affaibli le soutien.

Xi a sans doute mal calculé son soutien à Poutine. "Il a dû penser que la guerre serait rapidement terminée", estime l'expert Richard McGregor du Lowy Institute australien. "Il doit maintenant recalibrer. Il est trop tôt pour dire si les Chinois pensent qu'ils ont fait une erreur d'appréciation. Mais je pense qu'ils sont définitivement en train de tourner et de se tortiller".

Selon McGregor, Pékin est actuellement "extrêmement inquiet". "Une Russie affaiblie de bout en bout n'est pas bonne pour la Chine", explique l'expert de Lowy à l'agence de presse allemande. "La Chine n'a rien contre le fait que la Russie soit le partenaire junior de leur coalition. Mais ils ne veulent pas non plus qu'elle soit trop faible".

AMHA, c'est surtout que les chinois ne veulent pas se faire entrainer dans les conflits des autres qui ne servent pas ses propres intérêts stratégiques. Pékin refuse la confrontation directe avec les américains au sujet de Taiwan donc il ne vont pas l'accepter pour l'Ukraine.

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il y a une heure, Alexis a dit :

Sourovikine s'avère adepte des tweets courts et cryptiques - il s'agit de laisser les lecteurs faire fonctionner leur imagination pour interpréter

Hier, nous avons eu successivement

"Poséidon"

Et quatre heures plus tard

"New York, Tokyo, Miami, Los Angeles, Melbourne et Liverpool"

 

Bon, évidemment une stratégie d'influence à usage externe. Evidemment très peu crédible - le passage au nucléaire est peu probable à ce stade, et si Moscou le décidait les premières cibles ne seraient pas des grandes villes de pays anglo-saxons. Stratégie à usage interne peut-être aussi - "On est une grande puissance, on va les forcer à nous respecter"

Il rappelle juste qu'il n'y a pas de victoire totale possible contre une puissance nucléaire majeure, En France on pourrait tout aussi valablement tweeter "M51", Moscou-St Petersbourg-Sebastopol...

 

Modifié par Yorys
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il y a 9 minutes, Yorys a dit :

En France on pourrait tout aussi valablement tweeter "M51", Moscou-St Petersbourg-Sebastopol...

Oui, on pourrait... mais je ne crois pas que quiconque l'ait fait.

À mes yeux, ça fait une différence.

Et il y en a une autre, majeure, c'est que personne en France ne l'a fait APRES que la France ait lancé une Opération Militaire Spéciale vers le territoire d'un pays soutenu par la Russie...

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il y a 1 minute, FATac a dit :

Oui, on pourrait... mais je ne crois pas que quiconque l'ait fait.

À mes yeux, ça fait une différence.

Et il y en a une autre, majeure, c'est que personne en France ne l'a fait APRES que la France ait lancé une Opération Militaire Spéciale vers le territoire d'un pays soutenu par la Russie...

Oui, je suis d'accord, le fait qu'il se sente obligé de le faire n'est pas très bon signe... surtout pour la Russie...

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Il y a 3 heures, Paschi a dit :

https://www.blick.ch/news/wegen-rueckschlaege-im-ukraine-krieg-verliert-putin-jetzt-auch-noch-den-rueckhalt-von-china-id17979045.html

Poutine est-il en train de perdre le soutien de la Chine ?
La Russie et la Chine sont unies par leur aversion pour les Etats-Unis. Mais cette relation semble désormais s'effriter, car la Chine ne semble pas très enthousiaste à l'égard des récentes attaques contre Kiev. Il semble que Xi Jinping ait fait un mauvais calcul.

Au début de l'année, le président chinois Xi Jinping (69) a décrit son amitié avec le chef du Kremlin Vladimir Poutine (70) comme suit : "Une amitié sans frontières". Mais la guerre d'agression de la Russie contre l'Ukraine a compliqué la relation. Poutine espère le soutien de son homologue, mais Xi semble prendre peu à peu ses distances.

La raison : les dirigeants de Pékin sont pris dans un dilemme. Plus la guerre dure, plus le soutien de la Chine à Moscou se fait discret. En revanche, les voix critiques se font plus fortes. "Le comportement de la Russie lors du début et de la conduite de la guerre prouve que son aventure militaire est irréfléchie et que ses forces armées conventionnelles sont faibles", déclare par exemple Shi Yinhong (71 ans), professeur de relations internationales à l'Université du peuple de Pékin, à l'Agence de presse allemande.

Il semble désormais que la Chine tourne le dos à la Russie. Ainsi, lors d'une conférence de presse au congrès du parti communiste jeudi, les principaux responsables de la politique étrangère n'ont pas mentionné l'"amitié sans frontières" avec la Russie. Il est également habituel qu'un journaliste russe puisse poser la deuxième ou la troisième question sur le partenariat avec Moscou. Ce n'est pas le cas cette fois-ci.

La Chine rompt-elle maintenant avec la Russie ?

Le président russe Vladimir Poutine avait déjà reconnu en octobre, lors d'une rencontre avec le chef de l'Etat et du Parti Xi Jinping, "des inquiétudes et des questions" du côté chinois - sachant qu'il exigeait beaucoup de Pékin. Avec les revers des forces russes sur le champ de bataille, la position de la Chine "a rapidement évolué vers un nouveau niveau", estime le professeur Shi Yinhong. L'annexion des territoires occupés en Ukraine après les référendums fictifs a apparemment encore affaibli le soutien.

Xi a sans doute mal calculé son soutien à Poutine. "Il a dû penser que la guerre serait rapidement terminée", estime l'expert Richard McGregor du Lowy Institute australien. "Il doit maintenant recalibrer. Il est trop tôt pour dire si les Chinois pensent qu'ils ont fait une erreur d'appréciation. Mais je pense qu'ils sont définitivement en train de tourner et de se tortiller".

Selon McGregor, Pékin est actuellement "extrêmement inquiet". "Une Russie affaiblie de bout en bout n'est pas bonne pour la Chine", explique l'expert de Lowy à l'agence de presse allemande. "La Chine n'a rien contre le fait que la Russie soit le partenaire junior de leur coalition. Mais ils ne veulent pas non plus qu'elle soit trop faible".

Donc la Chine ne veut pas d’une Russie trop affaiblie mais va la lâcher parce qu’un journaliste russe ne s’est pas exprimé en second à une conférence de presse ? Je ne conteste pas le positionnement délicat de la Chine, mais je ne saisis pas vraiment la logique de la démonstration qui démontre qu’il y a découplage complet en cours…

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il y a 18 minutes, Amnésia a dit :

Je l'ai déjà indiqué, cette guerre est celle du système Poutine et de toute cette idéologie anti-occidentale qui a été "travaillée" pour les russes comme pour l'étranger. C'est une guerre idéologique et c'est cela le plus gros problème par rapport à une guerre plus "classique" d'une ambition politique. La défaite est tellement perturbante psychologiquement qu'on est prêt à tout pour ne pas en supporter le poids. On se fait carrément "plaisir" à faire mal aux ukrainiens, plaisir à emmerder ce peuple qui, il y a quelques mois, aurait été "intégré" à la Russie comme ils veulent le faire dans leurs régions annexées si tout se serait passé selon le plan. On est dans une rupture mentale de cette idéologie anti-occidentale, une sorte de "blocage" par lequel on ne sait pas comment se sortir sans perdre la face.

Une guerre idéologique d'expansion du "Monde russe" - dans l'esprit de ses partisans, de reconstitution quoi qu'il en coûte de ce qui serait son véritable espace. "Monde russe" conçu en rupture brutale avec un "Occident collectif" fantasmé en une force historique permanente d'exploitation et de dégradation humaine, caricature hallucinée de l'Occident réel (même en y intégrant tous les crimes réels du passé de l'Occident), force finalement identifiée comme inhumaine et, on le suggère maintenant plus qu'à demi-mot, suprahumaine - bref, Satan.

La vision est à l'évidence délirante. Elle est puissante, aussi. Tous les Russes ne la partagent pas, très loin de là, y compris parmi les partisans déclarés de la guerre en Ukraine. Pourtant elle prend visiblement de plus en plus d'influence - il y a quelques années encore, elle était marginale - et la radicalisation de Vladimir Poutine lui-même entre 2015 et 2021 en est un exemple frappant, et évidemment particulièrement important.

 

il y a 18 minutes, Amnésia a dit :

Ils espèrent que militairement on cesse d'aider et soutenir l'Ukraine, ils aimeraient bien que la Chine détourne les américains du côté de Taïwan, il ne serait pas contre qu'ailleurs dans le monde d'autres pays fassent la guerre aux occidentaux ou à leurs alliés, ainsi va l'intérêt de la Russie aujourd'hui, c'est ce monde là qu'elle recherche tout en continuant à dire qu'elle oeuvre pour un monde en paix qui rimerait avec un monde ou l'occident serait aussi présent qu'Haïti dans les affaires internationales.

Je ne suis pas sûr qu'ils l'espèrent vraiment. Ca peut être un rêve, ça peut être une tentative "à tout hasard". Mais de ce que je perçois (évidemment je ne peux que partager une perception personnelle :smile:) de la propagande, télévisuelle mais pas seulement, les journaux, les communications militaires, même les chansons récentes (Shaman), on sait à Moscou qu'il n'y a pas d'affaiblissement à prévoir de la volonté occidentale de soutien à l'Ukraine. Et c'est à autre chose qu'on se prépare.

==>On est en train de bander les volontés et de se préparer aux sacrifices nécessaires pour gagner la guerre sur le terrain dans la durée

 

il y a 18 minutes, Amnésia a dit :

Mais je repose la question, ce sera quoi la finalité de tout cela? Le Kremlin imagine qu'il se passera quoi si demain l'Ukraine dit qu'elle a trop souffert et lui cède les territoires convoités? Que l'Europe va venir à Moscou relancer les affaires économies et énergétiques comme si de rien était, qu'ainsi les caisses vont se remplir et on fera comme si rien ne s'était passé?

Je pense que le créneau où il était possible d'envisager une "victoire limitée" pour la Russie - c'est-à-dire une "défaite limitée" pour l'Ukraine - est passé. Au printemps, la Russie a présenté à l'Ukraine des exigences extrêmement dures pour faire la paix, qui auraient cependant laissé une Ukraine indépendante, quoique amputée, interdite d'accord militaire avec l'Ouest et de plus démilitarisée - ce qui l'aurait d'ailleurs laissée vulnérable pour l'avenir. Kiev a refusé.

Depuis, Moscou s'est radicalisé. Même ce niveau de défaite de l'Ukraine ne leur suffit plus. L'objectif est la victoire totale, et la transformation de l'Ukraine en un "Etat ami" de la Russie - lire bien sûr un Etat sous contrôle.

Qu'ils puissent y arriver ou non, c'est une autre question. Pas cette année de toute évidence. Mais l'année prochaine, ou à plus long terme, avec telle escalade déjà commencée, avec telle autre qui pourrait l'être plus tard... Je pense que personne ne peut être sûr du cours que prendra la guerre à partir de 2023.

 

il y a 18 minutes, Amnésia a dit :

La Russie poutinienne est devenue une nation hostile et à éviter pour un long moment, la question n'est pas de savoir comment on va faire cet hiver sans le gaz russe en se disant qu'à la fin de la guerre ce gaz reviendra. Non, le gaz russe on va passer les années à venir à l'éclipser, quitte à revoir le nucléaire prendre une très grande importance.

Oui, la césure entre Europe de l'Ouest (à partir de la Pologne et plus à l'ouest) et Europe de l'Est (Russie, Biélorussie essentiellement) autour du sort de l'Europe Centrale (Ukraine... qui est bien à peu près au centre si l'on parle en termes géographiques) est partie pour durer. Elle pourrait assez facilement s'approfondir encore.

Nous (Européens de l'Ouest) allons traverser plusieurs années difficiles, avec récession économique notamment, avant d'avoir réussi à reconfigurer notre système énergétique pour acheter le gaz nécessaire ailleurs qu'en Russie. Quant au nucléaire - dont je suis parmi les plus chauds partisans par ailleurs ! - il ne peut être une solution à échelle de quelques années, car il faut du temps pour construire des centrales.

 

il y a 18 minutes, Amnésia a dit :

La guerre en Ukraine ne se gagne pas en coupant le courant aux habitants, les russes vont obtenir (à nouveau) que l'effet inverse de ce qu'ils recherchent, c'est à dire qu'ils vont souder les ukrainiens contre eux et ils ne vont pas créer une division hostile au pouvoir pour le forcer à abdiquer.

Ce n'est pas l'objectif. J'ai posté les 10 derniers jours plusieurs articles des médias russes et ukrainiens qui montrent bien que l'objectif est militaire - affaiblir suffisamment l'arrière pour qu'il ne puisse plus soutenir les forces sur le terrain, sur lesquelles l'armée russe pourrait à terme prendre le dessus.

L'objectif n'est pas de se faire aimer des Ukrainiens. Le pouvoir russe est (de plus en plus) radicalisé, mais ils ne sont pas idiots.

L'idée est plutôt, une fois l'Ukraine sous contrôle, de "convaincre" les Ukrainiens dans la durée qu'ils sont en fait une variété spécifique de Russes. J'ai vu passer des références comme quoi au moins certains Russes (j'entends du genre de ceux qui écrivent dans les médias) comprennent bien que ce serait un effort générationnel.

Quant aux moyens ? Propagande pro-russe pour ceux qui restent soumis. Main de fer pour les autres - je ne sais pas jusqu'à quelles extrémités :mellow:

 

il y a 18 minutes, Amnésia a dit :

Donc la Russie qui aura profité d'une faiblesse ukrainienne pendant une période risque de nouveau rapidement être dans une réponse plus "problématique" qu'au départ.

Rien n'assure que la Russie réussira, naturellement. La guerre est lieu d'incertitudes, l'avenir est imprévisible, et c'est enfoncer une porte ouverte que de le rappeler.

Cela dit, ça vaut dans les deux sens. La réussite du projet russe de conquête et de "mise au pas" de l'Ukraine, comme la Pologne a vécu plus d'un siècle comme province d'empires qui la dominaient, est une éventualité sérieuse.

La seule chose certaine de mon point de vue - je veux dire sauf surprise du genre "miracle" - c'est que la guerre sera encore longue (très), au moins une bonne partie de 2023 voire plus loin, et qu'elle sera encore très sanglante.

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https://www.japantimes.co.jp/opinion/2022/10/20/commentary/world-commentary/russias-defeat/

Selon [Nicolas Tenzer, politiste et haut fonctionnaire français] l'Occident ne devrait pas hésiter à fixer ses propres objectifs de guerre, même s'il ne participe pas officiellement à la guerre en Ukraine. Selon lui, ces objectifs maximalistes devraient inclure un retrait de la Russie de tous les pays et régions où le régime de Poutine est actuellement présent, notamment l'Ukraine et la Géorgie, mais aussi la Syrie, la Biélorussie, l'Arménie, les États d'Asie centrale et les nations d'Afrique et d'Amérique latine où opère le groupe Wagner, une société militaire privée liée à Moscou.

Selon cet argument, la Russie devrait également perdre son droit de veto au Conseil de sécurité de l'ONU, tout accès au système financier occidental et ses réseaux d'influence en Occident. Une "semi-défaite", écrit Tanzer, serait toujours une victoire pour la Russie car elle conserverait ses ambitions mondiales ; la Russie doit être transformée en un "pays normal" - "le contraire d'un empire". Elle ne peut être transformée de l'intérieur uniquement.

Fiona Hill, l'un des experts de la Russie les plus respectés aux États-Unis et anciennement en charge de la Russie au sein de l'administration Trump, a proposé une version moins radicale du même argument dans une récente interview accordée à Politico. Elle a également appelé à ce que la Russie perde son droit de veto au Conseil de sécurité. La guerre, a-t-elle dit, ne concerne pas vraiment l'Ukraine. "C'est un conflit entre grandes puissances, le troisième conflit entre grandes puissances dans l'espace européen en un peu plus d'un siècle", aurait déclaré Hill. "C'est la fin de l'ordre mondial existant. Notre monde ne sera plus le même qu'avant".

Comment la Russie renoncera-t-elle à sa présence militaire dans toute l'ancienne Union soviétique et dans certaines parties du monde en développement si elle n'est pas vaincue de manière décisive dans un conflit plus large que la guerre en Ukraine ?

"En disant que nous ne sommes pas en guerre - nous ne suggérons certainement pas que les dirigeants occidentaux déclarent haut et fort que nous le sommes - nous nous mettons dans une sorte d'état d'esprit qui nous empêche de formuler des objectifs de guerre", écrit [Tenzer]. L'avertissement est important : il ne demande pas aux gouvernements occidentaux de déclarer la guerre à la Russie, mais il préconise d'obtenir des résultats qui ne peuvent être obtenus que dans une guerre à grande échelle.

Cela signifie que toute perspective d'un nouvel ordre mondial dans lequel la Russie deviendrait un État doux, contrit et post-impérial repose désormais sur les épaules des Ukrainiens. On espère et on s'attend à ce qu'ils soient capables de vaincre l'armée russe sans se faire atomiser en réponse - ou, ce qui n'est pas dit, c'est que s'ils se font atomiser, leur martyre servira le plus grand objectif de faire de la Russie un paria complet et donc de l'affaiblir définitivement.

Il est naïf de s'attendre à ce qu'une démocratie libérale émerge immédiatement des ruines du régime de Poutine - un gouvernement d'extrême droite agissant sous l'effet d'un ressentiment encore plus profond est un scénario plus réaliste. Il est tout aussi naïf, cependant, de s'attendre à ce qu'un pays de la taille et de l'endurance de la Russie s'éclipse d'une manière ou d'une autre si l'Occident applique une diplomatie plus dure ou durcit des sanctions économiques déjà sans précédent.

Ce qu'il faut offrir aux Russes, c'est une vision d'inclusion, et non une défaite éternelle et sans espoir.

___________________

Page wiki sur Nicolas Tenzer. Il ne me semble pas être un gros bonnet influent. Collectionneur :https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Nicolas_Tenzer

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il y a 15 minutes, gustave a dit :

Donc la Chine ne veut pas d’une Russie trop affaiblie mais va la lâcher parce qu’un journaliste russe ne s’est pas exprimé en second à une conférence de presse ? Je ne conteste pas le positionnement délicat de la Chine, mais je ne saisis pas vraiment la logique de la démonstration qui démontre qu’il y a découplage complet en cours…

La Chine a déjà donné des signes concrets que le soutient à la Russie était limité en gros à l’absence pour l’instant de condamnation. Il y a plusieurs exemples de déclarations d’officiels Chinois qui le montrent

https://www.francetvinfo.fr/monde/europe/manifestations-en-ukraine/direct-guerre-en-ukraine-la-russie-poursuit-ses-referendums-d-annexion-dans-les-territoires-occupes_5378698.html

De plus, il y a des rumeurs (donc à prendre avec précaution) que Xi aurait explicitement dit à Vlad de ne jamais utiliser l’arme nucléaire, que c’était une ligne rouge. Si avéré c’est vraiment une nouvelle fois un véritable KO stratégique pour Poutine qui se voit complètement saper sa crédibilité sur son hochet de nuke tactique qu’il brandit régulièrement pour faire peur à tout le monde.

 

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il y a 35 minutes, Alexis a dit :

Une guerre idéologique d'expansion du "Monde russe" - dans l'esprit de ses partisans, de reconstitution quoi qu'il en coûte de ce qui serait son véritable espace. "Monde russe" conçu en rupture brutale avec un "Occident collectif" fantasmé en une force historique permanente d'exploitation et de dégradation humaine, caricature hallucinée de l'Occident réel (même en y intégrant tous les crimes réels du passé de l'Occident), force finalement identifiée comme inhumaine et, on le suggère maintenant plus qu'à demi-mot, suprahumaine - bref, Satan.

La vision est à l'évidence délirante. Elle est puissante, aussi. Tous les Russes ne la partagent pas, très loin de là, y compris parmi les partisans déclarés de la guerre en Ukraine. Pourtant elle prend visiblement de plus en plus d'influence - il y a quelques années encore, elle était marginale - et la radicalisation de Vladimir Poutine lui-même entre 2015 et 2021 en est un exemple frappant, et évidemment particulièrement important.

 

Je ne suis pas sûr qu'ils l'espèrent vraiment. Ca peut être un rêve, ça peut être une tentative "à tout hasard". Mais de ce que je perçois (évidemment je ne peux que partager une perception personnelle :smile:) de la propagande, télévisuelle mais pas seulement, les journaux, les communications militaires, même les chansons récentes (Shaman), on sait à Moscou qu'il n'y a pas d'affaiblissement à prévoir de la volonté occidentale de soutien à l'Ukraine. Et c'est à autre chose qu'on se prépare.

==>On est en train de bander les volontés et de se préparer aux sacrifices nécessaires pour gagner la guerre sur le terrain dans la durée

 

Je pense que le créneau où il était possible d'envisager une "victoire limitée" pour la Russie - c'est-à-dire une "défaite limitée" pour l'Ukraine - est passé. Au printemps, la Russie a présenté à l'Ukraine des exigences extrêmement dures pour faire la paix, qui auraient cependant laissé une Ukraine indépendante, quoique amputée, interdite d'accord militaire avec l'Ouest et de plus démilitarisée - ce qui l'aurait d'ailleurs laissée vulnérable pour l'avenir. Kiev a refusé.

Depuis, Moscou s'est radicalisé. Même ce niveau de défaite de l'Ukraine ne leur suffit plus. L'objectif est la victoire totale, et la transformation de l'Ukraine en un "Etat ami" de la Russie - lire bien sûr un Etat sous contrôle.

Qu'ils puissent y arriver ou non, c'est une autre question. Pas cette année de toute évidence. Mais l'année prochaine, ou à plus long terme, avec telle escalade déjà commencée, avec telle autre qui pourrait l'être plus tard... Je pense que personne ne peut être sûr du cours que prendra la guerre à partir de 2023.

 

Oui, la césure entre Europe de l'Ouest (à partir de la Pologne et plus à l'ouest) et Europe de l'Est (Russie, Biélorussie essentiellement) autour du sort de l'Europe Centrale (Ukraine... qui est bien à peu près au centre si l'on parle en termes géographiques) est partie pour durer. Elle pourrait assez facilement s'approfondir encore.

Nous (Européens de l'Ouest) allons traverser plusieurs années difficiles, avec récession économique notamment, avant d'avoir réussi à reconfigurer notre système énergétique pour acheter le gaz nécessaire ailleurs qu'en Russie. Quant au nucléaire - dont je suis parmi les plus chauds partisans par ailleurs ! - il ne peut être une solution à échelle de quelques années, car il faut du temps pour construire des centrales.

 

Ce n'est pas l'objectif. J'ai posté les 10 derniers jours plusieurs articles des médias russes et ukrainiens qui montrent bien que l'objectif est militaire - affaiblir suffisamment l'arrière pour qu'il ne puisse plus soutenir les forces sur le terrain, sur lesquelles l'armée russe pourrait à terme prendre le dessus.

L'objectif n'est pas de se faire aimer des Ukrainiens. Le pouvoir russe est (de plus en plus) radicalisé, mais ils ne sont pas idiots.

L'idée est plutôt, une fois l'Ukraine sous contrôle, de "convaincre" les Ukrainiens dans la durée qu'ils sont en fait une variété spécifique de Russes. J'ai vu passer des références comme quoi au moins certains Russes (j'entends du genre de ceux qui écrivent dans les médias) comprennent bien que ce serait un effort générationnel.

Quant aux moyens ? Propagande pro-russe pour ceux qui restent soumis. Main de fer pour les autres - je ne sais pas jusqu'à quelles extrémités :mellow:

 

Rien n'assure que la Russie réussira, naturellement. La guerre est lieu d'incertitudes, l'avenir est imprévisible, et c'est enfoncer une porte ouverte que de le rappeler.

Cela dit, ça vaut dans les deux sens. La réussite du projet russe de conquête et de "mise au pas" de l'Ukraine, comme la Pologne a vécu plus d'un siècle comme province d'empires qui la dominaient, est une éventualité sérieuse.

La seule chose certaine de mon point de vue - je veux dire sauf surprise du genre "miracle" - c'est que la guerre sera encore longue (très), au moins une bonne partie de 2023 voire plus loin, et qu'elle sera encore très sanglante.

Bref, techniquement la Russie veut commettre un génocide dans un de ses sens les plus oubliés, à savoir l'effacement d'une culture différente. 

Comme ce que font les Chinois au Xinjiang quoi.

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il y a 5 minutes, Heorl a dit :

Bref, techniquement la Russie veut commettre un génocide dans un de ses sens les plus oubliés, à savoir l'effacement d'une culture différente. 

Comme ce que font les Chinois au Xinjiang quoi.

De ce que je comprends de la vision des plus nationalistes des Russes, le "résultat idéal" n'est pas un effacement de la culture et de la langue ukrainiennes, mais sa réinterprétation comme simple "particularisme local" et variété d'un ensemble plus large dont le centre est à Moscou.

Au Tatarstan par exemple, sujet de la Fédération de Russie, la langue tatare a statut officiel, comme le russe. D'une manière générale, beaucoup d'identités ethniques ou linguistiques cohabitent en Russie, dont la conception prédominante est très différente de l'attachement français à une seule langue officielle unificatrice. L'ukrainien conserve à ce jour statut officiel en Crimée.

Le point essentiel, c'est l'inclusion dans l'ensemble global dirigé autrefois par le Tsar "de toutes les Russies" - la "grande Russie" que nous appelons Russie, la Malorussie "petite Russie" que nous appelons Ukraine, la "Russie blanche" que nous appelons Biélorussie. Ensemble que les nationalistes voient s'être prolongé sous une autre forme en URSS, s'être disloqué en 1991, et qu'ils veulent recréer par la force.

C'est un projet impérialiste ou colonialiste, c'est un projet au nom duquel beaucoup de violence a été commise depuis le 24 février, et encore plus pourrait l'être à l'avenir - je ne vois pas en effet comment exclure que la violence aille jusqu'au niveau de ce que subissent les Ouïghours. Mais ce n'est pas un projet génocidaire, ni au sens originel celui de la Shoah, ni dans le sens étendu "suppression d'une culture".

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il y a 55 minutes, Julien a dit :

La Chine a déjà donné des signes concrets que le soutient à la Russie était limité en gros à l’absence pour l’instant de condamnation. Il y a plusieurs exemples de déclarations d’officiels Chinois qui le montrent

https://www.francetvinfo.fr/monde/europe/manifestations-en-ukraine/direct-guerre-en-ukraine-la-russie-poursuit-ses-referendums-d-annexion-dans-les-territoires-occupes_5378698.html

De plus, il y a des rumeurs (donc à prendre avec précaution) que Xi aurait explicitement dit à Vlad de ne jamais utiliser l’arme nucléaire, que c’était une ligne rouge. Si avéré c’est vraiment une nouvelle fois un véritable KO stratégique pour Poutine qui se voit complètement saper sa crédibilité sur son hochet de nuke tactique qu’il brandit régulièrement pour faire peur à tout le monde.

 

Entre soutien limité ou critique et lâchage il y a une sacrée différence. Mais c’est surtout le fait que la thèse de l’article ne repose pas sur grand chose voire va à l’encontre des faits cités que je souligne. 

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il y a 7 minutes, U235 a dit :

Vraiment ? Des référendums dans des territoires qui sont probablement gravement dépeuplés par les Ukrainiens fuyant les bombes et l'occupation russes ? C'est absurde.

C'est à la Russie qu'incombe l'obligation de changer pour être accueillie à nouveau dans la communauté des nations civilisées. L'Occident ne lui doit rien. Pourquoi Zelensky devrait-il être destitué pour la commodité de l'ego russe ? Il a été élu démocratiquement par son peuple et ne fait qu'exécuter leurs souhaits de défendre leur patrie.

Imaginez un instant que la même attitude ait prévalu après l'occupation de la France par Hitler. "De Gaulle devrait être arrêté et forcé de négocier la paix et d'accepter les nouvelles frontières de la France telles qu'elles sont (Vichy)." Quelque chose me dit que vous trouveriez un tel arrangement tout à fait insatisfaisant.

J'ai l'impression qu'il y a quelques inexactitudes dans ta vision de l'histoire de France en 1940.

Je rappelle quelques points :

Le président du Conseil Paul Reynaud démissionne le 16 juin 1940.

Philippe Pétain lui succède (le même jour).

Le gouvernement Pétain négocie et signe un armistice le 22 juin 1940 : https://fr.wikipedia.org/wiki/Armistice_du_22_juin_1940

Suivant les termes de cet armistice, le nord de la France est occupé, puis le sud à partir de novembre 1942, après le débarquement américain en Afrique du Nord.

Charles de Gaulle est condamné à mort par contumace le 2 août 1940.

Jusqu'à 1942, l'opinion publique française, sous le choc, soutenait majoritairement les décisions prises par le gouvernement Pétain. À partir de 1942, elle bascule et devient beaucoup plus massivement hostile à Vichy et favorable à la résistance (elle était unifiée par de Gaulle, mais était très diverse, comportant notamment des communistes).

En 1943, le président américain Franklin Delano Roosevelt avait l'intention de retracer les frontières de la France, en la privant d'un large territoire au nord du pays :

Le 31/07/2019 à 21:12, Wallaby a dit :

https://web.archive.org/web/20170504115730/http://www.charles-de-gaulle.org/pages/l-homme/dossiers-thematiques/1940-1944-la-seconde-guerre-mondiale/la-france-libre-et-les-allies/les-etats-unis/de-gaulle-et-roosevelt.php

François Kersaudy, De Gaulle et Roosevelt, Espoir n°136, septembre 2003

Au ministre des Affaires étrangères Eden, il [Roosevelt] expose même à la fin de mars 1943 sa conception d'une Europe d'après-guerre entièrement prise en main par les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et l'URSS, avec quelques curiosités comme ce nouvel Etat de « Wallonie », qui comprendrait « la partie wallonne de la Belgique, ainsi que le Luxembourg, l'Alsace-Lorraine et une partie du nord de la France. » : Anthony Eden, The Reckoning, Cassell, Londres, 1965, pp. 372-3

Evidemment, tout cela serait difficilement réalisable en présence du général de Gaulle, mais Roosevelt compte bien voir l'encombrant général disparaître avant la fin de la guerre, ainsi qu'il l'écrit à Winston Churchill au début de mai : « L'attitude [du Général] est quasiment intolérable. Nous pourrions envisager la création d'un Comité français entièrement nouveau, dont la composition serait approuvée par vous et par moi. Giraud devrait être nommé commandant en chef de l'armée et de la marine françaises, et bien entendu, il siégerait au Comité national consultatif. Je ne sais pas quoi faire de De Gaulle. Vous voudrez peut-être le nommer gouverneur de Madagascar. » (23 : PRO, FO 371/36 047, Mémo for WSC, 8 mai 1943)

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Le plan de Roosevelt n'avait aucune chance de passer. 

Il était d'ailleurs coutumier des solutions "à la con" et encore en étant poli. Lui et Cordell Hull collectionnaient les mauvaises idées comme la désindustrialisation forcée de l'Allemagne (qui aurait conduit à la mort de dizaines de millions d'Allemands par la famine).

De plus l'opinion publique ne soutenait ni Pétain ni de Gaulle. Elle ne se souciait que d'une chose : survivre et qu'au plus court terme possible les Allemands dégagent de chez eux, Alsace-Moselle comprise. 

Je te ferai remarquer que le soutien à Pétain s'effrite dès la fin de 1940 avec l'annexion par l'Allemagne de l'Alsace-Moselle malgré l'armistice, les déboires avec Laval qui conduisent au gouvernement Darlan, etc. Les Pétainistes ont très vite disparu du terrain politique, récupérés par la Résistance (une part plus importante qu'on ne croît souvent), les Darlanistes, les Lavalistes pour la plupart, et tout un tas de factions comme les Doriotistes pour le reste. Le Maréchal est très vite devenu un objet sans pouvoir ni importance, l'essentiel se passant avec celui qui s'entendrait le mieux avec Otto Abetz, l'ambassadeur allemand en France et dans les faits quasi-Gauleiter, ce qui a plombé la crédibilité de Vichy dès l'hiver de 1940. Trois principaux facteurs sont très importants pour comprendre le manque de crédibilité de Vichy dès le début : l'incapacité de Vichy à soulager la population de l'Occupation, versant au contraire dans la collaboration pleine et entière alors que la population souffre du manque d'électricité, des vols et du pillage allemand sur toutes les richesses du pays, et sur l'extorsion de la production agricole, causant des manques réguliers de nourriture, surtout durant les hivers (et ce dès 40) alors que jusqu'à la Débâcle il n'y avait eu aucun problème de ce genre. Deuxièmement, le fiasco du projet d'expédition au Tchad et la perte de la Syrie et du Liban en plus de l'AEF, alors même que certains grands cadres de l'Armée et non des moindres rejoignent de Gaulle (comme Catroux, Gouverneur Général de l'Indochine), qui enlèvent toute crédibilité militaire à Vichy. Et tertio, le lamentable spectacle de l'instabilité politique de Vichy qui fait fait comme durant la troisième République alors même qu'il prétendait s'en débarrasser : dès décembre 40 le gouvernement Laval tombe et est remplacé par le gouvernement Flandin, qui tombe à son tour en février, et ce pitoyable spectacle de servilité envers Abetz pour devenir PM va consteller la courte histoire de Vichy. 

Donc non, désolé mais Vichy n'était pas soutenu par la population, qui a très vite vu en lui un outil aux mains de l'Allemagne malgré l'image du Maréchal (dont on se fait souvent une image trompeuse, elle n'était pas monolithique ni universellement respectée, d'autres Maréchaux comme Franchet d'Esperey étaient encore en vie à ce moment-là).

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il y a 23 minutes, Heorl a dit :

Donc non, désolé mais Vichy n'était pas soutenu par la population

Tu remarqueras que je n'ai pas dit "Vichy" mais "les décisions du gouvernement Pétain" (16 juin - 10 juillet 1940) avant le vote des pleins pouvoirs et la fin de la IIIe République. Nuance.

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Il y a 2 heures, Alexis a dit :

De ce que je comprends de la vision des plus nationalistes des Russes, le "résultat idéal" n'est pas un effacement de la culture et de la langue ukrainiennes, mais sa réinterprétation comme simple "particularisme local" et variété d'un ensemble plus large dont le centre est à Moscou.

Très compliqué de savoir si ça recouvre tout ou partie de la vision des Kremlin mais si on regarde ce que déclarent les invités de la télé russe (dans le côté "vision des plus nationalistes des Russes", je pense qu'on est pas mal), on n'est pas vraiment dans la coexistence pacifique et la ré-interprétation de la culture ukrainienne

Je mets les tweet en caché parce qu'ils prennent beaucoup de place

Révélation

 

 

 

Il y a 2 heures, Alexis a dit :

Au Tatarstan par exemple, sujet de la Fédération de Russie, la langue tatare a statut officiel, comme le russe. D'une manière générale, beaucoup d'identités ethniques ou linguistiques cohabitent en Russie, dont la conception prédominante est très différente de l'attachement français à une seule langue officielle unificatrice. L'ukrainien conserve à ce jour statut officiel en Crimée.

La langue Tatare a peut-être un statut officiel au Tatarstan mais cela ne veut pas dire que l'identité tatare soie promue et respectée partout loin s'en faut. Je ne suis, d'ailleurs, pas sûr que prendre en considération le statut officiel d'une langue est pertinent pour évaluer la manière dont les minorités sont traitées.  Et surtout, le Tatarstan n'est pas du tout l'exemple le plus représentatif. 

Prenons d'autres Tatars mais en Crimée. Je cite cet article

Citation

Des perquisitions systématiques dans des maisons et des mosquées, des centaines d’affaires pénales à motivation politique, des accusations d’extrémisme et de terrorisme forgées de toutes pièces

Citation

Amnesty International mène des campagnes d’information pour protéger les personnes dont la liberté est restreinte pour des raisons politiques, et plusieurs noms de prisonniers de Crimée figurent sur la liste des prisonniers de conscience qu’elle reconnaît. De son côté, Human Rights Watch a fait état de la répression exercée par les autorités russes en Crimée et exigé la libération immédiate des personnes détenues illégalement.

La cours de Justice de la Haye a condamné la Russie pour discriminations envers cette population.`

Un autre article de Slate :

Citation

Anife dit pourtant moins craindre pour elle-même que pour les Tatars restés en Crimée: «Depuis 2014, des Tatars disparaissent. On les retrouve emprisonnés ou morts. Ou pire: on ne les retrouve pas du tout.» Ces disparitions sont aussi rapportées par un rapport du Conseil de l'Europe daté du 16 avril 2021. Outre les «homicides, disparitions forcées, actes de torture», ce rapport pointe une répression de la «vie politique […] des Tatars de Crimée».

Dès 2014, les principaux leaders tatars sont interdits d'entrée en Crimée. En 2016, l'Assemblée des Tatars de Crimée, le Majlis, est déclarée organisation terroriste par le parquet russe. La répression est également culturelle. Ainsi, toujours selon le rapport: «Seuls 3% des élèves appartenant à cette minorité suivent un enseignement en tatar de Crimée

 

La manière dont la Russie gère ses autres minorités (Daghestan, Bouriatie ou Tchétchénie) peut aussi être convoquée. Pas vraiment d'exaltation des particularismes locaux non plus (à moins que, dans le cas de la Tchétchénie, porter au pouvoir un psychopathe assoiffé du sang de sa population après avoir rasé le pays rentre dans cette catégorie, la Tchétchénie : terre de contrastes...). 

Et tel que c'est parti (Boucha ou Marioupol) par exemple, on a plutôt l'impression que la Russie n'entend pas faire preuve de modération dans sa gestion des minorités dans les territoires qu'elle a conquis en Ukraine. 

 

Il y a 2 heures, Alexis a dit :

C'est un projet impérialiste ou colonialiste, c'est un projet au nom duquel beaucoup de violence a été commise depuis le 24 février, et encore plus pourrait l'être à l'avenir - je ne vois pas en effet comment exclure que la violence aille jusqu'au niveau de ce que subissent les Ouïghours. Mais ce n'est pas un projet génocidaire, ni au sens originel celui de la Shoah, ni dans le sens étendu "suppression d'une culture".

L'article du Figaro de ce jour rapporte un témoignage qui peut laisser penser l'inverse  

Citation

Le seul problème est venu de la bibliothèque de l’école. « Des Russes, des civils, sont venus et ont mené une inspection. Ils étaient furieux car nous avons beaucoup de livres en ukrainiens. Des romans, des poètes... je leur ai dit que, du temps soviétique, l’école ensei- gnait en ukrainien. Ils ont compris et sont partis en nous interdisant juste de faire des cours d’histoire. Du coup, l’école n’a jamais rouvert. »

Que penser, de plus, de la déportation en Russie de plusieurs centaines de milliers d'enfants ? Il a y quand même bien une notion de suppression de la culture. Ces enfants vont être éduqués comme des Russes. Ça fait partie des critères qui définissent un génocide selon la convention des Nation Unies de 1949.

Quand on parle de "dénazification", il y a bien une notion de profond changement culturel aussi. Je cite cet article :

Citation

Dans le même temps, le 3 avril, l’agence d’information officielle russe RIA Novosti, une voix autorisée du Kremlin, a publié une tribune, signée Timofeï Sergueïtsev, qui expose sans fard la signification du projet russe de « dénazification » de l’Ukraine4.

[...]

Cette dénazification, y est-il dit, «  sera inévitablement une désukrainisation  » et une «  déseuropéanisation  ». Il est impossible de citer ici l’intégralité de ce texte à la fois halluciné et très calculé, reposant sur  le procédé typiquement totalitaire d’une inversion méthodique du langage  : après avoir désigné comme «  nazi  » et complice d’un «  génocide du peuple russe  » tout Ukrainien qui refuse l’invasion russe, après avoir assimilé la démocratie pluraliste de type «  occidental  » à un totalitarisme nazi, l’auteur présente un programme de «  dénazification  » (dans la suite du «  processus de Nuremberg  », ose-t-il écrire) qui ressemble à s’y méprendre à ce qu’était le programme nazi dans sa partie impérialiste (distincte du projet d’extermination des juifs). Un «  nettoyage total  » des élites doit se prolonger dans la «  punition  » d’une «  partie importante des masses populaires  », qui sera réprimée par les moyens de la «  guerre  » avant d’être soumise à une «  rééducation  » totale qui ne pourra pas durer «  moins d’une génération  » et qui mettra fin à l’existence de l’Ukraine en russifiant sa population.

D'ailleurs Biden parle de génocide

Citation

Joe Biden a confirmé accuser son homologue russe Vladimir Poutine de commettre un "génocide" en Ukraine, mardi 12 avril, un mot jusque-là employé par le chef d'Etat ukrainien Volodymyr Zelensky mais jamais par l'administration américaine. "Oui, j'ai appelé ça un génocide", a répondu le président américain à des journalistes lors d'un déplacement dans l'Iowa, quelques heures après avoir évoqué ce terme lors d'un discours consacré à la lutte contre l'inflation.

"Il est de plus en plus clair que Poutine essaie simplement d'effacer l'idée même de pouvoir être un Ukrainien", a développé le président américain. Si "les avocats, au niveau international", trancheront sur la qualification de génocide, "pour moi, cela y ressemble bien", a-t-il assuré. Affirmant que les "preuves s'accumulaient"concernant les "choses horribles qu'ont faites les Russes en Ukraine", le démocrate a prédit que le monde "en découvrirait encore davantage sur la dévastation".

 

Tout ça pour dire, que génocide ou non (je ne vais pas ergoter sur les définitions), à tout le moins, je ne vois pas comment on peut affirmer que le projet russe en Ukraine a pour "résultat idéal" de ravaler la culture ukrainienne au rang de particularisme local. Si je me garderais bien d'arriver à une conclusion définitive, il y a plein d'indices qui laissent supposer l'inverse. 

Modifié par funcky billy II
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il y a 29 minutes, Wallaby a dit :

Tu remarqueras que je n'ai pas dit "Vichy" mais "les décisions du gouvernement Pétain" (16 juin - 10 juillet 1940) avant le vote des pleins pouvoirs et la fin de la IIIe République. Nuance.

C'est drôle parce que tu as encore moins d'arguments là-dessus.

Les décisions de ce gouvernement étaient inconnues de la grande majorité des Français, que ce soit les deux tiers de la population vivant dans les zones occupées et qui évidemment n'avaient pas accès aux nouvelles, ni les Français d'outre-mer qui ont été informés après coup, et pas plus les Français en-dehors de Bordeaux, le nouveau gouvernement ne souciant pas le moins du monde d'informer la population de ses décisions. La plupart ne seront connues que bien après et serviront largement à écorner l'image du Maréchal. L'armistice à ce moment-là est déjà vu comme un énorme échec étant donné que les Allemands s'installent et sont de plus en plus insistants. 

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Il y a 2 heures, U235 a dit :

Et nous serons de nouveau dans cette situation 8 ans plus tard, c'est la même logique qu'en 2014, apaiser l'appétit impérial de la Russie. Qu'est-ce qui vous fait croire que le monde, et surtout l'Ukraine, devrait faire confiance à la Russie après que celle-ci ait rompu de multiples traités relatifs à l'intégrité territoriale de l'Ukraine et à la cessation du conflit armé ? Il est étonnant qu'il y ait des gens qui croient cela après ce dont nous avons tous été témoins depuis que Poutine est au pouvoir.

 

En outre, si la faiblesse de la Russie plaide en faveur de l'argument selon lequel la Russie n'attaquera pas plus tard, elle plaide également en faveur de la restauration des frontières de l'Ukraine par des actions militaires.

 

En outre, qu'il y ait la paix ou non, la Russie mérite ses sanctions au moins tant que le régime en place existe.

 

Vraiment ? Des référendums dans des territoires qui sont probablement gravement dépeuplés par les Ukrainiens fuyant les bombes et l'occupation russes ? C'est absurde.

 

C'est à la Russie qu'incombe l'obligation de changer pour être accueillie à nouveau dans la communauté des nations civilisées. L'Occident ne lui doit rien. Pourquoi Zelensky devrait-il être destitué pour la commodité de l'ego russe ? Il a été élu démocratiquement par son peuple et ne fait qu'exécuter leurs souhaits de défendre leur patrie.

 

Imaginez un instant que la même attitude ait prévalu après l'occupation de la France par Hitler. "De Gaulle devrait être arrêté et forcé de négocier la paix et d'accepter les nouvelles frontières de la France telles qu'elles sont (Vichy)." Quelque chose me dit que vous trouveriez un tel arrangement tout à fait insatisfaisant.

Aussi, je suis fatigué de cette théorie selon laquelle cette guerre est en quelque sorte dans l'intérêt de l'Amérique. Elle nous fait absolument mal économiquement, donc je ne sais pas où vous avez lu qu'elle se passe bien ou même qu'elle est souhaitée. Elle contribue à l'inflation et nous conduit absolument à la récession, comme tout le monde. L'Amérique n'a pas choisi ou initié cette guerre. Il n'est pas dans l'intérêt de l'Amérique d'affaiblir ses principaux alliés occidentaux. Cette ligne de pensée provient d'un anti-américanisme très identifiable et n'est pas soutenue par les faits. L'Amérique ne veut pas que les démocraties occidentales soient vulnérables et l'Amérique veut un monde stable pour faire des affaires. Un conflit violent impliquant une puissance nucléaire, le plus grand pays par son territoire et un producteur d'énergie majeur est tout à fait préjudiciable à l'idéal de prospérité économique. Donc non, nous ne désirons pas cette guerre, n'avons pas commencé cette guerre et ne profitons pas de la merveilleuse prospérité de la guerre. En fait, la ligne de conduite la plus commode pour les Américains aurait été presque exactement l'inverse de ce qui a été fait, il serait très commode de dire "les Ukrainiens ne comptent pas pour nous, ils sont à l'autre bout du monde, nous voulons juste que Poutine soit satisfait afin qu'il ne ruine pas le cycle économique actuel".

Et moi je suis fatigué de ces comparaisons entre Hitler et Poutine, lisez ou relisez vos livres d'histoires sur la seconde guerre mondiale et la période qui l'a précédée en Allemagne. Comparer la Russie d'aujourd'hui à l'Allemagne de 1939 c'est à la limite du révisionnisme !

Quand aux USA je maintiens que cette guerre est pain béni pour l'establishment politico-militaire et aussi économique à terme car elle va laisser une Europe durablement affaiblie et peut être à nouveau divisée, mais sans doute moins effectivement pour ses populations les moins favorisées... but "who care ?", l'essentiel étant que les USA puissent continuer à être dominants et financer leurs déficits abyssaux... en attendant de s'occuper des chinois. 

PS : je n'ai jamais dit que Poutine était un saint...

 

 

 

Modifié par Yorys
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il y a 10 minutes, Ciders a dit :

Et encore une fois : Poutine, ce brillant stratège ! Ressouder l'OTAN, remettre les USA au centre du village, affaiblir la Russie, éliminer les dissensions européennes (au moins depuis un an), aucun bookmaker britannique n'aurait accepté de soutenir un pari pareil.

En fait, la Russie de Poutine... ne serait-elle pas plus proche de l'Italie de 1940 que de l'Allemagne nazie ? En termes technologiques, stratégiques, d'image et de direction opérationnelle ?

Bah tu vas peut être être étonné, mais j'y ai parfois pensé à cette comparaison entre Mussolini et Poutine, jusque dans ces images de virilité triomphante. La différence quand même c'est que jusqu'à présent il n'y a pas vraiment de culture proprement "poutinienne" en Russie, et surtout que Mussolini n'avait pas l'arme nucléaire...

Modifié par Yorys
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7 hours ago, Yorys said:

C'est quand même rigolo cette intransigeance, il n'est pas dit par tous ces gens qu'il faut tout lâcher à Poutine, il est dit qu'il faut que les belligérants recommencent à se parler, et que les exigences de Zelinsky (enfin son entourage politico-militaire hein), même si elles sont "justes" sont probablement irréalistes.

Il y a un "jusqu'auboutisme" Ukrainien qui interpelle quand même... ils semblent croire à une "victoire" sur les russes, si c'est au prix d'une Ukraine totalement ravagée et exsangue, la question que personne ne me semble se poser est : "est ce que ça en vaut la peine"... pour eux... dans la mesure évidemment où s'est effectivement possible en pratique ?

Sachant que le fantasme d'une Russie qui enchaînerait sur d'autres agressions, en particulier vis à vis de territoires OTAN, parait totalement hors de propos, et pour longtemps, vu l'état de son armée.

Sans parler d'une Europe durablement affaiblie, les seuls vrais vainqueurs de cette guerre seront les USA, on le sait déjà tous, et aussi peut-être la Chine si elle continue à manœuvrer intelligemment sans donner prise aux provocations.

Quand à la Russie, même après ce qui sera peut être considéré en interne comme une victoire partielle, les morts, les infirmes et les immenses faiblesses militaires conventionnelles démontrées par rapport à l'occident, couplées avec la baisse drastique de niveau de vie engendrée par des sanctions qui ne sont pas prêtes d'être levées, emmèneront forcément une remise en cause des dirigeants et une mise au premier plan de la question de la succession de Poutine.

A nous d'accompagner dans les 10-15 ans qui viennent la Russie dans une vrai "transition démocratique", qui obligera forcément à un règlement satisfaisant pour tout le monde des stigmates de ce conflit absurde. Entre temps l'Ukraine aura sans doute aussi changé de dirigeants, ou du moins d'état d'esprit.

Pour moi c'est clair : retour aux positions du 24 février et référendums sous supervision ONU ailleurs, mais d'abord il faut arrêter les combats, se parler et commencer à panser les plaies.

Je lisais les articles d'aujourd'hui dans Foreign Affairs, et à ma grande joie, j'ai lu cet article de Robert Pape qui (avec plus d'éloquence que moi) décrit l'absurdité de cette idée que l'Ukraine devrait être contrainte de négocier, cédant ainsi du terrain à la Russie, pour la paix (seulement temporaire bien sûr). J'ai placé la partie concernant directement la folie d'une politique d'apaisement dans la boîte à spoiler pour vous faire gagner du temps.

 

Apaisement et négociation avec Poutine:

Spoiler

en l'absence d'une stratégie efficace de marteau et d'enclume, il ne fait que perdre plus vite. La seule question est de savoir s'il acceptera un nouveau rideau de fer sé

Compte tenu de l'échec de la campagne de punition des civils menée par Poutine et de l'efficacité croissante de l'offensive terrestre ukrainienne assistée par des HIMARS, de nombreux commentateurs ont commencé à se demander comment la guerre pourrait se terminer. L'histoire montre que lorsqu'un adversaire est persuadé que des objectifs territoriaux spécifiques ne peuvent être atteints, il est probable qu'il concède ce territoire, tacitement ou officiellement, plutôt que de subir de nouvelles pertes inutiles. Mais cette forme de coercition - amener un adversaire à reconnaître que la prolongation d'une guerre est futile - est rarement bon marché ou facile. Même une coercition réussie prend généralement presque autant de temps et coûte presque autant que de mener une guerre à son terme. Cette leçon s'applique aisément à la guerre en Ukraine aujourd'hui.

Compte tenu des réalités militaires actuelles, ceux qui demandent aux États-Unis et à leurs alliés de persuader l'Ukraine d'accepter un accord à l'est demandent en fait à l'Occident de renflouer la Russie. C'est irréaliste pour deux raisons. Premièrement, l'Ukraine n'acceptera pas et ne devrait pas accepter. Ses forces ont le vent en poupe et ont toutes les raisons de s'attendre à de nouveaux gains territoriaux, et il serait insensé de les obliger à abandonner une position gagnante. Deuxièmement, la Russie pourrait accepter un accord à court terme, mais pourrait facilement le violer dans des mois ou des années. En bref, tout accord dans l'est de l'Ukraine a peu de chances d'être crédible s'il n'est pas soutenu par de puissants mécanismes de renforcement. Ces mécanismes devraient inclure des accords de respect des frontières internationales avec la présence d'une surveillance par une tierce partie, ainsi que des forces militaires, et seraient probablement nécessaires pour stabiliser toute fin de guerre, négociée ou non.

En attendant, les États-Unis et l'OTAN ont raison de renforcer leur soutien et de fournir des défenses aériennes supplémentaires à l'Ukraine. Ces mesures peuvent atténuer en partie les dommages causés aux civils par les attaques de la Russie et démontrer que l'attaque des centres urbains ne fait que renforcer la détermination de l'Occident et de l'Ukraine. En fin de compte, cependant, une fin de la guerre alors que le régime actuel reste au pouvoir en Russie nécessiterait probablement l'établissement d'une frontière militarisée dure, afin d'éloigner la Russie d'éventuelles conquêtes en Ukraine et dans d'autres régions d'Europe orientale. Comme pour le rideau de fer pendant la guerre froide, une telle frontière fortifiée aurait pour objectif crucial d'empêcher toute avancée dans les deux sens. Elle servirait également à dissuader toute offensive conventionnelle de l'une ou l'autre partie, en privant la Russie et l'Occident de la perspective d'incursions territoriales rapides.


Mais comme Poutine l'a clairement indiqué par sa rhétorique nucléaire croissante, le conflit ne se limite potentiellement pas aux armes conventionnelles. De nombreux Occidentaux, jusqu'à l'administration Biden comprise, ont tiré la sonnette d'alarme, à juste titre, sur la menace croissante d'un conflit nucléaire. Mais les conseillers militaires de Poutine lui ont probablement expliqué que le recours au nucléaire ne changerait pas grand-chose à son jeu perdu en Ukraine. Toute utilisation d'une arme nucléaire sur le champ de bataille entraînerait presque certainement des retombées nucléaires sur les forces militaires russes elles-mêmes, ainsi que sur les civils ukrainiens qui soutiennent la Russie. Elle accélérerait presque certainement l'effondrement des positions militaires russes en Ukraine et affaiblirait la capacité de la Russie à défendre son propre territoire contre une éventuelle escalade. En d'autres termes, Poutine risque aujourd'hui de perdre les positions de la Russie dans l'est de l'Ukraine, mais en se lançant dans le nucléaire, il pourrait risquer de perdre une grande partie de la Russie elle-même. Pour paraphraser le chancelier allemand Otto von Bismarck, ce serait se suicider par peur de la mort.

En effet, aussi meurtrières que soient ses bombes contre les civils, la Russie ne peut pas revenir sur ses échecs stratégiques en Ukraine, qui se manifestent déjà. Une fois que Poutine a perdu le pari que l'armée russe avait les moyens de vaincre et d'occuper toute l'Ukraine lors de la campagne éclair de février-mars, et une fois que l'Ukraine et l'Occident ont répondu en mobilisant une puissante coalition de contrepoids pour défendre le pays, les options de la Russie se sont réduites presque immédiatement. Depuis avril, beaucoup d'Occidentaux - et Poutine et d'autres en Russie - se contentent d'observer les conséquences inévitables de la série initiale d'erreurs de calcul qui ont conduit à cet échec massif.

Poutine peut punir les Ukrainiens, comme l'a montré sa campagne aérienne. Mais en l'absence d'une stratégie efficace de marteau et d'enclume, il ne fait que perdre plus vite. La seule question est de savoir s'il acceptera un nouveau rideau de fer séparant la Russie de l'Europe ou s'il continuera à se battre inutilement jusqu'au bout et risquera de perdre des parties de la Russie.

 

Article complet traduit en français:

Quote

Bombarder pour perdre
Pourquoi la puissance aérienne ne peut pas sauver la guerre perdue de la Russie en Ukraine

Par Robert A. Pape | 20 octobre 2022

Début octobre, confronté à d'énormes pertes territoriales et à d'autres revers en Ukraine, le président russe Vladimir Poutine a eu recours à une stratégie militaire dans laquelle la Russie devrait avoir un avantage décisif : la puissance aérienne. Dans le cadre de la campagne aérienne la plus étendue à ce jour, il a ordonné une série d'attaques de missiles contre une douzaine de villes et d'infrastructures électriques dans tout le pays. Les Ukrainiens ont été contraints de se réfugier dans des sous-sols et des abris anti-bombes, et quelque 30 % de la capacité de production d'électricité du pays a été mise hors service, provoquant des pannes de courant qui ont affecté les foyers, les hôpitaux et même le fonctionnement de base de l'économie. Dans les semaines qui ont suivi, la Russie a envoyé des vagues de drones pour attaquer des immeubles résidentiels et des bureaux à Kiev et dans d'autres villes. En fait, Poutine a rappelé au gouvernement ukrainien sa capacité à attaquer ses principaux centres de population - une menace que l'Ukraine, qui a mis au rebut les bombardiers de l'ère soviétique il y a longtemps, qui ne dispose pas de roquettes à longue portée capables de frapper les villes russes et qui n'a qu'un nombre minuscule d'avions d'attaque au sol, est incapable d'affronter. L'objectif, semble-t-il, est de punir les civils, de les épuiser dans l'espoir de convaincre leurs dirigeants de demander la paix.

Mais c'est une stratégie vouée à l'échec. Comme dans les phases précédentes de la guerre, la prétendue supériorité aérienne de la Russie n'a guère contribué à modifier la dynamique générale sur le terrain. Malgré les dégâts importants qu'elles ont causés, les frappes aériennes de Poutine n'ont pas réussi à entraver les avancées ukrainiennes dans l'est. Et lorsqu'elles ont atteint des cibles civiles, elles n'ont fait que renforcer la détermination des Ukrainiens.

En fait, le résultat paradoxal des campagnes de bombardement de la Russie suggère une idée plus importante de la puissance aérienne dans la guerre contemporaine. Pendant des décennies, le bombardement de zones civiles - aussi laid et immoral que possible en temps de guerre - a été l'une des stratégies les plus courantes utilisées par les États pour saper le moral de la population cible et inciter le gouvernement cible à se rendre. L'invasion de l'Ukraine par Poutine, et surtout sa récente escalade, n'a pas été différente. Mais comme l'ont démontré des dizaines de conflits au cours du siècle dernier, l'utilisation de la puissance aérienne contre des cibles civiles est presque toujours vouée à l'échec. Et à mesure que des pays cibles comme l'Ukraine se dotent de munitions terrestres plus perfectionnées, les failles de la stratégie de la puissance aérienne deviennent de plus en plus évidentes.

LE MYTHE DU MORAL BRISÉ
Les États modernes ont souvent cherché à punir les populations civiles de leurs adversaires. En général, il s'agit d'un moyen facile et bon marché de contraindre les gouvernements ennemis à faire des concessions, à battre en retraite, voire à se rendre purement et simplement. La stratégie aérienne la plus courante consiste à attaquer les civils, soit directement, en bombardant des zones résidentielles, soit indirectement, en endommageant l'infrastructure économique nécessaire à la distribution de nourriture, au chauffage des maisons et à l'alimentation électrique de l'économie civile.

L'idée a vu le jour pendant la Première Guerre mondiale, lorsque les dirigeants allemands, désireux d'éliminer le Royaume-Uni de la guerre, ont lancé des vagues de zeppelins - d'énormes ballons manœuvrables chargés de bombes - pour attaquer Londres et d'autres villes britanniques. Plus tard, ils ont ajouté des bombardiers aériens Gotha, tuant des centaines de personnes mais ne produisant aucun résultat, jusqu'à ce que la campagne de punition soit finalement abandonnée en 1917. D'autres partisans des bombardements stratégiques, comme le général italien Giulio Douhet, ont écrit des livres très influents dans lesquels ils affirmaient que les attaques aériennes massives sur les villes ennemies pousseraient les civils à se soulever et à exiger la reddition de leur gouvernement, ce qui permettrait de remporter la victoire sans avoir besoin de batailles terrestres désordonnées. L'Allemagne, le Royaume-Uni et les États-Unis ont rapidement développé leurs forces aériennes dans les années 1920 et 1930, tous fondant leurs doctrines sur le principe que les attaques directes ou indirectes sur les civils seraient la clé pour gagner les guerres modernes.

Ces stratégies de "durcissement" mises en œuvre par les gouvernements ont souvent été bien accueillies par leurs propres opinions publiques, car elles permettent d'obtenir des résultats tactiques immédiats et spectaculaires à un coût militaire minime pour le camp adverse et d'extraire ce qui est perçu comme une mesure de vengeance pour les actions du rival. Parfois, la puissance aérienne stratégique a eu des résultats notables sur le champ de bataille, comme lorsque la Royal Air Force du Royaume-Uni a réprimé des rébellions tribales en Irak dans les années 1920 et lorsque les avions allemands ont aidé l'armée nationaliste du général Francisco Franco à capturer des territoires pendant la guerre civile espagnole. Cependant, on oublie souvent dans ces cas que c'est la modification de l'équilibre militaire sur le terrain, plutôt que la punition des civils, qui a joué le rôle décisif.


Comme l'ont montré de nombreux autres conflits, les gains des stratégies de punition ont tendance à être de courte durée. Voyez ce qui s'est passé lorsque les bombardiers allemands ont bombardé Londres et d'autres villes britanniques en 1940-41, tuant plus de 50 000 personnes.
Tout comme le président ukrainien Volodymyr Zelensky aujourd'hui, le Premier ministre britannique Winston Churchill refusait de se cacher dans les abris anti-bombes et marchait dans les décombres, menant par des actions démonstratives et ralliant l'ensemble de la société à faire les sacrifices nécessaires à la victoire finale. Au lieu de briser le moral des troupes, le Blitz a motivé les Britanniques à lancer, avec leurs alliés américains et soviétiques, la contre-attaque qui a finalement permis de conquérir l'Allemagne nazie.

En effet, infliger une punition à des zones civiles est non seulement immoral, mais il a été démontré qu'il s'agit d'une stratégie singulièrement improductive pour faire pression sur un adversaire. Que la punition soit infligée massivement ou légèrement, rapidement ou lentement, qu'elle soit associée ou non à des propositions diplomatiques, l'histoire montre qu'il est également peu probable que le fait de blesser des civils contraigne des États rivaux à se rendre ou à conclure des accords permettant d'abandonner des territoires importants pour la viabilité de l'État ou l'identité nationale.

Il n'existe pas non plus de cas où une campagne de bombardement a amené la population ciblée à se révolter contre son propre gouvernement. Par exemple, dans plusieurs guerres majeures de la seconde moitié du XXe siècle, Washington a cherché à fomenter des soulèvements populaires contre les régimes ennemis en attaquant les infrastructures civiles. Ainsi, pendant la guerre de Corée, les États-Unis ont détruit 90 % de la production d'électricité en Corée du Nord ; pendant la guerre du Vietnam, ils ont coupé presque autant d'électricité au Nord-Vietnam ; et pendant la guerre du Golfe, les attaques aériennes américaines ont perturbé 90 % de la production d'électricité dans l'Irak de Saddam Hussein. Mais dans aucun de ces cas, la population ne s'est soulevée. Il est frappant de constater que les États-Unis n'ont pas pris la peine d'attaquer le réseau électrique ou les civils irakiens lors de leur invasion en 2003. En se concentrant plutôt sur une stratégie militaire efficace, ils ont pu facilement vaincre l'armée irakienne et renverser la dictature de Saddam en six semaines.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, bien sûr, les effets des bombardements alliés sur l'Allemagne et le Japon ont été beaucoup plus extrêmes. Les villes ont été bombardées et détruites par les forces américaines et britanniques ; plus de 300 000 civils allemands et 700 000 civils japonais ont été tués par des munitions conventionnelles - et plus de 20 % de la population de chaque pays s'est retrouvée sans abri. Pourtant, même à cette époque, aucune pression publique n'a été exercée sur les deux régimes pour qu'ils se rendent. Si les États-nations modernes qui se battent pour le contrôle de leur patrie peuvent résister à cela, il y a peu de raisons de penser que le bombardement relativement moins punitif des civils par la Russie en Ukraine amènera les Ukrainiens ou leurs dirigeants à céder.

LE MARTEAU A BESOIN DE L'ENCLUME
En revanche, la puissance aérienne s'est avérée efficace lorsqu'elle est utilisée pour atteindre des objectifs militaires plutôt que pour punir les civils. Guerre après guerre, la puissance aérienne de théâtre - qui écrase les forces terrestres ennemies et les affaiblit au point de permettre à ses propres forces terrestres de dominer une zone de conflit - peut constituer un puissant outil de coercition lorsqu'elle est associée à une puissance terrestre efficace. En 1972, les États-Unis ont contraint le Nord-Vietnam à cesser son agression conventionnelle en coordonnant leur campagne massive de bombardements Linebacker avec les forces de l'armée sud-vietnamienne. En 1991, les États-Unis ont réussi à contraindre Saddam à se retirer du Koweït en combinant la première campagne aérienne de précision moderne avec une coalition de forces terrestres. Et l'absence de puissance aérienne de théâtre peut sceller le destin d'une armée amie, comme l'ont découvert les États-Unis lorsque le Congrès a bloqué l'utilisation de la puissance aérienne américaine au Viêt Nam en 1974 et que Saigon est tombée l'année suivante. La leçon s'est répétée en Afghanistan, avec le retrait de la puissance aérienne de théâtre des États-Unis avant l'effondrement de l'armée afghane à l'été 2021.

L'utilisation combinée de la puissance aérienne de théâtre et des forces terrestres amies répond à une logique claire. Une fois que les guerres commencent pour de bon, la victoire devient primordiale. En temps de guerre, les dirigeants qui réussissent découvrent rapidement - parfois après avoir épuisé des stratégies moins coûteuses mais moins efficaces - que la clé d'une coercition réussie est le déni. En d'autres termes, les dirigeants qui réussissent se rendent compte qu'il n'y a pas d'autre option réaliste que de contrecarrer directement la capacité de l'ennemi à prendre ou à conserver un territoire. En d'autres termes, l'État qui exerce la coercition réussit dans la mesure où il peut empêcher son adversaire d'atteindre ses objectifs militaires.

Dans la guerre réelle, le déni fonctionne mieux grâce à la stratégie du "marteau et de l'enclume", dans laquelle la force combinée de la puissance aérienne et de la puissance terrestre place l'ennemi dans une impasse militaire : si l'ennemi concentre ses forces terrestres en grand nombre pour former des champs de tir épais et chevauchants, afin de mieux résister à un assaut terrestre, ces forces deviendront vulnérables depuis les airs, et le marteau de la puissance aérienne pourra les réduire en miettes.
Mais si l'ennemi disperse ses forces terrestres sur une vaste zone pour rendre plus difficile l'efficacité des frappes aériennes, il risque de les laisser éparpillées et exposées à une défaite facile sur le terrain, ce qui permettrait aux forces terrestres amies de submerger les unités ennemies isolées, de percer facilement les faibles lignes ennemies et d'encercler de vastes portions des forces ennemies.

De par ses propres guerres précédentes, la Russie aurait dû comprendre la nécessité de combiner la puissance aérienne et terrestre. Considérez ses prétendus succès dans la punition des civils en Tchétchénie dans les années 1990 ou à Alep pendant la guerre civile syrienne. S'il est vrai que les forces militaires russes ont arraché un lourd tribut aux populations civiles dans les deux cas, ce qui comptait en fin de compte était l'équilibre des forces sur le terrain. En Tchétchénie, la Russie a fait exploser des civils à Grozny en 1994, mais ses forces terrestres ont rapidement été vaincues par les rebelles, et l'armée russe a réussi à conquérir la république en l'envahissant avec une armée terrestre beaucoup plus importante en 1999. À Alep, ce sont les forces du dirigeant syrien Bachar el-Assad et du Hezbollah qui ont finalement fait la différence, en prenant rapidement le contrôle des zones bombardées par la Russie. Enlevez ces forces terrestres bien équipées et les campagnes aériennes de la Russie auraient presque certainement échoué.

À PARTIR DU SOL
Ces dernières années, on a beaucoup parlé des progrès réalisés dans le domaine des armes de précision, qui renforcent ostensiblement la puissance aérienne. Pourtant, les armes de précision d'aujourd'hui ne se sont pas révélées plus efficaces pour contraindre les ennemis en détruisant des cibles politiques et économiques dans des zones civiles, puisqu'il est depuis longtemps possible de détruire de telles cibles avec un grand nombre de bombes "muettes". Les armes de précision n'ont pas non plus rendu plus efficaces les stratégies visant les dirigeants de l'ennemi. Ces efforts ont échoué à plusieurs reprises contre divers ennemis, notamment contre Mouammar Kadhafi en 1986, Saddam Hussein en 1991, 1998 et 2003 (il a finalement été capturé par des forces terrestres) et les dirigeants du Hezbollah en 2006.

En outre, rien ne motive plus la base civile d'un ennemi que de tuer son chef. En avril 1996, la Russie a utilisé des missiles air-sol pour assassiner le dirigeant tchétchène Dzhokhar Dudayev, pour ensuite voir un nouveau dirigeant plus énergique prendre la relève, chasser les forces terrestres russes de la république et prendre le contrôle lorsque la Russie a envahi le pays avec des forces terrestres massives trois ans plus tard. Il y a des exceptions à ce schéma, mais elles ne font que confirmer la règle : le ciblage aérien des dirigeants d'Al-Qaïda au Pakistan de 2001 à 2010 a réussi à affaiblir le groupe, précisément parce qu'il avait si peu de soutien indigène au Pakistan.


La véritable innovation de la puissance aérienne de précision a été de renforcer la valeur de la stratégie du marteau et de l'enclume. Les armes de précision d'aujourd'hui permettent à la puissance aérienne de détruire plus facilement les troupes terrestres ennemies massées et d'attaquer d'autres cibles plus petites mais néanmoins essentielles sur le champ de bataille. Avant l'avènement de ces armes, la puissance aérienne pouvait rarement détruire les chars, les camions, les postes de commandement ou les ponts utilisés pour approvisionner les forces sur le terrain, même avec des milliers de bombes dirigées vers ces minuscules cibles. Aujourd'hui, les satellites, les capteurs avancés et les diverses plates-formes de bombardement habitées et non habitées peuvent localiser de manière fiable les forces ennemies concentrées afin de les détruire par des frappes de précision.

Cette révolution de la précision n'a jamais été aussi évidente que dans les forces militaires ukrainiennes. Avant même l'arrivée des armes de précision avancées en provenance de l'Occident au début de l'été, les forces ukrainiennes avaient été considérablement renforcées par la détermination à combattre que la stratégie d'invasion ratée de la Russie avait provoquée. Depuis lors, les forces ukrainiennes ont été en mesure d'utiliser la tactique du marteau et de l'enclume à l'avantage de Kiev, non seulement pour se défendre contre l'incursion initiale de la Russie, mais aussi pour repousser les forces russes, même dans des régions de l'est qui étaient bien mieux défendues. Ces tactiques ont été particulièrement efficaces contre les forces terrestres russes les plus retranchées et les mieux fortifiées sur le plan défensif dans les zones orientales du pays. Les triomphes de l'Ukraine dans ces situations ont été rendus possibles non pas par la puissance aérienne tactique mais par des armes terrestres avancées, telles que le système de missiles HIMARS. Il n'est pas exagéré de considérer que chaque batterie de missiles HIMARS - les États-Unis en ont fourni 16 à l'Ukraine et 18 autres sont en cours de livraison - possède la puissance et l'efficacité de combat air-sol de plusieurs avions F-16. Avec la flexibilité et la portée nécessaires pour se coordonner avec les forces terrestres ukrainiennes, ils peuvent être utilisés contre les forces russes dans une zone donnée, où qu'elles se trouvent.

Tout aussi important, la Russie a clairement montré par ses performances sur le champ de bataille qu'elle a à peine commencé à entrer dans l'ère de la précision. Le monde a pu constater à quel point une grande puissance dotée d'une armée énorme, mais encore largement équipée de "bombes à retardement", peut faire piètre figure face à un État beaucoup plus petit ayant accès à des armes de l'ère de la précision. L'armée russe perd régulièrement des territoires depuis de nombreux mois - en mars, avril et mai, près de Kiev et de la frontière avec le Belarus, et depuis le début de l'été, dans les territoires qu'elle venait de saisir à l'est.
Il n'y a aucune raison évidente de penser que les positions de l'armée russe antérieures à février 2022 dans l'est et en Crimée ne sont pas, en fin de compte, également vulnérables.

PERDRE L'UKRAINE, OU PERDRE LA RUSSIE ?
Compte tenu de l'échec de la campagne de punition des civils menée par Poutine et de l'efficacité croissante de l'offensive terrestre ukrainienne assistée par les HIMARS, de nombreux commentateurs ont commencé à se demander comment la guerre pourrait se terminer. L'histoire montre que lorsqu'un adversaire est persuadé que des objectifs territoriaux spécifiques ne peuvent être atteints, il est probable qu'il concède ce territoire, de manière tacite ou formelle, plutôt que de subir de nouvelles pertes inutiles. Mais cette forme de coercition - amener un adversaire à reconnaître que la prolongation d'une guerre est futile - est rarement bon marché ou facile. Même une coercition réussie prend généralement presque autant de temps et coûte presque autant que de mener une guerre à son terme. Cette leçon s'applique aisément à la guerre en Ukraine aujourd'hui.

Compte tenu des réalités militaires actuelles, ceux qui demandent aux États-Unis et à leurs alliés de persuader l'Ukraine d'accepter un accord à l'est demandent en fait à l'Occident de renflouer la Russie. C'est irréaliste pour deux raisons. Premièrement, l'Ukraine n'acceptera pas et ne devrait pas accepter. Ses forces ont le vent en poupe et ont toutes les raisons de s'attendre à de nouveaux gains territoriaux, et il serait insensé de les obliger à abandonner une position gagnante. Deuxièmement, la Russie pourrait accepter un accord à court terme, mais pourrait facilement le violer dans des mois ou des années. En bref, tout accord dans l'est de l'Ukraine a peu de chances d'être crédible s'il n'est pas soutenu par de puissants mécanismes de renforcement. Ces mécanismes devraient inclure des accords de respect des frontières internationales avec la présence d'une surveillance par une tierce partie, ainsi que des forces militaires, et seraient probablement nécessaires pour stabiliser toute fin de guerre, négociée ou non.

En attendant, les États-Unis et l'OTAN ont raison de renforcer leur soutien et de fournir des défenses aériennes supplémentaires à l'Ukraine. Ces mesures peuvent atténuer les dommages causés aux civils par les attaques de la Russie et démontrer que l'attaque des centres urbains ne fait que renforcer la détermination de l'Occident et de l'Ukraine. En fin de compte, cependant, une fin de la guerre alors que le régime actuel reste au pouvoir en Russie nécessiterait probablement l'établissement d'une frontière militarisée dure, afin d'éloigner la Russie d'éventuelles conquêtes en Ukraine et dans d'autres régions d'Europe orientale. Comme pour le rideau de fer pendant la guerre froide, une telle frontière fortifiée aurait pour objectif crucial d'empêcher toute avancée dans les deux sens. Elle servirait également à dissuader toute offensive conventionnelle de l'une ou l'autre partie, en privant la Russie et l'Occident de la perspective d'incursions territoriales rapides.


Mais comme Poutine l'a clairement indiqué par sa rhétorique nucléaire croissante, le conflit ne se limite potentiellement pas aux armes conventionnelles. De nombreux Occidentaux, jusqu'à l'administration Biden comprise, ont tiré la sonnette d'alarme, à juste titre, sur la menace croissante d'un conflit nucléaire. Mais les conseillers militaires de Poutine lui ont probablement expliqué que le recours au nucléaire ne changerait pas grand-chose à son jeu perdu en Ukraine. Toute utilisation d'une arme nucléaire sur le champ de bataille entraînerait presque certainement des retombées nucléaires sur les forces militaires russes elles-mêmes, ainsi que sur les civils ukrainiens qui soutiennent la Russie. Elle accélérerait presque certainement l'effondrement des positions militaires russes en Ukraine et affaiblirait la capacité de la Russie à défendre son propre territoire contre une éventuelle escalade. En d'autres termes, Poutine risque aujourd'hui de perdre les positions de la Russie dans l'est de l'Ukraine, mais en se lançant dans le nucléaire, il pourrait risquer de perdre une grande partie de la Russie elle-même. Pour paraphraser le chancelier allemand Otto von Bismarck, ce serait se suicider par peur de la mort.

En effet, aussi meurtrières que soient ses bombes contre les civils, la Russie ne peut pas revenir sur ses échecs stratégiques en Ukraine, qui se manifestent déjà. Une fois que Poutine a perdu le pari que l'armée russe avait les moyens de vaincre et d'occuper toute l'Ukraine lors de la campagne éclair de février-mars, et une fois que l'Ukraine et l'Occident ont répondu en mobilisant une puissante coalition de contrepoids pour défendre le pays, les options de la Russie se sont réduites presque immédiatement. Depuis avril, beaucoup d'Occidentaux - et Poutine et d'autres en Russie - se contentent d'observer les conséquences inévitables de la série initiale d'erreurs de calcul qui ont conduit à cet échec massif.

Poutine peut punir les Ukrainiens, comme l'a montré sa campagne aérienne. Mais en l'absence d'une stratégie efficace de marteau et d'enclume, il ne fait que perdre plus vite. La seule question est de savoir s'il acceptera un nouveau rideau de fer séparant la Russie de l'Europe ou s'il continuera à se battre inutilement jusqu'au bout et risquera de perdre des parties de la Russie.

A PROPOS DE L'AUTEUR :
ROBERT A. PAPE est l'auteur de Bombing to Win : Air Power and Coercion in War et professeur à l'Université de Chicago, où il dirige le Chicago Project on Security and Terrorism.

 

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il y a 8 minutes, FAFA a dit :

Je ne veux pas défendre bêtement les Américains, mais cette guerre est du pain béni pour l'industrie militaire occidental en général et ceci qu'elle soit américaine ou pas. Les fabricants de CAESAR ou d'obus de 155 mm en Europe pourraient le confirmer.

S'il y a un ouragan sur une région et que la moitié des toits de la localité que tu habites s'envolent, tu pourras dire que c'est du pain béni pour les couvreurs de la région et ce sera vrai. Cela ne veut pas dire pour autant que c'est de la faute des couvreurs et des charpentiers s'il y a eu un ouragan. Si il y a une canicule durant l'été et que les gens se précipitent pour acheter des climatiseurs et bien oui, les marchands de climatiseurs feront de belles affaires mais peut-on leur reprocher la canicule. L'occasion fait le larron.

L'opération spéciale russe a bouleversé l'ordre mondiale et ce genre de périodes engendre des opportunités pour certains et des catastrophes pour d'autres mais le moteur de ce changement se trouve au Kremlin.

On en revient aux causes profondes et historiques qui ont menées à cette guerre... vous mettez tout sur le dos des russes, bon c'est vrai que la décision débile de lancer l'invasion leur revient. Ceci dit quand on analysera dans le futur les tenants et aboutissants de ce désastre je suis assez convaincu qu'une part de responsabilité sera attribuée à certaines agences et à leurs "correspondants" ukrainiens.

 

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